La haine en ce vert paradis – Le rêve démocratique brisé des Tutsis et des Hutus

Récit historique de Jean-François Bouchard. À paraître le 4 novembre.

En 1961, Louis Rwagasore, premier ministre du Burundi depuis 14 jours, est assassiné. En 1993, Melchior Ndadaye, président du Burundi depuis moins de trois mois, est assassiné. Ces deux hommes croyaient à la réconciliation entre Hutus et Tutsis et à une existence en bonne intelligence des deux ethnies que la colonisation allemande et belge s’était faite fort de séparer et d’opposer. « À l’image des Aryens en Europe, auto-proclamés race supérieure, car issus d’un peuple germanique du Nord qui se distinguait par sa haute stature, sans doute est-ce du fait de leur morphotype élancé que les Belges eurent la curieuse idée de favoriser les Tutsis au détriment des Hutus, créant en pratique un régime d’apartheid entre les deux ethnies. Au demeurant, il était incontestablement aventureux de parler d’ethnies distinctes dans les années 1930, tant ces gens qu’on voulait distinguer en les nommant tutsis et Hutus avaient toujours vécu en symbiose plus ou moins étroite, et en se mélangeant constamment. Outre une absurdité sociale, cette partition était aussi une hérésie scientifique. » (p. 23 & 24) En 2005, Pierre Nkurunziza est élu président du Burundi. Après deux mandats de cinq ans, il refuse de lâcher le pouvoir et s’accroche à ce qui devient un trône de dictateur. Il ne porte pas les espoirs de paix et cohabitation de ses prédécesseurs. Aujourd’hui encore, Burundi et Rwanda saignent chaque jour et l’opposition entre Hutus et Tutsis est toujours aussi marquée. « L’entêtement égoïste d’un dirigeant prêt à sacrifier son pays pour son intérêt personnel a ruiné l’espoir d’un peuple de vivre dignement. » (p. 240)

J’ai découvert en détail une histoire qui était bien lointaine pour moi. Je connaissais vaguement les génocides Hutus et Tutsis et l’impossibilité d’attribuer la faute à une ethnie plutôt qu’à une autre. Dans une guerre comme celle-ci, il y a surtout des victimes. Avec son texte, Jean-François Bouchard apporte un éclairage sur une histoire méconnue par la plupart des Européens. « Lorsque l’élection présidentielle du premier juin 1993 se tient, depuis un siècle le Burundi est esclave de dirigeants qu’il n’a pas désirés. Colonisateurs allemands et belges, dictateurs psychopathes, militaires qui s’arrogent un pouvoir qui n’est pas légitime : cette clique sans remords ni scrupules a exploité le merveilleux pays des bords du lac Tanganyika en s’appuyant sur la division ethnique, les complots et les meurtres de masse. » (p. 123)

Le grand reproche que j’ai à faire à ce texte est le manque de neutralité de son auteur. S’il est certes impossible de rester froid et insensible devant les malheurs du Burundi et du Rwanda, un historien ou un sociologue se doit d’être impartial. Ici, Jean-François Bouchard se fait fort d’exalter les héros et de fustiger les criminels, parfois jusqu’au réquisitoire pour les seconds. « C’est pourquoi sans crainte ni remords d’ajouter du crime au crime, le président Nkurunziza et ses séides s’efforcent de faire ressortir le clivage entre Hutus et Tutsis afin de justifier leur obstination à se maintenir à la tête du Burundi. » (p. 253) Le regard porté sur la région des Grands Lacs et sa lugubre histoire est malheureusement biaisé par un point de vue personnel trop exprimé. Quand je lis un texte de cette nature, je veux des faits objectifs afin de me forger ma propre opinion. Mon sentiment s’est accentué dans les derniers chapitres où l’auteur fait montre d’une grandiloquence qui n’a pas sa place dans une telle œuvre.

Sur cette terrible histoire entre Hutus et Tutsis, je vous recommande le très beau Notre-Dame du Nil de Scholastique Mukasonga.

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