Quatrevingt-treize

Roman de Victor Hugo.

En 1793, le bataillon républicain du Bonnet-Rouge adopte Georgette, René-Jean et Gros-Alain, les enfants de Michelle Fléchard, pauvresse qui a tout perdu. Pendant ce temps, le marquis de Lantenac, espoir de la monarchie, arrive d’Angleterre pour mener la guerre contre les Républicains. « Vous êtes l’homme choisi par les princes, vous avez une grande mission, diriger la guerre de Vendée. Vous de moins, c’est peut-être la monarchie perdue ; vous devez donc vivre. » (p. 65) À Paris, le prêtre défroqué Cimourdain est délégué par Robespierre, Danton et Marat auprès du vicomte Gauvin, gentilhomme qui a épousé la cause républicaine. Le jeune homme est l’ancien élève de Cimourdain et nourrit une affection quasi filiale envers son ancien précepteur, ce dernier se sentant comme le père du vicomte. Mais Gauvin est aussi le petit-neveu du marquis de Lantenac. L’ancienne et la nouvelle génération vont s’affronter au nom de leurs idéaux. « C’est plus que la guerre dans la patrie, c’est la guerre dans la famille. Il le faut, et c’est bien. Les grands rajeunissements des peuples sont à ce prix. » (p. 200) Alors qu’il lève progressivement une petite armée royaliste en Vendée et qu’il commet des exactions terribles auprès de la population, le marquis de Lantenac enlève les trois enfants de Michelle Flécharde. Dès lors, pas de bataillon plus enragé que celui du Bonnet-Rouge qui veut retrouver ses pupilles, et pas de mère plus déterminée que Michelle Flécharde. Lantenac est un homme cruel et implacable, son petit-neveu est passionné par la République, mais modéré et prompt à la compassion et au pardon. À l’inverse de Cimourdain, il croit en une France républicaine pacifique et ouverte aux repentants alors que l’ancien prêtre prône l’inflexibilité et l’application aveugle de la loi. C’est au pied de la Tourgue, tour dans laquelle s’est réfugié le marquis de Lantenac, que se noue le terrible dénouement où les principes et les sentiments s’affrontent. « Une tour en rase campagne ressemble à un navire en pleine mer. Elle doit être attaquée de la même façon. C’est plutôt un abordage qu’un assaut. » (p. 290)

Épique. Grandiose. Tragique. Sublime. Je manque d’épithètes pour qualifier ce grand roman. Victor Hugo fait vibrer les cordes sensibles du lecteur, celle de l’honneur, celle de l’amour filial, celle de la justice, celle de la peur et tant d’autres. À plusieurs reprises, j’ai été émue par ce texte dont l’enjeu m’est pourtant inconnu : si l’on se demande souvent si l’on aurait été résistant ou collabo, on se demande moins souvent si on aurait été révolutionnaire ou monarchiste. Les personnages sont des figures emblématiques, presque des allégories. Michelle Flécharde est une mère déchirée par la perte de ses enfants, à l’instar de la France qui pleure ses morts. Gauvin est la passion juvénile et l’espoir de lendemains meilleurs. Cimourdain est la justice aveugle et droite, prisonnière de ses principes. « Lantenac est l’ennemi de la patrie. Le duel entre lui et moi ne peut finir que par sa mort, ou par la mienne. / Gauvain, souviens-toi de cette parole. » (p. 229)

Ouvrir un roman de Victor Hugo, c’est toujours le gage d’un excellent moment de lecture et la promesse de souvenirs qui ne s’effaceront pas. Comme avec Les travailleurs de la mer, L’homme qui rit ou Notre-Dame de Paris. Et il y a des passages que je voudrais apprendre par cœur.

 « 93 est la guerre de l’Europe contre la France et de la France contre Paris. Et qu’est-ce que la Révolution ? C’est la victoire de la France sur l’Europe et de Paris sur la France. De là, l’immensité de cette minute épouvantable, 93, plus grande que tout le reste du siècle. […] 93 est une année intense. L’orage est là dans toute sa colère et dans toute sa grandeur. » (p. 118)

« La Vendée ne peut être complètement expliquée que si la légende complète l’histoire ; il faut l’histoire pour l’ensemble et la légende pour le détail. Disons que la Vendée en vaut la peine. La Vendée est un prodige. » (p. 181)

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