La blanchisserie

Roman de Tarjei Vesaas.

Johan Tander possède une blanchisserie florissante. Il forme un couple solide avec Élise, son épouse. Mais tout a changé depuis l’arrivée de Vera. « Vis-à-vis d’elle, il avait senti se développer en lui un absurde sentiment de propriété. » (p. 11) Éperdument amoureux de la jeune femme, Tander est follement jaloux de Jan Vang, son prétendant. Il s’est juré de le tuer pour que personne ne lui prenne Vera. « Immobile, il est tout entier sous l’effet de ce qui le ravage. » (p. 8) Élise a compris ce qui ronge son époux. Pour l’aider, elle inscrit quelques mots sur un mur, à la vue de tous. Commence alors une cruelle journée pour Tander, entre rage et honte : il mobilise toute sa volonté pour ne pas mettre à bien son terrible plan. Le jour poursuit sa course et Tander ne trouve de soutien nulle part. Son épouse est inaccessible, ses employées ne le respectent pas. « L’aide que j’ai demandée m’a été refusée. Et quand je regarde le mur, je vois toujours un passant en train de déchiffrer ma  honte. » (p. 115) De son côté, Jan sent que Tander est animé de mauvaises intentions à son encontre. Alors qu’il cherche sagement à éviter le chemin du blanchisseur, il le trouve sans cesse sur sa route. Plein de peur et de colère, Jan finit par s’élever contre celui qui le harcèle et l’irréparable a lieu. « Que vienne l’obscurité et qu’on en finisse, se met-il à souhaiter. Peu importe ce qui s’ensuivra. » (p. 47)

Ce roman m’a rappelé Les chevaux noirs : on trouve dans ces deux textes des hommes à qui la chance a souri, mais qui sacrifient tout au nom d’une passion irraisonnée. La blanchisserie devient un espace étouffant, un théâtre sinistre où l’atmosphère s’épaissit à mesure que les mauvaises paroles s’échangent. Et il y a Krister, ce vieil homme obsédé par le désir d’avoir une chemise propre avant de mourir et qui, telle une Cassandre moribonde, annonce le pire dans l’indifférence générale. Dans ce roman, Tarjei Vesaas installe une étrange ambiance : il en faudrait peu pour sombrer dans la paranoïa. De cet auteur, je vous recommande encore et encore Les oiseaux, Le germe ou Palais de glace.

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