Quelques heures dans un jardin public. Quelques jours avant que la France se cloître volontairement pour échapper à un virus chinois. Les êtres se croisent autour du bac à sable, passants et personnes assises, contrariés ou rêveurs, agités et bruyants. Il y a le bruit de la ville, le bruit de la vie. « Il faudrait aménager dans chaque arrondissement quelques squares réservés aux adultes désireux de calme. » (p. 23) Et sur un banc, seul, abandonné, silencieux, déjà fiévreux, il y a un homme noir sans nom, mais aux nombreuses épithètes. Lui seul ne prend pas part au ballet insouciant. Il ne pense qu’à survivre, mais comment faire ? Et après ces derniers instants dans l’ancien monde, le libre, l’ouvert, il y a l’enfermement. Que deviennent-ils derrière les murs, les vieilles dames aux mots croisés et aux pâtisseries, les enfants aux ballons vagabonds, les étudiants aux cheveux colorés et aux interrogations immenses ? De discussions entre balcons aux services rendus entre étages, c’est une nouvelle sociabilité qui se met en place, une nouvelle société qui apprend à vivre à l’intérieur, sous l’œil d’une super lune qui semble prendre la place que les humains ont désertée. « Elle ne sortira pas indemne de ces jours de relégation. » (p. 153)
Sylvie Germain est une autrice refuge. Quand je veux du beau, du fort, du vrai, je me tourne vers ses textes. Et chacune de ses nouvelles parutions trouve rapidement le chemin de mes étagères. Grande est donc ma tristesse de ne pas avoir apprécié ce texte. Je déplore des personnages qui manquent d’âme et de contours alors que l’autrice sait d’ordinaire si bien les incarner et les rendre perceptibles à ces lecteurs. Certes, il y a de jolies phrases et des réflexions tendres. « En amour, elle veut de l’amusement, du joyeux, pas du lyrique ni de lourdeurs sentimentales, une bonne entente charnelle et un peu de complicité amicale. » (p. 45) Mais où est le souffle ? Où est la densité fabuleuse des autres textes ? Qu’il est douloureux d’être déçu par une artiste dont on aime par ailleurs toute l’œuvre ! Tant pis, je me consolerai en relisant Le livre des nuits ou Jours de colère.