Une petite robe de fête

Textes de Christian Bobin.

Dans les premières pages, l’auteur détaille le miracle et la douleur d’apprendre à lire, cette capacité qui creuse chez le·a vrai·e lecteur·ice une faim avide qui ne se calme jamais. « Cette frontière-là, entre les lecteurs et les autres, est plus fermée encore que celle de l’argent. Celui qui est sans argent manque de tout. Celui qui est sans lecture manque du manque. » (p. 11) Combien ces lignes me touchent au cœur, moi que les livres ont souvent tirée du pire ! Lire, écrire, ce sont les deux faces de la même pièce : que l’on suive des yeux les mots ou que la plume suive le fil de notre pensée, on cherche à sauver son âme. « Il n’y aucune différence entre la lecture et l’écriture. Celle qui lit est l’auteur de ce qu’elle lit. » (p. 62)

Christian Bobin parle aussi d’amour avec une acuité qui me renverse. « Je t’aime. Tu as ce qui éveille en moi le statut d’amour, puisque tu peux l’éveiller c’est que tu peux le combler, si tu peux le combler c’est que tu dois le combler, tu es le complément en moi du verbe aimer, le complément d’objet direct de moi, j’aime qui, j’aime toi, tu es le complément de tout […]. » (p. 38) Je retrouve dans ce passage un rien, un quelque chose, une trace de Marguerite Duras. Il y a cette façon si particulière dont la phrase s’échappe, se précipite pour dire d’autres mots, dire tous les mots sans en oublier…

L’auteur chante les temps merveilleux de l’enfance et de l’amour, si fugaces, si intenses, si merveilleusement et douloureusement nostalgiques quand ils sont achevés. Quand il s’adresse à la femme qui habite en son cœur, Christian Bobin dépasse les mots, car aucun n’est assez juste pour dire le sentiment. Que l’humain est démuni face à l’amour ! « Il n’y a pas de connaissance en l’amour. Il n’y a dans l’amour que l’inconnaissable. » (p. 86)

J’ai découvert récemment Christian Bobin avec Le Très-Haut. Je retrouve dans ce texte une prose poétique ciselée. Aucun mot n’est de trop, aucun mot ne manque. L’auteur maîtrise l’art si délicat de la phrase courte et celui de la phrase complète. Tout est clair, percutant, renversant.

Ce contenu a été publié dans Mon Alexandrie. Vous pouvez le mettre en favoris avec ce permalien.

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.