Roman de Maurice Genevoix. Illustrations de Michel Charrier.
« Avant tout, je tiens à le dire : cette histoire est une histoire vraie. »
Ainsi s’ouvre le récit d’une extraordinaire et bouleversante rencontre. L’auteur se promenait en forêt avec sa plus jeune fille, Sylvie. Au détour d’un chemin, ils aperçoivent un écureuil, éclair feu et fauve. Et l’inattendu se produit. Le petit animal ne fuit pas. Curieux, confiant, il s’approche à toucher l’humain. « Tranquillement, aimablement, il fit vers moi deux sauts légers. Quand il touche presque mes souliers, il se replante sur son séant, relève son petit nez rond et recommence à me dévisager. » (p. 13)
L’homme, l’enfant et l’animal jouent à cache-cache entre les arbres, s’apprivoisent et s’adoptent. « La douce petite bête nous faisait une confiance aveugle, ne redoutait plus rien de nous, une fois pour toutes. Nous faisions partie de son monde. » (p. 29) Quand vient l’heure de rentrer, l’écureuil suit à bonds fougueux le père et la fille. Déjà, il n’imagine plus vivre sans eux, loin d’eux. Qu’importe si la maison est loin de la forêt, cette nouvelle demeure sera la sienne. « C’est en écureuil libre que conduisait celui-là, jusqu’à son sans-gêne, son aisance, sa façon d’être chez lui. » (p. 48)
Mais comment imaginer cette petite bête, incarnation de la liberté insouciante, dans une maison où rôdent chats et chiens ? Comment l’imaginer loin de sa forêt ? C’est à l’homme d’être raisonnable, de rompre le lien si précieux et d’évanouir la magie. « Au revoir, mon petit bonhomme ! Nous sommes restés tant que nous avons pu. Mais cette fois, il n’y a plus moyen : il faut qu’on se sépare, que chacun retrouve les siens. Au revoir, encore. Quand même, tu sais, ça nous fait bien de la peine. » (p. 33)
Vous vous en douterez, c’est une histoire bien triste pour quiconque aime les animaux et s’attache dès le premier regard à une boule de poils affectueuse. Maurice Genevoix est habile dans l’art de l’évocation : il nous fait partager le moment unique où l’homme rencontre son meilleur ami. L’émotion envahit la page, soutenue par les douces aquarelles qui habillent le texte.
On peut se demander pourquoi et pour qui il a écrit cette expérience. Pour la fille qui l’accompagnait ce jour-là, sans doute. Mais plus certainement encore pour lui-même, pour ranimer encore le bonheur de se souvenir et revivre la douceur extraordinaire de cette éphémère mais puissante amitié. Voilà une histoire que l’on peut lire à un tout-petit mais, sans aucun doute, c’est un récit qui touchera les adultes marqués par des rencontres peu communes.