Quatrième de couverture : Au printemps 1939, une organisation très discrète est fondée à Londres, surnommée « l’armée secrète de Churchill » : elle a pour objectif de détruire la machine de guerre d’Hitler, au moyen d’actes de sabotage spectaculaires. Les opérations de guérilla qui devaient frapper au cœur du Troisième Reich étaient dirigées par six hommes atypiques. Churchill les avait choisis pour leur créativité et leur mépris des convenances. Millis Jefferis et Stuart Macrae s’occupèrent d’organiser les activités et de produire à grande échelle de nouvelles armes secrètes. Cecil Clarke était un ingénieur fou qui avait passé les années 1930 à inventer des caravanes futuristes ; c’est lui qui élabora la bombe destinée à assassiner le favori d’Hitler, Reinhard Heydrich. William Fairbairn était un retraité corpulent à la passion peu commune : il était le spécialiste mondial des techniques d’assassinat sans bruit. Avec son comparse Eric Sykes, il avait pour mission d’entraîner les hommes parachutés derrière les lignes ennemies. Menée par Colin Gubbins, un fringant Écossais, cette organisation fut si efficace qu’elle changea le cours de la guerre. À l’aide de documents d’archives classés Secret Défense jusqu’à ce jour, Giles Milton nous livre avec son humour anglais irrésistible le récit invraisemblable de cette guerre contraire à toutes les règles du vrai gentleman.
Il serait bien vain et même présomptueux de prétendre résumer par moi-même un épisode véridique de l’Histoire. Voilà pourquoi je vous renvoie à la quatrième de couverture qui est très bien faite. Colin Gubbins n’avait pas l’approbation de ses supérieurs, mais c’est en partie grâce à ses méthodes de guérilla que la guerre de 39-45 a été remportée par les Alliés. « Après deux ans de guerre, le gouvernement britannique et ses serviteurs apprenaient enfin à se conduire comme des mal élevés. » (p. 175) Dans son bureau secret situé dans Baker Street, à deux pas de la maison de Winston Churchill, il a pensé la guerre différemment pour donner l’avantage à l’Angleterre et aux ennemis du nazisme. « Dans l’armée régulière, on avait très peu l’expérience de cette guerre souvent indigne de gentlemen. » (p. 29) Grâce à l’équipe exceptionnelle qu’il a rassemblée, il a élaboré des opérations de sabotage d’envergure, souvent extrêmement audacieuses, menées en Afrique, en Grèce, en Norvège ou encore en France. Giles Milton présente dans le détail leur préparation, ce qui les rend très visuelles, voire cinématographiques. Le livret iconographique présent au milieu de l’ouvrage illustre intelligemment le propos et donne envie de se perdre dans des kilomètres d’archives.
Les portraits des membres de l’équipe d’élite de Colin Gubbins sont passionnants. Nous sommes en présence de personnes extraordinaires, peu communes parce que visionnaires ou faisant montre d’une morale peu acceptable, et pourtant positive. « Il allait avoir besoin d’un petit groupe d’experts qui l’aiderait à trouver où frapper pour mieux enrayer la machine de guerre d’Hitler. Des experts qu’il avait peu de chances de trouver dans l’armée régulière. Gubbins devait dénicher des mauvais garçons, des loups solitaires, des excentriques sachant penser en dehors du cadre et aimant l’action. » (p. 35) Mais il n’est pas question que d’hommes dans cet ouvrage. Joan Bright et Margaret Jackson ont été deux assistantes indispensables au travail de Colin Gubbins, des femmes travaillant sans relâche à l’effort de guerre jusqu’à l’armistice.
La réussite de ces opérations, de cette stratégie novatrice et de cette guerre irrégulière était la façon de Colin Gubbins de servir son pays au plus fort de la guerre, mais également de prendre une revanche sur sa hiérarchie militaire en prouvant sa valeur de soldat. « Après l’attentat contre Heydrich, Colin Gubbins comprit quel puissant avantage il avait sur les nazis. Si tous les coups étaient permis, la guerre devenait un jeu, un jeu à haut risque, mais qui ne manquait pas d’attrait. En plaçant bien ses cartes, il cesserait d’être un sous-fifre mal-aimé pour devenir maître de la stratégie. » (p. 229) Ce portrait d’homme déterminé ferait un excellent biopic au cinéma. J’ai été saisie par le sang-froid de Gubbins, l’inventivité de ses hommes et la témérité de cette brigade secrète. À noter que les techniques et les technologies développées par ces saboteurs ont été saluées par tous pendant la guerre, et même par certains officiers de l’armée allemande qui en faisait pourtant les frais.
J’avais déjà apprécié la plume de Giles Milton dans son roman Le nez d’Edward Trencom qui parle de fromage, entre autres choses. Ici, son style enlevé et entraînant fait dévorer sans effort les quelque 400 pages de ce document historique.