Stéphanie et Guillaume sont en couple depuis dix ans. C’est un amour de vacances qui a tenu le choc, qui a résisté au temps qui passe, aux études et à l’entrée dans la vie adulte. Mais résistera-t-il au désir d’enfant ? « La faim dans ma tête. Le manque qu’aucune nourriture terrestre ne peut combler. » (p. 17) Alors que les copines de Stéphanie tombent enceintes les unes après les autres, elle reste nullipare. Pas nulle, mais sans enfant. « Trinquons au bonheur des autres ! En se regardant dans les yeux, dans les yeux surtout, sinon ça ne compte pas. » (p. 191) À 28 ans, ce n’est pas si grave, mais tout de même, elle se questionne. A-t-elle fait quelque chose qui a mis en danger ses chances d’avoir un bébé ? Est-ce Guillaume qui a un problème ? Il est pourtant parfait sous tous les rapports, pendant tous les rapports. Commencent les consultations chez le gynéco, chez les spécialistes. S’enchaînent les conseils plus ou moins bienveillants de la part des proches : tout de même, si elle n’arrive pas tomber enceinte, ça doit bien être de sa faute. Entre la désinvolture du personnel médical et les reproches qu’elle s’adresse à elle-même, entre les piqûres d’hormones et les relations sexuelles programmées, Stéphanie sent bien qu’elle se fait plus de mal que de bien au nom d’un désir qui a viré à l’obsession. Il est temps de dire stop au traumatisme des examens sur le corps, sur le sexe et sur le désir, temps de se libérer de ce qui semblait figé, éternel. Pour Stéphanie, il est temps de commencer, de recommencer à vivre, d’abord pour elle avant de penser à un enfant. C’est en lâchant prise, en se rendant disponible pour elle-même qu’elle sera vraiment disponible pour le petit être qu’elle attend tellement.
Ce roman m’est entré en pleine face. Collision violente et bienfaisante. La narratrice a mis les mots sur ce qui m’obsède depuis quelque temps, la maternité. Dans une sorte de journal qui saisit des instantanés de pensée, des paroles lancées au vol, des extraits de carnet rose et des citations d’œuvres en tout genre, Stéphanie compile le pire comme le meilleur de ce qui peut entourer l’arrivée ou l’attente d’un enfant. À grand renfort de pensées magiques, comme « J’aurais un bébé dans le ventre avant la fin de la boîte de tampons, je l’ai décidé. » (p. 42), elle conjure le mauvais sort et les difficultés. Il paraît qu’un couple sur cinq rencontre des difficultés au moment de fonder une famille : Stéphanie et Guillaume seront-ils ce couple ? Entre souvenir et quotidien, Stéphanie doit surtout définir si elle sera cette femme qui se laisse dicter son exigence au nom des conventions sociales. Avec une plume moderne, efficace et directe, Sophie Adriansen parle très bien de cette grande question contemporaine : pour être femme, faut-il être mère ? Et comment faut-il être mère ? Ou plutôt, comment être femme ? C’est un très beau texte qui n’assène pas de réponses.
De cette auteure, lisez aussi Quand nous serons frère et sœur, Louis de Funès – Regardez-moi là, vous ! ou encore Grace Kelly – D’Hollywood à Monaco, le roman d’une légende.