Carnets noirs

Roman de Stephen King.

1978. L’écrivain John Rothstein a pris sa retraite et vit reclus dans sa maison du New Hampshire. Le sort qu’il a réservé à son personnage fétiche, Jimmy Gold, n’a pas plu au jeune Morris Bellamy. « T’as créé l’un des plus grands personnages de la littérature américaine, puis tu lui as chié dessus […]. Un homme capable de faire ça mérite pas de vivre. » (p. 16) Morris assassine le vieil auteur et lui dérobe les centaines de carnets manuscrits qu’il a remplis depuis qu’il s’est retiré de la scène littéraire. Il espère y trouver une explication au sort de Jimmy Gold, voire une réhabilitation de son héros. Hélas, le crime ne paye pas et Morris se retrouve à l’ombre pour de nombreuses années sans avoir eu le temps de lire les précieux carnets de Rothstein.

2010. Tom Saubers était dans la foule qui a été fauchée par Mr. Mercedes. Grièvement blessé aux jambes, il ne peut plus survenir aux besoins de sa famille qui s’enfonce de plus en plus dans la précarité. Jusqu’au jour où son fils, Pete, trouve une malle pleine de carnets manuscrits et d’argent. « Les carnets étaient une preuve de crime autant qu’un trésor littéraire. Mais c’était un vieux crime, de l’histoire ancienne. Mieux valait ne pas remuer le passé. Pas vrai ? » (p. 99) Conscient des difficultés de sa famille, le garçon envoie l’argent par petites sommes à ses parents, de manière anonyme, et il se plonge avec délice dans les carnets. Tout se gâte quand, en 2014, Pete envisage de vendre les carnets et que Morris Bellamy sort de prison, bien décidé à lire enfin l’œuvre inachevée de Rothstein.

Et c’est là que nous retrouvons ce vieux Bill Hodges, flic retraité nargué par Mr Mercedes, fou dangereux qu’il a réussi à mettre hors jeu. Hodges va mieux que jamais après sa crise cardiaque et il travaille à son compte en attrapant de vilains bonhommes. Les années ont passé, mais il reste étrangement fasciné par Brady/Mr Mercedes et lui rend régulièrement visite dans la clinique où il végète et où d’étranges événements ne manquent pas de faire naître des rumeurs insensées. Néanmoins, quand il s’agit d’arrêter un autre fou dangereux, Bill Hodges est sur le coup et, avec ses comparses Holly et Jerome, il va sortir Pete du pétrin dans lequel il s’est fourré.

Ce deuxième volet de la trilogie consacrée à Bill Hodges est fichtrement bon ! Le vieux flic n’arrive qu’à la moitié du roman, mais l’auteur en a profité pour installer une bonne ambiance de peur viscérale. La continuité avec Mr Mercedes est élégante et jamais envahissante et quelque chose me dit que le dernier volume, à paraître en mars, va concerner Brady qui n’est pas si amorphe qu’il y paraît. Mention spéciale pour la description de la foire à l’emploi où Brady a lancé la Mercedes volée, décrite du point de vue de Tom Saubers. Évidemment, le triste sort de John Rothstein n’est pas sans rappeler Misery et les déboires d’un auteur aux prises avec une fan exigeante et délirante, mais aussi Histoire de Lisey où un lecteur trop exalté est persuadé que son auteur fétiche est mort en laissant des textes inédits.

Je préfère toutefois le titre original, Finders Keepers, qui aussi le nom de l’agence de Bill Hodges. En gros, celui qui trouve garde et c’est exactement ce qui se passe avec les précieux carnets de Rothstein. Et comme ce bon vieux Stephen King n’est pas qu’un auteur, mais également un lecteur, voici un extrait criant de vérité. « L’une des révélations les plus électrisantes dans une vie de lecteur, c’est de découvrir qu’on est un lecteur – pas seulement capable de lire […], mais amoureux de la lecture. Éperdument. Raide dingue. Le premier livre qui donne cette impression ne s’oublie jamais et chacune de ses pages semble apporter une nouvelle révélation qui brûle et qui enivre. » (p. 122) Après ce roman, j’ai envie de lire les romans de John Rothstein et de rencontrer son héros, Jimmy Gold. Oui, je sais bien que les deux sont des pures inventions du King, mais parfois, au détour d’un extrait ou d’une évocation, je me prenais à rêver d’une trilogie américaine si puissante que des hommes soient capables de tuer pour en connaître la suite. À défaut, j’attends avec impatience le dernier tome de la trilogie et j’ai dans l’idée que Bill Hodges va morfler…

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