L’épée d’Ardenois – IV/IV Nuhy

Pour tout connaître de cette aventure, lisez les tomes précédents : Garen, La prophétie et Nymelle.

Bande dessinée d’Étienne Willem.

Oddenbourg est sur le point de céder sous l’assaut des Vautres. Il faut mettre le roi Tancrède à l’abri : pour permettre sa fuite, Arthus est volontaire pour créer une diversion au péril de sa vie. Chacun à leur façon, les Compagnons de l’Aube luttent pour la liberté et pour empêcher Hellequin de répandre la terreur. Hélas, Garen doute de son destin. « Ah ! Si seulement une épée, même magique, pouvait suffire à faire de moi un chevalier… » (p. 11) Comment un petit lapin pourrait-il vaincre le Seigneur noir ? Et il faut encore qu’on lui reconnaisse le droit de porter l’épée d’Ardenois et de devenir le champion des trois royaumes. Dans l’ombre, le mal approche et les traîtres sont nombreux. Si la guerre est inévitable, ses causes, en revanche, manquent de légitimité.

Ce quatrième volume est plus sombre que les précédents et il fait état d’une grivèlerie plus marquée. Attention, à ne pas mettre en des mains trop jeunes ! Garen a bien grandi depuis le premier volume : le lapereau est devenu un homme avec tout ce que cela suppose. J’apprécie vraiment que la fin, bien qu’heureuse, ne soit pas un débordement de bons sentiments où les mauvais sont punis et les justes récompensés. L’épée d’Ardenois est une bande dessinée de très bonne facture sur les jeux de pouvoir, la manipulation des cœurs simples et l’instrumentalisation de la magie et des prophéties. À lire sans aucun doute, même par ceux qui ne sont pas sensibles aux lapins.

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Péchés capitaux

Roman de Jim Harrison.

En tentant de ramener à la maison sa fille adoptive, et après un chantage plutôt dangereux, Sunderson vit une longue convalescence pour se remettre d’une agression qui lui a brisé le dos. Cet ancien flic largement porté sur la bouteille et toujours meurtri par son divorce ne veut pourtant que pêcher à la mouche et vivre tranquillement. Obsédé depuis toujours par les sept péchés capitaux, il sait qu’il est loin d’être exemplaire : il boit trop et il couche à l’envi. Après avoir acheté un chalet dans le Michigan, il rencontre la famille Ames qui est composée d’hommes très violents et de femmes plus ou moins martyrisées. Ils ont la violence dans le sang, ainsi que beaucoup trop d’alcool. Rapidement, de nombreux Ames meurent dans des circonstances brutales et suspectes. Il semble que quelqu’un essaie d’éliminer la famille. Sunderson noue des relations avec certains Ames et ne peut s’empêcher de reprendre du service. « Après avoir été inspecteur de police presque toute sa vie, il n’était pas étonnant qu’il fût obsédé par la violence et par une famille dont les membres se tabassaient et tabassaient les étrangers depuis si longtemps. » (p. 119) Sunderson a soudain le sentiment de devoir écrire sur la violence qui constitue à ses yeux le huitième péché mortel. C’est ainsi qu’il reprendra sa vie en main, qu’il mettra un terme à son alcoolisme et qu’il pourra renouer avec Diane, son ex-femme. « Il était obsédé par sa bite molle et par toute cette violence qui s’exerçait dans le monde. » (p. 242)

Parfois, il ne faut pas lire les quatrièmes de couverture. Parfois, il vaudrait mieux. Si je l’avais fait pour ce livre, j’aurais compris que Sunderson est un personnage récurrent de l’œuvre de Jim Harrison, ce qui aurait expliqué les raccourcis, les choses dites à moitié et les ellipses. Mais ce n’est pas ce qui m’a le plus gênée. Le plus gros problème, c’est que je n’ai pas compris les motivations de ce personnage imbibé jusqu’à la moelle et qui ressasse ses erreurs et ses remords en retombant sans cesse dans ses travers : le sexe et l’alcool. « C’est le péché mortel de la gourmandise qui l’incitait à boire encore et encore. Il ne pouvait pas incriminer le divorce, car son alcoolisme avait commencé bien avant et même constitué l’une des raisons du divorce. » (p. 29) Et que dire de la relation tellement malsaine qu’il entretient avec Mona, sa fille adoptive : il la reluquait chez les voisins quand elle était adolescente, avant de l’adopter avec son ex-femme, et il finit par coucher avec elle.  « Si l’on pouvait pardonner à Marie-Madeleine d’être une putain, pourquoi d’autres devraient-ils mourir sous prétexte qu’ils lui avaient rendu visite ? » (p. 6) Par ailleurs, je ne crois pas à la fin idyllique : dans un parc parisien, il attend l’amour de sa vie, persuadé que tout va repartir sur des roulettes. Hélas, Sunderson a trop montré qu’il ne sait pas combattre ses démons.

Aurais-je compris ce roman si j’avais lu les précédents ? Sans aucun doute. L’aurais-je davantage apprécié ? Probablement pas.

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Les cowboys du Sexas : Buffalo Bill

Nouvelle de Pierrette Lavallée.

Fiona a fui l’homme qui la maltraite depuis des années. Elle répond à une annonce passée par le ranch du Sexas, pour occuper le poste de cuisinière. Elle rencontre Bill, un des propriétaires. L’attirance entre eux est immédiate. « Ils ne se connaissaient que depuis quelques heures et déjà son corps semblait lui être soumis. » (p. 14) Mais il faudra que les amoureux surmontent les peurs de la jeune fille et affrontent son passé douloureux.

Tant de rigolade : par où commencer ??? Sexas, et pas Texas. Non, ce n’est pas une faute de frappe. La fille sent l’abricot et elle ne porte jamais de sous-vêtements. L’homme porte un bandana et c’est sexy. L’amour du monsieur va sauver la dame. Sauf que, non, ça ne marche pas comme ça. On ne guérit pas de huit ans de sévices juste parce qu’un beau gosse vous fait mouiller votre culotte et vous emmène au septième ciel. Et puis, c’est quoi ce délire de soumission heureuse ? Comme si c’était normal de devenir la chose de quelqu’un. « Bill ne te laissera pas repartir, je l’ai lu dans ses yeux, il a cette lueur de possession qu’il a lorsqu’un cheval l’intéresse. » (p. 21) Ai-je besoin d’expliquer ce qui cloche avec cette phrase ou tout le monde a compris que ça ne tourne pas rond dans le ranch du Sexas ?

C’est clair, je ne suis pas le public de ce genre de littérature. Attention, je ne dis pas que c’est tout pourri et que personne ne devrait lire ce texte. Si des lecteurs y trouvent leur compte, tant mieux. Ce n’est pas mon cas, je trouve ça niais et couillon. Alors pourquoi ai-je lu ça ? Bah, c’était un texte gratuit sur la plateforme où j’achète mes ebooks. Et j’avais envie d’écrire un article un peu vachard : je n’ai pas hésité quand j’ai vu passer ces garçons vachers au stetson sexy. Suis-je sado ou maso ? Je vous laisse seuls juges.

Si vous êtes intéressé(e), sachez que l’auteure a écrit d’autres textes : dans le ranch du Sexas, après Buffalo Bill, vous avez rendez-vous avec Butch Cassidy, Calamity Jayne et Jesse James. En selle, cowboys !

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Billevesée #229

Aujourd’hui, je dévoile les mystères de deux acronymes plus ou moins collés à notre oreille.

Le code PIN est le code Personal Idenfication Number.

La carte SIM est la carte Subscriber Identity Module. (Et c’est là qu’on voit que je radote…)

Alors, billevesée ?

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Les enfants de Peakwood

Roman de Rod Marty.

À Peakwood, personne ne parle de l’accident de bus scolaire qui a eu lieu dix ans auparavant. La tragédie n’a fait que deux victimes : les autres passagers du bus sont bien vivants, mais seulement au prix d’un rituel indien très mystérieux. « Il y a des gens qui devraient être morts, mais qui continuent pourtant de marcher. Un blasphème à la vie elle-même. […] Des enfants sont morts, des petits et des grands. Partis dans la grotte, ils se sont relevés tels des revenants et ont continué de vivre là où leur destin n’existait plus. Normaux dehors, mais en décomposition dedans. Les renvoyer vers la terre, c’est ce qu’il faut faire. » (p. 96) Quand certains habitants de la ville commencent à se comporter étrangement et que des plaies apparaissent de façon incompréhensible sur le corps des accidentés, Chayton, le médecin de la ville, et son père, chaman indien, comprennent que quelqu’un a parlé et a révélé le secret de cette terrible nuit. « Cette blessure qui se rouvre… c’est la mort qui veut vous récupérer. Et si vous ne m’écoutez pas, elle a de sérieuses chances d’y parvenir. » (p. 253) Alors qu’un blizzard s’abat sur Peakwood, Chayton sait qu’il a peu de temps pour trouver la fuite, conjurer le démon et réparer les ultimes erreurs des protagonistes de l’accident de bus.

Ce roman n’est pas déplaisant, mais aie aie aie… j’ai fait l’erreur de le comparer à Simetierre de Stephen King. Le vainqueur par KO est le roi de l’épouvante ! L’intrigue semble vouloir dissimuler un secret qui a été à moitié dévoilé à la vingtième page : assez difficile ensuite de maintenir le suspense et de nourrir l’angoisse qui naît de l’inconnu. En outre, il y a un peu trop de personnages caricaturaux dans ce roman : des adultes plus ou moins alcoliques ou dépressifs, des lycéennes pestes, des adolescents souffre-douleur et leurs bourreaux en blouson de football, un jeune garçon avide de sexe et de violence, un petit génie, etc. Cela dit, le texte de Marty Rod reste d’assez bonne facture. « Dans l’obscurité se cachaient des forces maléfiques qui riaient de ce que les parents racontaient à leurs enfants. Ils étaient réels, les monstres étaient réels. Dissimulés aux regards de tous, ils attendaient d’être libérés de leur prison pour atteindre la lumière. » (p. 306) Mais je pense qu’il faut être américain pour saisir tout l’enjeu des malédictions et des pratiques chamaniques amérindiennes : culturellement, c’est difficile à appréhender pour un Européen. Sur cette analyse de comptoir, je vous laisse pour ouvrir un autre roman du King.

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Au-revoir là-haut

Roman de Pierre Lemaître.

La guerre touche à sa fin. Dans les tranchées, les soldats attendent avec impatience l’armistice. Albert Maillard et Édouard Péricourt doivent pourtant donner un dernier assaut sous les ordres du lieutenant Henri d’Aulnay-Pradelle. « Il confirme l’adage selon lequel le véritable danger pour le militaire, ce n’est pas l’ennemi, mais la hiérarchie. » (p. 31) Albert et Édouard se sauvent l’un l’autre, mais le second est désormais défiguré. La guerre est finie, mais le plus difficile reste encore à vivre. « Pendant toute la guerre, comme tout le monde, Édouard n’a pensé qu’à survivre, et à présent que la guerre est terminée et qu’il est vivant, voilà qu’il ne pense plus qu’à disparaître. » (p. 63) Il faut pourtant continuer, peut-être en vivant caché. Alors qu’Albert et Édouard peinent à reprendre pied dans la vie civile, Henri prospère éhontément grâce à la guerre et à un mariage juteux. « Henri d’Aulnay-Pradelle, esprit simple et sans nuances, avait facilement raison parce que sa rusticité décourageait souvent l’intelligence de ses interlocuteurs. » (p. 256) De trahison en mensonge, de secret en escroquerie, les destins de trois hommes sont indéfectiblement liés jusqu’aux révélations ultimes, quand toutes les tricheries sont dévoilées et que les justes, enfin, sont récompensés. Aux (presque) innocents, les mains pleines !

J’ai été agréablement surprise par ce roman. J’attendais en fait tout autre chose, une sorte de récit sordide dans les tranchées. Mais cet épisode est évacué en deux chapitres et l’histoire se déroule après-guerre, quand la France ré-enterre ses morts dans des cimetières militaires et que les collectivités commandent les premiers monuments pour honorer leurs défunts. Les trois personnages masculins sont admirablement écrits et chacun mérite une dose égale de compassion et d’agacement. Je voudrais tant en dire, mais il me semble que ce serait gâcher la découverte de ceux qui pourraient avoir envie de lire ce roman. N’hésitez pas ! Le ton est volontiers goguenard, voire primesautier, mais le sujet reste profond et émouvant.

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Le petit copain

Roman de Donna Tartt.

Dans la famille Cleave, la mort de Robin est entourée de mystère et de silence. Comment a-t-il pu se retrouver ainsi pendu dans le jardin, à neuf ans, un soir de fête des Mères ? Une dizaine d’années plus tard, Dix, le père, est parti vivre dans une autre ville. Charlotte, la mère, vit dans un brouillard constant. Allison, la cadette, est une lycéenne aimable et douce, terrorisée par ses cauchemars. Harriet, la benjamine, est au contraire volontaire et brusque, déterminée à comprendre ce qui s’est passé. « C’était la plus grande obsession d’Harriet, et celle qui engendrait toutes les autres. Car ce qu’elle voulait […], c’était ramener son frère auprès d’elle. Et ensuite découvrir qui l’avait tué. » (p. 55) Mais Harriet n’a que douze ans. Au cours d’un été qui semble interminable, marqué par la mort d’un chat adoré et d’une vieille tante et par le départ d’une domestique, la gamine se lance dans une mission implacable avec son ami Hely : elle va venger son frère en tuant son meurtrier. « Pourquoi est-ce que je laisserais d’autres gens le punir ? » (p. 162) Hélas, Harriet s’en prend à la pire famille d’Alexandria : tous les fils Ratliff sont d’anciens taulards, de grands violents souvent drogués et paranoïaques. « Daniel Ratliff était coupable, elle en était sûre, c’était un fait indiscutable. La seule explication qui eût un sens. Elle était sûre qu’il avait commis ce crime, même si personne ne le savait. » (p. 586)

Conseil d’une lectrice paumée : toujours lire les titres originaux, quand on peut les comprendre. Ici, la traduction française respecte parfaitement le titre du livre, mais il faut se méfier des faux amis. Ainsi, le titre du roman est The Little Friend et pas The Boyfriend. Je dis ça comme ça… parce que pendant les 200 premières pages du livre (un tiers, donc…), j’ai vainement cherché la trace d’un amoureux avant de me reporter à la page de garde et au titre original. Quand on est bête…

Mais ce n’est pas le plus important puisque j’ai énormément apprécié ce roman, bien plus que Le chardonneret de la même auteure. Ici, la narration, même si elle est riche, complexe et traversée de nombreux personnages et de nombreuses péripéties, n’est pas alambiquée ni ennuyeuse à pleurer. Et surtout, le personnage principal n’est pas insupportable : la jeune Harriet est certes une gamine pas commode, pas tendre et pas facile à comprendre, mais elle s’est attiré ma sympathie dès le début, obstinée qu’elle est à vouloir faire la lumière sur la mort de son grand frère. « À l’école, il y avait beaucoup de filles plus jolies que Harriet, et plus gentilles. Mais aucune n’était aussi intelligente ni aussi courageuse. » (p. 125)

Si la vengeance est un sujet important du roman, je retiens surtout celui de la mort et combien il est difficile de l’accepter, de l’intégrer dans le quotidien et dans l’histoire d’une famille. « La mort – disaient-ils tous – était un rivage heureux. Sur les vieilles photographies de bord de mer, ses parents étaient de nouveaux jeunes, et Robin se trouvait avec eux. […] C’était un rêve où tout le monde était sauvé. Mais c’était un rêve de la vie passée, et non d’une vie à venir. » (p. 442) Allison et Harriet étaient trop jeunes pour comprendre la mort de leur frère aîné, mais l’absence de ce dernier pèse sur leurs jeunes existences. Et leur manque s’exprime bruyamment lors de la mort du chat de la maison, ancien compagnon de Robin. (Attention, épisode hautement lacrymal pour tous les amis des bêtes…) Pour Harriet, ce triste été est la fin de l’enfance et la mort de l’innocence.

L’intrigue se déroule dans les années 1970, au Mississippi, dans un décor qui est vraiment ce que le sud des États-Unis a fait de plus pauvre et de plus crasseux, avec un racisme latent qui imprègne le quotidien. Il y a plusieurs épisodes avec des serpents qui m’ont frémir d’horreur. Et la confrontation finale entre Harriet et celui qu’elle soupçonne d’avoir tué son frère intervient au terme d’une effroyable explosion de haine, de violence et de délire. Ça demande un peu de tripes pour supporter ça sans broncher. Si vous aimez les romans qui prennent leur temps, mais qui ne confondent pas voyage et destination, vous apprécierez Le petit copain de Donna Tartt.

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Chut, Lapingouin est amoureux…

Album de Carole-Anne Boisseau et Galaxie Vujanic (textes) et Masami Mizusawa (illustrations).

Lapingouin a de nouveaux voisins ! Et la jolie Chabeille est désormais sa voisine de classe. Tortuchon et Chérisson aimeraient beaucoup faire connaissance de la petite fille qui voudrait bien jouer au ballon avec eux, mais Lapingouin ne veut pas. « Non, le foufoot, c’est pas pour les filles ! » (p. 10) Étrange, Lapingouin est plutôt bon camarade d’ordinaire… Sa brusquerie cacherait-elle un doux sentiment qu’il n’est pas toujours facile de révéler ? Heureusement, Chabeille est maligne et elle finit par vaincre les réticences de Lapingouin. « Mais toi t’es pas une fille comme les autres… » (p. 29)

C’est un joli sujet pour une lecture de printemps (même si l’histoire se déroule en automne). Si Lapingouin reste mon personnage préféré, j’avoue avoir craqué pour la mignonne nouvelle venue. Avec sa jolie tête de chatte, son corps dodu d’abeille et ses belles ailes blanches, Chabeille est à croquer. Et quand elle fait rougir Lapingouin en lui donnant un baiser, elle est vraiment adorable.

Les scènes de classe sont très réussies, entre joyeux fouillis et apprentissage ludique. On aurait envie de retourner sur les bancs de l’école et de se faire plein de copaingouins ! Je ne me lasse pas de la très belle écriture cursive et de l’invention lexicale des auteurs. Quant aux illustrations douces et poudrées, elles font mouche comme à chaque fois !

Découvrez l’univers de Lapingouin avec Les chocozœufs de Pâques et Ma première nuit chez Tortuchon.

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Rage

Roman de Stephen King, publié sous son pseudonyme de Richard Bachman.

Charlie Decker a presque tué son professeur de physique-chimie. Le proviseur du lycée est sur le point de le faire transférer dans un établissement psychiatrique. Mais Charlie en a assez qu’on lui dise que faire et comment. « Comment les gens peuvent-ils savoir qu’ils sont réels ? » (p. 148) Il met le feu à son casier et s’enferme dans sa classe avec une vingtaine de camarades, une arme à la main. C’est parti pour une étrange prise d’otages pleine de révélations, de hontes avouées et d’histoires de sexe. Mais non, ce n’est pas vraiment émoustillant. Charlie est-il fou ? Ou ne fait-il qu’accomplir ce que beaucoup se refusent à faire au nom de la morale ? « La folie, c’est simplement une histoire de degrés et en plus de moi, il y a pas mal de gens qui auraient bien envie de couper des têtes. » (p. 88) Les masques tombent dans la salle 16 du lycée du Placerville, c’est l’heure de déballer de secrets et de procéder à des actes qui marquent une existence.

Les sordides récits de fusillade dans les lycées américains, c’est hélas trop tristement banal de nos jours. Ce n’était certainement pas le cas quand Stephen King a écrit ce roman en 1977. On le sait, le lycée, c’est un terrain fertile pour les histoires d’horreur. Mais ici, pas de destruction à la Carrie, pas d’effet pyrotechnique fantastique. Ici, l’horreur est nourrie par le quotidien, par l’enfance malmenée et les hésitations terrifiantes de l’adolescence. Le pire éclate dans la normalité et il contamine rapidement un microcosme placé dans les conditions adéquates pour, à son tour, perdre les pédales. « L’étrange, cela n’existe pas simplement à l’extérieur. C’est en vous, en ce moment, cela grandit dans le noir comme des champignons magiques. » (p. 37) Voilà un très bon opus du roi de l’épouvante !

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Alexis Vassilkov ou La vie tumultueuse du fils de Maupassant

Roman historique de Bernard Prou. À paraître au format poche chez Le Livre de Poche le 11 mai.

Guy de Maupassant et Liouba Vassilkova ont vécu une éphémère passion lors des derniers mois de l’écrivain. De ces amours est né Alexis, le fils non reconnu de Maupassant. Liouba, peintre et femme engagée, élève son fils en lui inculquant sa passion. Quand Alexis a quatorze ans, mère et fils rentrent en Russie, mère patrie secouée par la révolution rouge. En 1936, Alexis perd la faveur de Staline dont il était le médecin personnel. « La révolution pour laquelle nous nous sommes engagés est vidée de son sens. Un tsar rouge remplace un tsar noir. » (p. 59 & 60) Envoyé dans le goulag de Mirny, en Sibérie, Alexis est initié à la franc-maçonnerie dans une loge clandestine et découvre ce qu’il est advenu d’Alexandre Ier. La vie dans le camp est intolérable, entre hivers glacés interminables et étés étouffants, à exploiter de précieuses mines de diamants. S’il y a de nombreuses crapules à Mirny, il y a aussi les victimes des absurdes purges staliniennes. « Dis-moi, pourquoi j’ai pris cinq ans ? J’ai rien fait. / T’as pas encore compris ! Les innocents n’existent pas. Et d’abord, t’es un menteur : quand t’as rien fait, c’est dix ans ! » (p. 104) Alexis s’éprend d’Ayami, la fille d’un chamane. Avec leur fils, il s’échappe du goulag, direction la France. Hélas, le pays d’origine d’Alexis est soumis aux Allemands. Pendant la guerre, il se cache avec sa famille en Auvergne et intègre la résistance. La paix revenue en France, les aventures du fils de Guy de Maupassant ne sont pas terminées.

Impossible de résister au rythme enlevé de ce texte : ce pourrait être une pure fiction si des documents et des extraits de textes réels ne parsemaient pas les pages. Tout est vrai ici, mais raconté avec une telle plume qu’on croit lire les fabuleuses péripéties d’un héros aventurier. La réalité se charge de faire garder aux lecteurs les pieds sur terre : les terribles sévices du goulag, les insoutenables exactions de la milice collabo, tout ça est bien vrai et dépeint avec force détails. Les personnages sont hauts en couleur et attachants. C’est avec un immense plaisir que j’ai découvert l’existence du fils caché de Maupassant !

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Billevesée #228

C’est le printemps.

C’est l’époque des montées de sève et des montées d’hormones.

Laissez-moi vous présenter mon dernier chouchou du moment : Charlie Weber.

Il a joué dans la série Buffy contre les vampires et il crève l’écran dans la série How to get away with murder.

Oui, c’est tout. Graouuuuu, n’est-ce pas ?

Alors, billevesée ?

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Sistac

Roman de Charlie Galibert.

Dans le grand Ouest américain, Jean Sistac et Goodfellow se poursuivent sans relâche. Le premier est un Toulousain qui a émigré en Amérique avec ses parents attirés par les promesses d’or de la Californie. On sait peu de choses sur le second, si ce n’est qu’il est tenace. « Sistac était un fuyard. Sur ses traces, il y avait un chasseur. Et qui venait pour lui. » (p. 10) Les deux sont chasseurs de primes, mais il ne fait pas bon exercer cette profession avec la nouvelle politique d’élimination qui les concerne. Comme dans un combat de titans, il ne peut en rester qu’un. Mais qui chasse l’autre ? « Peut-être avaient-ils tous deux également besoin d’un témoin de leur vie pour la vivre. Et peut-être aussi que la vie de Sistac ne commençait vraiment qu’avec cet autre : Goodbrother. » (p. 63) Car oui, Sistac renomme sans cesse son poursuivant qui est aussi sa proie : il devient Goodbrother, Badbrother, Goodfilou ou encore Snakebrother. Cette identité sans cesse retouchée confère à l’ennemi une dimension protéiforme presque surnaturelle. « Goodbrother le suivait toujours, comme une ombre décalée. Comme s’il avait été en croupe derrière Sistac. » (p. 106)

Il est question d’Indiens, de la guerre de Sécession, de soldats déserteurs, d’esclaves et de pénurie de munitions. Mais aussi de froid, de fièvre, de faim et de bêtes sauvages. « L’ennui, c’est que jamais un homme ne vit assez longtemps pour voir la couleur de ses rêves. » (p. 70) Dans l’immensité du désert et des espaces sauvages, la perte de repères n’est pas que géographique, elle est aussi mentale. Sistac est désorienté, obsédé par Goodfellow qui est à la fois son alter ego et son frère ennemi. « Fuir devant lui était encore le poursuivre. » (p. 106) La fuite reste la seule échappée possible, mais vers où ? Le Mexique ou le Grand Nord ? Quoi qu’il en soit, le mouvement entraîne le mouvement, maintient en vie et affine les réflexes de survie. « On ne réfléchit jamais aussi bien qu’en fuyant au galop. » (p. 10)

Ce western est un très bon roman d’aventure et de course-poursuite, mais la fin est un peu décevante après la tension accumulée au fil des 110 premières pages. Sans doute faut-il poursuivre cette lecture avec L’autre qui évoque plus précisément la figure de Goodfellow dont l’ombre maudite plane sournoisement sur la marche effrénée de Sistac. « La chasse continuelle que lui donnait Goodfellow ne lui laissait encore d’autre issue que la fuite. » (p. 31) Je garderai toutefois un bon souvenir de ce roman. Et, au cours de ma lecture, je n’ai pas pu m’empêcher de fredonner les premières notes de certaines musiques d’Ennio Morricone. Je vous mets au défi de ne pas entendre des airs d’harmonica en tournant les pages de ce roman !

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Vernon Subutex – 2

Tome 1

Roman de Virginie Despentes.

La fin du précédent tome laissait Vernon Subutex dans la rue, en proie à une fièvre violente et à un délire qui ne le quittera plus. Le voilà étrangement libéré. « Il aimerait se faire pitié, ou horreur. Quelque chose. Mais rien. Que cette tranquillité absurde. » (p. 9) Fini de lutter contre les moulins à vent. Fini de vouloir remonter une pente dont il n’atteindra jamais le haut. Vernon est à la rue et il s’y sent étonnamment bien. « À sa façon, il perd connaissance, mais au lieu de convulser et de souffrir, il est radieux. » (p. 234) Les protagonistes du premier volume l’ont retrouvé, ainsi que les enregistrements inédits d’Alex Bleach. Tout le monde a écouté les délires sous acide de la rock star décédée dont chacun espère pouvoir tirer profit. Mais au milieu d’un fatras de considérations foireuses sur la vie, Alex Bleach a lâché une bombe que certains ne veulent pas voir étalée dans la presse.

Pendant que d’aucuns s’agitent pour gérer les merdes du passé, les Buttes-Chaumont deviennent le rendez-vous quotidien de la bande à Vernon : tous ses vieux amis, ses potes SDF et un tas de connaissances par alliance se réunissent sous un arbre, autour du clodo devenu une sorte de gourou. « Ils ont commencé par être lourds : Mais qu’est-ce que tu vas faire ? sur un ton concerné. Ça lui donnait envie de répondre : Et toi, ta misère, tu la gères comment ? »(p. 139) Vernon, apôtre du renoncement et du lâcher-prise, ça fait un peu bizarre, mais finalement, ça colle assez avec l’esprit rebelle initial du rock, avant qu’il se vende au capital. « Le rock convenait à la langue officielle du capitalisme, celle de la publicité : slogan, plaisir, individualisme, un son qui t’impacte sans ton consentement. » (p. 96 & 97) Plus que gourou, Vernon est reconnu pour ses talents de DJ : quand il mixe, il place toujours le bon morceau au bon moment, dans le bon enchaînement. Et tout le monde danse au cours d’étranges cérémonies musicales.

Ce deuxième volume est plus politique : l’univers de Vernon est un creuset où tout se mélange avant l’explosion. Le racisme, la précarité et la quête familiale seront les détonateurs. « On a beau affirmer ne croire en rien, merde, on finit toujours par admirer l’impeccabilité de l’agencement du bordel. Comme si un scribe bourré, dans un coin, avait comploté le truc depuis des mois. » (p. 68) Vernon reste la figure tutélaire de l’intrigue, mais on le voit moins, au profit de personnages secondaires qui ont vraiment gagné à être développés. La jeune Aïcha, fille de pornstar et d’universitaire, étudiante studieuse et convertie à l’Islam, incarne une problématique moderne et porte de nombreuses interrogations. Est-il possible de croire sans être fanatique ? La foi n’est-elle pas le pendant chic de la violence et du terrorisme ? À la recherche d’une figure maternelle à restaurer, Aïcha est sans aucun doute un des personnages les plus couillus de ce roman.

J’ai depuis longtemps cessé de trouver un quelconque intérêt au name-dropping, mais je reconnais que Virginie Despentes le manie avec élégance. Et je lui trouve un style plus mature, plus apaisé que dans Baise-moi ou Les jolies choses. Ça ne veut pas dire qu’elle a perdu de son mordant, mais qu’elle n’attaque plus le premier jarret qui passe, ce qui est vraiment reposant et permet de mieux saisir les enjeux et la portée de son texte.

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Vernon Subutex – 1

Roman de Virginie Despentes.

Depuis qu’il a dû fermer son magasin de disques, Vernon Subutex vivote dans son petit appartement grâce aux prestations sociales et à l’aide financière d’un ami, Alex Bleach. Mais un jour, cette super star du rock indépendant français meurt. Pour Vernon, c’est l’expulsion. « Face à la débâcle, Vernon garde une ligne de conduite : il fait le mec qui ne remarque rien de particulier. Il a contemplé les choses s’affaisser au ralenti, puis l’effondrement s’est accéléré. Mais Vernon n’a cédé ni sur l’indifférence, ni sur l’élégance. » (p. 2) Commencent alors les plans couchage, les plans cul et les plans foireux : les potes étaient plus partants pour faire la fête, ils le sont beaucoup moins pour héberger une vieille connaissance qui part en sucette. Inexorablement, Vernon se rapproche de la rue. « Et Vernon s’était retrouvé dehors. Il parvenait là où son chemin le portait depuis des semaines. Il regrettait que la dégradation ne soit pas létale. » (p. 207) Alors qu’il est sur le point de s’effacer de l’écran conventionnel de la vie sociale, il est recherché par beaucoup de monde : tous en ont après les enregistrements inédits d’Alex Bleach qu’il a en sa possession. La lumière se fait sur les relations, entre les vraies amitiés et les poursuites intéressées.

Vernon Subutex est un dandy loser : de perte en déchéance, il garde étrangement la tête haute, comme inconscient de ce qui lui tombe sur la gueule. « Vernon n’a jamais eu suffisamment de suite dans les idées pour être vraiment déprimé. Ça l’a toujours sauvé. La gravité de sa situation ne parvient plus à l’intéresser. » (p. 57) Et pourtant, il en essuie des revers et des saloperies. Ses vieux amis meurent les uns après les autres : la drogue, l’alcool et la maladie fauchent ceux qui s’étaient crus invincibles, pétard au bec et gratte à la main. Au-delà du deuil, ce qu’il faut accepter, c’est la vieillesse qui s’installe. « Garder son charme en perdant sa jeunesse est un exercice qu’on voit rarement réussir. » (p. 146) Il a beau parader, Vernon avec sa belle gueule, il sait bien que cinquante ans, ce n’est plus la jeunesse. Et ça fait assez mal d’en prendre la pleine mesure. « Chaque souvenir est piégé. Une couverture qu’il avait gardée bien tirée sur l’angoisse glisse – la peau est mise en contact. » (p. 56)

Il y a beaucoup de sexe dans ce roman, mais ce n’est pas crade, pas comme dans d’autres romans de cette auteure qui m’avaient laissé un sentiment mitigé. Le cul n’est pas devenu noble, mais ce n’est plus un tabou qu’il faut démonter sans cesse pour le banaliser et lui faire perdre son odeur de soufre. Ici, on baise comme on respire, par habitude et par envie, parce que c’est possible et disponible, tout simplement. Homosexualité, transsexualité, travestissement, pornographie, partouze et autres, qui cela peut-il encore choquer après les années 1990 ? Ce qui surprend davantage, c’est l’explosion de la violence. Ou, moins que son explosion, son étalement. Tous les prétextes sont bons pour frapper, abîmer ou détruire : l’islamisation de la société, la paupérisation croissante des classes populaires, la maîtrise de son image… « Si je renonce à la violence, à quel moment je me sens maître ? Franchement, qui respecte le prolo docile ? » (p. 179)

Si Vernon Subutex intrigue et fascine, la pléthore de personnages secondaires est tout aussi étonnante. Émile, Xavier, Elsa, Marie-Ange, Laurent, Amélie, la Hyène, Sylvie, Lydia Bazooka, Gaëlle, Pamela Kant, Daniel, Selim, Aïcha, Cécile, Pascal et les autres sont tous plus ou moins déglingués, désabusés et désespérés. Chacun incarne une facette de la société, société qui ne va pas vraiment bien. Et c’est tout le talent de Virginie Despentes de le montrer sans tomber dans le misérabilisme et le pathétique.

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Simple

Roman de Marie-Aude Murail.

Simple a 22 ans et 3 ans d’âge mental. Kléber, son frère, a 17 ans. Il l’a retiré de Malicroix, l’institution où il dépérissait. C’est lui, désormais, qui s’occupera de son grand frère, puisque leur père refuse ses responsabilités. « Car le petit était le grand et le grand était le petit. » (p. 190) C’est beaucoup de responsabilités pour Kléber qui, s’il a conscience du sacrifice et du travail que cela représente, n’accepte pas de voir son frère s’éteindre dans un centre aux allures de prison. « Kléber avait cet espoir, assez répandu chez les jeunes gens, que les problèmes se réglaient d’eux-mêmes si on évitait d’y penser. » (p. 137) Le quotidien n’est pas facile quand on est jeune : il y a les études, les filles les premiers émois. Il l’est encore moins quand il faut s’occuper d’un déficient mental. « Il ambitionnait les classes préparatoires, puis une grande école. Et il traînait après lui une espèce de monstre. Son frère Simple – de son vrai nom Barnabé –, qui croyait que les lapins en peluche sont vivants. » (p. 14) Car le meilleur ami de Simple, c’est Monsieur Pinpin, une peluche usée, ravaudée, adorée, qui est le transfert des peurs et des douleurs du jeune homme. Simple et Kléber s’installent dans une colocation d’étudiants. D’abord méfiants, Enzo, Corentin, Aria et Emmanuel finissent par ouvrir leur logement et leur cœur aux deux garçons. Dans cet appartement où les portes claquent souvent et où les briquets disparaissent, les cœurs se forment à la tendresse et à l’amour.

J’ai pleuré à gros bouillons et plusieurs fois en lisant ce roman jeunesse. Il est impossible d’être insensible à l’humour et à l’émotion de ce texte. Les personnages sont frais, attachants et proches. Simple ne peut pas être réduit à sa condition d’idiot. « C’était un jeune homme frêle, avec des cheveux désordonnés et des yeux comme des lanternes magiques où passent des princes et des pirates, des licornes et des farfadets. » (p. 81) Même s’il enchaîne les petites bêtises et les grosses conneries, il introduit la magie et la joie dans le quotidien de Kléber et de la coloc. On s’en moque, que les lapins en peluche ne parlent pas. Si on le souhaite assez fort, les peluches sont animées et nous défendent dans nos rêves. « Monsieur Pinpin, il pète la gueule. » (p. 14) Au début, je trouvais peu crédible qu’un adolescent de 17 ans obtienne la garde de son grand frère déficient mental. La suite du texte s’est chargée de remettre les pendules à l’heure. J’ai apprécié que l’auteure ne fasse pas de Kléber un saint éternellement patient et compréhensif. Le garçon est jeune et souvent dépassé par la situation. « Je vais te perdre dans un bois, j’en peux plus de toi ! » (p. 85) Ça ne rend que plus touchant le lien indestructible qui unit les deux frères. Les autres personnages du roman sont également bien construits, sans clichés ni fausse morale. Dans son texte, Marie-Aude Murail célèbre les élans de la jeunesse, les explosions de désir et les jeux où on fait comme si.

Simple est un très beau roman pour la jeunesse et pour tous les âges. Allez, j’avoue tout. J’ai lu ce bouquin avec le nez collé contre les oreilles en peluche de mon lapin à moi.

De la même auteure, je vous conseille Miss Charity qui parle d’une certaine Beatrix Potter

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Le drageoir aux épices

Recueil de textes de Joris-Karl Huysmans.

Sonnet, poème en prose, chanson populaire, comptine, description, chronique sociale… Entre naturalisme, romantisme, décadentisme et symbolisme, l’auteur explore les champs de la littérature et l’on trouve dans ce recueil tout ce qui constitue l’œuvre de Huysmans, de ses évolutions passées à celles à venir. Chaque texte est une friandise à la saveur nouvelle.

Il est beaucoup question des femmes : amantes adorées, prostituées sordides et jeunes filles indécises composent un portrait de la femme à l’époque de l’auteur. Qui dit femme dit amour et jalousie. « Mille petits riens se dressent devant moi ; le doute, l’implacable doute me torture. Il fait froid, eh ! qu’importent le froid, le vent, la neige, quand on aime ? Oui, mais elle ne m’aime pas. » (p. 22) Avec quel plaisir l’auteur se moque des images d’Épinal ! Ah oui, parlons-en de la rose bergère et du joli vacher quand il faut patauger dans la boue pour rassembler les bêtes !

Féru de peintures, l’auteur cite les maîtres flamands et leur rend hommage autant que possible. Il a aussi d’autres modèles, comme François Villon, premier poète maudit. « Meurs donc, larron ; crève donc dans ta fosse, souteneur de gouges ; tu n’en seras pas moins immortel, poète grandement fangeux, ciseleur inimitable du vers, joailler non pareil de la ballade. » (p. 52) Avec son lexique toujours riche et inventif, Joris-Karl Huysmans peint des natures mortes et des natures vivantes. Le texte sur le hareng saur est une merveille : on voit le poisson briller sous nos yeux. Et sous la plume de l’écrivain, Paris et Bruxelles se dressent devant nous, superbes, crasseuses et sublimes.

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Black Messie

Roman de Simonetta Greggio. À paraître le 4 mai chez les éditions Stock.

« De l’irruption du mal dans le quotidien, aucun d’entre nous n’est à l’abri. Il y a une démarcation, un avant et un après. » (p. 179) Entre 1968 et 1985, l’Italie a tremblé devant les crimes atroces perpétrés par le Monstre de Florence. « Seize morts, des couples assassinés pendant leurs ébats amoureux. » (p. 13) Si un suspect a été arrêté, il s’est avéré qu’il n’était pas le coupable. Ainsi, le Monstre n’a jamais été appréhendé par les forces de l’ordre. Trente ans plus tard, quand de nouveaux meurtres tout aussi cruels sont accomplis, la ville tremble à nouveau. « Florence est une ville merveilleuse. Ici plus qu’ailleurs, le sang a coulé avec magnificence. Savez-vous que c’est là que les premières sociétés secrètes italiennes ont vu le jour ? » (p. 61) Jacopo D’Orto, le capitaine des carabiniers, reprend l’enquête et soupçonne rapidement Miles Lemoine, professeur d’histoire américaine au comportement d’autant plus suspect que sa fille a disparu. Parallèlement, on découvre l’existence d’un groupe au rituel secret, entièrement dévoué à la Vierge Noire. Et on cherche le lien entre un tableau de Botticelli, une chanson des Beatles et un tristement célèbre tueur en série américain.

Les narrateurs changent à chaque chapitre. La voix du capitaine se confond avec celle du professeur, avec celles des nombreuses victimes et celle du tueur, qui se surnomme Légion. « Qui suis-je ? Mon nom change pour les siècles des siècles. Mais toujours on m’appelle Légion. » (p. 62) Avec cette référence biblique, le tueur signifie que son visage est multiple et qu’il est impossible à arrêter parce que, toujours et partout, de nouveaux monstres se lèveront pour faire couler le sang. « Le mal se cachait dans les plis du réel, attendant tranquillement son heure. L’heure a sonné. Le massacre peut commencer. » (p. 319) J’ai ressenti une grande compassion pour Miles Lemoine, ce veuf tourmenté qui craint tellement qu’il arrive malheur à sa fille. Brisé par la mort de son épouse, hanté par un passé violent, Miles est un personnage ambigu fascinant et émouvant. « Revenir de chez les morts n’est pas la même chose qu’être vivant. » (p. 84)

Il y a quelques années, j’avais lu Étoiles : ce roman de Simonetta Greggio m’avait laissé une impression plutôt négative. Rien de tel avec Black Messie. Pourtant, les thrillers sur fond de complot et de religion ne sont pas ma tasse de thé. Mais ce roman est très difficile à lâcher. C’est autant le fait de la construction qui tient en haleine que du style qui est précis, voire cinglant, tout en étant extrêmement visuel et cinématographique. « Une rose sortit de la bouche de la crucifiée et roula aux pieds de Jacopo, qui se pencha pour la ramasser. Il n’en fit rien. Il attendit que ses larmes cessent, accroupi près de la morte, main tendue vers la fleur flétrie. » (p. 15) Ne cherchez pas de ressemblance avec Da Vinci Code, le roman de Simonetta Greggio est bien plus subtil et bien plus glaçant. Et qu’on se le dise, « Tout est abject aux yeux des abjects. » (p. 24)

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Billevesée #227

Pourquoi la souris informatique porte-t-elle ce nom d’animal ?

Oui, je me pose des questions existentielles…

La réponse est finalement assez simple et j’aurais pu la trouver en réfléchissant toute seule.

Les premiers appareils de ce type étaient reliés à l’ordinateur par un fil. La forme de l’objet et le long fil ressemblent au corps de ce petit animal.

Voilà, c’est bête comme chou.

Alors, billevesée ?

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Cousine Phillis

Nouvelle d’Elizabeth Gaskell.

Paul Manning rencontre une branche familiale inconnue. Immédiatement sous le charme de sa jolie cousine, Phillis, il sait qu’elle ne sera jamais son épouse. « Qui ne l’aimerait pas, l’ayant vue comme je la voyais et pouvant apprécier ce caractère de jeune fille exceptionnel comme sa beauté ? » (p. 70) La jeune fille est instruite, savante, curieuse et dotée d’un caractère pur et noble, et elle éprouve pour ce nouveau cousin toute l’affection d’une sœur pour un jeune frère un peu turbulent. Le malheur viendra de ce que Paul introduit son ami Holdworth dans la paisible famille Holman. L’équilibre serein d’Hope-Farm en sera à jamais brisé.

Avec une originalité certaine, Elizabeth Gaskell fait le portrait d’une jeune fille idéale brisée par l’amour et l’inconstance d’un jeune homme qui s’est déclaré trop vite. La douce résignation et l’apaisement auquel elle se force après sa grande émotion sont superbement dépeints. Beaucoup comparent Elizabeth Gaskell à Jane Austen. Pour ma part, je ne vois rien de commun entre ces deux grandes auteures : la première reste grave quand la seconde insère avec subtilité une ironie dans tous ses textes. Si la comparaison ne tient pas selon moi, je reconnais l’immense talent des deux auteures et je refuse de choisir entre elles, comme cela semble être l’habitude chez certains lecteurs de textes britanniques.

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Ceux qui restent

Roman de Marie Laberge. À paraître en mai chez les éditions Stock.

« Le 26 avril 2000, Sylvain Côté s’enlevait la vie. Il avait vingt-neuf ans. Si on lui avait dit combien de gens il marquerait par son geste, il ne l’aurait pas cru. » (p. 11) Après ces premières phrases, on pourrait s’attendre à un sombre roman sur le suicide et le deuil. Il n’en est rien. Ceux qui restent est un texte résolument humain, lumineux et riche d’espoir. Quinze ans après, des voix s’élèvent pour parler de celui qui a choisi d’en finir, un soir de printemps.

Charlène, la maîtresse de Sylvain, prend à partie ce chum qui s’est donné la mort après avoir quitté son lit. « Je t’ai-tu dit va chier ? Va chier. » (p. 36) Barmaid quarantenaire, elle ne s’attendait pas à voir débarquer le père de son amant dans son bar, ni à se lier d’amitié avec lui. Avec son parler franc (et si glorieusement québécois), elle manifeste une envie d’en découvre avec celui qui lui a brisé le cœur, mais elle ne peut dissimuler les trésors de tendresse qu’elle garde en réserve.

Vincent Côté s’interroge sur ses manquements en tant que père : n’a-t-il pas assez aimé son fils pour que celui-ci préfère la mort au réconfort que les siens pouvaient lui apporter ? « Quand ton propre enfant se tue avant d’avoir trente ans, disons que tu n’as plus beaucoup d’assurance pour dicter une conduite parentale à qui que ce soit. » (p. 26) Grâce à Charlène, il complète un peu l’image qu’il avait de son fils, mais il reprend aussi goût à l’existence. « Je ne te ferai pas subir l’odieux de me servir de toi pour justifier une incompétence à vivre. Je vais honorer la vie, je vais la choisir en toute conscience chaque jour. Je vais vivre, quel qu’en soit le prix. Je vais vivre, quel que soit le poids de mon cœur privé de toi. » (p. 165)

Muguette Côté ne s’est jamais remise d’avoir trouvé son fils, pendu dans la maison familiale. « Parfois, j’ai l’impression qu’un sabre puissant a fendu mon corps en deux. Chaque partie palpite, mais aucune n’est vraiment vivante. » (p. 31) Cette phrase de son mari s’applique aussi à celle qui, terrorisée à l’idée de perdre son époux, pensait naïvement qu’un bébé lui rendrait son mariage. En vain.

Mélanie-Lyne, la femme de Sylvain, a élevé leur fils en lui cachant la cause de la mort de son père. Surprotectrice, obsédée par la réussite et l’avenir de son garçon, elle occulte le deuil en étant une mère aux aguets, constamment inquiète. Quant à Stéphane, il a grandi sans son père, entouré de près par sa mère et son grand-père. Ressent-il un manque ? Difficile à dire. Toujours est-il qu’il se construit une existence d’homme à la marge.

Dans ces adresses au défunt, il y a des tentatives de faire enfin le deuil, des interrogations infinies et des quêtes de sens. Sylvain est cet absent qui prend tellement de place dans la vie de ceux qu’il a laissés. Colère, regrets, reproches, incompréhension, remords, culpabilité, tout cela se mêle dans les discours de ceux qui restent. « Les suicides, y nous refilent le problème. Y nous le laissent. » (p. 57) Quinze ans après la mort de Sylvain, il leur faut accepter ce décès et le fait de ne pas avoir été présents. Il leur faut aussi se pardonner et cesser de chercher des explications. « Que c’est long, comprendre le bon sens… Sortir de sa peine. Je dirais la sortir de soi. » (p. 103) Finalement, ceux qui restent finissent aussi par partir et le cercle de ceux qui se souviennent rétrécit. Sylvain ne disparaît pas, mais il change de statut : il n’est plus le suicidé, il redevient le fils, le père, l’amant, l’ami. Et peut-être aussi celui dont le chemin aurait pu être suivi par ceux qui restent. « La mort de quelqu’un qu’on aime, ça nous oblige à considérer comment on vit. À quel prix, à quel renoncement on consent. » (p. 148)

Connaît-on jamais vraiment ceux que nous fréquentons, qu’ils soient vivants ou morts ? « Sylvain s’est tué parce qu’il s’est tu. » (p. 26) Ce qui est certain, c’est que les relations humaines sont des petits miracles qui ne s’expliquent pas. Les connexions familiales, amicales et sociales résultent d’une alchimie indiscernable rare et précieuse. Quelle tendresse immense j’ai éprouvée pour Vincent, cet homme cabossé au cœur immense, avide d’aimer et de rendre grâce à l’existence. « Mon fils, mon Sylvain, je l’ai aimé. Je l’aime encore, d’ailleurs. D’un amour pétrifié par son suicide. Un amour criblé de questions, de culpabilité, d’insuffisances redoutées ou avérées. Je n’y échapperai jamais, à cette condamnation. » (p. 67)

Les dernières pages du roman confinent au sublime et vont me bouleverser durablement. J’aurais pu relever une phrase magnifique par page. « Je m’en veux quand même, parce que je voudrais tant que l’amour que j’éprouvais ait fait une différence. Mais ça ne le fait pas toujours. Et ça ne dépend pas toujours uniquement de nous. » (p. 500) Chaque mot interpelle et frappe au cœur, que l’on ait ou non fait l’expérience du suicide d’un proche. Parce qu’au-delà du suicide, ce qui reste, c’est l’absence et le vide béant qui reste à combler quand un proche disparaît, qu’il meurt ou qu’il déménage.

Pendant mon long séjour au Québec, j’ai dévoré tous les romans de Marie Laberge que j’ai trouvé à la médiathèque où je travaillais. De retour en France, j’ai eu bien du mal à trouver des textes de cette excellente auteure québécoise dont la plume sensible et juste n’est pas sans me rappeler celle de Philippe Claudel quand il écrit sur le deuil, les morts et les vivants. Ceux qui restent est sans conteste un immense roman dont je ne peux que vous recommander la lecture.

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Guide de survie avec un chat – 80 listes pour vous faire miauler de plaisir

Texte de Frédéric Pouhier et Susie Jouffa.

Pour cette chronique, je laisse la parole à Bowie (oui, mon chat a un compte Twitter, et alors ?), ma minette tyrannique d’amour. Voyons ce qu’elle a pensé de ce livre.

*****

Je prends du temps sur ma sieste du matin (et c’est un gros sacrifice) pour un billet coup de griffe. Je me demandais bien pourquoi Lili Galipette se marrait comme une baleine en lisant ce bouquin et en me regardant toutes les trois secondes. Ce n’est déjà pas facile de vivre avec elle au quotidien, mais s’il faut en plus que je me tape son mépris affectueux, je veux comprendre pourquoi. J’ai lu ce livre et j’en ai retenu quelques passages que je me dois de commenter. Un instant, je vais manger quelques croquettes.

Voilà, ça va mieux, je peux tenir jusqu’au premier goûter du matin. Voyons ensemble ces extraits.

« Un enfant ne pissera pas dans votre sac pour vous montrer son mécontentement. Un chat oui. » (p. 17) Je proteste : je n’ai jamais uriné dans le sac de Lili Galipette. Dans son cabas à roulette pour les courses, oui. Mais le sac à main, non.

« Inutile d’aller courir avec votre chat. Il est comme vous, il déteste ça. » (p. 22) J’aime courir. Dans tout l’appartement. Entre 22 h 04 et 22 h 13. Juste quand Lili Galipette vient de s’endormir. Oui, c’est une parfaite coïncidence.

Ça, c’est moi quand j’étais toute petite. Je suis choupi, hein ?

Ah, il paraît que les chats ont des pouvoirs. « Le pouvoir de vous faire fondre même quand vous êtes en colère contre lui. Le pouvoir de transformer la nourriture en vomi. » (p. 29) Vrai pour le premier. Hop, un petit retournement sur le dos, on s’étire artistiquement vers l’oreiller, un coup de tête à la peluche préférée, et l’affaire est dans le sac. Le second est vrai aussi. Et alors, ça pose un problème ?

« Témoignage d’un propriétaire de chat. Il paraît qu’un chat a parcouru plus de mille kilomètres pour rentrer chez lui. Le mien, tu lui décales sa litière de trente centimètres et il chie sur la moquette. » (p. 30) Heureusement qu’il n’y a que du carrelage dans l’appart de Lili Galipette. Et je suis hyper propre d’abord ! Quand ma litière est trop sale, je fais mes besoins dans le lavabo ou dans l’évier. Tout de même, vous ne direz pas que je n’y mets pas du mien !

Je suis canon, n’est-ce pas ?

« Son chat, c’est un peu son bébé. Alors réfléchissez-y deux fois avant de l’inviter en week-end romantique à Florence en lui disant : Ton chat peut bien rester seul trois jours. » (p. 69) Perso, j’aimerais bien que Lili Galipette me lâche la grappe de temps en temps, du moment qu’elle est là à 7 h 05, 9 h 32, 11 h 49, 15 h 12, 18 h 30 et 21 h 59 pour me donner mes croquettes. Sinon, pas de problème, elle peut partir en week-end quand elle veut.

« Avant, vous aviez une maison, dorénavant vous vivez chez lui. Mais dans sa grande mansuétude, votre chat vous laisse continuer à rembourser les traites de votre crédit. » (p. 124) Lili Galipette loue un appart minuscule… et encore heureux qu’elle paye le loyer ! Je ne vais pas dormir dans les gouttières, moi ! Déjà qu’elle m’a trouvée dans une poubelle, Lili Galipette n’a pas intérêt à nous faire crécher sous les ponts !

Voilà, il fallait rectifier deux ou trois choses. Je laisse le mot de la faim à Lili Galipette : il est l’heure de ma bouffe. Oui, le mot de la faim, tout à fait !

*****

Non, je ne me moquais pas du tout de mon chat ! Je l’ai simplement retrouvé dans toutes les situations décrites par les auteurs. Ces listes écrites à deux voix sont hilarantes et très réalistes. Le cahier d’exercices final permet de se défouler et de compléter ce que les auteurs ne savent pas de notre chat. Parce que si les matous partagent un plan de conquête du monde bien rôdé, ils ont chacun une manière particulière de nous faire tourner chèvre !

Pour les amoureux des chats, je recommande Éloge du chat de Stéphanie Hochet et Le petit dictionnaire amoureux des chats de Frédéric Vitoux.

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À la table des hommes

Roman de Sylvie Germain.

À la suite d’un bombardement aux allures de cataclysme, un porcelet survit tant bien que mal dans une nature plutôt hostile. Il trouve des nourrices occasionnelles que la mort lui ravit rapidement. « Pour tout vivant, avoir un corps familier, bienveillant, contre soi, est rassurant. » (p. 16) Le petit cochon apprend très vite qu’il doit se méfier de l’homme, vivre loin de lui et profiter de chaque instant. « Le goret aime à paresser, à ruminer la jouissance d’être en vie, d’appartenir à la terre, de respirer l’espace, de faire peau avec les éléments, chair avec le monde. » (p. 24) Et voilà qu’une nuit, le jeune cochon se transforme et devient homme. « Il ignore tout autant où il est, ce qu’il est, ce qu’il fait. Il avance dans un monde soudain frappé d’extrême étrangeté. » (p. 37) Il faut maintenant intégrer le monde des hommes, se plier à leurs pratiques, adopter leur langage et leurs comportements. Nommé Babel par la communauté qui l’a recueilli, il apprend à devenir un homme et à faire reculer l’animal qui est en lui. « Il lui faut compenser l’amenuisement de son odorat en s’emparant du langage comme d’un instrument d’exploration des choses et des gens, en faire une faculté de perception, un sixième sens qui ramasse et concentre les cinq autres. Une arme pour comprendre tout ce qui se dit, et ce qui se trame dans ces dires. […] Nommer pour prendre à son tour la parole et tenter de survivre parmi ses congénères si imprévisibles, déconcertants, comme il le devient de plus en plus à lui-même… » (p. 65) Babel rencontre des humains meilleurs que d’autres, plus ouverts, plus amicaux et qui ne connaissent pas la haine. À la table des hommes, il y a à boire et à manger : encore faut-il apprendre à reconnaître les mets qui nourrissent et ceux qui assoiffent, les convives de bonne compagnie et ceux qu’il vaut mieux éviter.

Encore un très beau roman de Sylvie Germain, cette auteure qui n’en finit pas de me ravir et de m’émerveiller. En parlant d’animaux, elle parle d’humanité et d’amour. La nature n’est jamais loin dans ce roman, comme la corneille amie de Babel qui se pose sur l’épaule ou comme les fleurs qui décorent les tables et les sépultures. « Il faut bien ruser avec le chagrin fou de la séparation. Et il faut vaille que vaille essayer de sauvegarder une capacité d’émerveillement devant le monde, et d’amitié entre humains. » (p. 179) Pétri de réalisme magique et d’histoire contemporaine tragique, ce roman m’a beaucoup rappelé Le livre des nuits, chef-d’œuvre de Sylvie Germain. Il n’est pas toujours aisé de se reconnaître humain et d’accepter cette condition d’où sourd trop souvent une cruauté intarissable. « Certains jours, en prenant connaissance de l’actualité ou de bas faits du passé, il ressent une honte cuisante d’appartenir à l’espèce humaine. La plus féroce des bêtes sauvages paraît inoffensive en comparaison, sa nuisance reste limitée et dénuée de calcul, et d’orgueil et de duplicité. » (p. 151)

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La chatonaute : A Space Cat Odyssey

Nouvelle de Pierre Léauté.

Félicette menait une vie heureuse dans les rues et sur les gouttières de Paris. Attrapée par la fourrière, elle est sélectionnée pour intégrer un programme scientifique. « Ah, nous avions l’air fin, flanqués d’une électrode au sommet de la tête. » (p. 3) La France s’est lancée dans la course à l’espace : pas question de se laisser dépasser par les États-Unis ou l’URSS. Félicette, avec d’autres chats, participe à un projet de biologie spatiale. Les Russes ont envoyé un chien dans les étoiles, les Français enverront un chat. Le voyage de Félicette l’emmènera plus loin que prévu.

Cette nouvelle prend place entre des chapitres du roman Guerre aux grands. Cette parenthèse centrée sur un petit animal est en réalité une violente dénonciation des expériences sur les animaux. Tels sont les mots de l’auteur : « La chatonaute est une nouvelle dédiée à Félicette et à tous les animaux que la barbarie a sacrifiés au nom du progrès humain. » (p. 14) Je suis assez vivement engagée dans la cause animale : non aux expériences et aux trafics ! Cette nouvelle est simple, un brin loufoque, mais le franc-parler de Félicette a le mérite d’exposer des vérités qu’il ne faut pas se cacher. « Oui, nous souffrons autant que vous nous faites souffrir ! Vous apprenez votre métier de bourreau sur vos compagnons les plus fidèles ! Alors, dites-moi, messieurs les penseurs, sommes-nous des esclaves puisque vous êtes nos maîtres ? » (p. 14) Le texte se conclut sur une photo de Félicette, premier chat envoyée dans l’espace par les Français, qui porte une diode sur la tête. Croyez-moi, c’est bien triste et pitoyable.

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La terre qui penche

Roman de Carole Martinez.

En 1361, deux siècles après la vie recluse d’Esclarmonde, la jeune Blanche est fiancée à Aymon, le fils simplet du seigneur du domaine des Murmures. Libérée de son père, un homme brutal qui refusait de l’instruire et qui la battait régulièrement parce qu’elle parlait dans son sommeil, Blanche entrevoit un avenir heureux au domaine des Murmures, ce château qui penche vers la Loue. « Il ne veut pas faire de moi une lettrée, la faute au diable qui entre dans les âmes des filles qui savent lire. » (p. 15) L’enfant veut apprendre à lire et à écrire son nom pour prendre pleinement possession et ne plus laisser les hommes cruels tenter de s’en emparer. « Je suis BLANCHE et je serai mon domaine, mon château, ma maîtresse ; nul ne me pliera plus dès que je serai grande et que mes tétons auront poussé, pas même le diable. » (p. 35) Un jour, dans la nuit et la forêt, elle a tué le diable et a gagné un cheval puissant qui la protège. Dans son univers fait d’enfance, de baignade et d’attente, il y a un ogre, des petites filles mortes qui courent dans les champs en robe rouge, une vieille cuisinière qui prépare les repas les plus délicieux, une fée qui vit dans la rivière et qui emporte les hommes. Et quand un enfant manque de mourir, c’est la nature qui s’éteint. « Le jardin fane et il me semble que la forêt elle-même souffre de ton absence et que tout défleurit. » (p. 143)

De fabuleuses créatures parcourent ce texte, comme ces figures paternelles qui s’opposent : le veuf inconsolé incapable d’être père et le guerrier adouci dévoué à son enfant. Il y a Aymon, l’idiot lumineux et tendre. Il y a la Loue, cette rivière meurtrière et inconscience qui avale les petits comme les guerriers. Et surtout, il y a la vieille âme et la petite fille, deux facettes d’un même être. « La vieille âme, tout effilochée, écoute l’enfant qu’elle a été des siècles plus tôt sans se lasser de ses petits mensonges. » (p. 29) Entre rêve, magie et légende, la vieille âme tente de recomposer les souvenirs qu’elle a gardés, elle essaie de renouer avec la petite fille qu’elle a cessée d’être si jeune. « Nous sommes mortes à douze ans et, depuis, j’ai vieilli, infiniment, à regarder le monde sans en être. » (p. 12)

La terre qui penche est un conte éblouissant nourri de vieilles chansons, de traditions oubliées, de récits fabuleux et de superstitions tenaces. « Oui, gare à l’enfer, gare à l’enfer où l’esprit reste captif d’une chair qu’il a perdue ! » (p. 21) J’ai retrouvé avec un plaisir intense le style large, riche et flamboyant de Carole Martinez, déjà tellement apprécié dans Le cœur cousu et Du domaine des Murmures. La fin du roman est sublime et renvoie à une phrase des premières pages. « Et moi, qui suis une si vieille âme – voilà près de six siècles que je hante ces forêts –, comment pourrais-je me fier à ma mémoire ? » (p. 12) Comme sur un palimpseste éternel, une histoire peut toujours en cacher une autre. Il faut tendre l’oreille pour ne pas la manquer et oser l’imaginer. Ou alors, si on préfère, on peut recommencer l’histoire depuis le début.

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Billevesée #226

Dans le potager, le mot « légume » est masculin.

Mais pas dans l’expression « une grosse légume » : pourquoi ?

Le terme « légume » était autrefois féminin et il l’est resté dans cette locution.

Et sinon, une grosse légume, c’est un gros bonnet, une huile ou un ponte.

Alors, billevesée ?

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Black out – Demain il sera trop tard

Roman de Marc Elsberg.

Quatrième de couverture : Par une froide soirée d’hiver, le réseau électrique européen commence à lâcher. De nombreux pays s’enfoncent dans l’obscurité et plusieurs centrales nucléaires mettent en danger la vie de millions d’êtres humains. Menace terroriste ou défaillance technique ? Piero Manzano, ex-hacker italien, croit savoir qui est responsable. Avec l’aide d’un policier français d’Europol, François Bollard, Manzano s’engage dans une véritable course contre la montre face à un adversaire aussi rusé qu’invisible.

Si je fais le choix de présenter la quatrième de couverture au lieu de rédiger un résumé de ma main, c’est pour éviter de trop en dire. Car il serait dommage de déflorer l’intrigue de ce passionnant thriller moderne. Il n’aurait pu être qu’un énième roman à base de complot et de vilains terroristes : c’est en fait une profonde réflexion sur notre rapport à l’énergie et à la consommation. « Comme vous pouvez le constater, un problème en appelle un autre. » (p. 144) Sans électricité, toutes les chaînes d’approvisionnement sont bloquées : nourriture, soin, carburant, capitaux, tout est figé. Les émeutes éclatent, le prix des vivres explose et des dangers graves se font jour, comme les défaillances des centrales nucléaires où on ne peut plus réguler la température du noyau atomique. L’aide internationale fait ce qu’elle peut, mais quand les États-Unis tombent à leur tour, le problème semble insoluble. « Quelqu’un désactive d’un coup tous les compteurs. Ça engendre une brutale hausse de la fréquence sur le réseau. Puis suit une réaction en chaîne jusqu’à ce que plus rien n’aille. » (p. 65)

L’intrigue est complexe, mais très bien ficelée et tout à fait haletante. Les personnages sont nombreux, mais ils ne se marchent pas sur les pieds et, sans être des archétypes, ils accomplissent ce que l’on attend d’eux, avec efficacité et cohérence. Black out est un excellent thriller scientifique qu’il ne faut pas considérer comme de la simple littérature, mais comme un scénario crédible d’une catastrophe à venir à base de terrorisme énergétique.

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Rêves et cauchemars – Tome 1

Recueil de nouvelles de Stephen King.

« Sommeil ou veille ? De quel côté se déroulent réellement les rêves ? » (p. 13) Je vous laisse juge : que pensez-vous de ces histoires ? Rêves ou cauchemars ?

Un veuf cherche vengeance contre un gangster m’as-tu-vu. Un jeune homme trop intelligent veut guérir le monde de la violence. Une institutrice soupçonne ses élèves de n’être pas humains. Un joueur invétéré qui paye ses dettes de triste façon enlève le mauvais enfant. Une maison sur la colline inquiète tout le voisinage. Un vampire se déplace en avion. Un jouet porte secours à un conducteur en mauvaise posture. Une femme révèle les origines de son enfant et de son talent d’écrivain. Un doigt se promène dans le lavabo. Une paire de baskets est depuis bien longtemps dans les toilettes du troisième étage. Un couple apprend à ses dépens que c’est rarement une bonne idée de quitter les routes principales.

Stephen King est un maître en matière de nouvelles ! Chacune est ciselée, impitoyable et terrifiante à sa manière. Et ce ne sont pas forcément les histoires de monstre qui sont les plus terribles. Être enterré vivante, ça me fait bien plus peur que de croiser un vampire !

Pour finir, deux extraits pour finir de vous glacer le sang…

« Comme Jeopardy. En fait comme la finale de Jeopardy. Dans la catégorie Inexplicable. La réponse finale est : Parce que tout est possible. Mais savez-vous quelle est la question finale ? […] La question finale est celle-ci : Pourquoi des choses horribles arrivent-elles parfois aux personnes les meilleures ? » (p. 285)

« Les images étaient comme du papier sec prenant feu dans la lumière concentrée et impitoyable qui semblait lui emplir l’esprit ; c’était comme si l’intensité de son esprit en avait fait une loupe humaine. […] Personne ne pouvait garder en mémoire des images aussi infernales, une expérience aussi terrifiante, et conserver son bon sens, si bien que le cerveau se transformait en fournaise, grillant au fur et à mesure tout ce qui lui était présenté. » (p. 348)

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Le chien des Baskerville

Roman d’Arthur Conan Doyle.

Le docteur Mortimer sollicite l’aide de Sherlock Holmes et du docteur Watson au sujet du décès suspect de son ami, Sir Charles Baskerville : il semble être mort de peur alors qu’il se promenait de nuit sur la lande, dans son domaine campagnard. Une légende se transmet dans la famille Baskerville : il se raconte qu’un ancêtre aurait vendu son âme au diable et qu’un chien infernal tourmente la famille depuis des générations. « Jamais aucun rêve délirant d’un cerveau dérangé ne créa une vision plus sauvage, plus fantastique, plus infernale que cette bête qui dévalait du brouillard. » (p. 149) Henry Baskerville, neveu qui vivait au Canada, est attendu en Angleterre pour entrer en possession de son héritage. Dès son arrivée, il est confronté à des choses étranges : qui donc s’en prend aux Baskerville et pourquoi ? « Les agents du diable peuvent être de chair et de sang, non ? » (p. 30) Alors que Sherlock Holmes délaisse l’enquête pour des affaires plus urgentes à Londres, le docteur Watson et le docteur Mortimer essaient de protéger le jeune Sir Henry de la bête qui court la lande et de son mystérieux maître.

Ce roman est le plus connu du cycle holmésien. Il était temps que je le lise, même si je ne suis pas du tout fan du personnage principal. S’il me fallait décrire Sherlock Holmes en quelques mots, j’utiliserais : morgue, suffisance, orgueil et égocentrisme. Ce personnage m’insupporte ! Il a une si haute confiance en son intelligence qu’il dénie aux autres la faculté de savoir raisonner. « Vous n’êtes pas une lumière par vous-même, mais vous êtes un conducteur de lumière. Certaines personnes dépourvues de génie personnel sont quelquefois douées du pouvoir de le stimuler. » (p. 6) Pire, il prend plaisir à asseoir son intelligence sur les faiblesses de ses compagnons, tel un insupportable premier de la classe. « Quand je vous disais que vous me stimuliez, j’entendais par là, pour être tout à fait franc, qu’en relevant vos erreurs, j’étais fréquemment guidé vers la vérité. » (p. 6 & 7) Ce comportement odieux aurait pu susciter en moi une profonde sympathie pour le docteur Watson. Il n’en est rien : le pauvre faire-valoir est désespérément en quête de reconnaissance et il en fait des tonnes pour impressionner Sherlock. Étrange, donc, que ces personnages de papier me tapent tant sur les nerfs alors que leurs incarnations télévisuelles, en les personnes de Benedict Cumberbatch et Martin Freeman, me  ravissent autant (surtout Martin…). Peut-être parce que Watson, version BBC, ne se laisse pas si facilement humilier.

S’agissant de cette histoire, je ne suis pas friande des enquêtes et des romans policiers. Le roman se lit vite et facilement, mais tout semble tellement cousu de fil blanc qu’il m’a été difficile de me laisser prendre par l’intrigue.

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Cœur de lapin

Roman d’Annette Wieners.

Depuis la mort de Philipp, son petit garçon, dans des circonstances troubles, Gesine a quitté son poste à la police et vit coupée du monde, uniquement occupée par son travail au cimetière et son obsession pour les plantes toxiques. Alors que sa sœur, Mareike, trouve à son tour la mort de manière suspecte, Gesine ne peut se cacher du passé et doit se confronter aux non-dits qui entourent le décès de Philipp. Quelle est la responsabilité de Mareike ? S’est-elle suicidée ou a-t-elle été assassinée ? Que cherche à cacher leur père ? Que sait Juan, le veuf de Mareike ? Quel rôle a joué la police dans la clôture de l’enquête autour du décès de Philipp ? Pourquoi Frida et Martha, les jeunes nièces de Gesine, se croient-elles coupables de la mort de leur maman ? « Ce qui s’est passé avec votre mère n’a rien à voir avec vous ? / Non ? […] D’où est-ce que tu sais ça Gesine ? / Les enfants ne sont jamais coupables, finit-elle par dire d’une voix claire. / Oui, et les tantes non plus, compléta Martha. » (p. 122)

Cela fait beaucoup de questions, n’est-ce pas ? Ce roman en soulève encore bien d’autres, mais il sait y répondre et tendre vers une résolution claire et implacable. Le drame que constitue la mort d’un enfant est un sujet sombre et délicat, mais Annette Wieners évite le pathos et le glauque avec talent. Cœur de lapin est un polar de très bonne facture, au rythme maîtrisé et à la construction soignée. Pourquoi ce titre ? Peut-être parce que le cœur d’un lapin affolé se voit à travers à travers sa fourrure tant il bat fort. Et je promets une augmentation de votre rythme cardiaque sur certains passages.

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Tu n’as rien à craindre de moi

Bande dessinée de Joann Sfar. À paraître le 20 avril.

Seaberstein est peintre et dessinateur. Il est juif. Il est fou amoureux de son amante, qu’il appelle Mireille Darc. « Je le sais que ta vie est précieuse. Si tu me confies ta vie, j’en prendrais soin. Moi aussi, tu sais, j’y tiens beaucoup. À ma vie. Ça ne m’arrive pas tous les matins, de dire : “Voilà, voici ma vie, tout est à toi.” Un jour, je te le dirai même quand tu seras réveillée. » (p. 16) Elle écrit une thèse sur l’épigraphe latine. Elle est belle. Elle aime être regardée. Elle s’en défend. Seaberstein ne sait pas arrêter de la regarder. De la désirer. « J’aime bien regarder quand il m’attend. Je le fais m’attendre tout le temps. Je ne sais pas pourquoi il n’y a qu’avec lui que je suis tout le temps en retard. » (p. 14) Elle accepte de devenir son modèle pour une série de peintures que lui a commandé le musée d’Orsay. Mais comment peindre la femme que l’on adore ? Comment sublimer l’amante au travers du modèle pour en faire un sujet universel ?

Quand Joann Sfar parle du couple, il parle de l’impossibilité de vraiment unir deux êtres qui se trouvent des points communs. « Parfois, je suis perdue. Je ne le reconnais plus, car il a des blessures. Je ne me suis jamais endormie longtemps contre lui. Maintenant, nous vivons ensemble. Il va falloir apprendre. » (p. 19) Le couple se crée et ne cesse de s’apprivoiser. Mais les grandes déclarations dureront moins longtemps que les tableaux. Seaberstein, artiste priapique, est touchant parce qu’il est amoureux, et tellement épris que ses pinceaux se taisent : pourquoi peindre pour d’autres quand il a séduit celle qu’il aime ? Mon personnage favori est Protéine, la meilleure et seule amie de Mireille Darc. Cette juive flamboyante se pose beaucoup de questions et comble la vacuité du monde en achetant des chaussures. Elle renvoie sans cesse son amie à son égoïsme et tente de trouver un sens à son existence.

Surprenant de constater combien le dessin pointu de Sfar est étonnamment sensuel. La page se compose le plus souvent de petites vignettes qui s’enchaînent à une allure folle, mais parfois le dessin prend le temps et s’étale sur la surface, comme un arrêt sur image, une pose travaillée par le modèle. On se perd alors dans l’abîme de la contemplation et on n’en ressort qu’avec la certitude qu’il y a d’autres merveilles à découvrir sur les pages suivantes.

Du même auteur : Le chat du rabbin

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