Maisonologue

Roman graphique de Lorraine Les Bains.

Avec ses protagonistes aux têtes de maison (ou d’autres choses, cela varie), l’autrice/narratrice raconte son enfance, sa famille, les maisons où elle a vécu, ses douleurs et ses cheminements intérieurs. Elle revient vers les lieux qu’elle a aimés et sur la souffrance des déménagements : après la naissance, arrachement à la première maison qu’est l’utérus, il y eut d’autres départs et des violations/pertes des abris intimes où elle se réfugiait. Lorraine a besoin de se sentir enveloppée, car les limites de son corps sont parfois floues. « Dessiner des maisons m’a permis de me recréer des parois, des contours. De retrouver l’enveloppe originelle. » Au gré de sa dépression adolescente et de ses angoisses récurrentes, elle parle sans tabou de sa vulnérabilité et de ses failles, avec un sens certain de l’autodérision, mais surtout avec une lucidité bienveillante.

Au-delà des maisons en briques ou béton, l’autrice explore ce qui malmène son intimité et son identité, notamment le couple amoureux au sein duquel elle se perd. Elle fustige les architectures modernes tape-à-l’œil qui ne servent plus à accueillir et à abriter, mais à nourrir l’orgueil de leurs créateurs. Militante et engagée, Lorraine Les Bains prône un habitat plus humain, écologique et plus solidaire. « Souvent coûteuse et énergivore en tous points, la maison classique bétonne la biodiversité et donc détruit des écosystèmes et donc ôte le vivant et donc renforce la poll… BREF ! Toute bétonnisation est un gigantesque couvercle qu’on pose sur la nature » L’autrice évoque les ZAD, nouvelle façon d’habiter la nature en communauté, et l’urgence de réinventer la maison pour répondre aux enjeux sociaux et environnementaux. « L’hébergement citoyen n’est désormais plus un délit, quand bien même les hébergé·e·s sont sans papiers. » Écoféministe et lilloise, Lorraine Les Bains a tout pour me séduire. Son autobiographie de brique et de papier est touchante, évidemment, mais surtout pertinente, mêlée de psychanalyse et de bon sens. Chaque individu se construit indéfiniment au cours de son existence : qu’il comprenne ses limites et sache combler ses besoins de protection sont des exercices complexes, mais ô combien salutaires !

« Toute exploration maisonologique nécessite une analyse des fondations. »

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