Soirée tranquille au commissariat. Le lieutenant Gilles Pontoise attend la fin de sa permanence pour être enfin en repos. Mais voilà qu’entre une femme qui veut être arrêtée. Elle s’accuse du meurtre de son mari, décédé des années plus tôt. Et elle veut être arrêtée parce que le délai de prescription échoit le lendemain. « Mais il faut bien finir par dire la vérité… » (p. 88) Après avoir raconté son histoire de femme battue et effrayée, elle attend toujours d’être arrêtée. Mais le lieutenant Pontoise refuse d’incarcérer la coupable. « Mais comment va-t-il pouvoir ne pas l’arrêter jusqu’à minuit ? » (p. 76) Cette femme qui s’accuse, pour lui, il est impossible de la mettre sous les verrous.
Le meurtre est horrible et les remords de la coupable sont à la hauteur du crime. Mais la femme a sauvé sa vie et probablement celle de ses enfants. C’est ainsi ce qui devait être l’arrestation d’une criminelle devient la confession d’un policier. D’abord pour gagner du temps, puis parce qu’il a besoin de s’ouvrir, Gilles Pontoise parle de lui, de ses attentes, de ses réussites et surtout de ses échecs.
Cette coupable victime, anonyme, se désespère : même si son existence est un échec, sa culpabilité l’emplit de noblesse. Dommage que rien n’aille comme elle le voudrait. « Tout dans sa vie aura été loupé : son mariage, ses enfants… même son arrestation aura été loupée ! » (p. 134) Ce roman de Jean Teulé, c’est un peu le chapitre manquant entre Darling, femme suppliciée, et Longues peines, chroniques carcérales. Le roman se lit très vite et il s’inscrit dans l’œuvre générale de Jean Teulé. C’est un autre fait divers romancé, non pas sublimé parce qu’il est soumis au traitement littéraire, mais sublimé parce qu’on lui a prêté attention. Il n’y a pas d’histoires insignifiantes, seulement des histoires minuscules qui attendent une loupe. Et Jean Teulé est une loupe de grand talent.