Roman de Sophie Poirier.
Corinne et Paul ont pris l’habitude de se retrouver tous les soirs à la terrasse d’un café. Ils partagent un whisky et leur amour des livres. Tous deux libraires, pétris des douleurs de leur passé, ils ne savent rien de l’autre que cette passion commune pour la littérature. Un soir, Paul ne vient pas. D’abord brisée, Corinne essaie d’avancer. « Il y a un homme, et au début je ne savais pas que je l’aimais, mais maintenant je suis sûre, certaine de l’amour pour lui, cet homme-là a disparu. C’est quand il a disparu que j’ai compris pour l’amour. » (p. 43) Et un jour, Corinne croit reconnaître le visage de Paul dans une exposition photographique qui présente des portraits de personnes décédées. « Elle avait compris que sa vie n’aurait jamais aucun sens si Paul restait mort. » (p. 23) Armée de son amour, elle mène l’enquête pour le retrouver, pour le rencontrer vraiment au-delà de la terrasse de café de leurs rendez-vous littéraires. Sa quête place sur son chemin des personnages fantasques et attachants: un photographe bedonnant fasciné par les cadavres, un oncle aux allures de prince russe et son domestique nain, Paul Auster et son épouse Siri Hustvedt, Peter le pianiste américain et une vieille anglaise qui collectionne les objets brisés pendant les disputes qui l’opposaient à son défunt mari.
Le récit est servi par une narratrice voyeuse qui suit pas à pas les pérégrinations de Corinne. Tout en finesse, elle épie ce couple étrange qui se retrouve tous les soirs, elle élabore des suppositions, elle dresse des portraits, elle comble les blancs. Mais très vite, son récit se déroule sans elle. C’est Corinne qui entraîne le lecteur, sans le savoir et sans le vouloir.
L’enquête amoureuse est jolie, gentiment trépidante. On survole sans vraiment atterrir les avenues de la Big Apple et les villages de Provence. Il me semble que certains passages ne sont pas aboutis. Le roman ne fait que 70 pages et je regrette que l’on ait fait qu’effleurer certains personnages. Des histoires s’esquissent à peine que, déjà, il faut repartir sur la trace de Paul, l’amant disparu.
Paul… Voilà un homme agaçant. Et malpoli. On ne quitte pas une dame ainsi, sans prévenir, sans rassurer, sans laisser une adresse. J’ai trouvé Corinne bien courageuse et persévérante, mais aussi un peu folle de courir ainsi après un homme fantôme.
Le titre résonne comme la rubrique littéraire d’un magazine. En ouvrant le livre, je m’attendais presque à des conseils de lecture ou à des avis critiques. Encore un manque dans la narration. A moins que le livre tout entier soit une recommandation : ne pas abandonner quand on aime ou le manuel de l’amoureuse entêtée.
L’histoire est charmante, mais je n’en garderai pas un souvenir profond. Le texte se lit vite et avec plaisir, sous la douceur chaude d’une frondaison généreuse, un après-midi de printemps. Voilà probablement le plus doux des souvenirs.