Roman d’Honoré de Balzac. Gravures d’Henri Monnier.
Monsieur Grandet a fait fortune dans les tonneaux. Il a en plus des métairies, des vignes, des domaines et il a hérité plusieurs fois. Bref, il possède une fortune colossale et tout Saumur s’interroge sur l’étendue des biens de Maître Grandet. « Quelque Parisien parlait-il des Rothschild ou de monsieur Laffitte, les gens de Saumur demandaient s’ils étaient aussi riches que monsieur Grandet. Si le Parisien leur jetait en souriant une dédaigneuse affirmation, ils se regardaient en hochant la tête d’un air d’incrédulité. » (p. 15) Mais Grandet n’est pas que riche, il est également avare et obsédé par l’argent et le fait de le dépenser. Il tient son ménage d’une poigne de fer, aveuglément servi par la grande Nanon et confusément craint par son épouse et sa fille. « La discrétion du bonhomme était complète. Personne ne voyait jamais un sou de cette maison pleine d’or. » (p. 149)
Voilà justement que sa fille, Eugénie, a atteint l’âge de se marier. Désormais, presque chaque soir, les Cruchot et les de Grassins essaient de faire valoir les mérites de leur fils respectif, chaque famille rêvant de se lier avec la riche héritière. Mais demande-t-on seulement son avis à la première intéressée ? Et c’était compter sans Charles Grandet, le cousin orphelin et déshonoré d’Eugénie. Ruiné après la faillite de son père, le beau Charles inquiète le père Grandet qui est terrifié à l’idée de devoir prendre à sa charge un neveu démuni. Hélas, les jeunes cœurs de deux cousins s’accordent rapidement et la douce Eugénie s’éprend de son charmant cousin qui lui fait une promesse d’amour éternel en échange du pécule qu’elle lui offre pour lui permettre de tenter sa chance aux Indes. « Ange de pureté ! entre nous, n’est-ce pas… ? L’argent ne sera jamais rien. Le sentiment, qui en fait quelque chose, sera tout désormais. » (p. 165) Mais rien ne prouve que cette promesse sera tenue et qu’Eugénie n’attendra pas en vain le retour de celui qui a ravi son cœur en quelques jours.
Cette histoire est connue, tellement connue, mais tellement belle. C’est un de mes textes préférés d’Honoré de Balzac et j’ai toujours autant de plaisir à le relire. L’histoire tristement tragique d’Eugénie m’émeut à chaque fois tant le sacrifice subi et choisi par cette fille tend au sublime. Elle laisse son père la spolier de son héritage et son cousin la priver de sa liberté d’aimer, tout ça parce que sa tendresse sans fond ne voit le mal nulle part. Peut-être bien qu’après avoir dévoré Émile Zola, je vais m’attaquer à Balzac…