Roman de Gaël Faye.
Milan grandit à Versailles. Ses parents sont un couple mixte – père français, mère rwandaise –, mais vacances à l’Île de Ré tous les étés. Tout change en 1998 quand sa mère lui propose un voyage au Rwanda. Milan a 16 ans et il découvre le pays qui compose la moitié de ses origines, une terre qui panse des plaies profondes et frémit d’une urgence de vivre. « On célèbre quoi, au juste ? […] / Rien ! On fait des stocks de fêtes, au cas où. On rafistole nos foutues jeunesses gaspillées. » (p. 59) Avec son oncle Claude et ses ami·es Eusébie, Sartre, Rosalie et Stella, Milan apprend l’histoire du Rwanda, les massacres, le génocide et les tribunaux populaires. Au gré de ses séjours, plus question de tourisme : il veut comprendre ce qui sépare la justice de la vengeance et comment les jeunes générations des deux ethnies peuvent cohabiter. Retrouver les corps des disparu·es, ouvrir les charniers, juger les génocidaires, reprendre les terres et les biens spoliés, tout cela anime ceux qui ont échappé aux machettes. « L’indicible, ce n’est pas la violence du génocide, c’est la force des survivants à poursuivre leur existence malgré tout. » (p. 96) Entre commémoration et réconciliation, à mesure que les décennies passent, il devient plus difficile de différencier les héros des bourreaux : les histoires se réécrivent, les mémoires s’effacent et les témoignages déchirent, enkystant toujours plus la parole et freinant le retour de la confiance. « Ce pays est empoisonné. On vit avec les tueurs autour de nous et ça nous rend fous. » (p. 64) Quel est l’héritage de celleux qui sont né·es après ou qui sont né·es ailleurs, comme Milan dont la mère ne lâche pas une parole sur son passé ?
J’ai récemment découvert Petit pays, premier roman de l’auteur, déjà tout entier tourné vers le Rwanda. Avec ce deuxième texte, Gaël Faye persiste et signe : son talent d’écrivain n’est plus à démontrer, pas plus que son intelligence émotionnelle et politique face aux drames d’un pays qui n’est pas si petit si l’on rassemble toutes les voix qui s’en élèvent.
J’ai aimé les deux mais je crois que j’ai encore plus apprécié Jacaranda. Quel bouquin !
Quel auteur !