Ida Brandt est une infirmière douce et dévouée. Son enfance heureuse et paisible dans le domaine de Ludvigsbakke a pris fin à la mort de son père, régisseur des lieux. Quitter cet endroit enchanteur a été son deuxième chagrin, suivi plus tard de la mort de sa mère. « Le reste de l’enfance d’Ida se passa en ville. Vint la confirmation, puis la première année, celle de la prime jeunesse, lumineuse, suivie de celle de la maladie. Elle inaugura une époque qui n’en finissait plus. » (p. 82) Ida a reçu un héritage très confortable, mais elle décide de se mettre au service des autres dans l’hôpital de Copenhague. Hélas, trop gentille pour être comprise de la bourgeoisie danoise et trop riche pour être acceptée par ses collègues, elle mène une vie solitaire et sans éclat. « Mais vous êtes trop indulgente, Ida. […] Vous devriez exiger beaucoup plus. […] Je veux dire, de la vie. » (p. 191) Les retrouvailles avec Karl von Eichbaum, jeune homme qui a aussi connu les joies de l’enfance au Ludvigsbakke, bouleversent la jeune femme qui se révèle avec passion et se donne à corps perdu dans une liaison secrète.
Dans sa résignation douce, Ida Brandt a quelque chose d’Eugénie Grandet et de Pauline Quenu. Gentillesse et générosité sont les maîtres mots de ces destins de femme qui n’obtiennent jamais l’amour durable dont elles rêvent. Comme ses comparses littéraires, Ida est trompée et délaissée. Elle a perdu son rêve d’enfance et d’amour, mais elle ne se plaint jamais. Elle endosse même avec la douleur avec une certaine joie, comme si cela lui revenait de droit.
J’ai été profondément touché par la tendre Ida qui donne sans compter pour ceux qu’elle aime. Et même si l’adage « Trop bonne, trop pomme » (à peu près) s’applique parfaitement à elle, Ida n’a rien d’idiot. C’est au contraire un personnage lumineux, fait de l’essence dont sont constitués les anges.