
Roman de Stéphanie Hochet. Parution ce jour.
Choisie par Saint Michel, encouragée par Sainte Marguerite et Sainte Catherine, Jeanne est pleinement investie dans sa mission : libérer le royaume de France de la main-mise anglaise. Son histoire, tous les manuels la racontent : la vierge exaltée mène des troupes au combat et finit sur un bûcher. « Elle va être tuée pour s’être vêtue comme un garçon. » (p. 117) Une figure l’accompagne dans ses exploits, celle de Gilles de Rais, massacreur d’innocents entièrement dévoué à cette cheffe de guerre hors du commun. « Il est bon d’être guidé par celle qui ressemble à un enfant […]. On se sent aimé d’un ange. » (p. 92) Ce que l’imaginaire retient, c’est que la sainte était escortée d’un ogre, chacun étant plus éclatant dans ses caractéristiques au contact de l’autre.
Dans William déjà, l’autrice explorait ses souvenirs traumatiques au sein d’une famille violente. Entre une mère caparaçonnée dans sa vertu stricte et son aveugle dévotion à l’époux et un père vorace et aigri à la tyrannie facile, l’enfant a grandi en marchant sur des œufs. Face à une sainte et un ogre, quelle place prendre ? Comment se sauver afin de ne pas entrer dans le schéma de la violence ? « Je sais que refuser l’imitation des parents est un acte de rébellion qu’on paye souvent cher. » (p. 75) En mettant en regard les figures historiques, quasi légendaires, de Jeanne d’Arc et Gilles de Rais et celles de ses parents, Stéphanie Hochet interroge les notions de sainteté et de monstruosité, dévoilant ainsi leur terrible proximité. Il est moins question d’opposés que des deux revers d’une médaille. « Les saintes ne sont pas fréquentables. Leur pureté est rêche et leur dégoût de l’existence aspire votre joie de vivre . […] Elles n’ont qu’à apparaître pour manifester leur sèche supériorité et vous inspirer la honte de ne pas leur ressembler. » (p. 132)
Cités en exergue, Gilles et Jeanne de Michel Tournier et Là-Bas de Joris-Karl Huysmans constituent un patronage prestigieux et pertinent à la nouvelle œuvre de Stéphanie Hochet. Une phrase surtout me reste en mémoire et me serre le cœur. « Dans cette famille, j’échappe au viol sans doute parce que je suis une fille. » (p. 146) Armures n’est pas une énième biographie de Jeanne d’Arc et ce n’est pas une autofiction nombriliste : c’est un texte puissant et beau qui libère des injonctions à la pureté tout en rappelant la terrible fragilité de l’innocence.
Je me le note ! 😉
Ouiiii !