« Et si l’utopie féministe visait autant à émanciper les femmes qu’à déviriliser la société toute entière ? Baisser le niveau de violence dans la société en combattant l’idéologie viriliste, tel pourrait être le nouveau paradigme. » (p. 7) En dénonçant l’impunité des agresseurs et la culture du viol et en pointant les violences systémiques faites aux femmes et le manque de formation dans la justice et la police, l’autrice propose une démonstration claire et argumentée où elle invite les femmes à se réapproprier leur fécondité, leur force de travail, leur légitimité sociale et leur être tout entier. Céline Piques rappelle combien la violence masculine va de pair avec la menace fasciste. « Le féminisme n’a jamais autant été dévoyé et instrumentalisé par tout un spectre de la droite extrême pour alimenter un discours raciste. » (p. 62) Ce que prône l’autrice, c’est une société solidaire et sororale, où les combats intersectionnels sont menés de front, après une réforme profonde du modèle économique et de la fiscalité afin de permettre à chaque femme d’être indépendante financièrement. « Une politique féministe de gauche doit s’attacher à défendre les plus précarisés d’entre nous. » (p. 89)
En citant des chiffres clairs, des rapports publics et nationaux et les thèses et travaux d’autres féministes, Céline Piques dresse un panorama large et complet de la situation actuelle des violences faites aux femmes et de l’omnipotence du machisme dans la société. « Lutter contre le patriarcat fait vaciller le statu quo qui bénéficie actuellement aux hommes et qui ont donc beaucoup à perdre : leur impunité et leur accès aux corps des femmes. » (p. 19) Je ne partage pas sa position très tranchée sur le travail du sexe (hors pornocriminalité, évidemment) et la pénalisation de la prostitution, mais je comprends son raisonnement sur ces sujets.
Demain sera féministe ou ne sera pas, ainsi que l’indique le sous-titre de cet ouvrage. « Comme l’écologie, le féminisme a la particularité de susciter beaucoup de promesses politiques, rarement suivies d’effet. » (p. 5) Il n’est plus temps d’attendre. Stop aux moratoires de la pensée et de la prise de conscience : il faut agir maintenant et fermement pour créer « un monde féministe, équitable et écologiquement soutenable » (p. 8). Parce qu’un tel monde sera également plus vivable pour les hommes, débarrassés de l’injonction d’être les plus forts, les premiers, les meilleurs, etc. Mais surtout, il sera enfin un lieu où toutes les femmes auront la place qu’on leur dénie depuis des millénaires. Cette action est à mener en groupe, les coudes et les poings serrés. « Briser le silence collectivement est essentiel pour sortir les femmes de leur isolement et de leur sentiment d’impuissance, et leur permettre de se constituer en sujets politiques. » (p. 18)
Évidemment, ce petit livre prend place sur mon étagère de lectures féministes, mais je vais surtout le prêter largement dans mon entourage.