Phil Ochs – Vie et mort d’un rebelle

Biographie de Marc Eliot.

Quatrième de couverture – Bob Dylan excepté, le plus important auteur-compositeur et interprète de la chanson nord-américaine des années 60 fut certainement Phil Ochs – bien que sa renommée n’ait que fort peu traversé l’Atlantique. Avec un talent et un courage peu communs, il traita en chansons la plupart des grands problèmes politiques nationaux et parfois internationaux d’une décennie particulièrement effervescente : de l’invasion américaine manquée contre Cuba jusqu’au Watergate et à la chute de Nixon, en passant par l’assassinat de Kennedy, la lutte pour l’égalité raciale, le soutien aux mineurs du Kentucky, l’opposition à la guerre du Vietnam, la résistance des peuples d’Amérique latine contre l’impérialisme (il organisa en 1974 à New York un immense gala de soutien au peuple chilien, avec la participation très remarquée de Bob Dylan). Au fil de sa vie courte et mouvementée, Phil Ochs connut plus ou moins intimement – de la rencontre occasionnelle à l’amitié profonde et durable – des personnages célèbres et divers, chanteurs (Bob Dylan, Pete Seeger, Tom Paxton, Joan Baez, Judy Collins, Victor Jara), activistes d’extrême gauche (comme Jerry Rubin avec qui il forma le mouvement Yippie), politiciens libéraux (Eugene McCarthy, Robert Kennedy ou Ramsey Clark) ou dessinateurs « underground » (Ron Cobb). Mais Phil Ochs ne fut pas seulement un « protest-singer » virulent ; la seconde phase de sa carrière créatrice, sans renier la première, la dépasse et lui donne un éclairage plus puissant, en débouchant sur des thèmes lyriques et philosophiques qui dévoileront un artiste véritablement majeur : poète, mélodiste, vocaliste, journaliste, agitateur d’idées nouvelles et parfois prophétiques. Malgré l’enthousiasme et le nombre de ses fans fidèles, Phil Ochs ne devint jamais une star ni un gros vendeur de disques. Tiraillé entre ses propres contradictions, l’évolution générale de la société américaine et de la jeunesse, et les affres du show-business, ne parvenant plus à écrire, à partir de 1970 il sombra dans l’alcoolisme et la dépression nerveuse, qui le conduisit finalement au suicide. Il laisse néanmoins une œuvre qu’il est plus que temps de découvrir.

Il est toujours vain de vouloir résumer la vie d’un homme quand on lit sa biographie. La quatrième de couverture fait assez bien le boulot ici. J’ai découvert Phil Ochs grâce à Stephen King, dont l’un des courts romans publiés dans Cœurs perdus en Atlantique s’articule autour de la chanson I Ain’t Marching Anymore. Si le King dit que c’est bon, il faut forcément que je jette un œil/une oreille. Voilà plusieurs années que je suis émue dès que j’entends les chansons de cet ancien enfant rêveur, journaliste chantant, opposé à la guerre et à l’impérialisme. Écorché vif, éternel insatisfait, idéaliste, Phil Ochs est le poète maudit de la folk music. « Politique et musique étaient deux aspects importants, bien que séparés, de ses talents naissants. » (p. 50)

Il est dommage que les chansons ne soient présentées que dans leur traduction française, sans rappel des textes originaux. Pour vous faire une idée de la voix et du talent de Phil Ochs, écoutez les incontournables I Ain’t Marching Anymore, Crucifixion, Pleasures of The Harbor, Santo Domingo, A Tape of California, The War is Over, I’m Gonna Say It Now. Dans ses chansons, Phil Ochs proteste, accuse et revendique, mais ce qu’il cherche avant tout, c’est à plaire à tous ceux qui l’écoutent. « Il leur aurait donné n’importe quoi. Tout ce qu’il voulait en retour, c’était leur amour sous la forme d’un tube. » (p. 132)

Le seul reproche que j’ai à faire à ce texte est son style lyrique, parfois jusqu’au délire. Nous sommes moins devant une biographie d’artiste que devant l’hommage d’un fan. « J’ai décidé d’écrire ce livre le lendemain du suicide de Phil Ochs. » (p. 13) Mais c’est finalement assez pardonnable : la personnalité de Phil Ochs, très humaine et très sensible, ne peut pas laisser de marbre. « J’ai pris des leçons pour pouvoir jouer les chansons de Phil à la guitare : je voulais sentir ce que ça faisait de promener mes doigts sur sa musique. » (p. 14) L’émotion de Marc Eliot est largement partagée grâce au livret de photos placé au centre du livre. On découvre Phil Ochs à divers âges de sa vie : enfant, adolescent, jeune homme et jusqu’à la veille de sa mort.

Après avoir lu cette biographie, tout en écoutant les chansons de Phil Ochs, quasiment toutes disponibles en plus ou moins bonne qualité sur YouTube, je n’ai qu’une envie, trouver enfin les albums de cet artiste qui m’émeut tant.

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