Texte de Christian Bobin.
« Quelque chose a eu lieu dont j’ignore tout et je voudrais écrire ce livre pour dire cette chose. » (p. 7) Christian Bobin a un talent rare, celui d’ouvrir ses textes en ne disant presque rien et en laissant tout espérer. Cet amoureux sublime, chantre de l’enfance et de la nature, développe une philosophie du banal, du routinier et de l’évident qu’il transforme en joyaux. « L’ennui, c’est de l’amour qui s’apprête en silence. » (p. 23) Ce qu’il dit est presque moins important que la façon dont il le dit : le poète nous ouvre les yeux sur les beautés du monde et ses complexités.
Je ne me lasse pas de cet auteur qui distille dans mes jours difficiles une poésie modeste, mais scintillante.
« L’amour est le seul événement digne de ce nom. Le mot ‘amour’ est comme le mot ‘Dieu’. Ce n’est pas pour nommer quelque chose que je les utilise. C’est pour protéger un temps que je ne sais pas comment nommer. […] Je suis incapable de parler d’autre chose que de l’amour dont je ne sais rien. » (p. 8)
« Avant de te connaître, j’entrevoyais quelque chose de toi dans les visages passés à l’encre sentimentale des livres. » (p. 16)
« Écrire, c’est se découvrir hémophile, saigner de l’encre à la première écorchure, perdre ce qu’on est au profit de ce qu’on voit. » (p. 34)