Catherine Morland est une jeune fille de dix-huit ans qui n’a pas encore fait son entrée dans le monde. Invitée à Bath par Mr et Mrs Allen, Catherine se lie rapidement d’amitié avec deux couples de frère et sœur, John et Isabelle Thorpe et Henry et Eleanor Tilney. Hélas, parmi les deux couples de frères et sœurs, il y en a un qui pratique le mensonge, la dissimulation, la tromperie et le double jeu avec un art digne des plus grands manipulateurs et cela afin de faire main basse sur des fortunes en épousant des jeunes gens crédules. Catherine devra donc apprendre à reconnaître ses vrais amis et à distinguer les trompeuses protestations d’amitié des véritables déclarations d’affection. Mais avant cela, Catherine est invitée à Northanger Abbey, une demeure qui évoque pour elles les sombres manoirs des romans gothiques dont elle raffole, notamment celui d’Ann Radcliffe, Les mystères d’Udolphe. L’esprit plein de ces récits effrayants, la jeune fille cherche des mystères et des horreurs partout. « Elle avait inventé cette histoire de toutes pièces, n’écoutant que son imagination, résolue à s’alarmer de tout, donnant de l’importance à des détails insignifiants, interprétant le moindre fait dans un sens toujours identique, dans le seul but de satisfaire l’ardent désir, qu’elle nourrissait avant même de pénétrer dans l’abbaye, d’avoir affreusement peur. » (p. 217)
Jane Austen m’avait habituée à des romans longs ou plus denses, notamment Mansfield Park. Ici, elle a signé un roman court – moins de 300 pages – et très efficace. Elle commence par ironiser sur le statut d’héroïne et ce qui fait un bon personnage féminin, notamment en se moquant aimablement des romans gothiques. « Si l’héroïne d’un roman n’est point patronnée par l’héroïne d’un autre roman, de qui peut-elle attendre protection et considération ? » (p. 37) Dans les premières pages, l’auteure s’ingénie à dépeindre Catherine comme une jeune fille tout à fait banale et plutôt indigne de figurer dans un roman. « Elle se montrait là lamentablement dépourvue de la véritable élévation d’une héroïne. » (p. 14) Mais la suite du récit ne manque évidemment pas de contrer cette première et fausse impression en présentant Catherine comme une jeune fille accomplie et dotée des meilleures vertus. « Si l’on n’a pas pu me convaincre de faire ce que je croyais mal, je ne consentirai certes jamais à me laisser duper. » (p. 111) En revanche, tout au long de son texte, l’auteure s’en donne à cœur joie avec Mrs Allen : cette coquette obsédée par sa mise et par ses toilettes est une merveille de frivolité stupide.
Très critique vis-à-vis de la société bourgeoise qui allait prendre les eaux à Bath, ce roman fustige également les manœuvres sournoises des jeunes gens en mal d’argent et cherchant à se faire épouser. Évidemment, comme dans chaque roman de Jane Austen, les couples finissent toujours par s’assortir en fonction de leurs vertus et de leur élévation d’âme. Pour le dire simplement, les gentils épousent les gentils et les vilains finissent entre eux ou seuls et dépités. Northanger Abbey est, avec Emma, un de mes romans préférés de Jane Austen. Je trouve ces deux textes plus efficaces et plus directs, voire plus cinglants. Damned, il ne me reste plus que Persuasion et Sanditon à découvrir de cette auteure !
Le téléfilm réalisé par la BBC avec Felicity Jones et J. J. Feild dans les rôles titres est très convaincant, en dépit de quelques coupes et raccourcis un peu rapides. Ce film dépeint avec brio les relations mises en scène dans le roman et la réalisation décrit très bien l’imagination débordante de la jeune Catherine Morland. La jeune et jolie Carey Mulligan incarne une jeune peste arriviste que l’on adore détester ! Une nouvelle fois, la BBC prouve qu’elle excelle dans l’adaptation à l’écran des grands classiques de la littérature britannique.