Biographie de Titiou Lecoq.
« Parce qu’il a réussi sa vie en passant sa vie à la rater, Balzac est mon frère. » Avec ce sous-titre, l’autrice donne le ton : elle est mordue d’Honoré et elle va nous en parler avec décontraction et tendresse. Ne vous attendez pas à une biographie rigoureuse : ici, il faut suivre le mouvement, et Dieu sait que Balzac ne savait pas rester en place très longtemps, soit à la suite de la belle Ève Henska , soit pour échapper aux huissiers. Le centre de cette biographie, c’est précisément ça : Honoré de Balzac était constamment fauché, endetté à des hauteurs qui touchent au sublime, et férocement frustré de ne pas avoir une tune. Sa solution : continuer à dépenser, encore et sans compter, ce foutu argent qu’il n’a pas. « Balzac vit son propre roman, avec une peau de chagrin virtuelle. »(p. 82) Et si vous pensez que Titiou Lecoq exagère, voyez son graphisme de la dèche balzacienne en fin d’ouvrage. C’est peu dire que l’Honoré devait de l’argent à tout Paris !
« Passe encore qu’il soit à moitié édenté et court sur pattes, mais on ne lui pardonne pas d’avoir le même visage que le charcuter du coin tout en prétendant être un artiste. » (p. 59) Qualifié d’épicier des lettres par quelques fâcheux critiques, Balzac était un travailleur acharné, convaincu de son génie littéraire et de son sens des affaires. La postériorité lui reconnaît le premier sans aucun doute, mais pas vraiment le second tant l’auteur était malchanceux dans ses investissements et ses plans commerciaux.
Avec humour et une prose enlevée, volontairement potache, Titiou Lecoq parle de cet auteur qu’elle a redécouvert à l’âge adulte. Je lis les romans de Balzac avec patience, car je sais qu’il demande de l’endurance. J’ai certes dévoré Émile Zola en quelques mois, mais La Comédie humaine, c’est un plus gros morceau !
Je vous laisse avec quelques extraits de cette sympathique biographie qui dépoussière un auteur qu’il ne faut pas laisser végéter dans les bibliothèques.
« Honoré a déjà une confiance en lui gigantesque, et une certaine incapacité à se forcer à faire ce qu’il ne veut pas. » (p. 28)
« Balzac ne décrivait pas la société telle qu’elle devrait être, mais telle qu’elle était et telle que personne ne voulait la voir. » (p. 70)
« Balzac, qu’on accusait beaucoup de vantardise, ne l’était pas quand il s’agissait de ses histoires personnelles. Sans doute parce que, contrairement à nombre de ses contemporains, il était très conscient de la difficile condition des femmes pour faire passer sa vantardise avant leur réputation. » (p. 107)