La septième fonction du langage

Bande dessinée de Xavier Bétaucourt (scénario), Olivier Perret (dessins) et Paul Bona (couleurs).

D’après le roman éponyme de Laurent Binet.

Le 25 février 1980, Roland Barthes est percuté par une camionnette. Ses papiers disparaissent et lui-même meurt peu de temps après à l’hôpital. Pour le commissaire Bayard, c’est autre chose qu’un accident de la route. Pour naviguer dans le monde complexe des universitaires et des théories linguistiques, il a besoin d’aide. Il réquisitionne Simon Herzog, jeune chercheur, sans trop lui laisser le choix. « Vous m’avez l’air un peu abruti que les chevelus habituels et j’ai besoin d’un traducteur pour toutes ces conneries. » (p. 17) Voilà qui pose le personnage : le flic n’est pas un intello, mais il a du bon sens et il n’est pas du genre à se laisser impressionner par les théories complexes que les linguistes et philosophes balancent à tour de bras. Quant à Simon, arraché au confort poussiéreux de son amphithéâtre, il goûte aux joies de l’aventure sans pour autant dissimuler pour qui il votera en 1981. « Je n’ai rien demandé, je suis là contre mon gré et j’obéis aux ordres d’un président fasciste à la tête d’un état policier. » (p. 49) Le duo est forcément explosif, mais il fonctionne, comme dans tout bon actionner américain des années 1990. Dans cette enquête jonchée de morts qui le mène en Italie et aux États-Unis, il se frotte à la septième fonction du langage dont le pouvoir excite les rhétoriciens et les hommes politiques. « Celui qui maîtrise le discours, par sa capacité à susciter la crainte et l’amour, est virtuellement le maître du monde. » (p. 68) De sanglants concours d’éloquence en QG de campagne électorale, les documents volés à Roland Barthes font peser une menace sur la sécurité nationale.

Au fil des cases, on voit deux hommes anachroniques qui assistent à l’histoire : ce sont le scénariste et le dessinateur qui commentent ce qu’ils transposent du roman, avec un humour métatextuel tout à fait brillant et hilarant quand on apprécie ce genre de ressort. « Tu sais, ici non plus, on ne va pas pouvoir décrire l’ensemble de la joute. C’est une BD, pas un roman. » (p. 70) J’avais apprécié le texte de Laurent Binet avec un enthousiasme non dissimulé : j’en ai retrouvé tout le sel dans cette bande dessinée dynamique et intelligente : les auteurs ont compris l’intérêt d’une adaptation en images. Maintenant, j’avoue que j’adorerais voir une transposition de ce roman sur grand écran !

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