Roman de John Connolly. Grand prix littéraire du web dans la catégorie Roman étranger, décerné par les lecteurs du site des Chroniques de la rentrée littéraire.
David n’a plus de maman. Après un combat éprouvant contre la maladie, elle est partie en laissant l’enfant seul avec son père. Triste et abandonné, David se réfugie dans les livres pour lesquels il partageait un amour profond avec sa maman. L’univers fragilisé de David finit de s’effondrer quand son papa se remarie avec Rose, et qu’un petit frère nommé Georgie fait son entrée dans la nouvelle famille. Ce n’est pas tout: David entend parler les livres, ses rêves sont visités par des personnages curieux et effrayants. Et, chose étrange, il entend la voix de sa maman l’appeler depuis le fond du jardin. Il traverse une brèche et entre dans un monde sombre et dangereux où les Sires-Loups veulent prendre le pouvoir, où les arbres saignent comme des êtres vivants, où rien n’est jamais ce qu’il semble être. Il rencontre l’Homme Biscornu dont les desseins funestes ne sont pas pour rassurer l’enfant.
Hilarante et terrifiante lecture! Hilarante parce que les contes de fées que l’on connaît ont droit à un sérieux ravalement de façade. Les sept nains sont des assassins ratés obsédés par la lutte des classes. Blanche-Neige est un tyran domestique boulimique et obèse. Le Petit Chaperon rouge a bien grandi et ses préférences amoureuses sont déconcertantes. Terrifiante parce que la violence surgit de rien et qu’elle génère toujours plus de violence. Aussi parce que les méchants de tous horizons sont bien au rendez-vous: les trolls se chamaillent avec les harpies, pendant que les loups-garous en décousent avec le croque-mitaine.
J’ai toutefois été déçue par ce livre. Les premières pages sont touchantes et laissent présager bien davantage. Par la suite, je n’ai pas réussi à choisir entre deux impressions: est-ce un livre pour enfants bien trop violent ou un roman pour adultes dont on voit trop les ficelles ? Il y a d’ailleurs deux premières de couverture pour ce livre aux éditions de l’Archipel.
Le parallèle entre la guerre du monde dont vient David et le conflit qui oppose les Sires-Loups au roi est assez grossier. La réécriture systématique des contes de fées en récits d’horreur cynique finit par lasser. La part d’enchantement disparaît au profit d’un étalage de barbarie et de considérations désabusées sur la nature des hommes. L’enseignement des contes de fées, auquel je suis très attachée, est simplement balayé d’un revers de la main, et c’est bien dommage. Si Bruno Bettelheim et d’autres après lui l’ont dit mieux que moi, je ne peux m’empêcher de répéter que la part de peur inhérente à tout conte de fées est bénéfique dans la mesure où elle permet au lecteur-enfant de se retourner contre elle,et de grandir. Dans le texte de Connolly, on perd toute mesure, et le personnage de David ne parvient pas à être attachant. On ne peut pas s’identifier à ce gamin en pyjama de 12 ans, plongé dans un monde de ténèbres, qui taille des loups et des humains en pièces à la moindre occasion.
Tout au long de la lecture, j’ai eu des images de films en tête. Tout d’abord, L’histoire sans fin dans laquelle le jeune Bastien se laisse emporter par la magie d’un livre d’aventures fabuleuses. Puis Labyrinthe avec David Bowie : un jour de colère, Sarah souhaite que son petit frère Toby disparaisse. Elle est exaucée par le maître du Labyrinthe. Et enfin Le labyrinthe de Pan de Guillermo del Toro, où la jeune Ofélia se révèle être « la princesse disparue d’un royaume enchanté ». Cette responsabilité lui coûte d’autant plus qu’il lui faut protéger son petit frère des monstres qui règnent dans cet univers glacial et horrifique. Le parallèle avec ces trois films est aisé à faire, mais le livre ne soutient hélas pas la comparaison.
La lecture a été facile, divertissante mais je suis déçue par ce livre dont on a dit tant de bien. Décidément, moi et les prix littéraires, nous sommes fâchés…