Hélène Jégado, dite Fleur de tonnerre, a empoisonné des centaines de personnes tout au long de sa vie. Elle a commencé par sa famille et a étendu ses talents de meurtrière aux personnes chez qui elle s’engageait comme cuisinière. « Malheur à tous ceux qui ouvrent leur porte à sa carrière de mort. » (p. 147) Maniant la belladone et l’arsenic avec autant de talent que le sucre et le beurre, elle confectionnait de délicieux potages aux herbes et des gâteaux à se damner. Oui, sa cuisine est une tuerie. Sous le tablier de la cuisinière se cache une bouchère qui ne se salit jamais les mains. Fleur de tonnerre tue comme elle respire. « Ne faisant aucune distinction, elle empoisonne comme par distraction ainsi que si elle lançait des graines aux pigeons. » (p. 202)
Pétrie de légendes celtiques, de peurs ancestrales et de traditions druidiques, Hélène s’identifie à l’Ankou, incarnation bretonne de la mort qui traîne sa charrette sur les routes : quiconque entend le grincement de son essieu est voué à mourir dans la nuit. Gare à celui qui entend Hélène remuer ses casseroles ! Jean Teulé aime les figures que l’on a conspuées. Après le très licencieux Je, François Villon et le féroce Montespan, il a ouvert ses pages à une criminelle dont la Bretagne ne sait pas vraiment si elle doit s’en honorer ou s’en blâmer. Comme toujours, la plume est vive, drôle, crue quand il faut l’être et poétique quand on s’y attend le moins. C’est avec un plaisir non boudé que j’ai dégusté ce roman qui m’a promenée sur les routes bretonnes, entre les pierres levées qui dissimulent encore leurs secrets.