Roman d’Émile Zola.
À Plassans, le docteur Pascal Rougon a mené une vie heureuse, loin des ambitions de ses frères Eugène et Aristide. Entièrement dévoué à la médecine, à la recherche et à la science, il rêvait d’éradiquer la douleur et la maladie avec « l’espoir noble et fou de régénérer l’humanité. » (p. 57)À presque 60 ans, il se passionne pour ses travaux sur l’hérédité dont il appuie la démonstration sur sa propre famille, depuis l’ancêtre commune, Adélaïde dite Tante Dide, jusqu’aux derniers enfants en passant par tous les rejetons des deux branches Rougon et Macquart. « Il s’était trouvé conduit à prendre sa propre famille en exemple, frappé des cas typiques qu’il y constatait et qui venaient à l’appui des lois découvertes par lui. » (p. 28 & 29)
Quelque vingt années auparavant, le bon docteur Pascal a recueilli, Clotilde, fille du premier mariage de son frère Aristide. Patiemment et tendrement, il a élevé cette enfant librement, déterminé à la sauver de l’atavisme familial. La fillette a grandi et, devenue femme, elle s’est faite l’assistante dévouée du docteur, copiant des notes pour lui et illustrant ses recherches. Entre l’oncle et la nièce, l’harmonie serait complète si la seconde n’essayait pas de ramener le premier dans le giron de l’Église, aidée en cela par Martine, la bonne du docteur depuis des décennies. Mais rien y fait, Pascal est un athée convaincu dont la seule foi est la science. Son plus grand bonheur serait de convaincre sa nièce de l’importance de ses travaux. La lutte sera longue, mais fructueuse et l’adhésion de Clotilde à Pascal sera consommée quand chacun reconnaîtra dans l’autre l’unique objet de son affection, en se moquant bien des 35 ans qui les séparent.z
L’Empire est tombé et la République triomphante étale ses ors en lieu et place des anciennes suprématies impériales. Superbe et inflexible, Félicité Rougon, la mère de Pascal garde l’attitude d’une impératrice déchue et est bien résolue à s’imposer une troisième fois dans Plassans. Mais avant cela, elle veut arracher à son fils tous ses travaux sur la famille Rougon-Macquart et faire disparaître toutes les preuves des ignominies familiales. « S’il venait à mourir et qu’on trouvât les affreuses choses qu’il y a là-dedans, nous serions tous déshonorés ! » (p. 28) Contrairement à son fils, Félicité n’a que faire de l’Arbre généalogique de la famille et ne souhaite que préserver l’honneur des Rougon, en souhaitant tout bas la mort de ses indignes représentants.
J’ai passionnément aimé cet ultime volume des Rougon-Macquart et me suis vraiment attachée à ce bon docteur Pascal, si proche d’Émile Zola dans sa façon de présenter l’hérédité. L’auteur place son dernier volume à Plassans, là où tout a commencé avec La fortune des Rougon. Émile Zola fait la somme de son œuvre et convoque une dernière fois tous les membres de la famille qu’il a créée. Comment ne pas sentir l’infinie tendresse de l’auteur pour ses personnages, surtout pour ceux qu’il a le plus malmenés ? Quel apaisement de lire qu’il réserve un destin finalement heureux à Jean, si malheureux à la fin de La terre et de La débâcle ! Et quel espoir de refermer le dernier volume de cette somme littéraire sur le sourire d’un enfant, dernière bouture d’un arbre gigantesque et fabuleux !