Veiller sur elle

Roman de Jean-Baptiste Andrea.

Dans une abbaye isolée d’Italie, un vieil homme se meurt. Alors qu’il vit ses derniers souffles, il se laisse emporter par ses souvenirs. On le découvre enfant, dans l’Italie du début du 20e siècle, garçon au physique différent, déjà immensément talentueux pour sculpter la pierre. À Pietra d’Alba, village perdu loin de Rome, il est un apprenti doué malmené par un maître cruel. Mais pas de souffrance pour Mimo le nabot : il est l’ami de Viola, fille de la puissante famille Orsini. La gamine est très vive, étrange par bien des aspects, presque inapte au monde dans lequel elle évolue. « Viola ne tenait jamais en place. Il en devenait presque difficile de l’observer de la décrire. » (p. 93) Son immense mémoire et son insatiable curiosité l’empêchent de se contenter du destin que l’on trace pour elle. Viola veut voler, Mimo veut être un maître de son art. Les deux mômes sont liés par une amitié nocturne, gardée secrète par l’ombre des tombes, et leurs serments d’enfants les suivront toute leur existence. Les décennies passent, l’Italie passe par le fascisme et la guerre. Mimo est mondialement reconnu, mais rien ne vaut d’être vécu sans son insaisissable amie. « Il n’y a pas de Mimo Vitaliani sans Viola Orsini. Mais il y a Viola Orsini, sans besoin de personne. » (p. 120) De succès en compromission et rédemption, le sculpteur laisse une œuvre extraordinaire, inspirée par Viola, cette femme qui voyait si loin au-delà de son sexe.

J’ai lu sans déplaisir ce gros roman de quelque 600 pages. Les deux protagonistes sont autant attachants qu’agaçants, mais la sympathie l’emporte : ce sont des gamin·es qui apprennent douloureusement, comme tant d’autres, à être adultes. Le titre a un double sens, rapidement dévoilé dans les premiers chapitres. Certes, Mimo veille sur Viola, mais il y a d’autres acteurs qui veillent sur un autre objet d’intérêt. « Il est là pour veiller sur elle. Elle qui attend, dans sa nuit de marbre, à quelques centaines de mètres de la petite cellule. » (p. 10) Et là réside toute ma frustration : je voulais en savoir plus sur cette statue extraordinaire façonnée par Mimo, cette œuvre si superbe qu’elle rend presque fo·u·lle. « On l’enferme pour la protéger. […] Elle est là, ne vous inquiétez pas, elle se porte à merveille, à ceci près que personne n’a le droit de la voir. » (p. 44) L’amitié décousue de Viola et Mimo est belle, mais la révélation finale, certes fracassante, est expédiée bien trop rapidement après des chapitres laconiques. Veiller sur elle est une belle lecture, mais qui ne me restera pas indéfiniment.

En résonance de ce roman, je vous conseille sans aucun doute Pietra Viva de Leonor de Recondo.

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2 réponses à Veiller sur elle

  1. Lydia dit :

    Oh, tout est là pour en faire une belle lecture ! Merci pour la découverte !

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