Johann Trollmann boxe, et il boxe bien. Tout le monde le connaît sous le nom de Rukeli. Il est Allemand. Il est Tsigane. « Olga dit qu’il est plus que beau. Son regard est magnétique, il a le visage d’un ange qui ne sait même pas qu’il est tombé du ciel. Ce sont ses mots. Rukeli se les enroule autour de l’âme comme des écharpes de laine. » (p. 15) Il boxe et il gagne, mais surtout il se démarque par des mouvements de jambes inédits. Pas de doute, il danse sur le ring. Hélas, la nauséabonde ambiance brune qui monte dans les années 1930 en Allemagne, il ne fait pas bon s’éloigner des standards de la force brute et blonde. Rukeli se voit retirer ses titres et même le droit de boxer. « Il a beau serrer les poings, braver l’objectif d’un regard d’acier, on devine qu’ils vont tout lui prendre. Et peut-être même qu’ils lui ont déjà tout pris. » (p. 6) L’Histoire le sait, ce n’était pas encore assez : l’épuration raciale commence par la stérilisation forcée et finit dans un camp. « Nous sommes les errants du monde, les désaimés et ils voudraient encore piétiner nos âmes. » (p. 63)
Je ne connaissais pas ce boxeur allemand. Charles Aubert lui rend un hommage émouvant avec une prose qui défie la pesanteur. « La boxe n’est peut-être qu’une tentative désespérée de se battre contre l’injustice et la mort. » (p. 17) Rien ne pardonnera jamais les horreurs nazies, mais la littérature a le pouvoir de préserver la mémoire des disparus.
Lu dans le cadre du Prix Sport Scriptum 2023.