« Ni les détenus ni les surveillants choisissent d’aller en prison. » (p. 9) Jean, le narrateur, a interrogé deux gardiens de prison, Benoît Beaupré et Agnès Leduc. À travers leur récit, on rencontre les détenus et le personnel de la maison d’arrêt. Cyril Cambusat est un jeune gardien trop sensible. Denis Van der Beek, le directeur, porte de la layette sur l’insistance de sa femme. Pierre-Marie Popineau est un détenu nouvellement écroué et il paiera pour son crime, plusieurs fois. Jacky Coutances a tué trois femmes, peut-être, et il est amoureux Elsa, détenue dans le quartier des femmes. Sergueï Kaczmarek correspond avec une femme inconnue. Sébastien Biche, infanticide, ne résistera pas longtemps à la prison. Corinne Lemonnier n’est que violence et agressivité. Rosa Allain perd pied loin du soleil. Nadège Desîles s’accroche à un barreau.
Le texte se présente comme un roman, c’est inscrit sur la première de couverture. Et c’est mieux ainsi. On peut s’extraire de la noirceur poisseuse qui coule au détour de chaque page si c’est un roman. On peut respirer un peu mieux puisque l’on n’a pas vraiment mis les pieds dans la prison et qu’on ne s’est frotté qu’à des personnages de fiction. « La prison tape sur le système. Elle est stressante, inquiétante et destructurante, ne facilite donc en rien l’émergence de la vie. » (p.112) À lire le texte de Jean Teulé, on étouffe, on se cogne aux murs, on cherche l’échappée vers l’extérieur. Comme les prisonniers, on se construit des rêves et on compte les jours/pages qui nous séparent de la sortie. On suspend son souffle dans cette parenthèse grillagée, à regarder le temps s’écouler, dehors…
« La détention, c’est tout un arrangement. » (p. 42) Jean Teulé nous plonge dans un système qui, s’il inquiète, fonctionne parfaitement. Comprendre les règles est essentiel pour survivre et traverser les couloirs. Chacun a une place à tenir et malheur à celui qui s’en écarte ! Il ne faut pas trop croire en l’humanité entre les murs de la maison de détention. On pense d’abord à soi, on ne pense qu’à soi.
J’ai retrouvé dans ce texte le sordide, le truculent et le sensible qui m’avaient émue dans Darling. Ici encore, on côtoie une certaine frange de la société, celle que l’on trouve dans les quotidiens régionaux, celle qui vit les terribles petites misères des pauvres gens. La crudité du langage n’est pas un artifice et elle découvre bien peu les crimes et les folies des personnages. Ce texte se lit vite, mais il colle aux mains. Malaise garanti…