Texte d’Amélie Nothomb.
Casanière heureuse à Paris, Amélie Nothomb accepte d’accompagner son amie Pep au Japon au printemps 2023. Se faisant la guide de sa compagne de voyage, elle retrouve son amour profond pour ce pays où elle n’a pas réussi à s’installer. « Le Japon est mon premier échec amoureux et chaque fois que j’y reviens, je revis ce coup de foudre et le constat que je n’y arrive pas. » (p. 74) Est-il possible d’y revenir avec un œil neuf pour le partager avec une exigeante ignorante qui lui interdit la nostalgie ? « Comment éviter que 2023 cherche les vestiges de 1989 en plus de ceux de 1972 ? » (p. 34) Voici donc la gageure : redécouvrir un pays chéri pour l’offrir aux regards de celle qui ne l’a jamais vu. « Pep s’avère une caisse de résonance extraordinaire. Elle vibre comme le tambour local, elle répercute l’onde de choc en mille fois plus fort. » (p. 32) Même si l’autrice lutte contre la nostalgie, tous ses sens convoqués par les souvenirs et elle retrouve des traces de son père dans de menues choses.
Au terme de ce dernier texte d’Amélie Nothomb, j’ai furieusement envie de relire Chez soi de Mona Chollet : l’essayiste décrit la joie d’habiter son intérieur et de s’y trouver suffisamment bien pour ne pas souhaiter le quitter, mais aussi l’ivresse exaltante et vaine du voyage. Amélie Nothomb est une personne délicate, hautement sensible, attentive au bien-être de son amie et à la qualité de son expérience nippone. « Ce qui m’obnubilait, c’était l’idée d’y aller avec Pep. Non : d’être la guide de Pep sur le sol nippon. Je n’avais jamais été la guide de personne. Guider Pep me paraissait terrifiant. C’est peu dire qu’il s’agit d’une amie exigeante. Mais le plus effrayant, c’était de jouer ce rôle au Japon. C’est mon pays préféré au monde, ma terre sacrée. La simple évocation de son nom suffit à me mettre en transe. Un tel amour ne me donne aucune compétence particulière et m’enlève tout droit à l’erreur. » (p. 9) Comme déjà dans Pétronille, l’autrice parle de ses proches avec tendresse, montrant la connaissance intime et aimante qu’elle en a. Peut-être que je projette mon propre comportement sur celui de Mme Nothomb, mais j’y vois une attitude sacrificielle, une obsession à satisfaire l’autre au-delà de toute mesure.
Je retiens deux jolies choses de cet émouvant récit de voyage. L’autrice a relu À rebours de Joris-Karl Huysmans pendant son séjour et elle a passé un moment – hilarant à mes yeux – dans un café abritant des lapins, animal fétiche de sa compagne de route. « Je leur trouve à tous des airs de gangsters […] / Tu as raison. Un lapin, c’est quelqu’un qui prépare un casse. C’est pour ça aussi que je les adore. » (p. 71) Serais-je capable d’un vol long-courrier juste pour passer un moment entourée de lapins ? Si cela ne menaçait pas d’explosion mon empreinte carbone, c’est tout à fait certain !
J’adore ce qu’elle dit sur les lapins !
Je t’avoue que j’ai un peu de mal avec son style mais je ne ferme pas la porte car ça fait très longtemps que je n’ai pas lu un de ses livres.
Il y a tant à lire, alors ne te force pas !