La petite communiste qui ne souriait jamais

Texte de Lola Lafon.

Elle a quatorze ans quand elle fait dysfonctionner les ordinateurs des Jeux olympiques de Montréal avec sa note parfaite de 10/10. Elle, c’est Nadia Comaneci, petite fée roumaine qui s’envole à la poutre et semble à peine fouler le tapis. « Elle jette la pesanteur par-dessus son épaule. » (p. 9) Cette performance, elle la doit certes à son talent, mais aussi à l’entraînement drastique de Béla Karoly, dans l’école financée par le régime roumain pour produire des championnes de gymnastique. L’adolescente est connue du monde entier, instrumentalisée par le gouvernement roumain, scrutée par les équipes concurrentes, admirée par les petites filles qui voudraient s’élancer comme elle sur les barres asymétriques. Mais derrière les figures parfaites, il y a les douleurs, la surveillance, les blessures et la faim : Nadia ne peut rester éternellement la petite, la voilà adolescente, encombrée de courbes qui l’alourdissent et obsédée par la volonté de rester la meilleure. Les années passent et le poids du régime se fait insupportable : il faudra donc fuir aux États-Unis et se libérer du contrôle qui emprisonne le corps des femmes, qu’elles soient championnes olympiques ou ventres pour peupler la nation. « On peut… être prisonnière en étant apparemment libre. » (p. 19)

Je ne comprends pas la démarche de l’autrice avec ce texte. Elle ne fait pas œuvre biographique puisqu’elle reconnaît qu’elle comble certains blancs, mais pourtant, elle a échangé avec l’ancienne athlète et lui a fait relire ses chapitres à mesure de l’écriture, acceptant ses remarques et ses demandes de modifications. « Elle tient ma main qui écrit son histoire, m’encourageant à croire et écrire ce qui est parfois inexact, elle le sait sûrement. »  (p. 213) Ce n’est donc pas un entretien : je ne sais pas ce que j’ai lu, ni fiction, ni documentaire, ni échange. Je peux comprendre l’obstination de Nadia Comaneci à ne pas reconnaître les mauvais traitements subis, afin de se réapproprier son destin et en rester seule maîtresse. « Il n’a pas pu me briser parce qu’il n’a jamais su où étaient mes vraies limites, je ne les ai jamais dévoilées. » (p. 166) Mais je ne comprends pas le rôle de Lola Lafon dans tout cela : s’il s’agissait de donner la parole à la gymnaste, il aurait fallu s’effacer. Et surtout, les auteur·ices qui documentent leur processus d’écriture dans le texte en question, cela m’ennuie toujours profondément.

De Lola Lafon, j’avais été éblouie par Nous sommes les oiseaux de la tempête qui s’annonce.

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2 réponses à La petite communiste qui ne souriait jamais

  1. Lydia dit :

    En voici un qui n’augmentera pas ma PAL !

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