On n’empêche pas un petit cœur d’aimer

Recueil de nouvelles de Claire Castillon.

Comme cela n’a aucun sens de résumer des nouvelles aussi courtes, je préfère vous livrer un extrait de chacune, pour vous allécher…

On n’empêche pas un petit coeur d’aimer – « Ils se voient sur les quais, entre deux trains. Elle vient retrouver son homme, échanger les valises, discrètement. Les gens doivent se demander quelle substance interdite elles peuvent bien contenir. Leur amour? Leur amour infertile. » (p. 10)

Gratin – « Je ne sais même plus pourquoi je me marie. Tu écoutes ce que je dis? Tu retires l’ail, hein, tu penses à mon gratin ? » (p. 20)

Salarié ou chef d’entreprise – « Quand même, c’est rassurant d’être salarié… / Oui. / Mais c’est minant de rester salarié. / Aussi. » (p. 24)

Une araignée au plafond – « Il a longtemps lutté, méprisé mes assauts, refusé mes regards, et ma main sous la table, mon pied contre son pied. Un temps, il a refusé de me voir. Je l’ai souvent fait rougir, obligé à regarder ses chaussures pour éviter mes cuisses, et admirer sa femme pour ne plus croiser mes yeux. » (p. 30)

Tolérance mille – « Mon mari est un idiot. Je vis chaque bêtise comme une injure et chaque sortie comme une épreuve. » (p. 35)

La grande plaine – « Au début, j’ai cru que ça passerait, j’ai tenu les voiles et soufflé le vent, il suffisait de l’aimer, mais ça fait des années, et ça ne cessera jamais, la boue est montée. » (pp. 42-43)

Haut-vol ! – « Pourquoi lisez-vous ce livre ? Vous suivez une analyse? Moi, j’ai arrêté le jour où j’ai compris que je cuisinais à des fins sexuelles et faisais l’amour pour des raisons morbides. » (p. 45)

La prunelle de mon œil – « Sa fourchette a ripé, elle a percé ma temps, mais c’est l’œil qu’elle visait. Quelques points de suture, de l’alcool, un baiser, et c’était oublié. Depuis je préfère regarder mes pieds. On n’empêche pas les femmes de vivre, on les laisse parler et, pire, marcher dehors. On se fiche que la mienne ne puisse plus le supporter. » (p. 51)

Petit coeur – « Tu es un radin, radasse, de la pire espèces des pingres, et maintenant que je crève, je te dis juste combien j’ai eu froid, voilà. » (p. 58)

Bêtes à concours –  « Tes membres doivent sentir qu’ils sont liés prisonniers. Quand je te libérerai, tu auras envie de danser. » (p. 62)

Corvée de liberté – « Si tu as envie d’aboyer, va donc au travail, et fais des heures supplémentaires. Ici, tu obéis. » (p. 67)

La douleur, il faut la tuer – « Pour faire taire le malheur, c’est vrai, on peut chanter. Mais pour vaincre la douleur, il faut la tuer. » (p. 77)

Cellule familiale – « Mon mari et moi avons toujours été extrêmement pointilleux sur la communication dans notre couple. Dès le début, nous avons posé la question: devions-nous, chacun, garder notre jardin secret? Nous avons jugé ces enfantillages dépassés. […] Alors, je lui dis tout, et lui, en retour, ne me cache presque rien. » (p. 81)

Petite femme –  « Je n’ai jamais vu d’enfant aimer aussi fort son père, et l’appeler ainsi mon papa. Elle est faite pour un seul homme, pourtant il la trompe, c’est sûr. »  (pp 88-89)

J’effraie – « Il paraît que mon caractère en impose. Je ne veux pas, pour autant, rester célibataire. Une occasion de trouver chaussure à son pied ne se refuse pas. » (p. 93)

Arrache-coeur – « C’est l’histoire de deux âmes qui doivent finir d’aimer. L’une parce qu’elle est vieille, l’autre parce qu’elle se sent chassée. L’homme ne veut plus de la femme, il la trouve trop jeune. Elle ne jure que par lui, elle voudrait le garder. » (p. 99)

Scène de ménage – « Ne dis rien à ta sœur, elle a eu assez de peine avec ses histoires d’hommes. » (p.111)

Mort au rat – « La nuit, il est gentil ; quelquefois, il m’embrasse dans le cou. Mais dès que j’ouvre un œil, je deviens son objet, ou parfois sa souris de laboratoire. » (p.117)

Thérèse déchirée – « Hier la serveuse a admiré le joli couple que je formais avec ma maman. Alors, Thérèse m’a reproché de ne jamais l’embrasser en public, d’être trop peu démonstratif. » (p. 120)

Voyages – « Tu disais de ta vie qu’elle serait un voyage, j’avais terminé le mien aux coins de ton visage. Je t’ai fait disparaître. » (p. 126)

Train-train – « Maintenant que tu sais les écrire, les envoyer, les effacer, tu pourras lui demander comment les éviter, les erreurs ? » (p. 133)

Une belle indifférence –  « Quelquefois, je me dis que, si je m’en allais, si je quittais mon mari, peut-être que je reverrai de nouveau. » (p. 138)

Nos enfants ingrats – « Finalement, je ne sais pas pourquoi on les attend chaque soir, on est très bien ici, tous les deux, comme avant… On aurait jamais dû avoir d’enfants. Même loin d’eux, tranquilles, on y pense. » (p. 148)

L’amour est mis à mal dans ce recueil. L’adultère, l’inceste et le vice ne sont pas les atteintes les plus douloureuses qu’on lui porte. L’auteure voulait intituler le recueil Infect. Et c’est bien ce que nous lisons, des amours infectes, des salissures d’amour, qui engendrent dégoût et répulsion mais qui suscitent aussi une macabre fascination et un intérêt trouble, avec une question ultime: peut-on faire pire ? Non, c’est impossible, et pourtant…

Je n’ai pas apprécié tous les textes. Certains souffrent d’une narration trop tordue et d’autres sont vraiment trop dérangeants. Mais ce recueil se lit rapidement et réserve des surprises de taille !

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