Bande dessinée de Barbara Stok.
Hipparchia était promise à un riche mariage qui aurait fait l’honneur de sa famille. Pour lui plaire, son futur époux l’aurait même laissée lire de la philosophie, n’en déplaise aux femmes de son entourage. « Ces livres n’ont pas été écrits pour nous. Ton père t’a laissé beaucoup trop de liberté à ce sujet. Tu gâches ta féminité. » (p. 30) Mais voilà, Hipparchia a croisé Cratès, le philosophe vagabond et cynique, clochard pouilleux à l’esprit brillant et, plus que jamais, elle refuse de se contenter d’être jolie et de ne pas penser. Puisque la place où l’on voudrait la contraindre de rester ne lui convient pas et parce qu’elle est avide de savoir et de réfléchir, Hipparchia envoie aux orties une vie que beaucoup lui envie, d’autant plus que Cratès l’accepte dans son cercle. « Il m’a donné la parole et ils m’ont prise au sérieux. » (p. 149) Avec ce compagnon qu’elle se choisit, Hipparchia rejoint le courant des cyniques, fondé sur le minimalisme et le refus des différences sociales.
L’autrice le dit en fin d’ouvrage : il y a peu de sources qui traitent de cette philosophe qui a vécu au 4e siècle avant JC, mais toutes soulignent le caractère exceptionnel de cette femme qui a obtenu sa liberté en renonçant à tout. Les notes finales explicitent largement l’ouvrage et développent des points à peine évoqués. C’est passionnant et ça fait plonger dans une bibliographie très dense. Le dessin est simple, dépouillé, presque naïf, cependant très expressif, avec quelques doubles pages riches de détails. J’ai passé une très belle heure de lecture avec cette épaisse bande dessinée et je sais déjà que j’y reviendrai.
C’est évidemment une œuvre que je range sur mon étagère de lectures féministes, pas très loin de la bande dessinée consacrée à Kristina, la reine-garçon.