
Essai de Pauline Le Gall.
Dans son ouvrage, l’autrice présente nombre de films et de séries télévisées pour parler des amitiés entre femmes. Au-delà de la rivalité, de la performance et de l’hétéronormativité, cette forme très particulière de relation est une autre façon de faire société, voire la véritable concrétisation de la sororité. « Pourquoi jouer au Scrabble, regarder une série, danser, faire du karaoké ou manger des gâteaux en regardant le plafond ne seraient pas des activités parfaitement épanouissantes ? » (p. 23) Les exemples que citent Pauline Le Gall remettent en question le mépris très masculin pour les amitiés féminines, relations cantonnées à l’intime et souvent taxées de futilité bavarde. « L’amitié féminine ouvre à l’écran cet espace qui délie les langues et permet à la parole de se déverser enfin. » (p. 191) Il s’agit de porter sur les amitiés entre femmes un regard débarrassé du machisme patriarcal, mais cela demande un effort certain. « L’histoire de l’amitié féminine a intéressé les hommes selon qu’elle les privait ou non de pouvoir ou de privilèges. » (p. 45) Outre l’amitié entre femmes, l’essai explore d’autres sujets intriqués : la santé mentale, la solidarité dans l’avortement ou la maternité, les relations queers/lesbiennes, l’empouvoirement et la reprise du contrôle sur la carrière et le corps, la déconstruction de codes et d’injonctions, la construction d’une autre forme de famille, la vieillesse, la représentation des minorités racisées ou handicapées, etc. L’amitié féminine est un espace sécurisé pour réaliser son plein potentiel et ses aspirations, mais surtout être simplement soi-même. « Les femmes ne sont pas programmées pour parler de leurs problèmes, mais simplement plus encouragées à le faire dès l’enfance, notamment au sein de leurs relations amicales. » (p. 89) Si les séries et les films représentent un état de la société, ils contribuent également à transformer celle-ci en proposant d’autres discours et d’autres représentations, loin des canons blancs hétérosexuels.
J’ai dévoré ce texte en quelques heures. Je suis loin d’avoir vu toutes les œuvres citées par Pauline Le Gall, mais j’ai bien rempli la liste de films et séries à voir. Les romances et les comédies romantiques, c’est mignon… mais les amitiés de femmes, c’est vital ! Et je me réjouis terriblement que cela inquiète les mâles et la société. « La peur de l’intimité entre femmes remonte presque aussi loin que la mémoire du monde et les couvents craignaient déjà que l’amitié ne « dérive » en amour. » (p. 132) Avoir des amies (et être une amie !), c’est une force impossible à mesurer, la possibilité d’être la muse de ces presque sœurs et de voir en celles-ci des sources d’inspiration et de fierté. Mes amies, je les aime parce qu’elles composent ma famille choisie. J’entretiens ces relations avec gratitude et précaution, cherchant à tirer vers le haut ces femmes merveilleuses qui, comme moi, brillent par leurs failles et leurs espoirs. « Ce n’est pas parce que cette amitié est vitale qu’elle ne peut pas être joyeuse. » (p. 165) Le livre de Pauline Le Gall mérite amplement sa place sur mon étagère de lectures féministes.