Roman graphique de Catel Muller (dessins) et de Jose-Louis Bocquet (scénario).
Née à Montauban, Marie Gouze est une petite fille pleine d’énergie et de questions. La rumeur la veut bâtarde, fille de Jean-Jacques Lefranc de Pompignan, mais Marie est élevée comme l’enfant du boucher Gouze. Devenue une jeune femme instruite et curieuse, elle est contrainte par sa famille à épouser un officier de bouche. « Je préfère la fréquentation des livres à celles des tripes. » (p. 70) Louis-Yves Aubry succombe à une fièvre peu de temps après le mariage. Veuve à 18 ans, Marie, qui se fait désormais appeler Olympe de Gouges, n’a aucun désir de se remarier. « Mon fils n’a plus de père et pourtant je me réjouis d’être une femme sans époux… Le malheur divin est ma providence ! Comment puis-je être une bonne chrétienne ? » (p. 90) Pour la jeune veuve, cette indépendance de corps et d’esprit et précieuse et elle est bien décidée à élever son fils Pierre dans les principes des Lumières. Alors, pour l’endormir, quoi de mieux que de lui lire des passages de Manon Lescaut, le sulfureux roman de l’abbé Prévost !
« Une femme ne peut pas rester seule dans ce monde. / Seule ou libre ? » (p. 112) Olympe a choisi, elle sera libre, mais jamais seule. Elle devient la maîtresse de Jacques Biétrix de Rozières, riche entrepreneur. Elle refusera toujours de l’épouser, mais l’homme sera généreux et lui assurera sa protection toute sa vie. Résidant désormais à Paris, Olympe ne tarde pas à fréquenter les cercles des érudits et des libres penseurs. Son esprit fait mouche et elle commence à écrire : romans, pièces de théâtre, pamphlets et autres textes lui assurent rapidement une renommée et une reconnaissance dans le monde des lettres, même si ses écrits ne plaisent pas à tout le monde.
Généreuse, passionnée, engagée et résolue à combattre toutes les injustices et toutes les inégalités, elle assiste aux États Généraux qui se tiennent à Versailles et au Jeu de Paume. « La Nation doit comprendre l’injustice qui est faite aux femmes. J’ai défendu les Noirs ; mes sœurs sont-elles mieux traitées ? » (p. 320) Oui, la déclaration des droits de l’homme est une belle chose, mais les femmes y sont oubliées. « Si les femmes sont reconnues responsables et punissables par la justice, alors on doit leur donner accès à l’urne et à la tribune. » (p. 328) Olympe fait de l’égalité des femmes son cheval de bataille et rédige avec ferveur la déclaration des droits de la femme et de la citoyenne. Hélas, à force de dénoncer les excès et les défauts des révolutionnaires, elle s’attire les foudres des meneurs du soulèvement et son patriotisme est remis en cause. Elle finira guillotinée, comme tous ceux qui dérangent par leurs faits, leurs écrits et leurs pensées.
Au fil des pages, on croise Bernardin de Saint-Pierre, Condorcet, Benjamin Franklin, Danton ou au Palais Royal, partout où la Révolution s’écrit. L’ouvrage s’achève sur une chronologie très détaillée de la vie et de l’œuvre de la belle Olympe, ainsi sur des notices biographiques de tous les personnages cités. Chaque chapitre présente une date et un lieu et la page liminaire de chacun d’eux est comme une gravure fine et délicate. Un grand bravo à Catel Muller poura voir si bien rendu les vêtements de l’époque ! Ce roman graphique en noir et blanc est un très bel hommage à la figure fondatrice du féminisme social et éclairé. En ces jours où les Femen s’exposent à moitié nues pour revendiquer les libertés de la femme, il semble que le combat d’Olympe doit continuer, et de plus belle.