David Bowie n’est pas mort

Roman de Sonia David.

David Bowie n’est pas mort est paru le 24 août 2017. Ceci est mon billet de participation aux #MRL17 organisés par PriceMinister.

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Le titre. C’est important, le titre, pour accrocher un lecteur. Pour lui donner envie de dépasser la première de couverture.

Le titre nous annonce prophétiquement que David Bowie n’a pas cassé sa pipe le 10 janvier 2016. Fumait-il la pipe, d’ailleurs ? Aucune idée. Je suis fan de l’artiste, mais ça, je ne le sais pas.

Le titre, donc, fait espérer du Moonage Daydream, du Cygnet Committee, du Bewlay Brothers, du Please, Mr Gravedigger et tant d’autres merveilles chantées par Ziggy Stardust, The Thin White Duke, Halloween Jack ou toutes les apparences revêtues par l’immense et tristement disparu David Bowie.

Le titre est menteur. De David Bowie, on ne voit la couleur que dans le dernier petit tiers du roman. La première partie raconte la longue journée qui suit la mort de la mère. La deuxième se concentre sur les heures interminables et confondues qui s’enchaînent après la mort du père.

Le titre ne promet pas une biographie : c’est un immense fantasme de fan. Il ne dit rien du ressentiment égal nourri par Anne, Hélène et Émilie à l’égard de leur mère, femme à la fois trop stricte et trop fantasque, trop peu maternelle et si peu amicale.

Le titre ne dit rien non plus de l’histoire du père, émancipé d’une première épouse invivable, heureux en secondes noces et père attentionné d’une quatrième enfant. Hélène est proche de lui et se fait une fierté de l’aimer plus qu’elle n’aime sa mère.

Le titre assure que l’artiste polymorphe ne peut pas disparaître tant que ses chansons tournent sur les mange-disques et que ses mélodies font ressurgir des souvenirs que l’on croyait perdus. Hélène comprend le lien qui l’attache à son aînée quand David Bowie disparaît.

Le titre annonce un espoir fou. Le texte n’est finalement qu’une longue litanie qui manque de tendresse sur les considérations acariâtres d’une femme qui, après des années à ne pas avoir aimé sa mère, se cherche des excuses et se rattrape aux branches d’un arbre familial qui manque d’eau. Il est certain que David Bowie n’aurait pas fait une chanson de tout cela.

Le titre est accrocheur, mais finalement pauvrement racoleur. De certains livres, il faudrait parfois s’en tenir à cela. Ici, il faut réécouter toutes les chansons de David Bowie, jusqu’au bout et en boucle, et oublier la fade déception de cette lecture.

David Bowie n’est pas mort, pas pour moi, mais le titre du roman de Sonia David enfonce hélas quelques clous dans son cercueil. « À quoi est-on certain qu’une personne est morte ? À ce qu’elle n’aura jamais, absolument jamais, l’occasion de lire le troisième tome de la trilogie d’Amitav Ghosh. » (p. 57) Voilà sans doute le seul point vraiment triste de ce roman : je suis certaine que David Bowie, s’il a lu l’œuvre de Ghosh, l’appréciait profondément.

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Billevesée #301

J’ai fait des recherches pour écrire une billevesée sur les prouts.

L’étymologie, l’origine, tout ça…

Finalement, rien de très concluant, mais comme je me suis bien marrée à la seule idée d’écrire un article sur les prouts, j’ai décidé d’écrire un article pour parler de mes recherches pour écrire un article sur les prouts.

Ouais, ouais, ouais… je sais !

Mais bon, les prouts, c’est rigolo !

Oui, hein ?

Alors, billevesée ?

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La passe-miroir – Tome 1 : Les fiancés de l’hiver

Roman de Christelle Dabos.

Ophélie est une jeune fille timide et mal fagotée qui sait lire le passé des objets et traverser les miroirs. « Lire un objet ça demande de s’oublier un peu pour laisser la place au passé d’un autre. Passer les miroirs, ça demande de s’affronter soi-même. » (p. 63) Elle est fiancée à Thorn, du clan des Dragons, et doit quitter Anima pour la Citacielle, capitale flottante du Pôle. Elle accepte cette union diplomatique, mais est bien décidée à ne pas se laisser enfermer dans le rôle de l’épouse soumise. Mais c’est sans compter les dangers qui l’attendent dans cette contrée glaciale où s’affrontent des clans au sein d’une cour hypocrite et violente. Pour quelles raisons a-t-elle été promise à Thorn ? « Contentez-vous de l’épouser, de lui donner votre pouvoir familial et quelques héritiers. On ne vous demande rien de plus. » (p. 355) Qui sont ses alliés au Pôle ? Reverra-t-elle sa famille ?

Mauvais timing… J’aurais adoré ce roman si je l’avais lu plus jeune. J’aurais glissé sans réserve dans cet univers riche et complexe, sans tiquer devant l’abondance de sujets et de thèmes : objets animés, familles ennemies, pouvoirs extraordinaires, esprits familiaux surpuissants, journaux intimes mystérieux, etc. Hélas, avec mon œil un peu averti de vieille bique littéraire, je n’ai pas pu m’empêcher de voir du fouillis derrière le foisonnement. De même, j’ai senti venir de très loin les revirements de l’intrigue matrimoniale/amoureuse entre Ophélie et Thorn. « De Thorn, elle s’était attendue à tout. Brutalité. Mépris. Indifférence. Il n’avait pas le droit de tomber amoureux d’elle. » (p. 253) L’auteure nous épargne – du moins pour ce premier tome – une romance mièvre qui aurait été insupportable.

Il est patent que nous sommes en présence d’un premier roman : il y a du potentiel, mais également de nombreux défauts. S’il est important de caractériser un personnage, il est dommage que les traits soient poussés jusqu’au tic agaçant, d’autant plus quand il s’agit de rendre le protagoniste attachant. Je ne lirai pas les tomes suivants de ce roman qui a su trouver son public, dont je ne suis pas, et ce n’est pas si grave.

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Orgasme à Moscou

Roman d’Edgar Hilsenrath.

Nino Pepperoni est l’homme le plus riche de New York. Il est aussi le parrain de la mafia américaine. Sa fille Anna Maria est la prunelle de ses yeux. Quand elle s’absente plusieurs mois pour interviewer Brejnev et Kossyguine et qu’elle revient enceinte, c’est le drame ! Le géniteur est Sergueï Mandelbaum, fils de rabbin, qui a donné à la jeune Américaine son premier orgasme. Hélas, le jeune homme ne peut pas sortir d’URSS. Nino Pepperoni est prêt à tout pour le bonheur de sa fille. « Ce serait la meilleure si lui, le roi de la mafia américaine, ne parvenait pas à faire sortir ce petit Juif de Russie ! » (p. 7) Grâce à son avocat, Archibald Seymour Slivovtiz, il entre en contact avec S. K. Lopp (comme ça se prononce), passeur hors pair, pour que son futur gendre traverse le rideau de fer. « Je connais le trou du rideau de fer aussi bien que mon trou de balle. »  (p. 63) Petit bémol, Lopp est un dépeceur sexuel et Pepperoni craint pour l’intégrité de Mandelbaum. Qu’à cela ne tienne, il n’y a qu’à castrer S. K. Lopp ! « Le plan le plus fou de toute l’histoire contemporaine de la castration. » (p. 20)

Tout cela vous paraît dingue ? Ce ne sont que les 10 premières pages du livre ! Ce roman est loufoque, déjanté, foutraque, vicieux, pervers, vulgaire et absolument génial ! Hilarante de bout en bout, cette parodie des romans d’espionnage qui ont fleuri pendant la guerre froide m’a fait verser des larmes de rire. Le texte est bourré de références aux films et aux livres de gangster et de mafia. C’est aussi une brillante satire de la diplomatie internationale qui, semble-t-il, repose sur la mafia américaine qu’il est impératif de sauvegarder !

Tous les personnages sont foutrement bien montés… Attendez, non, je vais le dire autrement : ils sont tous très bien élaborés. Voilà, là, c’est mieux. Mention spéciale pour Mandelbaum dont le sexe est entouré d’une légende connue dans toute la Russie. « Sa queue est si longue […] qu’il n’a pas d’autre choix que de se l’enrouler autour du ventre et de faire un nœud gordien avec ! / Et c’est quoi un nœud gordien ? / Un nœud avec une énigme. À ce jour, un seul homme a réussi à le dénouer. / Qui est cet homme ? / Alexandre le Grand. / Mais Alexandre le Grand est mort […]. / Alors je plains Sergueï Mandelbaum. » (p. 15 & 16)

La grande majorité du texte est le récit a posteriori de l’exfiltration de Sergueï Mandelbaums. Les effets dilatoires sont savoureux et la chute est tonitruante. Et il y a une rivière qui s’appelle Prout. Oui, Prout. Si je ne vous ai pas convaincus après tout ça, j’abandonne ! Et je ne peux que vous recommander les autres romans d’Edgar Hilsenrath, Fuck America ou Le nazi et le barbier.

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Le tonnerre de Dieu (qui m’emporte)

Roman de Bernard Clavel.

Plusieurs fois par mois, Brassac descend à Lyon pour boire et fréquenter les filles. Il ramène souvent des chiens errants dans sa misérable ferme du Rhône. « Selon lui, les chiens valent mieux que les hommes. […] Il aime les chiens, c’est tout. Mais il les aime vraiment. Il aime d’ailleurs toutes les bêtes. » (p. 42) Un soir, il revient avec Simone, jeune prostituée, mais sans aucune pensée perverse dans ce sauvetage. « Je ne saurais expliquer pourquoi, mais je n’ai jamais eu l’impression que cet homme pouvait me faire du mal. » (p. 14) Sans s’en rendre compte, Simone s’installe dans la ferme, entre Brassac et son épouse Marie. Elle trouve une sérénité inconnue dans cette campagne reculée, se laissant envahir par de doux souvenirs qu’elle croyait perdus.

Avec des mots simples et des personnages à peine esquissés, Bernard Clavel monte des histoires puissantes et émouvantes. Ici, il dépeint la formation d’une famille avec des membres qui se choisissent. C’est efficace, fulgurant et très beau. Du même auteur, je vous recommande chaudement le magnifique Voyage du père.

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Billevesée #300

300 !

Voilà, c’est tout !

Alors, billevesée ?

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California Girls

Texte de Simon Liberati.

Le 9 août 1969, Sharon Tate, épouse de Roman Polanski et enceinte de huit mois, est assassinée dans sa maison de Beverly Hills par plusieurs membres de la « famille », la secte dirigée par Charles Manson. « Il n’avait jamais tué de femme jusqu’ici et il se dit que c’était vraiment une besogne répugnante. Quelque chose qui vous mine le moral. Qui vous fait sentir tout petit et méchant une fois qu’on a frappé. » (p. 125)

Cette terrible histoire est un fait divers qui a secoué l’Amérique et horrifié plusieurs générations. Simon Liberati imagine les jours avant le supplice de Sharon Tate, mais aussi les jours qui ont suivi. Il nous fait plonger dans le quotidien de la « famille », nous frotte aux femmes et aux hommes puants de la secte et regarder Charles Manson droit dans les yeux. « Il était le Fils de l’Homme (Man-Son), une réincarnation de Jésus-Christ redescendu sur terre pour aider une nouvelle humanité à naître. En cela, il n’obéissait qu’à un seul maître. Soi-même. Jésus-Christ réincarné, c’était le sens de son nom : Charles Willis Manson, Charles will is man son. » (p. 82) Le malaise est immense et pourtant, pourtant, impossible de poser le livre ou de détourner le regard. On veut voir la lame s’enfoncer, on veut entendre les appels au meurtre et on veut sentir l’odeur du sang. Avec une chanson des Beach Boys en fond sonore. Hypnotique. Fascinant. Glaçant.

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Catherine de Médicis

Bande dessinée de Mathieu Gabella (scénario) et Paolo Martinello (dessins).

Quatrième de couverture – Catherine de Médicis, devenue veuve d’Henri II en 1559, exerce pendant trente ans tout ou partie du pouvoir sous les règnes de ses trois fils, François II, Charles IX et Henri III. Elle veille jalousement à maintenir le respect de l’autorité royale dans une période de troubles religieux et politiques. Échouant dans sa politique de pacification, elle endosse la responsabilité des massacres de protestants lors de la tristement célèbre Saint-Barthélémy : la légende noire de Catherine de Médicis est née.

Pas de résumé, l’Histoire se suffit à elle-même. Et il est bien difficile de saisir toute la complexité de Catherine de Médicis. On la voudrait froide et cruelle pour qu’elle colle à l’image véhiculée par les romans de capes et d’épée et certains films. Elle était surtout une femme de tête qui voulait préserver le royaume de France et asseoir la puissance de ses fils, mais pas à tout prix. Elle a longtemps essayé de contenter les protestants et les catholiques, jusqu’à l’irréconciliable. « Nous allons donner au peuple de Paris le Sang qu’il veut voir couler… pour lui couper l’herbe sous le pied. Et nous allons décapiter les protestants pour éviter la contre-attaque. Il y a un temps pour la paix, un autre pour la guerre. Que Dieu nous prenne en pitié. » (p. 37)

Je n’ai pas été subjuguée par le dessin, mais la bande dessinée n’est pas désagréable à regarder. Et elle a l’immense mérite de remettre en perspective tous les éléments qui ont conduit aux massacres des huguenots dans toute la France. Cette BD est un bel exemple de vulgarisation historique.

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Philippe le Bel

Bande dessinée de Mathieu Gabella (scénario) et Christophe Regnault (dessins).

Quatrième de couverture – Philippe IV de France, dit Philippe le Bel, fils de Philippe III de France et de sa première épouse Isabelle d’Aragon, est roi de France de 1285 à 1314. Derrière la légende noire du procès des Templiers et des rois maudits se sache un souverain silencieux, secret et éminemment politique. Et les « affaires » qui émaillent cette époque suscitent les questions : Pourquoi s’en prendre au Temple ? Pourquoi ces guerres en Flandre ? Pourquoi ce conflit avec le Pape ? De ces presque 30 ans de règne émerge finalement une volonté constante et tendue vers un but unique : la grandeur du royaume de France !

Pourquoi ne pas faire un résumé de ma main ? Parce que l’Histoire se suffit à elle-même et que cette bande dessinée présente avec détails la vie de ce monarque. On comprend les rapports difficiles avec la papauté, quasiment jusqu’à la rupture. « Je ne veux pas m’approprier les biens du Temple, je veux une Église saine et obéissante. » (p. 43) Et surtout, on voit naître avec Philippe le Bel une certaine idée de la France, toute puissante et écrasante, qui trouvera une sorte d’achèvement, des siècles plus tard, sous le règne de Louis XIV. « Il fallait asseoir l’autorité du roi sur le royaume, envers et contre tous, faire face à l’Église et à son pape. […] Mais de tous mes adversaires, le seul qui me résiste désormais, c’est l’argent. Encore et toujours. Nous avons levé des taxes par tous les moyens possibles, usé de la guerre et des monnayages. Rien n’y fait. […] Désormais, le pouvoir de la couronne ne se plus seulement sur les champs de bataille, dans les assemblées ou des procès… mais dans les livres de compte. » (p. 46)

Le seul point négatif de cette bande dessinée, c’est son dessin que je n’ai pas du tout apprécié : anguleux et froid, je l’ai trouvé sans charme. Cela dit, j’aime énormément ce genre d’ouvrage qui vulgarise avec précision l’Histoire et sa complexité.

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Billevesée #299

Lepus timidus, également appelé lièvre variable, est un…

OUI, JE PARLE ENCORE DE BESTIOLES À GRANDES OREILLES, ET ALORS ?!

Donc, le lièvre variable est ainsi appelé parce que son pelage change de couleur en fonction des saisons.

Alors, billevesée ?

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Phil Ochs – Vie et mort d’un rebelle

Biographie de Marc Eliot.

Quatrième de couverture – Bob Dylan excepté, le plus important auteur-compositeur et interprète de la chanson nord-américaine des années 60 fut certainement Phil Ochs – bien que sa renommée n’ait que fort peu traversé l’Atlantique. Avec un talent et un courage peu communs, il traita en chansons la plupart des grands problèmes politiques nationaux et parfois internationaux d’une décennie particulièrement effervescente : de l’invasion américaine manquée contre Cuba jusqu’au Watergate et à la chute de Nixon, en passant par l’assassinat de Kennedy, la lutte pour l’égalité raciale, le soutien aux mineurs du Kentucky, l’opposition à la guerre du Vietnam, la résistance des peuples d’Amérique latine contre l’impérialisme (il organisa en 1974 à New York un immense gala de soutien au peuple chilien, avec la participation très remarquée de Bob Dylan). Au fil de sa vie courte et mouvementée, Phil Ochs connut plus ou moins intimement – de la rencontre occasionnelle à l’amitié profonde et durable – des personnages célèbres et divers, chanteurs (Bob Dylan, Pete Seeger, Tom Paxton, Joan Baez, Judy Collins, Victor Jara), activistes d’extrême gauche (comme Jerry Rubin avec qui il forma le mouvement Yippie), politiciens libéraux (Eugene McCarthy, Robert Kennedy ou Ramsey Clark) ou dessinateurs « underground » (Ron Cobb). Mais Phil Ochs ne fut pas seulement un « protest-singer » virulent ; la seconde phase de sa carrière créatrice, sans renier la première, la dépasse et lui donne un éclairage plus puissant, en débouchant sur des thèmes lyriques et philosophiques qui dévoileront un artiste véritablement majeur : poète, mélodiste, vocaliste, journaliste, agitateur d’idées nouvelles et parfois prophétiques. Malgré l’enthousiasme et le nombre de ses fans fidèles, Phil Ochs ne devint jamais une star ni un gros vendeur de disques. Tiraillé entre ses propres contradictions, l’évolution générale de la société américaine et de la jeunesse, et les affres du show-business, ne parvenant plus à écrire, à partir de 1970 il sombra dans l’alcoolisme et la dépression nerveuse, qui le conduisit finalement au suicide. Il laisse néanmoins une œuvre qu’il est plus que temps de découvrir.

Il est toujours vain de vouloir résumer la vie d’un homme quand on lit sa biographie. La quatrième de couverture fait assez bien le boulot ici. J’ai découvert Phil Ochs grâce à Stephen King, dont l’un des courts romans publiés dans Cœurs perdus en Atlantique s’articule autour de la chanson I Ain’t Marching Anymore. Si le King dit que c’est bon, il faut forcément que je jette un œil/une oreille. Voilà plusieurs années que je suis émue dès que j’entends les chansons de cet ancien enfant rêveur, journaliste chantant, opposé à la guerre et à l’impérialisme. Écorché vif, éternel insatisfait, idéaliste, Phil Ochs est le poète maudit de la folk music. « Politique et musique étaient deux aspects importants, bien que séparés, de ses talents naissants. » (p. 50)

Il est dommage que les chansons ne soient présentées que dans leur traduction française, sans rappel des textes originaux. Pour vous faire une idée de la voix et du talent de Phil Ochs, écoutez les incontournables I Ain’t Marching Anymore, Crucifixion, Pleasures of The Harbor, Santo Domingo, A Tape of California, The War is Over, I’m Gonna Say It Now. Dans ses chansons, Phil Ochs proteste, accuse et revendique, mais ce qu’il cherche avant tout, c’est à plaire à tous ceux qui l’écoutent. « Il leur aurait donné n’importe quoi. Tout ce qu’il voulait en retour, c’était leur amour sous la forme d’un tube. » (p. 132)

Le seul reproche que j’ai à faire à ce texte est son style lyrique, parfois jusqu’au délire. Nous sommes moins devant une biographie d’artiste que devant l’hommage d’un fan. « J’ai décidé d’écrire ce livre le lendemain du suicide de Phil Ochs. » (p. 13) Mais c’est finalement assez pardonnable : la personnalité de Phil Ochs, très humaine et très sensible, ne peut pas laisser de marbre. « J’ai pris des leçons pour pouvoir jouer les chansons de Phil à la guitare : je voulais sentir ce que ça faisait de promener mes doigts sur sa musique. » (p. 14) L’émotion de Marc Eliot est largement partagée grâce au livret de photos placé au centre du livre. On découvre Phil Ochs à divers âges de sa vie : enfant, adolescent, jeune homme et jusqu’à la veille de sa mort.

Après avoir lu cette biographie, tout en écoutant les chansons de Phil Ochs, quasiment toutes disponibles en plus ou moins bonne qualité sur YouTube, je n’ai qu’une envie, trouver enfin les albums de cet artiste qui m’émeut tant.

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Minuit 4

Recueil de deux courts romans de Stephen King.

Le policier des bibliothèques – Il existe une légende bien connue de tous les enfants américains : s’ils ont du retard pour rendre les livres, le policier des bibliothèques viendra les punir. Quand Sam Peebles emprunte des ouvrages pour terminer un discours professionnel, il ne se doute pas que ses vieilles terreurs d’enfant vont s’incarner sous la forme de la terrible Ardelia Lortz, dont Junction City n’ose pas dire le nom, et s’en prendre à ses amis. Des traumatismes d’enfant refont surface et il faut tout le courage de l’adulte pour vaincre les monstres venus du passé.

Ce n’est clairement pas l’histoire courte/nouvelle de Stephen King la plus renversante que j’aie lue, mais sous l’horreur et la terreur, elle fait la part belle à l’humour et à l’autoréférence, ce qui me plaît toujours quand c’est fait par le roi de l’épouvante, parce que ce n’est pas de l’autosatisfaction, mais une façon de mettre en perspective son œuvre et de prouver à quel point elle est inscrite dans l’imaginaire collectif et populaire. « Je n’ai jamais entendu un disque de Ozzy Osbourne et n’en ai aucune envie, non plus que de lire les romans de Robert McCammon, Stephen King ou V. C. Andrews. » (p. 35)

Le molosse surgi du soleil – Kevin est le plus heureux des gamins quand il reçoit un polaroïd pour son anniversaire. Mais l’appareil prend toujours la même photo, ou presque. « Ce qui clochait avec cette photo était l’impression qu’elle donnait de clocher. » (p.25) Sur chaque cliché, il y a un chien énorme qui semble se déplacer. Kevin confie l’appareil à Pop Merrill, sinistre citoyen de Castle Rock dont la curiosité malsaine n’a d’égale que la cupidité. Il faudrait détruire le polaroïd, mais il y a des forces qui semblent l’empêcher. « Ce truc prend des photos d’un autre monde. » (p. 338) Cours, Kevin, cet autre monde en a après toi !

Impossible de ne pas penser à Rose Madder et à son tableau dont l’image se change en vision d’horreur. Ici, à nouveau, l’image est vivante et dangereuse et bien décidée à attaquer le jeune propriétaire de l’appareil photo. Cette histoire a le mérite d’être brève : sans être inintéressante, elle n’est pas renversante. Une fois encore, je me suis surtout délectée de l’ambiance particulière propre aux romans de Stephen King : que l’intrigue se déroule à Castle Rock annonce toujours du bizarre ou de l’horrifique. Et c’est encore mieux agrémenté de quelques références à Cujo ou à Christine.

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Billevesée #298

On appelle la Corse l’île de Beauté parce qu’elle regorge de paysages superbes.

Mais j’ai cherché en vain la première occurrence de cette appellation.

Si vous avez des pistes…

Alors, billevesée ?

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Station Eleven

Roman d’Emily St John Mandel.

Une grippe décime la population mondiale. « Si tu es exposé au virus, tu tombes malade en quelques heures. » (p. 27) Vingt ans près le cataclysme, les rares survivants se sont regroupés en petites communautés et tentent de survivre dans un monde où l’électricité et tout le confort moderne ont disparu. « Ce qui a été perdu lors du cataclysme : presque tout, presque tous. Mais il reste encore tant de beauté : le crépuscule dans ce monde transformé, une représentation du Songe d’une nuit d’été sur un parking ? […] Parce que survivre ne suffit pas. » (p. 67 & 68) Les caravanes de la Symphonie Itinérante se déplacent entre les villes pour jouer des pièces de Shakespeare. Parmi eux, Kirsten qui avait 8 ans lors du cataclysme : elle a très peu de souvenirs de l’ancien monde, mais est obsédée par un acteur et deux comics. « Nous cherchons en permanence l’ancien monde, avant que toute trace n’ait disparu. » (p. 138) Mais quel est le lien entre la mort d’Arthur Leander, comédien qui incarnait le roi Lear et les drames qui marquent le nouveau monde ?

J’attendais beaucoup de ce roman, mais je le referme sur une grande frustration. Les aller-retours entre les derniers temps avant le cataclysme et l’an Vingt après laissaient attendre une révélation. Il y en a certes quelques-unes, mais rien de spectaculaire. Finalement, il y a des pistes dans tous les sens – un presse-papier en verre, un loulou de Poméranie et un musée qui regroupe les vestiges de l’ancienne civilisation – et des scènes dont je n’ai pas compris l’intérêt, comme l’interview que donne Kirsten en l’an Quinze. « Pourquoi ne pas créer une histoire orale de cette époque où nous vivons, et une histoire orale du cataclysme ? » (p. 117) Quant à la fin, elle est abrupte et un peu décevante. Dommage, car j’espérais vraiment autre chose.

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La fille du fossoyeur

Roman de Joyce Carol Oates.

En 1936, la famille Schwart quitte l’Allemagne pour les États-Unis. Elle s’installe dans la vallée de Chautauqua. Le père, qui était professeur dans un lycée allemand, est contraint d’accepter un emploi de fossoyeur. Le rêve américain ne se réalise jamais pour lui et son épouse. Jacob Schwart est un père odieux, violent et mauvais, haï par tous ses enfants. « Il était un homme brisé. Un homme dont les rats avaient mangé les tripes. Mais il était aussi têtu. Retors. » (p. 87) Rebecca, la cadette, échappe de peu au drame qui anéantit sa famille. Désormais sans racines, elle fait de son mieux pour survivre et oublier d’où elle vient. « Elle avait un air têtu, une dignité raide. Elle ne se laissait marcher sur les pieds par personne. » (p. 43) Elle croit trouver le bonheur avec son époux, Tignor, mais ne l’attendent encore que danger, violences et désillusions. Rebecca doit se sauver et sauver son enfant. Elle s’enfuit à nouveau et devient une autre. Mais le passé n’a de cesse de la rattraper de différentes façons. Quelle que soit sa nouvelle identité, elle sera toujours la fille du fossoyeur.

Joyce Carol Oates sait écrire de très beaux destins féminins et des personnages puissants. Ce roman est la fabuleuse histoire de la résilience et de la survie d’une femme courageuse, solide et déterminée. De 1936 à la veille des années 2000, Rebecca Schwart gagne son indépendance et sa place. La fin du roman est une question lancée aux vents mauvais et au spectre hideux des génocides. La fille du fossoyeur est une claque littéraire qui interroge l’histoire, l’identité et la société.

Quelques passages percutants pour finir.

« Sans le poids de Tignor pour l’immobiliser, l’amarrer, elle serait brisée, éparpillée comme des feuilles mortes emportées par le vent. Et aussi peu importantes que des feuilles mortes emportées par le vent. » (p. 294)

« J’ai su alors qu’un homme pouvait aimer. Un homme peut aimer. Avec sa musique, avec ses doigts, un homme peut vous aimer. Un homme peut être bon, il n’est pas obligé de vous faire du mal. » (p. 424)

« Une femme ouvre son corps à un homme, il le possédera comme s’il lui appartenait. Quand un homme vous aime ainsi, il finira par vous haïr. Jamais un homme ne vous pardonnera la faiblesse qu’il a de vous aimer. » (p. 445)

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La septième fonction du langage

Roman de Laurent Binet.

Le 25 février 1980, en sortant d’un repas avec François Mitterand, Roland Barthes est heurté par une camionnette. Les papiers qu’il avait sur lui disparaissent et le commissaire Jacques Bayard soupçonne rapidement une affaire plus grave qu’un simple accident de la route. Pour progresser dans les méandres du monde universitaire et mieux comprendre toutes les théories linguistiques qui se dressent sur son chemin, Bayard réquisitionne les services du jeune Simon Herzog qu’il embarque dans son enquête qui se déploie de la France à l’Italie en passant par les États-Unis. « Il sait que pour faire avancer l’enquête, il doit comprendre ce qu’il cherche. Qu’est-ce que possédait Barthes qui valait si cher pour que non seulement on le lui vole mais qu’en plus on veuille le tuer ? » (p. 97) Alors que le linguiste Jakobson a défini six fonctions propres au langage, il semble que Roland Barthes en ait découvert une septième et que cela ne plaise pas à tout le monde, tant dans les cercles universitaires et littéraires qu’au niveau politique. Nombreux sont ceux qui cherchent le dernier écrit de Barthes, pour le connaître ou le détruire. Bayard découvre l’existence du Logos Club, cercle d’éloquence d’où les jouteurs vaincus repartent plus ou moins diminués. Il y a aussi une Fuego bleue et une DS noire qui apparaissent à tous les tournants et des gueguerres de clochers entre différentes écoles de pensée. Sans oublier les préparatifs de la présidentielle de 1981 : ça milite, ça gueule, ça distribue des tracts, ça appelle à la révolution, ça voudrait casser du bourgeois et du facho. Accident de voiture, meurtre, attentat, cambriolage, empoisonnement, mutilation, torture, il va s’en passer des choses avant la résolution de l’enquête et, peut-être, la découverte  de la septième fonction du langage.

Roland Barthes, ma bête noire, auteur obligé et incontournable de mes années d’études littéraires. J’ai sué sur ses textes et pourtant… Pourtant, avec son roman, Laurent Binet me donne une furieuse envie de me replonger dans la sémiologie ! « Tout laisse supposer, en effet, que la sémiologie est en réalité l’une des inventions capitales de l’histoire de l’humanité et l’un des plus puissants outils jamais forgés par l’homme, mais c’est comme le feu ou l’atome : au début, on ne sait pas toujours à quoi ça sert, ni comment s’en servir. » (p. 9) L’extrapolation autour de la mort de Barthes est brillamment menée et convoque tous les acteurs de l’époque, chercheurs, politiques et autres. Au fil des pages, vous croiserez Julia Kristeva, Michel Foucault, Philippe Sollers, Gilles Deleuze, Bernard Henri-Levy, Valéry Giscard d’Estaing, Daniel Balavoine, Laurent Fabius, Hélène Cixous, Tzvetan Todorov, Umberto Eco, Jacques Derrida, Björn Borg et un paquet d’autres ! L’uchronie est un genre littéraire qui me plaît décidément beaucoup, surtout quand elle met en scène une telle brochette de protagonistes ! « Le 25 février 1980 n’a pas encore tout dit. Vertu de roman : il n’est jamais trop tard. » (p. 169)

Mazette, que ce roman est drôle ! Je ne m’y attendais pas du tout. L’enquête est menée tambour battant. La confrontation intellectuelle entre Bayard et Herzog est à elle seule très savoureuse, mais tout est sujet à un humour à la fois érudit et potache, fin et vachard. « Le langage de Roland Barthes est imbitable. Mais alors, pourquoi perdre son temps à le lire ? Et, a fortiori, à écrire un livre sur lui ? » (p. 26) L’intrigue est stimulante et enjouée, et si le propos est souvent très théorique (la sémiologie, ce n’est pas toujours easy…), il n’est jamais obscur. Les rebondissements s’enchaînent à toute allure sur un mode romanesque déjanté. « À Bologne, il couche avec Bianca dans un amphithéâtre du XVII° et il échappe à un attentat à la bombe. Ici, il manque de se faire poignarder dans une bibliothèque de nuit par un philosophe du langage et il assiste à une scène de levrette plus ou moins mythologique sur une photocopieuse. » (p. 295) Et ce n’est qu’une partie de ce qui arrive à Simon Herzog, à tel point qu’il se demande un peu ce qui lui arrive. « Je crois que je suis coincé dans un putain de roman. » (p. 295) Avec ses airs sanglants de slasher linguistique, La septième fonction du langage est un roman policier jubilatoire où la langue est sur le banc des accusés.

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Billevesée #297

Twitter est un réseau social sur lequel je passe (beaucoup) (trop) du temps.

On s’y envoie des tweets, terme anglais qui signifie « pépiement » ou « gazouillis ».

Pas étonnant vu le logo est un petit oiseau bleu et que ce qu’on raconte sur Twitter s’envole aussi vite que le cuicui d’un zozio.

Alors, billevesée ?

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Les frères Karamazov

Roman de Fédor Dostoievski.

Fiodor Pavlovitch est un propriétaire terrien qui gaspille sa fortune en beuveries et débauches. Il n’a élevé aucun des trois fils issus de ses deux mariages et a fait de son bâtard un de ses serviteurs. L’assassinat de Fiodor par un de ses enfants est le nœud de l’intrigue : lequel a tué le père, chacun ayant des motifs profonds de ressentiment à son égard ?

Et c’est encore un abandon, à toutes jambes qui plus est ! Décidément, le style de Dostoievski ne passe pas : il m’étouffe, m’ennuie, m’agace. J’ai pourtant très envie de connaître cette histoire. Alors, un peu lâchement, je vous le demande : si vous connaissez une bonne adaptation cinématographique ou télévisuelle, faites-le moi savoir !

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Carthage

Roman de Joyce Carol Oates.

Dans la famille Mayfield, Juliet est la jolie fille et Cressida la fille intelligente. Cette répartition des rôles semble convenir à tout le monde. Jusqu’au jour où Cressida disparaît dans la réserve de la Nautauga. En dépit des recherches dans la forêt, on ne retrouve pas la jeune fille. Zeno, son père, refuse de croire au pire. « Une personne disparue ne peut pas être morte. Car un mort n’est pas vraiment une personne disparue, même si le corps n’a pas été découvert. » (p. 163) Hélas, des mois après la disparition de Cressida, quand Brett Kincaid, l’ancien fiancé de Juliet, vétéran d’Irak, avoue le meurtre, tous les espoirs sont brisés. Chez les Mayfield, il n’y a que la mère, Arlette, pour pardonner. Six ans après, une jeune femme décide de retourner chez les siens, lourde de honte et de chagrin. « Je ne suis pas vraiment censée être en vie : tout cela est posthume. » (p. 208) Ce retour sera-t-il la fin du deuil ? Comment pardonner l’abandon, la démolition d’une famille et la trahison ? Comment rendre sa place à la personne qui n’en voulait plus ? « Elle avait payé pour ces erreurs. (Était-ce si sûr ?) Mais malgré tout, on n’est jamais entièrement quitte d’une faute qui concerne autrui. » (p. 236)

Dans un drame antique comme Antigone, version d’Anouilh, Cressida serait la noiraude, la petite, la sauvage. Celle qui ne trouve pas sa place au sein de sa famille et qui envie la lumineuse identité de sa sœur. Enfant à vif, artiste, autiste peut-être, Cressida est une minuscule personne aux sentiments violents, si persuadée de son insignifiance qu’elle est capable de déchaîner des cataclysmes pour se sentir vibrer. « Elle commençait à se demander si sa conduite n’avait pas été une forme de vengeance primitive, pour punir les seins de ne pas l’avoir aimée. » (p. 286) Je me reconnais énormément dans cette fille convaincue de ne pas être aimable, ni digne d’affection. Cressida, mouton noir ou enfant prodigue ? À chercher sa place parmi les siens, elle se perd et tourne en rond jusqu’à l’affolement, comme l’aiguille d’une boussole qui aurait perdu le nord. « J’ai la force de vous aimer parce que vous ne voulez pas de mon amour. » (p. 251) Longs et pénibles sont le chemin de croix et la pénitence de Cressida.

Les personnages secondaires sont traités avec intensité et profondeur. La longue complainte du père, en filigrane, est à la mesure de son amour pour les trois femmes de son existence, brisées par le même homme, Brett. « Tout le monde à Carthage dit que le caporal Kincaid est un type bien, un bon Américain bousillé par l’ennemi irakien : ce n’est pas de ta faute, caporal. Personne ne te jettera la pierre, ou quasiment. » (p. 129) Le jeune caporal, déjà brisé par la guerre, est la victime expiatoire d’un drame qui le dépasse. Juliet est la personne qui m’a le moins touchée. À force d’être présentée comme la jolie fille, la fille douce, la fille facile à aimer, elle m’est apparue superficielle et négligeable. C’est sans doute une mauvaise interprétation, surtout au regard de sa dernière intervention.

Les chapitres sont longs, denses et portés par les points de vue ou les voix des différents protagonistes. La focale se déplace sans cesse et l’on saisit ainsi toute l’ampleur du drame que constitue la disparition de Cressida. Il y a une longue description du couloir de la mort, métaphore d’un terrible voyage aller et retour des enfers. Carthage est une magnifique histoire de famille, d’amour et de haine, de pardon et de résurrection, avec une fin qui reste à construire.

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Moby Dick

Roman d’Herman Melville.

Ismaël, le narrateur de « la noire tragédie de ce navire de mélancolie » (p. 591), est dégoûté de la société et décide de s’embarquer à bord d’un baleinier. Il est embauché sur le Péquod, dirigé par le capitaine Achab. L’objectif du navire est évidemment d’alimenter le marché de la baleine, mais le capitaine veut en réalité se venger de Moby Dick, cachalot blanc qui lui arraché la jambe « Elle a été dévorée, mâchée, broyée par le plus monstrueux cachalot qui ait jamais fait voler en éclats un bateau. » (p. 101)

Que le démarrage est long avant l’embarquement ! Il y a de nombreux chapitres présentant les préparatifs et la rencontre entre Ismaël et Queequeg, le cannibale harponneur, d’où naît une forte amitié. Mais une fois le Péquod lancé sur les flots, l’intrigue ne progresse pas pour autant rapidement. Ismaël décrit avec minutie les techniques de chasse à la baleine et présente toute l’étendue de son savoir sur les cétacés. « Vu sa masse imposante, la baleine est un sujet rêvé pour exagérer, et, d’une façon générale, discourir et s’étendre. Le voudriez-vous que vous ne la pourriez réduire. […] Puisque j’ai entrepris de manier ce Léviathan, il m’incombe de me montrer à la hauteur de ma tâche, de ne pas négliger la plus minuscule cellule de son sang et de raconter jusqu’au moindre repli de ses entrailles. » (p. 550) C’est véritablement une encyclopédie qu’il propose.

Témoin de la chasse et participant à toutes les tâches à bord, Ismaël s’implique cependant très peu dans l’intrigue et n’a étonnamment aucune interaction avec le capitaine Achab. Mais son récit laisse entendre qu’il a pleinement embrassé le but de ce voyage. « Une sympathie occulte et farouche me possédait, la haine dévorante d’Achab devenait mienne. Je tendis une oreille avide à l’histoire de ce monstre sanguinaire, contre lequel j’avais avec tous les autres, juré vengeance. » (p. 229) Dans la tradition baleinière qui existe depuis Job, il est question des nombreuses légendes sur ce monstre immense, créature haïe et fantasmée dont la mise à mort industrielle par les hommes ensanglante la mer. Le cachalot blanc est terrible, mais innocent et pur dans sa brutalité.

Moby Dick est un roman complexe et riche, offrant plusieurs niveaux de lecture. L’auteur développe des réflexions sur les différentes religions du monde et la recherche des preuves de Dieu. La chasse donnée à la bête à la mâchoire difforme s’apparente à une quête métaphysique, mais négative.  Mort à Moby Dick ! Que Dieu nous donne à tous la chasse, si nous ne la donnons pas à Moby Dick jusqu’à sa mort ! » (p. 215) La vengeance enragée d’Achab est teintée d’orgueil : entre lui et Moby Dick, c’est une lutte titanesque qui oppose le Mal et le Bien dont l’issue sera nécessairement fatale. « Oh ! Achab, […], il n’est pas trop tard, même en ce troisième jour, pour renoncer. Vois, Moby Dick ne te cherche pas ! C’est toi, toi seul qui le cherches de ta folie ! » (p. 684)

Il ne faut pas se laisser décourager par la densité de ce roman. L’histoire est puissante, la langue est passionnante et érudite, le sujet est vaste et multiple. N’hésitez pas, lancez-vous aussi à la poursuite de Moby Dick !

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Billevesée #296

Vous connaissez Riri, Fifi et Loulou ?

Mais si, voyons ! Les neveux de Donald Duck chez Disney !

Mais connaissez-vous leurs noms en version originale ?

Ils s’appellent Huey, Dewey, Louie, à prononcer Ouï, Douï, Louï.

Ça rime pour les trois en anglais, mais pas chez nous, dommage !

Alors, billevesée ?

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Shining, l’enfant lumière

Roman de Stephen King.

« Je vous demandais si votre femme comprend bien les risques que vous courez en venant ici. » (p. 4) Ici, c’est l’hôtel Overlook dont le passé prestigieux cache bien des secrets sordides. « Tous les grands hôtels ont leurs scandales. […] De même qu’ils ont leur fantôme. » (p. 23) Jack Torrance y accepte un poste de gardien de septembre à mai, quand l’hôtel est fermé aux visiteurs. Il est chargé de l’entretien des lieux, mais surtout de la surveillance de l’antique chaudière dont il faut faire baisser la pression deux fois par jour. Jack espère que cette longue retraite loin du monde lui permettra d’achever l’écriture de sa pièce de théâtre et de sauver sa famille. Son épouse et son fils, Wendy et Danny, sont d’abord heureux de cette expérience, mais rapidement tout dégénère. La puissance maléfique qui hante l’hôtel en a après Danny, petit garçon qui possède le Don, et manipule Jack pour qu’il lui livre son petit garçon. Prisonnière de la neige et du sinistre dessein de l’hôtel, la famille Torrance s’enfonce dans un terrible hiver.

Les accès de violence de Jack, largement nourris par son alcoolisme, sont terrifiants, et ce d’autant plus que l’homme aime tendrement son épouse et son fils quand il est calme et sobre. Possédé par la puissance néfaste de l’Overlook, l’ancien professeur en mal d’écriture ne résiste pas longtemps à ses pulsions irrépressibles. « La chaudière avait un manomètre, vieux, craquelé et encrassé, mais qui fonctionnait quand même. Jack, lui, n’en avait pas. » (p. 170) L’irritation devient de l’agacement, puis de la colère et enfin de la rage. Jack pensait échapper à ses démons en travaillant à l’Overlook, mais il est submergé par d’autres bien plus puissants. Alors que résonne le fameux TROMAL (REDRUM en version originale), lancé par un jeune Danny terrifié par les forces qui s’emparent de son père et qui font éclater la cellule familiale, tout devient danger et menace : les arbustes de buis dans le parc, la salle de bain de la chambre 217, les archives de l’hôtel, etc.

J’ai lu ce roman pour la première fois quand j’avais 10 ou 12 ans, par une nuit d’orage, sous une tente, à côté d’un frangin sadique qui s’amusait à ajouter à ma terreur. À l’époque, j’avais juré que jamais au grand jamais je ne lirai des romans de Stephen King. Près de 20 ans plus tard, voilà que je relis ce roman qui n’a rien perdu de sa puissance horrifique. L’adaptation de Stanley Kubrick est évidemment culte et m’a causé quelques fuites urinaires, mais le texte de King n’avait pas besoin d’images pour être déjà un parfait moteur à cauchemars. J’ai lu Docteur Sleep, il y a quelque temps, qui suit Danny devenu adulte, aux prises avec l’alcoolisme comme son père. Cette suite est tout à fait réussie et je ne peux que vous la recommander.

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Linea Nigra

Roman de Sophie Adriansen. À paraître le 14 septembre.

Nous retrouvons Stéphanie qui, dans Le syndrome de la vitre étoilée, désespérait de tomber enceinte et voyait son couple parfait avec Guillaume voler en éclats. Ici, elle est en couple depuis très peu de temps avec Luc. Miraculeux Luc. Rencontré quand il le fallait. Il est l’homme de la situation. Leur amour était inattendu : il est beau, il est légendaire. Mais très vite, la question de l’enfant refait surface. « Je le soupçonne de vouloir me féconder pour verrouiller notre amour. » (p. 11) Quelle place peut prendre la grossesse dans une histoire qui commence ? Et surtout, comment devient-on mère, même quand on le souhaite de tout son corps ? Être enceinte et être mère, ce n’est visiblement pas tout à fait la même chose. « J’ai un secret dans le ventre. Et un sacré creux dans l’estomac. » (p. 70) Au fil des mois et après l’accouchement, Stéphanie révise constamment son identité de femme tout en interrogeant ses rapports avec sa mère et en cherchant à préserver sa relation avec Luc.

Linea Nigra prend la même forme que Le syndrome de la vitre étoilée, avec des chapitres très courts où alternent les voix, incarnées ou non. Il y a les conseils des proches et des professionnels et les sorcières qui prodiguent de mauvaises paroles. On trouve des listes sur beaucoup de sujets, mais aussi des extraits de livres, de lois et de magazines. À mon goût, les informations et généralités sur les femmes, la grossesse et l’accouchement sont un peu en trop, ou disons un peu trop nombreuses. On comprend vite (et, si on est une femme, on sait), que la maternité et la grossesse ne sont pas libres. Pas besoin de le répéter sous tant de formes. « En intervenant dans le processus naturel, en déshumanisant l’accouchement, en légalisant la violence obstétricale, les pouvoirs publics privent les femmes de leur liberté et prennent le contrôle de leur corps. Alors qu’accoucher est un verbe intransitif. Un verbe intransitif. » (p. 146) Cela dit, le roman de Sophie Adriansen rappelle une vérité essentielle. À chaque femme son corps : non aux diktats de la maternité à tout prix, non à l’accouchement sur le dos, non aux césariennes, non à l’épisiotomie systématique. « Le vrai progrès ne serait-il pas que chacune ait le choix ? » (p. 95)

Dans ce roman, Sophie Adriansen explore à nouveau l’univers sensible de la maternité, de son désir et de son refus, mais aussi des doutes qui l’entourent. Une fois encore, le sujet me touche au cœur et au ventre.

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La petite danseuse de quatorze ans

Texte de Camille Laurens. À paraître.

Qui connaît Marie Geneviève Van Goethem, cadette d’une famille belge très pauvre installée à Paris ? Personne. Tout le monde. Au moins tous ceux qui ont un jour vu la sculpture d’Egdar Degas, cette fameuse Petite danseuse en cire qui a fait scandale au Salon des Indépendants lors de sa présentation. Largement défendue et admirée par Joris-Karl Huysmans – ce qui n’est pas étonnant, connaissant le bonhomme –, cette œuvre a déchaîné les passions et souvent la haine. « Il s’agit bien pour Degas, avec cette sculpture, de susciter un étonnement, un choc salutaire qui ouvrent la conscience du spectateur en lui présentant non une œuvre élégante destinée à flatter son goût esthétique, mais le drame d’une société, auquel il contribue. » (p. 61) Largement décriée et moquée, elle s’est entourée de mystère : Degas l’a longtemps soustraite aux regards et la petite statue de cire n’a été redécouverte qu’après la mort de l’artiste.

Derrière cette œuvre, il y a le modèle, petite danseuse de 14 ans. « L’âge du modèle crée une autre sorte de tension ou d’incertitude entre l’enfant et la femme, l’innocence et la sensualité, qui fascine l’artiste. » (p. 91) Entre deux cours à l’Opéra de Paris, posait pour des artistes, dont Edgar Degas. La jeune Marie, comme ses sœurs, ne danse pas pour le plaisir : c’est un métier imposé par leur mère, une vie de souffrance et de répétitions interminables. « Dans les années 1880, elle dansait comme petit rat de l’Opéra de Paris, et ce qui fait souvent rêver nos petites filles n’était pas un rêve pour elle, pas l’âge heureux de notre jeunesse. » (p. 9) Souvent absente de l’Opéra, Marie finit par en être exclue et sa trace disparaît peu après. Qu’est devenue celle qui a donné son image à l’une des plus célèbres sculptures d’Edgar Degas ? « Savait-elle, quand elle posait dans son atelier, que grâce à lui elle mourrait moins que les autres petites filles ? » (p. 10) Que reste-t-il de Marie ? Dans quelle mesure subsiste-t-elle dans la statue ? Fascinée par l’œuvre de Degas, Camille Laurens s’est prise d’intérêt pour la gamine, sa jeunesse et son histoire. C’est une façon de la faire revivre, de la libérer de l’étreinte de cire dans laquelle l’artiste l’a figée. « À force d’être modelée par le désir et la vision de Degas, n’avait-elle plus qu’à s’effacer ? » (p. 144)

Je n’ai jamais beaucoup apprécié cette sculpture : d’Edgar Degas, je préfère les peintures. J’ai cependant été profondément émue par ce texte qui célèbre la volatilité de la jeunesse, parfois conservée, voire emprisonnée dans une gangue de cire ou de bronze. Camille Laurens propose aussi un regard sur une époque que l’on a un peu tendance à fantasmer : or, les coulisses de l’Opéra étaient de sordides espaces où les mères vendaient plus ou moins leurs filles dans l’espoir de la gloire. La petite danseuse de quatorze ans m’a donné envie de revoir les toiles de Degas, mais aussi d’assister (enfin) à un ballet à l’Opéra de Paris.

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Billevesée #295

Il y a un petit cœur d’écologiste qui bat en moi.

Mais je ne suis pas là pour vous parler des écogestes, du nucléaire caca et des marées noires.

Quoi que… Parlons pétrole.

Vu que je n’en ai pas, mais que j’ai des idées, parlons surtout de son étymologie.

Pétrole vient de « petra oleum » qui signifie « huile de pierre ».

Belle image pour un produit bien dégueulasse.

Alors, billevesée ?

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Les huit montagnes

Roman de Paolo Cognetti. À paraître.

Pietro grandit à Milan avec son père chimiste et sa mère infirmière. Chaque été, la famille part dans le Val d’Aoste, à Grana. Le gamin suit son père dans d’interminables et répétées ascensions dans la montagne : l’homme est fasciné par les hauteurs et le trajet vers les cimes. « La forêt n’avait aucune grâce à ses yeux. […] Pour mon père, la forêt n’était rien d’autre qu’un passage obligé avant la haute montagne. » (p. 50) Mais Pietro rencontre Bruno et les deux garçons nouent une amitié solide faite de baignades dans les torrents et d’exploration entre les sapins. Chaque été, les gamins s’aventurent plus loin. « Notre amitié semblait vivre un été sans fin. » (p. 78) Cette relation permet à Pietro de supporter les randonnées éprouvantes que son père lui impose. « Aucune récompense ne nous attendait là-haut : hormis l’impossibilité de monter davantage, le sommet n’avait vraiment rien de particulier. » (p. 55) Pas étonnant qu’en grandissant, Pietro s’éloigne de la montagne et lui préfère la ville. À la mort de son père, Pietro revient à Grana : il y trouve un héritage particulier qu’il doit partager avec Bruno. Ces retrouvailles sont alors l’occasion de revenir sur sa jeunesse et de se rapprocher enfin de son père. « Un lieu que l’on a aimé enfant peut paraître complètement différemment à des yeux d’adultes et se révéler une déception, à moins qu’il ne nous rappelle celui que l’on n’est plus, et nous colle une profonde tristesse. » (p. 130) Pietro achève de grandir en acceptant le cadeau de son père et réapprend à aimer la montagne et à en voir la beauté, au point d’accepter par la suite de nombreuses missions au Népal, sur d’autres sommets et sous d’autres altitudes. « Qui redescendrait, s’il avait le choix ? » (p. 244)

Avec ce roman, Paolo Cognetti a récemment obtenu le prix Strega, équivalent de notre prix Goncourt. C’est largement mérité et je vois bien Les huit montagnes sur la liste du prix Médicis. L’auteur parle avec talent de la filiation qui est à la fois un poids et un bienfait. Il montre un monde qui se meurt : les sommets et les pentes sont désertés au profit des villes. Il semble désormais impossible de vivre comme un montagnard, quel que soit le désir que l’on en ait. Le temps qui passe est aussi meurtrier : s’il donne aux souvenirs une patine exquise, il ferme des portes et empêche de retrouver ce qui était cher aux yeux, au cœur et à l’âme. « Dans certaines vies, il existe des montagnes auxquelles il est impossible de retourner. » (p. 299) Les huit montagnes est un roman puissant, d’une grande beauté et dont certaines phrases sublimes donnent le vertige.

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Sa mère

Roman de Saphia Azzeddine. À paraître.

Marie-Adélaïde est née sous X. De familles d’accueil en foyers, elle a grandi en essayant à plaire à tout prix. Manque de chance, ça n’a pas marché. « Quoi que je fasse, Claire m’en voulait alors j’ai décidé de la faire chier à mourir. Je lui ai donné de bonnes raisons de se demander : pourquoi moi ? » (p. 85) Elle a alors décidé d’être elle-même et de ne plus se laisser emmerder. Après un séjour en prison et un job alimentaire à la Miche dorée, elle devient la nounou des deux enfants de la Sublime, grande bourgeoise affairée. « Je me suis demandé comment une femme de son calibre pouvait s’en remettre à une fille du mien. » (p. 30) Nourrissant un profond désir d’être reconnue, acceptée, intégrée et aimée, Marie-Adélaïde se lance à la recherche de sa mère biologique, avec un doudou pour seul indice. Demander de l’aide ou du soutien ? Plutôt crever ! Mais il n’est pas toujours possible de refuser une main tendue. « Je me suis retrouvée seule avec mes opinions sur ces gens d’la haute qui m’avaient recueillie. Je ne savais pas ce qui m’embêtait le plus : qu’ils soient sympas avec moi ou que je sois contente qu’ils soient sympas avec moi. » (p. 133) Dans sa quête d’origine, la jeune femme se constitue finalement une famille de cœur.

La rage de Marie-Adélaïde s’extériorise en mots : l’héroïne a une vision froide du monde où le cynisme se mêle à la compassion, car les gens qu’elle croise n’ont pas tous choisi leur place, même s’ils s’y embourbent sans se débattre. Marie-Adélaïde a plus d’ambition : à force de courage et de culot, elle veut trouver sa mère, la confronter et peut-être s’en faire aimer. « Depuis quand on demande une autorisation pour faire un câlin à son enfant, nom de Dieu ? […] Personne ne se pose ce genre de questions à part les couards. On fonce et on fait un câlin sans se soucier de comment on sera reçu. Dans le câlin, ce qui compte, c’est le câliné, pas le câlineur. » (p. 215) Persuadée de venir de la bourgeoisie, elle est autant attirée que dégoûtée par ce monde. Elle refuse le milieu où elle végète, mais méprise la classe supérieure qu’elle pourrait intégrer. Il est en effet bien difficile de savoir où aller quand on ne sait pas d’où l’on vient. Mais quand on est comme Marie-Adélaide, si rien n’est acquis, rien n’est perdu !

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Mon père, ma mère et Sheila

Roman d’Éric Romand. À paraître.

Éric a grandi dans une famille française moyenne. Ses parents se disputent et les beaux-parents ne se rencontrent pas. Toute la famille passe des vacances au camping. Éric a une idole : Sheila, si éblouissante dans ses robes lamées ou ses minishorts. « Bien que déçu par la dégoulinante coiffe de roses en tissu qu’avait choisie Sheila pour son mariage, je la trouvais toujours aussi belle. Son époux était inexistant à mes yeux. Que Sheila se marie me faisait un peu chier. » (p. 55 & 56)

Mais l’enfance n’était pas vraiment heureuse : il y a l’adultère du père, le divorce, la séparation de la famille, la troublante découverte de l’homosexualité. « ‘Maman, puisque tu voyais que j’étais attiré par les garçons, pourquoi tu n’as pas cherché à en discuter avec moi ? / Ben j’attendais que tu m’en parles !’ Sa réponse était d’une logique implacable. Je m’en suis contenté. » (p. 92)

Avec ce premier court roman, chronique familiale et d’une époque pas si lointaine, Éric Romand offre des instantanés d’une vie. Ses descriptions d’un meuble ou d’un son sont saisissantes, très sensibles et nourrissent le texte d’une grande force de vie. Hélas, la brièveté du texte est frustrante. Il m’en aurait fallu plus.

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Billevesée #294

Il faut travailler pour vivre et non vivre pour travailler.

Il paraît. (Bref, ne parlons pas boulot, ça va m’énerver)

Quoi qu’il en soit, pour trouver du travail, il y a une chose bien utile.

Je n’ai pas dit indispensable, j’ai dit utile.

C’est le curriculum vitae, souvent abrégé en curriculum ou en CV.

Cette abréviation est d’autant plus cocasse que « curriculum vitae » signifie « déroulement de la vie ».

Donc, le CV, ça se déroule, ça ne se contracte pas !

Alors, billevesée ?

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L’innocence

Roman de Tracy Chevalier.

En 1792, la famille Kellaway quitte son petit village du Dorset pour s’installer à Londres. Le père, Thomas, a accepté l’invitation de Philip Astley, patron de cirque, et espère pouvoir développer sa menuiserie dans la capitale. Anne, son épouse, espère échapper à un douloureux souvenir tandis que Jem et Maisie, les enfants du couple, sont ébahis devant l’immensité de la ville. La jeune Maggie Butterfield leur sert de guide et les deux adolescents perdent peu à peu leur innocence de campagnards et d’enfants. « Comment des événements survenus en France peuvent-ils la prier de son salaire ? » (p. 252)

Pas mauvais, mais pas top. En voilà une analyse littéraire de qualité… Mais je ne sais pas trop quoi dire d’autre de ce roman. Les jeunes protagonistes sont touchants et attachants, surtout Maggie, délurée et déterminée. Mais la présence de William Blake et les rumeurs venues de France sur la décapitation du roi me semblent ajoutées au forceps pour ancrer dans le réel une histoire qui n’en avait pas besoin. L’innocence est loin d’être le meilleur roman de Tracy Chevalier.

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