L’arbre du pays Toraja

Roman de Philippe Claudel. À paraître le 30 décembre.

Sur l’île de Sulawesi, en Indonésie, le narrateur a rencontré les Toraja. Ce peuple a des rituels funéraires très particuliers, dont un qui consiste à confier la dépouille des enfants à un arbre afin que les jeunes défunts grandissent en étant portés par la végétation. « L’existence de ce peuple est obsessionnellement rythmée par la mort. » (p. 5) La mort, hélas, le narrateur n’est pas préparé à y faire face quand son meilleur ami, Eugène, est foudroyé par un cancer. Le temps passe, les proches s’éloignent ou disparaissent. Le narrateur s’interroge sur l’apparition des maladies, la dégradation du corps et la jeunesse que l’on voudrait conserver. Lui-même vieillit : il a vu les enfants de ses amis grandir et son amante est bien plus jeune que lui. Comment faire face au temps qui file et aux êtres qui nous quittent ?

Ce beau roman, comme nombre de ceux de Philippe Claudel, pose des questions sur la mort, le deuil et l’existence. Quel souvenir garde-t-on de nos défunts ? Qu’est-ce qui disparaît de nous avec eux ? « Nous autres vivants sommes emplis par les rumeurs de nos fantômes. » (p. 28) À l’instar du narrateur, le lecteur entend résonner une évidence difficile à affronter : il ne faut pas laisser la mort prendre toute la place, mais il ne faut pas l’ignorer pour autant. Finalement, il faut vivre sans oublier la mort, mais sans en faire un horizon. « Quel est le plus haut degré du vivant ? Y aurait-il différents états qui nous permettraient de distinguer si l’on est plus ou moins vivant ? » (p. 60)

Le narrateur est un cinéaste qui travaille sur un scénario La fabrique intérieure. Cette fabrique, c’est celle qui produit et conserve les souvenirs, celle qui continue de faire grandir les êtres que l’on a perdus. De cette fabrique naissent aussi les films du narrateur, comme autant de manifestes de la vie. « J’ai depuis longtemps compris que nous ne faisons pas des films, mais qu’ils naissent de nous et se dessinent comme ils l’entendent, au moment qu’ils ont choisi. » (p. 8)

Le roman est traversé de grandes figures de la culture contemporaine : Beth Gibbons, Milan Kundera, Jean-Luc Godard ou Michel Piccoli. Ces êtres sont autant d’étoiles qui fileront, mais qui brillent encore intensément et qui illuminent l’existence de ceux qu’ils croisent. Cette lumière, chacun de nous la porte, et elle réchauffe ceux que nous n’oublions pas.

Ce contenu a été publié dans Mon Alexandrie. Vous pouvez le mettre en favoris avec ce permalien.

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.