Les échassiers

Roman d’Isabelle Aupy.

Il y a l’en-Bas et il y a l’en-Haut.

Il y a un monde où les enfants sont précieux, chéris, entourés de tous les soins, où les adultes attendent leur retour de la chasse en combattant l’Ogre et où les vieillards sont la mémoire des clans. « Tous les enfants possédaient tous les parents de chaque clan. C’était comme ça que le monde courait sous nos pieds. » (p. 13) Et dans ce monde, des géants aux jambes de bambou sont invisibles au-dessus des nuages impénétrables.

Il y a un monde où les enfants sont inutiles et doivent gagner leur place et où les adultes subviennent à tous les besoins, pendant que les Gardiens commettent les pires infamies derrière les murs. « Pour moi, grandir signifiait fuir son enfance désespérément. »  (p. 23) Et dans ce monde au-dessus des nuages, il est impossible de garder la tête haute très longtemps, sous le poids du soleil.

Ces deux mondes sont voisins et ne se connaissent pas, mais dans chacun d’eux, la violence prend des formes terribles. En bas comme en haut, les enfants ne comprennent pas les adultes. Dans un monde, il faut tout faire pour rester un enfant et dans l’autre il n’est jamais trop tôt pour devenir adulte. Les narrateurs de chaque univers sont d’anciens enfants qui auraient pu être frères s’ils étaient nés dans le même marais ou sur la même plateforme.

La construction de ce livre est brillante. Ouvrez-le dans le sens que vous voulez et commencez votre lecture, la première et la quatrième de couverture sont identiques. Peut-être découvrirez-vous d’abord l’en-Haut, ou peut-être l’en-Bas… Et quand vous aurez atteint la moitié de l’ouvrage, retournez-le et continuez à lire. Ces deux mondes sont bel et bien réunis dans un même endroit, mais pour toujours inaccessibles l’un à l’autre. Et c’est à vous, lecteur·ice, de dresser les échelles ou de tendre les cordes entre eux.

J’aime les livres qui offrent une expérience physique pendant la lecture. Si vous en cherchez également, lisez Le papier peint jaune de Charlotte Perkins Gilman, publié chez Tendance négative. Et d’Isabelle Aupy, je vous conseille également Le panseur de mots, roman qui joue sur le langage.

Ce contenu a été publié dans Mon Alexandrie. Vous pouvez le mettre en favoris avec ce permalien.

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.