Mes prix littéraires 2019

Je ne peux pas dire le contraire, je suis chanceuse. Voire privilégiée. Je reçois souvent des livres offerts par des maisons d’édition. Et durant l’automne 2019, j’ai eu le bonheur de participer à deux jurys littéraires.

Le premier était organisé par ma librairie lilloise d’amour, Place Ronde. Je vous ai d’ailleurs déjà présenté la libraire, un petit bout de femme qui déborde d’énergie et de cœur. Le prix était logiquement et joliment intitulé Au coin de la Place Ronde.

Pour lire mes avis sur les 12 titres en lice, cliquez sur les liens. J’ai failli classer les livres par ordre de préférence, mais pour donner à tous les titres une chance d’attirer votre attention, les voici dans le désordre !

Le lauréat du prix Au coin de la Place Ronde est Le ciel par-dessus le toit ! (Qui était mon favori, alors youpi !)

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Et après Lille, direction Paris ! Au nom de VendrediLecture, association dont je suis la présidente, j’ai lu la sélection du prix Sport Scriptum organisé par la Française des Jeux.

Là encore, les livres sont dans le désordre. Retrouverez-vous ceux qui m’ont enchantée ?

Le lauréat du prix Sport Scriptum est Murène !

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Voilà le dernier billet littéraire de 2019. J’avais envie de partager avec vous la joie que j’ai encore et toujours d’être blogueuse, et la chance et la fierté que j’ai que l’on reconnaisse un peu mon avis de lectrice et mon modeste talent de critique littéraire. 

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Joyeux Noël 2019 !

À tous mes lecteurs, occasionnels ou réguliers, perdus ou bien aiguillés, je souhaite un

JOYEUX NOËL !

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Les Pounipounis

Manga de Mashiro Minamino.

Les Pounipounis, ce sont des petits animaux adorables. Il y a Nicolapin avec ses ailes d’ange, Roméours, Éricureuil, Pinjamin et son chapeau haut de forme, Laetipiaf qui ne sait pas voler, Mélichat, Gasthon le poisson qui flotte dans l’air, Rouxane et Félichien. Ces joyeux amis aiment jouer au grand air, un peu moins apprendre les mathématiques, faire des siestes dans l’herbe ou préparer Noël en attendant que l’arbre magique donne des cadeaux. « À l’arrivée du printemps, Nicolapin est empli d’un sentiment d’agitation… : Je veux faire des bonds. J’ai envie de sauter partout ! » (p. 67)

Dans des aventures de quelques pages, les Pounipounis ne sont que rondeur, douceur et bienveillance. Les conflits sont très vite désamorcés et tout le monde vit dans l’harmonie et la tendresse. « En fin de compte, ce qui leur a permis de partager correctement les gâteaux, ce ne sont pas les mathématiques, mais la gentillesse ! » (p. 54) Chaque problème trouve sa solution et chaque histoire s’achève sur une petite morale ou une parole pleine de bon sens.

Le pays des Pounipounis, c’est l’illustration parfaite du terme kawaï : mignon, doux, pastel, gentil. Pas de malice, pas de méchanceté, tout est pour le mieux dans le meilleur des mondes merveilleux. Évidemment, cette lecture sera surtout appréciée par un public jeune : les messages sont adorables et très justes, mais beaucoup trop sucrés à la guimauve pour un vieux palais comme le mien ! Dans le même genre, je préfère le personnage de Lapingouin.

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La panthère des neiges

Texte de Sylvain Tesson.

L’auteur a suivi Vincent Munier, photographe animalier, dans les hauts plateaux du Tibet sur les traces de la panthère des neiges. « Si l’on voulait avoir une chance de l’apercevoir, il fallait la chercher en plein hiver, à quatre ou cinq mille mètres d’altitude. » (p. 23) C’est donc ce voyage à l’affût qu’il raconte. Pendant de longs jours, Tesson, Munier et leurs compagnons d’attente observent des yacks, des renards, des chèvres bleues, des antilopes, des gypaètes ou encore des chats de Pallas. « Les bêtes surgissent sans prémices puis s’évanouissent sans espoir qu’on les retrouve. Il faut bénir leur vision éphémère, la vénérer comme une offrande. » (p. 35) Mais du félin tant convoité, pas l’ombre d’une tache ni d’une moustache pendant longtemps. « La panthère pouvait être un rocher et chaque rocher une panthère. » (p. 112) Jusqu’au matin où la bête somptueuse se détache en haut d’une crête. L’attente de l’animal et son apparition convoquent des figures féminines chères à l’auteur, qui sont autant de doux souvenirs et de tendres regrets.

J’ai apprécié la prose de l’auteur, vive et sèche comme le froid mordant des steppes asiatiques. Son ironie cinglante sur la folie technique des hommes me convainc parfaitement, de même que son humilité affichée devant la création, qui confine presque à l’antispécisme. « Par quel étrange mouvement de l’âme en arrive-t-on à tirer une balle dans la tête d’un être pareil ? […] L’amour de la nature est l’argument des chasseurs. » (p. 109) Je ne connais pas, ou très mal, les doctrines bouddhistes et taoïstes, mais ce que Sylvain Tesson en tire pour étayer son propos donne envie d’approfondir le sujet. « L’affût était une prière. En regardant l’animal, on faisait comme les mystiques. On saluait le souvenir primal. » (p. 57) Je dois reconnaître à l’auteur un grand sens de la périphrase, hélas dévoyé dans une tendance quasi maniaque à l’aphorisme. « La Terre avait été un musée sublime. Par malheur, l’homme n’était pas conservateur. » (p. 164) Alors oui, c’est certain, ça fait beaucoup de belles citations à extraire du texte, mais la somme de ces phrases sonne un peu creux. Le livre a été couronné par le prix Renaudot 2019, distinction avec laquelle je suis très souvent d’accord. Peut-être attendais-je trop de ce texte et de cet auteur dont plusieurs amis lecteurs me vantent souvent le talent.

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Territoires

Roman de Stephen King et Peter Straub.

Quatrième de couverture – Il y a vingt ans, Jack a survécu à l’enfer des Territoires. Aujourd’hui, pour l’amour d’une femme et la vie d’un enfant, il va franchir une nouvelle fois la frontière… French Landing, paisible bourgade du Wisconsin, est terrorisée par un serial killer. Désemparé, le shérif local fait appel à son ami Jack Sawyer, un ancien flic de Hollywood. L’enquête conduit Jack jusqu’à une maison que l’on dit hantée, nichée au fond des bois. L’endroit réveille en sa mémoire les échos d’un monde parallèle : autrefois, pour sauver sa mère, Jack a pénétré la contrée magique et terrifiante des Territoires. Aujourd’hui, il a tout oublié. Et il a peur de son passé. Très vite, d’étranges messages lui parviennent et l’enquête de police se change en quête fantastique… Pour Tyler, petit garçon aux cheveux blonds, et Judy, la mère de celui-ci, Jack est prêt à mourir – pire, à replonger dans les Territoires….

Vous connaissez la chanson : quatrième de couverture veut souvent dire que j’ai abandonné. Pour être exacte, ce livre m’est tombé des mains ! Pleine d’espoir, je me suis attaquée à la suite des aventures de Jack Sawyer. Hélas, comme avec Le Talisman, la sauce n’a pas vraiment pris. Décidément, je n’aime pas quand le King partage la plume avec un autre auteur, ami ou fils. Dans ce roman, une nouvelle fois, je n’ai pas retrouvé le style unique et immédiatement identifiable du roi de l’épouvante. La narration me semble lourde, artificielle, pleine d’effets de manche. Le texte commence comme nombre de romans de Stephen King, par une longue mise en place de la situation. Ce n’est pas pour me déplaire, mais seulement si c’est bien fait. King a le talent pour en solo, mais à quatre mains, il semble écrire avec ses pieds. Je n’ai rien lu de Peter Straub : je ne peux dire si on retrouve surtout son style ou si la conjonction des deux talents s’annule. Je vais donc attendre la parution française du prochain roman de Stephen King !

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Autoportrait en chienne

Texte de Solange, pseudonyme d’Ina Mihalache. Illustrations d’Iris de Moüy.

La narratrice raconte comment elle a adopté Truite, petite chienne abandonnée du Tennessee. « J’écris à propos de mon chien parce que c’est quelque chose qui m’est arrivé dont je ne m’imaginais pas capable. » (p. 17) La femme et l’animale sont toutes deux immigrées à Paris. La première est pleine de fêlures et de fragilités, mais elle a trouvé les ressources nécessaires pour accueillir un être vivant dans son quotidien. « Ce n’est pas un enfant, mais il dépend de vous et vous rend gaga. » (p. 17) Parce que d’enfant, justement, il n’en est pas question pour Solange. Entre être mère ou adopter un chien, la jeune femme a choisi, et elle a surtout choisi la famille qu’elle veut composer. La Québécoise est mariée et sa relation avec Anatole, plus âgé qu’elle, est une subtile composition de compromis et de renoncements que l’autrice étudie avec un regard parfois détaché, souvent inquiet, mais sans aucun doute tendre tout en restant très lucide. « Je suis une chienne. C’est pourquoi je revisiterai aussi ces occasions où je me suis domestiquée pour attirer le mâle. Cette éducation parallèle qu’on se forge toute seule avant d’en avoir honte et de mettre des années pour le dire. » (p. 19)

Je comprends l’adoration de Solange pour sa petite animale : je bêtifie de même devant Bowie, minuscule créature devenue majestueuse (Disons cela pour ne pas être vexante…) qui occupe mon cœur et mes inquiétudes en permanence. J’admire sa grâce, j’envie son indépendance et sa souplesse, je m’enchante de ses mimiques et de ses attitudes. Je la couvre de tendresse en mots et en gestes. « Anatole n’a jamais eu droit à tous les ‘mon amour’ que j’adresse sans compter à Truite. » (p. 77) Est-il anormal d’aimer une bête plus fort que certains représentants de mon espèce ? D’aucuns pensent que oui et se moquent de mon rapport exclusif et quasi obsessionnel avec Bowie. C’est que cette petite chatte fière et distante m’apporte plus que nombre de mes congénères. Pour autant, je ne suis pas une crazy-cat lady : j’ai des amis, je sais tenir une conversation et aller vers les inconnus. En cela, j’ai sans doute plus d’aptitudes sociales que Solange qui peine à dissimuler son mal-être en société. « Si je pouvais comme Truite susciter l’attendrissement, j’oserais davantage me frotter aux humains. » (p. 95)

Mais trêve de blabla égocentrique, revenons au texte ! Dans cette autobiographie, Solange choisit en mots précis l’intimité qu’elle nous montre. « Les gens m’inspirent des effusions plus que des rapports. » (p. 68) Elle aborde avec finesse, humour et dérision des sujets déjà évoqués dans ses vidéos YouTube. Ses réflexions sur la vie, la mort, l’amour, le couple ou encore l’avenir composent un panel d’angoisses et d’attentes qui déclinent le thème ancestral d’éros et thanatos (désir et mort pour les non-hellénistes). En parlant de son chien, la femme parle d’elle-même : l’animal se fait projection du soi, miroir déformant et alter ego. Connaissant la vidéaste au travers de son œuvre sur YouTube, je n’ai rien découvert de très nouveau dans ce texte, mais j’ai pris plaisir à passer un moment dans le quotidien canin de Solange. Parce que Truite est une petite créature que j’aime à voir passer dans les vidéos de l’artiste.

Si le travail de cette jeune femme (elle a un an de moins que moi, elle est donc très jeune !) vous attire, lisez ses deux précédents ouvrages, Solange te parle et Très intime, et n’hésitez pas à découvrir sa chaîne YouTube.

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Laudato Si – Loué sois-tu

Encyclique du Pape François.

En ouvrant son texte sur Saint François d’Assise, le Pape s’inscrit dans une tradition catholique faite d’amour pour l’intégralité du vivant. Sans être antispéciste ni remettre en cause le principe selon lequel l’homme est le fleuron de la Création divine, François rappelle que par sa position privilégiée, ledit homme a la responsabilité de protéger les autres créatures : sa domination n’est pas absolue, mais relative.

François cite la Bible, d’autres papes, des évêques et des responsables d’autres religions. Son discours est certes religieux, mais il est surtout catholique au sens premier du terme, c’est-à-dire universel. Oubliez qu’il s’agit du chef de l’Église romaine et pensez en termes éthiques et moraux. Si vous retirez les mots associés à la foi, vous obtenez un texte parfaitement compréhensible par tous, sans considération de religion. Encore faut-il être ouvert à ce discours apaisé, mais qui enjoint à agir et réagir. Bien moins virulent que Greta Thunberg (dont je partage les positions et le ton), François développe une pensée claire fondée sur des arguments évidents sans être d’autorité.

Il propose un dialogue entre la religion, la science et le bon sens autour d’un même sujet afin de créer une écologie intégrale, humaine, sociale et économique, fondée notamment sur une éducation environnementale généralisée et une aspiration à la sobriété heureuse. Le Pape soumet des propositions qui coulent de source et qui ne devraient pas faire débat.

  • Lutter contre la culture du déchet,
  • Protéger les migrants climatiques, les pauvres et tous les exclus,
  • Développer les énergies renouvelables,
  • Assurer l’accès à l’eau en évitant la privatisation des réserves,
  • Préserver la biodiversité,
  • Encourager les états à agir sans tout céder au capitalisme local et international,
  • Ne pas se réfugier derrière les promesses technologiques.

Je vous laisse avec de nombreux extraits de cette encyclique fondamentale pour l’avenir de l’humain et de la terre.

« Cette sœur [la terre] crie en raison des dégâts que nous lui causons par l’utilisation irresponsable et par l’abus des biens que Dieu a déposés en elle. Nous avons grandi en pensant que nous étions ses propriétaires et ses dominateurs, autorisés à l’exploiter. » (p. 9)

« Passer de la consommation au sacrifice, de l’avidité à la générosité, du gaspillage à la capacité de partager. » (p. 14)

« Si nous nous sentons intimement unis à tout ce qui existe, la sobriété et le souci de protection jailliront spontanément. » (p. 16 & 17)

« Le changement est quelque chose de désirable, mais il devient préoccupant quand il en vient à détériorer le monde et la qualité de vie d’une grande partie de l’humanité. » (p. 22)

« À cause de nous, des milliers d’espèces ne rendront plus gloire à Dieu par leur existence et ne pourront plus nous communiquer leur propre message. Nous n’en avons pas le droit. » (p. 33)

« Pourquoi veut-on préserver aujourd’hui un pouvoir qui laissera dans l’histoire le souvenir de son incapacité à intervenir quand il était urgent et nécessaire de le faire ? » (p. 50)

« Tout l’univers matériel est un langage de l’amour de Dieu, de sa tendresse démesurée envers nous. Le sol, l’eau, les montagnes, tout est caresse de Dieu. » (p. 71)

« L’environnement est un bien collectif, patrimoine de toute l’humanité, sous la responsabilité de tous. Celui qui s’approprie quelque chose, c’est seulement pour l’administrer pour le bien de tous. Si nous ne le faisons pas, nous chargeons notre conscience du poids de nier l’existence des autres. » (p. 79)

« La vie est en train d’être abandonnée aux circonstances conditionnées par la technique, comprise comme le principal moyen d’interpréter l’existence. » (p. 91)

« Cesser d’investir dans les personnes pour obtenir plus de profit immédiat est une très mauvaise affaire pour la société. » (p. 103)

« La technique séparée de l’éthique sera difficilement capable d’autolimiter son propre pouvoir. » (p. 109)

« On ne peut plus parler de développement durable sans une solidarité intergénérationnelle. » (p. 126)

« Si les citoyens ne contrôlent pas le pouvoir politique – national, régional et municipal – un contrôle des dommages sur l’environnement n’est pas possible non plus. » (p. 142)

« Si une personne a l’habitude de se couvrir un peu au lieu d’allumer le chauffage, alors que sa situation économique lui permettrait de consommer et de dépenser plus, cela suppose qu’elle a intégré des convictions et des sentiments favorables à la préservation de l’environnement. » (p. 165)

« Le bonheur requiert de savoir limiter certains besoins qui nous abrutissent, en nous rendant ainsi disponibles aux multiples possibilités qu’offre la vie. » (p. 173)

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L’homme le plus doué du monde

L’homme le plus doué du monde

Nouvelle d’Edward Page Mitchell.

Par hasard et par erreur, Fisher, touriste américain, est pris pour un médecin et amené au chevet du baron Savitch qui lui fait une étrange demande. « Agissez sur-le-champ – il n’y a pas une minute à perdre. Dévissez le haut de mon crâne ! » (p. 17) Quand survient le vrai médecin du baron russe, le docteur Rapperschwyll, un terrible secret est sur le point d’être dévoilé, et cela pourrait menacer l’humanité tout entière. « Le but ultime de l’évolution de la créature est de devenir le créateur. » (p. 36)

Le mécanicien roi

Nouvelle d’Étienne-Jean Delécluze.

Le narrateur raconte sa rencontre avec un coutelier qui développe de bien curieuses inventions dans le bazar mécanique de sa cave. « J’avais le secret du mouvement perpétuel et je l’ai combiné avec la puissance de la vapeur et des eaux. » (p. 66) Pour avoir créé un monde complet qui a fini par disparaître, le mécanicien est devenu fou. Mais sans doute est-ce pour le mieux. « Que vous êtes heureux ! […] Vous n’avez jamais été roi ; vous n’avez jamais eu l’envie et le pouvoir de faire le mal ? Eh bien, moi, je l’ai fait. Je l’ai médité, je l’ai calculé, je l’ai machinisé ! » (p. 68)

Avec ces deux courts textes mâtinés d’un gothique de bon aloi, les auteurs sont précurseurs de la science-fiction. Ces nouvelles annoncent de manière prophétique les lois de la robotique, le soulèvement de machines dangereuses, les réflexions bioéthiques et les inquiétudes liées à l’intelligence artificielle. Vous pensez qu’un assemblage de boulons et de courroies alimenté par la vapeur ne peut pas vous faire peur ? Que vous êtes naïfs !

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La tournée d’automne

Roman de Jacques Poulin.

Trois fois par an, le Chauffeur conduit son bibliobus entre Québec et la Côte-Nord. Mais il a décidé d’arrêter. D’arrêter pour de bon. « Devenir vieux, c’est une chose qui ne m’intéresse pas du tout. J’ai décidé depuis un bon moment que la tournée d’été serait la dernière. Vous comprenez ? » (p. 46) Mais que pèse cette triste résolution face à Marie ? Elle est française, membre d’une fanfare qui parcourt le Québec dans un vieux bus scolaire. Et elle est belle comme le soleil d’automne voilé de brume.

Ce roman se résume facilement, mais il est loin d’être simpliste. Dans cette histoire d’amour délicate et pudique, la douceur des mots et des scènes m’a enveloppée. « Comme tous les timides, le Chauffeur avait quelques idées très personnelles : il était convaincu, par exemple, que si deux personnes étaient vraiment faites pour se comprendre, elles devaient aimer non seulement les mêmes livres et les mêmes chansons, mais aussi les mêmes passages dans ces livres et dans ces chansons. » (p. 35) Le récit est tendre envers ses personnages et ses lecteurs et il est bienveillant envers la mélancolie et les humeurs chagrines. « C’est vrai que les livres nous protègent […], mais leur protection ne dure pas éternellement. C’est un peu comme les rêves. Un jour où l’autre, la vie nous rattrape. » (p. 126) La tournée d’automne est un très joli texte sur le temps qui passe et l’amour qui revient. La demi-saison est encore pleine de promesses, même pour Jack, l’ami du héros, un auteur qui hait ses romans dès qu’ils sont publiés. Et j’en termine avec une citation qui porte sur deux sujets que j’aime profondément. « Les livres sont comme les chats, on ne peut pas toujours les garder. » (p. 115)

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Sèche tes larmes, Petit Lapin !

Album de Jörg Mühle.

En tombant, Petit Lapin s’est blessé au bras. « Souffle trois fois dessus, ça aidera sûrement ! » Plus de peur que de mal, mais il faut tout de même soigner le bobo : un pansement, un souffle, une comptine, un câlin et voilà Petit Lapin prêt à repartir jouer !

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Je veux les mêmes pansements pour tous mes bobos, sivouplé !

Dans ce joli album carré cartonné, le jeune lecteur est invité à participer. C’est lui qui soigne et console Petit Lapin. Évidemment, tout cela n’est qu’imagination et gestes dans le vide, mais en rendant l’enfant acteur de l’histoire, il est forcément plus impliqué physiquement et émotionnellement. Avec cette lecture, je découvre un nouveau petit héros aux longues oreilles dont les aventures sont déclinées dans divers albums.

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Minuit 2

Recueil de nouvelles de Stephen King.

Les Langoliers – Un avion reliant Los Angeles à Boston est vidé de ses passagers en plein vol. Reste une poignée de personnes qui émergent d’un sommeil peu réparateur. L’appareil atterrit dans un petit aéroport du Maine, également déserté et étonnamment silencieux. Rapidement, il devient clair que les rescapés du vol 29 de l’American Pride ne sont plus à tout à fait dans leur réalité. « Le monde, autour de nous, se dissout irrémédiablement. » (p. 183)

Cette longue nouvelle du maître de l’angoisse a été adaptée en téléfilm, diffusé à plusieurs reprises sur M6. Mon jumeau et moi gardons un souvenir hilare et impérissable de ce gros nanar aux effets spéciaux déjà dépassés à l’époque de leur création. « Il faut que nous partions d’ici. Vite. Parce qu’il y a quelque chose qui vient. Une chose mauvaise, qui fait un bruit de crépitement. » (p. 146) Si mon premier vol n’a pas été tout à fait serein, je ne suis pas vraiment inquiète en avion. Mais cela ne semble pas être le cas de l’auteur ni de son fils (je suppose que c’est son fils, vu le prénom). Pour une raison que je refuse d’analyser, cette dédicace suscite en moi un grand rire nerveux. « Pour Joe qui lui aussi a toujours les boules en avion. »

Vue imprenable sur jardin secret – Morton Rainey est un auteur à succès. Aussi n’est-il pas étonné qu’un dingue sonne un jour chez lui pour l’accuser de lui avoir volé son histoire. Un dingue, vraiment ? L’homme est convaincu de son bon droit et prêt à tout pour obtenir justice, vraiment à tout. Très vite, Morton comprend qu’il ne s’en sortira pas avec de simples preuves et que l’inspiration réclame un tribut de sang. « Lorsqu’une idée d’histoire vous vient à l’esprit, personne ne vous en donne un droit d’exploitation sur papier timbré. On ne peut en justifier l’origine. Et pourquoi le faudrait-il ? On n’établit jamais de reçu pour des choses données ? » (p. 378)

Dynamique et efficace, cette nouvelle est parfaitement angoissante, même si j’avais compris le nœud de l’intrigue dès les premières pages. Le texte semble un exutoire pour le King, une façon de s’excuser pour tout plagiat plus ou volontaire qu’il aurait commis. Mais comme l’expérimente Morton Rainey, la culpabilité prend parfois des chemins détournés pour hanter et punir le fautif. Je finis surtout avec une phrase qui m’a fait hurler de rire et me demander comment le personnage pouvait connaître une telle saveur : « Il avait dans la bouche un arrière-goût de crotte de lapin. » (p. 380)

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Les naufragés de l’autocar

Roman de John Steinbeck.

Quatrième de couverture – Une panne oblige les voyageurs d’un autocar à passer la nuit dans une station-service, sur la grande autoroute de Californie. La panne réparée, un nouvel incident immobilise pendant des heures les voyageurs en pleine montagne. De chacun des naufragés de l’autocar, Steinbeck trace un portrait étonnant, dévoilant le drame ou la comédie de son existence entière. Chacun des voyageurs perd la tête, est assailli par des tentations sexuelles, nous livre un instant son âme secrète.

Vous le savez, en règle générale, quand je me contente de la quatrième de couverture, c’est qu’il y a un hic. Me voilà devant le premier texte de John Steinbeck qui ne m’emporte pas. Les nombreux personnages n’ont pas su m’émouvoir ni vraiment m’intéresser. Et nombreux sont ceux qui m’ont agacée. Mais c’est finalement la preuve que ce roman est d’une immense qualité parce qu’à plusieurs reprises, j’ai eu le sentiment de partager l’énervement de ces voyageurs, d’être moi aussi contrainte d’attendre sur le bord de la route que le voyage reprenne enfin. En quelque sorte, je suis aussi une naufragée de l’autoroute. Hélas, John Steinbeck n’a pas su me sauver.

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Les testaments

Roman de Margaret Atwood.

À la fin de La servante écarlate, le lecteur apprenait que le régime de Giléad/Galaad (la traduction change) était tombé et faisait l’objet de nombreuses études. Avec la série télévisée produite par Hulu, le téléspectateur découvre ce qui arrive à Defred après qu’on l’ait quittée dans l’avant-dernier chapitre du roman original. Avec Les testaments, le lecteur/téléspectateur comprend comment Galaad est tombé grâce aux témoignages de trois femmes dont les destins n’ont pas cessé de se croiser entre le premier roman et la série. Le récit d’une Tante, entre souvenirs de la fondation du régime et espoir qu’il s’amende, porte sur Galaad un éclairage qui est loin d’être manichéen. « J’imagine que tu t’attends à de pures horreurs, mais en réalité, des tas d’enfants étaient aimés et chéris à Galaad comme ailleurs, et des tas d’adultes était gentils quoique faillibles à Galaad comme ailleurs. […] Accorde-moi aussi la possibilité de pleurer la perte de tout ce qui a pu être bien. » (p. 14) Alternent également les témoignages de deux jeunes filles : l’une a grandi à Galaad et s’apprête à accomplir son destin de femme ; l’autre a grandi au Canada et regarde avec horreur la dictature voisine. « À moins d’être une sorte de monstre, comment pouvait-on être pour Galaad ? Surtout si on était une femme ? » (p. 51)

Quand la Tante écrit « Je connais les secrets de Galaad, j’ai œuvré pour. », impossible de ne pas comprendre que c’est Margaret Atwood qui parle. Cette suite de La servante écarlate me semble être une façon pour l’autrice de reprendre la main sur son histoire et ses personnages face au traitement qu’en fait la série. Je trouve cette dernière excellente, en ce qu’elle a parfaitement respecté le livre original dans la première saison tout en sachant l’actualiser pour que cela corresponde à nos réalités technologiques, mais également parce qu’elle extrapole dans les saisons suivantes tout un univers cohérent à partir du matériau de base. Mais Les testaments, ce n’est pas seulement un geste d’humeur de l’autrice, c’est en fait profondément intelligent puisque Margaret Atwood intègre des personnages de la série dans son nouveau texte. Ainsi, apprendrons-nous enfin ce qu’est devenue Bébé Nicole ? En saurons-nous plus sur Mayday, le réseau clandestin qui aide les femmes à échapper à Galaad, version moderne de l’Underground Railroad des esclaves américains ? Retrouverons-nous Defred, l’héroïne dont on suivait le récit dans le roman original ?

À voir maintenant comment la série intégrera les lignes directrices données par cette suite du premier roman. « Une fois qu’une histoire qu’on croyait vraie se révèle fausse, on doute de toutes les autres. » (p. 308)

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Femme qui court

Roman de Gérard de Cortanze.

« Un élément la troublait et l’émouvait. Les disciplines où elle se sentait le mieux étaient celles qui requéraient une puissance presque surhumaine et de violents efforts. C’étaient cette violence et cette puissance qui menaient à une jouissance telle que parfois elle sentait les larmes couler sur ses joues ou que, lorsqu’elle était certaine de ne pas être entendue, elle poussait un cri de bête traquée qui la conduisait au bord de l’évanouissement. » (p. 33 & 34) Depuis son enfance, Violette Morris a toujours eu énormément d’énergie à brûler. C’est par le sport qu’elle évacue ce trop-plein et se dépasse. « Je sens en moi une violence terrible qui m’envahit, incontrôlable. » (p. 19) Au pensionnat, elle s’illustre parmi les jeunes filles les plus vigoureuses et les plus endurantes. Avec son amie Sarah, elle découvre la force que l’on peut tirer d’un jeune corps, mais subit également un traumatisme qui la suivra toute sa vie. « Un jour je tuerai un homme, il faudra que je tue un homme, ne serait-ce que pour me venger de celui-là. Un homme qui paiera pour tous les autres. » (p. 19) Adulte, elle est la seule femme dans des compétitions masculines, et elle se paye souvent le luxe de finir sur le podium. Ses exploits lui valent une reconnaissance internationale, mais sa vie privée ne laisse pas de choquer. « Heureusement pour Sarah et Violette, leur inconduite était contrebalancée par leurs performances sportives. Elles étaient homosexuelles, mais après tout, elles rapportaient à la France des médailles, des victoires. » (p. 156) Violette s’essaie au mariage, mais c’est un fiasco, et elle décide finalement de vivre libre. Elle séduit Joséphine Baker, Yvonne de Bray et ne s’empêche pas d’ouvrir son lit aux femmes qu’elle croise. Elle boit, elle parle fort, elle vit tout simplement, refusant d’entrer dans le carcan des stéréotypes de genre. Pendant la Première Guerre mondiale, elle conduit une ambulance à l’arrière du front, mais pendant la Deuxième Guerre mondiale, pour des raisons qui restent troubles, elle travaille pour l’Allemagne nazie. Sa mort, violente et inexpliquée, achève une existence aussi flamboyante que tonitruante.

Violette Morris a existé et s’est frottée à bien des sports : haltérophilie, natation, boxe, course, lancer de javelot, cyclisme, football, course automobile, etc. Scandaleuse amazone moderne, la poitrine reniée, portant pantalon et cheveux courts, elle refusait de se conformer à l’image de la « vraie » femme qu’on voulait lui imposer, fine et charmante, mère et réservée. « Une femme qui court, avec tout qui ballotte, de la gelée, les bras nus, flasques, un phoque, quoi. Et la poitrine, qu’est-ce que tu fais de la poitrine ? C’est répugnant. » (p. 53) Violette était grande-gueule, droite dans ses bottes, à la tête de son garage, sur sa péniche ou sur les planches d’un cabaret. Avec son roman historique, Gérard de Cortanze ne propose pas une biographie, mais un portrait qui, au-delà de Violette Morris, célèbre le courage des femmes qui osent dépasser la condition à laquelle la société patriarcale voudrait les réduire. Sans Violette, le sport féminin aurait fini par s’imposer, mais les coups d’éclat de l’athlète française, ses sorties de route et sa constante rébellion ont sans conteste accéléré le processus. Violette Morris courait trop vite pour son temps, mais plutôt que de dépasser ce dernier, elle l’a devancé pour mieux lui ouvrir la voie et lui transmettre le relais de la diversité. Le personnage est controversé, c’est certain, mais ce ne sont pas les tièdes qui mènent les révolutions. Féministe en short et chaussures de sport, Violette Morris a énormément apporté à la libération de la femme.

Hélas, je reproche au roman une tendance à l’énumération systématique. Inventaire lassant des sports pratiqués par l’athlète, des femmes aimées par la lesbienne, des coups de griffe portés au contrat social. En outre, si le roman se lit facilement, cela tient sans doute à un style plat, voire monotone, qui est en inadéquation totale avec la flamboyance du personnage présenté. Il y a de belles phrases, mais pour courir à la même hauteur que Violette Morris, Gérard de Cortanze aurait gagné à injecter plus d’emphase et de profondeur dans son encrier.

Lu dans le cadre du prix Sport Scriptum.

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Pour contrebalancer mon avis en demi-teinte, j’accueille maintenant Théo Troude, étudiant en journalisme à l’ESJ Lille, filière sport. J’ai fait sa connaissance dans le train qui nous menait à Boulogne-Billancourt, pour participer au jury du prix Sport Scriptum dont nous étions tous deux membres. Théo représentait sa promotion : je lui laisse la parole sur ce livre, qu’il a bien plus apprécié que je ne l’ai fait. Et il a des choses à dire ! Lisez-le jusqu’au bout, son papier en vaut la peine ! Il est clair, bien argumenté et passionné. Avec une plume pareille, Théo a tout pour devenir un grand journaliste sportif, et pourquoi pas un critique littéraire de livres parlant du sport…

Pour la quatrième année consécutive, le Prix Sport Scriptum a accueilli au sein de son jury un étudiant de L’École Supérieure de Journalisme de Lille. Ou, pour être plus précis, un membre de la Licence Pro journalisme de sport. Logique pour élire le livre de sport de l’année… Notre mission, puisque nous l’avons acceptée, lire puis défendre une œuvre devant des représentants de l’école. J’ai ainsi eu la chance d’être choisi pour rejoindre Paris et cette prestigieuse réunion. Avec l’intime conviction de défendre Femme qui court de Gérard de Cortanze.

Pourquoi ? Parce que ce livre m’a surpris, appris, ému. Pourtant, je désirais lire Zidane de Fred Hermel, car bêtement… on veut ce que l’on connait déjà. Sur le bureau de la salle 42 de l’ESJ, deux exemplaires de chacun des six livres sélectionnés avaient été disposés. Nous sommes quinze, donc forcément, la ruée vers l’or a débuté. Mais très vite, grande surprise : il ne restait que Femme qui court de Gérard de Cortanze. Je ne savais pas à quoi m’attendre, je ne connaissais pas du tout Violette Morris, encore moins son histoire. Et finalement, quel bonheur. Je suis tombé amoureux de ce livre. Sublime dans l’écriture de son auteur, Prix Renaudot pour Assam. Mais ce n’est évidemment pas la seule cause de mon émoi.

Le premier point fort du livre : c’est l’incroyable existence de Violette Morris. Un personnage aux mille facettes envoûtantes. L’histoire d’une sportive qui s’est toujours battue pour faire reconnaître que « oui, les femmes ont le droit de faire du sport ». Une athlète qui a connu son apogée dans les années 1920, championne d’athlétisme, de cyclisme, de natation, de boxe, de football, et même de sports mécaniques… Six sports à la fois, en battant tous les records au passage. Du sport parmi les hommes, et même la guerre avec les hommes, dans les tranchées de Verdun, à ramasser les morts, avant de repartir sur les terrains d’entraînements entre deux combats au nom des droits des femmes. Une personnalité en apparence imperméable, mais tellement rongée, craquelée, faillible. De l’enfer de l’enfance au champ de bataille, en passant par les travées d’un stade, toujours ce même sentiment : celui d’être mal-aimée, humiliée, salie, en restant toujours dans l’incompréhension. La méchanceté de ses parents, puis celle des hommes, du viol dont elle a été victime dans ses premières années en couvent, et pire encore, celle des femmes qui ne l’ont jamais considérée comme l’une des leurs… Bref, Violette Morris dérange.

Et si je commence par parler de l’histoire du livre, c’est parce que ce point est celui qui m’a le plus marqué : c’est un roman historique, comptant plus de 400 pages remplies de références parfaitement documentées. Gérard de Cortanze remercie d’ailleurs 44 sources de son inspiration, des auteurs, historiens, intellectuels parmi lesquels Jean Cocteau, Colette ou encore Françoise Sagan. L’auteur a même eu tellement d’éléments qu’il a pu recréer des dialogues qui plongent en 1910 en quelques mots. Le décor est merveilleusement posé, et au niveau sportif, toutes les compétitions et les temps (au centième près) sont présents. Ainsi, les repères temporels, les parallèles avec l’histoire (celle qu’on note avec un grand H) sont partout. Parmi tant d’autres, l’auteur nous parle d’un insubmersible Titanic alors qu’on revit l’année 1912, ou de guinguettes pour danser la « scottish espagnole » (p. 69). Avant que tout ne dérape à la lecture du nom de l’archiduc François-Ferdinand… C’est un voyage à travers le temps offert au lecteur, à travers la première moitié du XXsiècle, la Première guerre mondiale, jusqu’à Jean Jaurès, Charles de Gaulle, et enfin les soupçons de collaboration active avec l’Allemagne nazie (nous y reviendrons).

Mais surtout, et j’insiste sur le « surtout », à ma grande surprise, c’est un roman en plein cœur de l’actualité du XXIe siècle. Une ode à la femme, à son corps… En totale opposition avec les droits que la société veut bien leur laisser. J’étais par exemple étonné de lire qu’en 1915, la gent féminine s’émancipait, puisque neuf millions de femmes travaillaient. Et pourtant, leur considération demeurait ridicule. Ce roman est une véritable satire de la place des femmes, et en lisant certains passages, je me suis inquiété en constatant que la situation n’avait pas tellement changé… « Parce que c’est toujours comme ça : on tolère les femmes (du temps de la guerre) et après on les remet dans leur boîte. Mais ce ne sera pas toujours comme ça ! » (p. 56) Violette Morris n’a jamais cessé d’y croire.

Et quel courage d’espérer face à certains médecins déclarant que le sport pratiqué sans modération pourrait priver ces dames de leur fonction première, celle d’enfanter. Alors une femme qui court, qui nage, qui bat les hommes à la boxe… Violette Morris faisait en plus tout cela dans l’indifférence la plus totale des médias. Donc ça va de soi, une femme sportive qui ose aimer d’autres femmes… n’en parlons pas. Gérard de Cortanze réussit un superbe tour de passe-passe en choquant presque le lecteur. Violette Morris a dû se marier à un homme pour être tranquille, un homme qui la laisserait libre d’approcher des femmes en toute impunité. Une liberté trouvée dans le déni de sa propre nature. Violette le remarque elle-même, sa situation fait d’elle un monstre moqué, une bête furieuse, une apparence d’homme aux seins proéminents que les passants se plaisent à moquer.

 Et soudain, c’est la découverte. Au fil des pages, je me suis rendu compte que Violette Morris était, sans que personne ne le sache à l’époque, une femme hyper androgyne. La double championne olympique du 800 m, la Sud-Africaine Caster Semenya, n’est pas la première championne critiquée pour trop dominer sa discipline grâce à un avantage naturel. Et dans sa situation, ce n’était pas Sebastian Coe, directeur actuel de World Athletics (la Fédération internationale d’athlétisme) qui s’opposait à elle, mais Pierre de Courbertin. Le baron avait refusé que les femmes participent aux Jeux de 1900, déclarant qu’elles ne seraient au mieux qu’une pâle copie des performances masculines. Mais comme Semenya, Violette n’a jamais perdu espoir. Elle a contribué à la création du premier club féminin, Femina-Sports en 1912, s’est toujours battue pour les femmes. Au fil du récit, on suit l’avancée, la création des premières compétitions. L’auteur nous gratifie même d’une actualité de l’époque côté médias : en 1917, Nathalie Collard devient la première femme journaliste à couvrir un évènement 100 % féminin. Mais comme si cela ne suffisait pas, Violette combattait avec les hommes dans toutes ses disciplines. Elle montait même sur le podium… Quel monstre pensaient certains ! Ce corps montré du doigt alors que la vie vous a fait naitre ainsi.

 Entre Violette et son corps, une grande fierté secrète, et un accent mis dès les premières pages sur la découverte de l’anatomie par la petite fille qui grandit. Puis très vite, les doutes sur les différences trouvées par rapport au corps des autres filles qu’elle trouve d’ailleurs très tôt attirants sous les douches, après les entraînements. La beauté de l’écriture de Gérard de Cortanze retranscrit à merveille cette découverte, remplie d’érotisme dans le choix des mots, et saupoudrée d’une douce pudeur. Le corps sportif est sensuel. J’ai plus qu’apprécié ce romantisme qui envahit le récit de la première à la dernière phrase. Toute cette effervescence est alimentée par la naissance d’une relation pleine d’innocence avec Sarah, l’amour de sa vie. Violette apparaît comme une grande sentimentale. « J’en ai entendu un me dire un jour : « L’amour, ça s’use à en parler, moi je le fais ! ’’ Je ne suis pas d’accord : l’amour s’use à n’en point parler, car l’amour se fait aussi avec des mots ! » (p. 64) Une féerie brisée très vite par le viol commis par le jardinier du couvent. Encore une fois, les mots sont bien choisis, la brutalité infernale de l’acte est racontée d’une manière détournée, centrée sur la psychologie de la victime.

C’est une des forces du livre, la manière dont est montrée l’importance de l’aspect mental des sportifs. On parle de colosses aux pieds d’argile, mais le cerveau et le cœur de la championne étaient les plus friables. Le sport est clairement sa bouée de survie, et j’ai aimé ressentir cette fragilité, qu’on oublie trop souvent quand on regarde les athlètes. Violette Morris se sent même comme « une écrevisse sans carapace ». (p. 75)

Et forcément, le point d’interrogation du livre… c’est son issue. Un doute historique subsiste toujours sur la collaboration ou non de Violette Morris avec la Gestapo, mais Gérard de Cortanze prend le parti de valoriser la sportive jusqu’au bout. Cela peut surprendre, choquer, mais c’est un roman, et ce choix de l’auteur reste dans le prolongement du personnage présenté tout au long du livre. Libre ensuite à chacun de s’informer sur le sujet et de se retrouver confronté à ce dilemme sans solution.

Au niveau de la forme, j’admire la simplicité qu’a Gérard de Cortanze lorsqu’il raconte un exploit sportif. C’est indispensable lorsque l’on cherche à démocratiser le sport : être de plus en plus technique, progressivement. Toute personne, même quelqu’un ne connaissant pas toute la technique sportive, pourrait comprendre son vocabulaire, pour finalement dire la même chose que quelqu’un qui écrirait pour soi-même. Cette simplicité envahit même la guerre, qui est racontée d’une manière innocente, enfantine. Toujours dans la forme, j’ai aimé la diversité des mots choisis, dans les champs lexicaux du corps, du sport, de la guerre, et les figures de style. Un oxymore étonnant par-ci (p. 61), et beaucoup de métaphores par-là. J’ai apprécié la diversité du langage, tantôt soutenu, tantôt courant, tantôt plus que familier : grossier (page 65 notamment). Et enfin, j’ai même appris des mots de vieux français qui plongent encore un peu plus à l’époque du récit. C’était un voyage dans le temps absolument génial.

Violette Morris est une femme qui court au sens propre, mais surtout qui a passé son existence à courir de découverte en découverte, de malheur en malheur. « Violette en conclut, ce qu’elle savait déjà sans doute mais qu’elle se refusait à voir, que la vie c’était ça, un enchaînement ininterrompu, incontrôlable, imprévisible, de bonnes et de mauvaises choses, de petits bonheurs et petits malheurs, comme la mer toujours recommencée, flux, reflux, répétition contre laquelle l’homme ne pouvait rien. » (p. 110&111) Tout est dit.

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Hercule Carotte, détective – Panique jurassique

Album de Pascal Brissy (texte) et Guillaume Trannoy (illustrations).

Hercule Carotte et son ami Eusèbe Télégraf sont invités à assister au tournage d’un film de Miss Asperge. Mais sur le plateau, des machines tombent sur les acteurs. « C’est la troisième fois depuis ce matin que nos dinosaures n’en font qu’à leur tête ! À croire que mon décor est maudit ! » (p. 14) Voilà une nouvelle enquête pour le détective Hercule Carotte !

Il s’agit évidemment d’une réécriture des aventures d’Hercule Poirot, mais le détective ici n’est pas désagréable comme l’affreux petit Belge d’Agatha Christie ! Un lapin ne saurait être désagréable… Il a seulement une habitude assez tenace : « Hercule Carotte réfléchit toujours en grignotant une carotte. » Le jeune lecteur est invité à percer tout seul l’énigme dont la solution n’est pas donnée. Mais s’il est attentif, il trouvera les indices disséminés dans les pages et identifiera le responsable des catastrophes qui surviennent sur le plateau ! Le livre s’achève sur des jeux à énigmes pour apprendre aux enfants à être vraiment attentifs aux détails.

L’histoire est simple, mais très plaisante, et les illustrations très colorées ne manqueront pas de plaire aux jeunes lecteurs.

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Mes Maillots jaunes

Texte d’Éric Fottorino.

Depuis l’enfance, l’auteur est passionné par le cyclisme, et plus précisément par le Tour de France et ses coureurs en tête de peloton. « Comme nous l’aimions, comme nous le convoitions, ce concurrent unique en habit de lumière qui changeait souvent de nom, jamais de couleur. » (p. 10) Dans cet ouvrage qui balance entre journal intime au long cours et chronique sportive, Éric Fottorino partage sa passion pour l’évènement sportif qui rythme chaque année (ou presque) le mois de juillet en France. « Merckx, Ocaña, Thévenet. Je leur dois mes rêves de jeunesse. L’idée que tout était possible dans la vie, à condition d’appuyer fort sur les pédales, et d’apprendre à dompter la douleur des muscles. Ces héros ont semé chez l’enfant trop sage que j’étais des poussées d’audace, des grains de folie douce […]. » (p. 47)

Éric Fottorino égrène des toponymes iconiques qui rythment le Tour de France : Le Menté, Galibier, Tourmalet, Champs-Élysées, etc., mais surtout les noms de coureurs devenus presque légendaires. Merckx, Ocaña, Thévenet, Coppi, Anquetil, Hinault, Pantani, Bahamontes et Bobet s’illustrent au podium de cœur de l’auteur. C’est presque un dictionnaire amoureux du Tour de France que propose Fottorino, avec ses mythes et ses scandales. Il y a notamment Lance Armstrong dont la légende maudite tend à être effacée des livres et des palmarès. Il est le traître au Maillot jaune. Cependant, la couleur si peu aimée en Occident depuis le Moyen-Âge a trouvé toutes ses lettres de noblesse avec la petite reine. Et ce n’est pas Serge Laget, journaliste pour L’Équipe, entendu en entretien par l’auteur, qui dira le contraire. « Avec Serge Laget, la fièvre jaune n’est jamais loin, mais le pire, c’est qu’on n’a pas envie d’en guérir ! » (p. 102)

J’aime faire du vélo, parcourir des chemins tranquilles dans la campagne, le nez au vent et les pensées vagabondes, mais je n’aime pas regarder les autres en faire. Le cyclisme m’est une activité solitaire, presque intime, une connexion secrète avec la bécane. Cependant, j’admire ceux qui ne manquent pas une étape ni un podium. Le temps d’un livre, j’ai espéré que Éric Fottorino me fasse aimer et désirer le plaisir fugace de voir passer le Maillot jaune après des heures d’attente sur le bord de la route. Même si sa jolie phrase conclusive couronne sa déclaration d’amour aux héros de la petite reine, j’ai déraillé dès les premières pages. Pardon, Monsieur Fottorino, je m’en retourne pédaler en amatrice.

Lu dans le cadre du prix Sport Scriptum.

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Le joueur et son ombre

Roman de Brice Matthieussent.

Chris Piriac est un jeune tennisman très talentueux. Tout le destine à atteindre les meilleurs classements. Son début de carrière est exemplaire, mais la relation que l’athlète entretient avec son père, qui est aussi son entraîneur et son agent, est si négative qu’elle finit par tirer Chris par le bas. « J’avais réussi avec son aide à me hisser au sommet de la hiérarchie du tennis, et il bénéficiait de ma célébrité ainsi que de ma fortune. » (p. 15) Le jeune homme se laisse aller à l’alcool, aux drogues et aux soirées qui sont parfaitement incompatibles avec l’hygiène de vie d’un sportif de haut niveau. « Les folies de la nuit contaminaient le jour. […] Je refusais d’ouvrir les yeux, de renoncer au dessin anguleux qui dirigeait désormais ma vie. Une partie de moi-même savait que je courais à ma perte, mais j’ai refusé d’entendre cette voix ténue, qui a fini par se taire. » (p. 123) Puis sa route croise celle d’un autre tennisman : pour une insulte, sa vie bascule, et rien ne dit que la rédemption sera possible. La descente aux enfers n’en finit pas, et ce ne sont pas les superstitions et autres grigris dont il balise son quotidien qui aideront Chris à reprendre pied. « L’horizon, ou mon avenir, me semblait abriter une réserve inépuisable de cauchemars, tous liés au tennis, à ses règles, à son matériel. » (p. 120)

Entre vengeance subie et revanche voulue, l’histoire de Chris est de celles qui émeuvent autant qu’elles édifient. Parce que l’homme aime les héros, qu’il aime aussi les voir chuter de leur piédestal et qu’il aime encore plus les voir tenter de reconquérir leur gloire perdue, surtout s’ils échouent. Le destin du héros de Brice Matthieussent est aussi jubilatoire qu’une balle qui frôle le filet, mais qui s’écrase de l’autre côté, et aussi frustrant que cette raquette qui manque d’un cheveu de renvoyer la balle au fond du court de l’adversaire. Et cette ombre, quelle est-elle ? C’est à la fois celle qui est physiquement attachée à chaque mouvement du joueur sous le soleil ou les projecteurs. C’est aussi le mauvais conseiller qui chuchote fielleusement à l’oreille de l’athlète. C’est enfin ce qui reste du sportif quand tout l’a abandonné. Pour se départir de cette dernière, il n’y a que deux solutions : l’overdose de lumière pour abolir toutes les silhouettes, ou l’enfouissement dans le noir pour les fondre dans la pénombre. Quant au roman de Brice Matthieussement, il rayonne de talent et je le conseille, même à ceux que les échanges de balles indiffèrent.

Lu dans le cadre du prix Sport Scriptum.

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L’appel

Roman de Fanny Wallendorf.

En 1957, Richard a 10 ans quand il commence le saut en hauteur. Il n’est pas très doué, mais il continue parce que cela lui permet de côtoyer ses amis. « Sa course d’appel n’est pas terrible, et son impulsion ne lui permet de monter assez haut. » (p. 18) Que ce soit en ciseaux ou en enroulé ventral, Richard échoue à dépasser 1m62 pendant des années. Et un jour, par hasard, il s’élance en un saut dorsal qui l’élève bien au-dessus de la barre et du tapis. Dès lors, Richard est déterminé à perfectionner la technique qu’il a inventée. « Champion mec, où t’as appris cette technique ? […] / Nulle part. je voulais juste passer la barre. » (p. 78) Du lycée à l’université, de la menace de la mobilisation pour le Vietnam aux sélections des Jeux olympiques de Mexico en 1968, Richard est un hurluberlu qui assume sa différence et s’attache à ne jamais faire comme les autres. Parce que c’est la meilleure technique qu’il a trouvée pour réussir. « Je crois qu’on apprend par les détours les plus saugrenus. » (p. 262)

Fanny Wallendorf s’est librement inspirée de la vie de Richard Fosbury, inventeur du saut auquel il a donné son nom, mais en respectant scrupuleusement ses exploits sportifs. Le personnage qu’elle présente est un athlète têtu qui a révolutionné sa discipline sportive jusqu’à la consécration aux Jeux olympiques. Au collège et au lycée, le saut en hauteur était ma hantise, pire encore que l’endurance avec ses tours ineptes et répétitifs autour du stade. Cependant, j’ai énormément apprécié la façon dont l’autrice déploie le mental de Richard. Le jeune homme multiplie les rituels secrets pour atteindre le plus haut niveau de concentration et découvrir les limites de son corps afin de mieux les dépasser. « Il se concentre. Il sollicite la mémoire de son corps. Visualise sa course du début à la fin. La réalise sans bouger d’un pouce. Se sent atteindre un palier, puis deux, puis trois. Éprouver l’impulsion. Sens venir le mouvement. » (p. 68) D’entraînements forcenés en répétitions obstinées des mêmes gestes, le sportif efface de nouvelles hauteurs. Mais c’est plus qu’un athlète que Fanny Wallendorf nous offre sur le papier avec son premier roman, c’est une vie qui s’élève entre amours, amitiés, bonheurs, peines, progrès et espoirs. L’appel est un des plus beaux livres que j’ai lus en 2019.

Lu dans le cadre du prix Sport Scriptum.

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Pour une nuit d’amour

Nouvelle d’Émile Zola.

Julien est un jeune homme sérieux, à la vie réglée selon une monotonie souhaitée et entretenue. Sa seule fantaisie est de jouer de la flûte le soir, en regardant la grande maison d’en face qui semble comme morte. Puis arrive Thérèse, jeune fille fraîchement sortie du couvent. En rentrant chez ses parents, elle réveille la maison et enflamme le sang de Julien. Dès lors, le célibataire gauche ne pense plus qu’à celle qu’il croit inaccessible. « Son amour n’allait pas sans de grandes luttes. Il se tenait caché pendant des semaines, honteux de sa laideur. Puis, des rages le prenaient. Il avait besoin d’étaler ses gros membres, de lui imposer la vue de son visage brûlé de fièvre. Alors, il restait des semaines à la fenêtre, il la fatiguait de son regard. »  (p. 32) Hélas, quand Thérèse s’offre enfin à l’adoration de Julien, ce n’est rien de ce que le jeune homme imaginait.

Chez Zola, les amours interdites finissent mal en général. Celui-ci ne fait pas exception et ses victimes ne sont forcément les plus coupables. Bref, c’est du Zola : ample, généreux, cynique, et je ne m’en lasse jamais. Par bonheur, je découvre avec cette nouvelle le recueil Le capitaine Burle dont je n’avais jamais entendu parler. Youpi, Mimile ne m’a pas livré tous ses secrets !

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Le quatrième mur

Roman de Sorj Chalandon.

Tout commence par une explosion en 1983. « Je ne pensais pas qu’un char d’assaut pouvait ouvrir le feu sur un taxi. » (p. 5) En réalité, tout commence quelques années plus tôt, quand Georges, jeune étudiant propalestinien, milite avec ses camarades de fac à Jussieu. Il rencontre Samuel Akounis, juif de Salonique qui a fui la dictature des colonels. « Racisme, antisémitisme, mépris de l’autre, leurs idées étaient à combattre, comme leur haine du présent, leur dégoût de l’égalité, leur aversion de la différence. » (p. 45) Mais le mouvement s’essouffle, les banderoles palissent et les slogans perdent de leur puissance. Georges devient metteur en scène, épouse Aurore, fonde une famille. Pendant ce temps, au Liban, Samuel monte un projet fou : faire jouer Antigone de Jean Anouilh. « Le théâtre est devenu mon lieu de résistance. Mon arme de dénonciation. » (p. 28) Son Antigone, Samuel la veut multiculturelle. « Mon ami avait eu l’idée de voler deux heures à la guerre, en prélevant un cœur dans chaque camp. » (p. 98) Mais Samuel est malade et doit rentrer en France. Au nom de leur amitié, Georges accepte de le remplacer à Beyrouth. C’est à lui qu’incombe de faire cohabiter sur scène des chrétiens, des Druzes, des chiites, des sunnites ou encore des Arméniens. « La calotte […] devait se mêler au keffieh, au turban, au fez, à la croix et au croissant. » (p. 115) Chaque camp voit dans la pièce de Jean Anouilh une exaltation de son propre combat, chacun le comprend de la manière qui le flatte le plus. Georges accepte tout du moment que la pièce se joue. Mais que peut une poignée de comédiens face aux bombardements d’Israël ? « Tu n’es pas au-dessus de cette guerre. Personne n’est au-dessus de cette guerre. Il n’y a plus d’autre tragédie ici que cette guerre. » (p. 164)

Sorj Chalandon n’en finit pas de me saisir là où les émotions hurlent. Comme dans Mon traître, on retrouve des militants convaincus que leur cause est juste, guidés par des figures fortes, paternelles ou fraternelles. Ces hommes et ces femmes sont prêts à donner leur vie pour leur terre ou leur peuple. « L’antinationalisme ? C’est le luxe de l’homme qui a une nation. » (p. 20 & 21) Tout vibre dans ce texte, tout tremble. Impossible d’en sortir froid ou indemne. Comme au théâtre quand les acteurs sont exceptionnels, on vit avec eux leurs tirades, leurs émois, leurs agonies. Le quatrième mur tombe : il n’y a plus de fiction, tout est réel parce qu’humain, et parce qu’humain, universel.

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Soif

Roman d’Amélie Nothomb.

Le procès est terminé. Ponce Pilate a condamné Jésus le Nazaréen à la crucifixion. Commence la dernière et longue nuit du Christ : dans sa triste cellule, loin du mont des Oliviers, l’homme ne dort pas. Entre confiteor et colère, il ne sait comment se préparer au supplice qui l’attend. Blessé d’avoir été trahi par les miraculés, il se sent plus seul que jamais. « À l’évidence, il n’a pas fallu les soudoyer, ni même les encourager. Ils sont tous venus témoigner contre moi de leur plein gré. » (p. 5) La tentation de la fuite est grande, par peur de la douleur et par peur de faiblir. Jésus redoute les coups et les plaies, car il se sait fait de chair, comme l’a voulu son Père. « J’ai la conviction infalsifiable d’être le plus incarné des humains. » (p. 9) Alors, pour espérer et détourner son esprit de la peur, il se raccroche à la soif et à ses promesses aussi douloureuses qu’enivrantes. Il s’impose un ultime désert pour mieux supporter la torture à venir. « Il y a des gens qui pensent ne pas être des mystiques. Ils se trompent. Il suffit d’avoir crevé de soif un moment pour accéder à ce statut. Et l’instant ineffable où l’assoiffé porte à ses lèvres un gobelet d’eau, c’est Dieu. » (p. 24)

Viennent le matin et l’épuisant chemin de croix jusqu’au Golgotha. Viennent les moqueries et les crachats. Viennent les mains et les pieds cloués au bois dur de la croix. Viennent les derniers regards échangés avec sa mère et Marie-Madeleine. Et après les derniers sévices, la mort enfin. « Pour éprouver la soif, il faut être vivant. J’ai vécu si fort que je suis mort assoiffé. C’est peut-être cela, la vie éternelle. » (p. 68) L’homme est parti, reste le Christ.

Amélie Nothomb n’oublie rien des dernières heures de Jésus. Ni les chutes sur le chemin de croix, ni les brutalités, ni les secours inattendus, ni la soif, ni la rancœur envers Dieu. « C’est par amour envers sa création que mon père m’a livré. Trouvez-moi acte d’amour plus pervers. » (p. 47) Elle n’oublie pas non plus la descente de la croix, la mise au tombeau et la résurrection. J’aime que les femmes parlent de la Bible, parce qu’elles le font vraiment bien. Pas mieux que les hommes, mais avec une sensibilité et une intelligence différentes. J’ai déjà dit tout le bien que je pense de Sylvie Germain : lisez Les échos du silence ou Mourir un peu. Amélie Nothomb me surprend ici avec un texte profond et puissant qui change des gentilles réécritures de contes ou des réflexions un peu creuses sur la famille et l’identité. Je ne sais pas si Soif marque un tournant dans l’œuvre de cette autrice, mais il est certain que j’espère que l’iconique Belge aux chapeaux extravagants poursuivra dans cette voie.

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Zidane

Biographie de Frédéric Hermel.

Qui est Zidane ?

  • Le cadet d’une fratrie qui a grandi à Marseille,
  • Un gamin humble qui a reçu une éducation solide,
  • Un époux et un père très attentif,
  • Un joueur remarquable à Turin et à Madrid,
  • Le numéro 10 de l’équipe de France,
  • L’auteur d’un coup de tête malheureux en 2006 au Mondial en Allemagne,
  • Un entraîneur tout aussi remarquable,
  • Un homme discret, pudique même, mais attaché à ses valeurs simples.

« Mais qui connaît vraiment Zizou ? Un être secret qui cultive la discrétion, un homme adulé qui se préserve et protège les siens, une star qui reste un type normal au milieu de l’anormalité d’un destin exceptionnel. » (p. 15)

Zidane, pour moi, c’est le Mondial 1998. J’avais 13 ans. C’est la seule fois où j’ai su par cœur la composition de l’équipe de France. La seule fois que le football m’a vraiment intéressée. Pourquoi ? Sans doute parce que cet été-là était trop long et que rien d’autre n’avait su attirer mon attention (hormis Jane Eyre que j’ai découvert avec émerveillement). Je suis le football d’une oreille plus que distraite, et je regarde un match tous les 4 ans, celui de la finale du Mondial. Bref, tout ça pour dire que je ne cours pas après le ballon rond.

Frédéric Hermel est correspondant pour L’Équipe et RMC à Madrid. C’est là qu’il a rencontré Zinédine Zidane. « Il ne me doit rien et je n’exige rien de lui. Je recherche uniquement les clés de la compréhension au travers d’une relation de confiance qui autorise toutes les questions. » (p. 250 & 251) On sent toute son admiration pour le sportif – pour l’athlète même –, et pour l’entraîneur, mais surtout pour l’homme qui n’a jamais oublié d’où il vient. C’est compréhensible : le bonhomme a l’étoffe des icônes modernes. Toutefois, je déplore une tendance appuyée au panégyrique. « Avec Zidane de Marseille, c’est la France qui triomphe. » (p. 289) En outre, même s’il ne faut pas attendre le décès d’une personnalité pour en parler, je ne suis pas convaincue de la pertinence d’écrire la biographie d’une personne toujours vivante. À mes yeux, le vrai intérêt de ce livre tient dans les nombreuses phrases de Zinédine Zidane, données en interview ou en confidence. En fait, c’est cela que j’aurais voulu lire : un long entretien entre le journaliste et le sportif, sans que les propos passent par le prisme de l’interprétation et de la reformulation.

Enfin, je n’ai pas apprécié le portrait qui est fait de Véronique, l’épouse de Zinédine. Elle a sans doute consenti au sacrifice de sa propre carrière de danseuse et de ses aspirations personnelles pour se dévouer entièrement à son mari. Mais la façon dont cela est présenté m’a semblé terriblement paternaliste et machiste, comme si cela allait de soi. Quoi qu’il en soit, la relation de couple entre Véronique et Zizou ne regarde que ces derniers : c’est assez indélicat de l’avoir présentée dans un livre.

Voilà un livre qui s’adresse sans aucun doute aux fans du footballeur et aux amateurs du ballon rond. Avec moi, le but est manqué.

Lu dans le cadre du prix Sport Scriptum.

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Murène

Roman de Valentine Goby.

En 1956, François a 22 ans et un monde de possibilités devant lui. Ce monde s’effondre quand François perd ses deux bras après un accident. Amputé au niveau des épaules. Et sa mémoire aussi est amputée : il oublie Nine, sa fiancée. « Ce ne sera pas une souffrance, l’amnésie sauve du venin de la perte. Mais un gâchis abominable. Le monde est lourd d’infimes apocalypses, et qui sait ce que pèse, dans les mélancolies sans nom qui parfois nous assaillent, tant de magie vaincue. » (p. 20) Brûlé sur 30 % du corps, il souffre le martyre pendant la cicatrisation, puis pendant la rééducation. Il lui faut réintégrer son corps, le reposséder, calmer les douleurs fantômes, apprivoiser l’appareillage fait sur mesure. « Ils sont nombreux, les mutilés hauts qui ont cru apprivoiser seuls un appareil, in fine l’abandonnent. François l’ignore. Comment le devinerait-il alors qu’on le laisse partir, son armure sur le dos, avec ce simple avertissement : ce ne sera pas facile. Il croit que vouloir suffit. » (p. 189) De découragements en sursauts, François apprend à ne plus se battre contre lui-même, mais pour lui-même. Son salut, il le trouve dans la natation et les balbutiements du Handisport. Parce que devant l’homme diminué s’ouvre un nouveau monde de possibilités. « Vous n’êtes pas qu’un handicapé. […] Mais vous êtes ça aussi. » (p. 253)

Au diable les leçons de vie et autres poncifs sur les exploits des personnes handicapées. Oui, c’est difficile de vivre sans ses bras. Oui, c’est contraignant de dépendre des autres. Oui, ça demande de l’inventivité. « Ça bouffe son temps et deux mille calories par jour facile, l’énorme effort imposé au corps pour se passer d’aider extérieure. » (p. 204) Mais comme le revendique François, il s’agit surtout d’exister sans avoir à se cacher ni à faire semblant d’être normal. Il ne s’agit pas seulement de vivre avec – puisqu’il faut vivre sans –, mais de vivre, tout simplement. Comme dans Un paquebot dans les arbres, Valentine Boby excelle à faire parler les corps cabossés, les santés vacillantes et les âmes endommagées, pour en tirer une matière sublimée. « Je veux être comme le tulle, entier avec mes ajours. » (p. 235) Si j’ai essuyé une larme devant ce récit et grâce à la plume précise et délicate de l’autrice ? Comptez-en plus deux.

Lu dans le cadre du prix Sport Scriptum.

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Harry Potter et moi

Rien à voir avec mon obsession pour Stephen King !

J’ai mis longtemps à lire les aventures du sorcier à la cicatrice. En fait, j’ai attendu que tous les tomes paraissent et j’ai tout lu en 10 jours, puis j’ai enchaîné avec les films.

Je ne suis pas une Potterhead. Mais j’ai fait le test pour savoir à quelle maison j’appartiens à Pudlard, et il s’agit de Serdaigle, as know as le repaire des grosses têtes. Voilà qui ne m’étonne pas vraiment, même si j’aurais préféré appartenir à la maison Poufsouffle. Hélas, la décision du Choipeaux est irrévocable !

J’ai lu avec beaucoup de plaisir les nombreux ouvrages qui entourent la saga Harry Potter, et désormais la franchise Les animaux fantastiques.

Opération éditoriale commerciale, me direz-vous ! Il n’y a pas une année (et surtout pas une fin d’année) qui ne voit pas paraître une nouvelle édition de l’intégrale Harry Potter ou moult livres déclinant le monde magique dans diverses thématiques. Donc oui, commercial sans aucun doute, mais je ne boude pas mon plaisir pour autant. Parce que j’aime me laisser glisser dans l’univers fantastique imaginé par J. K. Rowling. Entre nostalgie, madeleine de Proust et syndrome de Peter Pan, je refuse de choisir.

Et puisque je commence à avoir un certain nombre de lectures à mon actif, les voici ici réunies !

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Ida Brandt

Roman d’Herman Bang.

Ida Brandt est une infirmière douce et dévouée. Son enfance heureuse et paisible dans le domaine de Ludvigsbakke a pris fin à la mort de son père, régisseur des lieux. Quitter cet endroit enchanteur a été son deuxième chagrin, suivi plus tard de la mort de sa mère. « Le reste de l’enfance d’Ida se passa en ville. Vint la confirmation, puis la première année, celle de la prime jeunesse, lumineuse, suivie de celle de la maladie. Elle inaugura une époque qui n’en finissait plus. » (p. 82) Ida a reçu un héritage très confortable, mais elle décide de se mettre au service des autres dans l’hôpital de Copenhague. Hélas, trop gentille pour être comprise de la bourgeoisie danoise et trop riche pour être acceptée par ses collègues, elle mène une vie solitaire et sans éclat. « Mais vous êtes trop indulgente, Ida. […] Vous devriez exiger beaucoup plus. […] Je veux dire, de la vie. » (p. 191) Les retrouvailles avec Karl von Eichbaum, jeune homme qui a aussi connu les joies de l’enfance au Ludvigsbakke, bouleversent la jeune femme qui se révèle avec passion et se donne à corps perdu dans une liaison secrète.

Dans sa résignation douce, Ida Brandt a quelque chose d’Eugénie Grandet et de Pauline Quenu. Gentillesse et générosité sont les maîtres mots de ces destins de femme qui n’obtiennent jamais l’amour durable dont elles rêvent. Comme ses comparses littéraires, Ida est trompée et délaissée. Elle a perdu son rêve d’enfance et d’amour, mais elle ne se plaint jamais. Elle endosse même avec la douleur avec une certaine joie, comme si cela lui revenait de droit.

J’ai été profondément touché par la tendre Ida qui donne sans compter pour ceux qu’elle aime. Et même si l’adage « Trop bonne, trop pomme » (à peu près) s’applique parfaitement à elle, Ida n’a rien d’idiot. C’est au contraire un personnage lumineux, fait de l’essence dont sont constitués les anges.

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Harry Potter et la Coupe de feu

Roman de J. K. Rowling. Version album illustrée par Jim Kay.

C’est maintenant un fait avéré : Lord Voldemort veut vaincre Harry et achever la sinistre besogne commencée 14 ans plus tôt. Un lien unit Harry au Mage Noir : la cicatrice qu’il porte au front, marque que lui a laissée la tentative d’assassinat de Voldemort, est de plus en plus souvent douloureuse. Alors qu’Harry et ses amis pensent pouvoir profiter de la fin de l’été en assistant à la Coupe du Monde de Quidditch, la Marque des Ténèbres apparaît dans le ciel. Elle est l’emblème de Voldemort et le signe de ralliement des Mangemorts, les sorciers qui lui sont dévoués.

La rentrée à Poudlard s’annonce. Le nouveau professeur de Défense contre les Forces du Mal – encore un nouveau – Maugrey Fol Œil est un ancien Auror, sorcier qui traque les Mages Noirs et les Mangemorts. L’année à Poudlard est sous le signe de la compétition : l’école accueille le Tournoi des Trois Sorciers qui réunit les élèves de Poudlard, Beauxbâtons et Durmstrang. Chaque école propose un champion. Poudlard a Cédric Diggory, Beauxbâtons a Fleur Delacour et Durmstrang a Viktor Krum, célèbre joueur de Quidditch. Mais un coup du sort désigne également Harry Potter. Les quatre candidats s’affronteront pendant l’année lors de trois épreuves au cours desquelles ils devront témoigner de leurs talents magiques et de leurs qualités de cœur. La fin du tournoi est tragique : Lord Voldemort intervient, se sert d’Harry pour renaître enfin dans une enveloppe de chair et tue un innocent.

On fait davantage connaissance avec les elfes de maison et on découvre en Hermione une militante pour les droits des créatures magiques. On apprend à se déplacer autrement dans le monde des sorciers : Poudre de Cheminette, Portoloin, Transplanage, etc. On trépigne de rage à la lecture des articles que Rita Skeeters fait paraître dans La Gazette des Sorciers. On découvre les Sortilèges Impardonnables dont Lord Voldemort et ses Mangemorts abusent : l’Imperium, le Doloris et l’Avada Kedavra. Si la terreur s’empare de chacun, les premiers émois amoureux et la jalousie font de même avec les jeunes cœurs des élèves de Poudlard. Avec ce tome, les aventures du petit sorcier aux lunettes rondes entrent dans le monde de l’adolescence : l’écriture est plus approfondie, voire plus torturée, les épisodes gagnent en longueur et en densité, les personnages secondaires se dévoilent et prennent une vraie position dans le récit.

Mais parlons surtout des illustrations de Jim Kay. Ce ne sont pas uniquement des petits dessins dans les marges ou entre deux paragraphes ni quelques pleines pages disséminées au fil des chapitres. Le travail graphique du dessinateur est omniprésent : certaines pages sont festonnées, voire intégralement colorées et habitées par un mélange harmonieux entre image et texte. J’apprécie surtout que Jim Kay ait su s’éloigner des acteurs qui incarnent les personnages et de l’esthétique des films pour interpréter à sa façon l’œuvre de J. K. Rowling. Tout reste familier, mais tout est différent, et c’est magique de redécouvrir une histoire que je connais et que j’aime avec un autre regard. Harry Potter et la coupe de feu est mon tome préféré, après Le prisonnier d’Azkaban dont j’ai également pu admirer la version proposée par Jim Kay. Je suis enchantée par cette relecture agrémentée de magnifiques illustrations. Si vous voulez faire un très beau cadeau de Noël, à vous ou à quelqu’un d’autre, voilà une idée pleine de charme !

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La guerre des peluches

Album jeunesse de Fatiha Messali et Johanna Crainmark. À paraître le 30 octobre.

Après le royaume des princesses, Okel décide d’aller jouer dans le monde des peluches avec Artik, son ourson. Hop, un tour dans le vortex magique et les voici au village des Nounours. Hélas, les lieux sont loin d’être tranquilles. « Hier, une soucoupe volante s’est écrasée à proximité du château, non loin du village des peluches. »  Et un alien peu sympathique, Frisbi, hypnotise les jouets tous doux pour prendre le contrôle du royaume. Seul le mage Zeusuifor pourrait le battre, mais il faut pour cela aller le chercher dans sa lointaine retraite. Avec l’aide d’Étoile du matin, une licorne en peluche, Okel et Artik se mettent en route pour ramener le mage qui a un petit air de chevalier Jedi.

Vous êtes fans d’une certaine saga cinématographique où gentils et méchants se battent à grand renfort de sabres lasers ? Vous serez enchanté par cette lecture qui multiplie les clins d’œil à une galaxie lointaine, très lointaine. Une fois encore, j’apprécie les références pop culturelles et le vocabulaire riche et précis. L’histoire est très sympathique, sans temps mort, et magnifiquement servie par des illustrations au pep’s indéniable !

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Princesse Tralala et la sorcière Pas-de-Bol

Album jeunesse de Fatiha Messali et Johanna Crainmark. À paraître le 30 octobre.

Okel est une petite fille bien entourée : peluches, robots et autres jouets, mais surtout sa poupée, Princesse Tralala. « Okel n’est pas une petite fille ordinaire. Elle possède le pouvoir de se transporter à tout moment dans les mondes fantastiques de ses jouets. » Et dans ce monde, la poupée devient une véritable princesse. Okel visite le royaume de son amie Tralala et fait de merveilleuses promenades à dos de poney ailé. Mais voilà que surgit la vilaine sorcière Pas-de-Bol qui porte bien son nom : pas besoin de chercher à se défendre de la méchante magicienne, cette dernière se débrouille très bien toute seule pour se mettre en fâcheuse posture.

Quel enfant n’a pas rêvé que ses jouets étaient animés ? De pouvoir plonger dans un monde fabuleux où toutes les fantaisies sont possibles ? C’est chose possible avec cet album ! Voilà une histoire au rythme enlevé et au ton très humoristique, avec de belles références culturelles et un lexique riche pour apprendre de nouveaux mots aux marmots. Les illustrations sont très pop, avec des couleurs vives et éclatantes. Voilà une jolie lecture à partager entre copains ou avec ses parents.

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La nuit des temps

Roman de René Barjavel.

Une expédition française en Antarctique découvre les ruines d’une civilisation enfouie sous mille mètres de glace et de terre. D’après les mesures, les vestiges attendent depuis 900 000 ans, et ils émettent un signal. « Ça dépassait l’histoire et la préhistoire, ça démolissait tous les crédos scientifiques, ce n’était plus à l’échelle de ce que ces hommes savaient. »  (p.26) Grâce à une mobilisation internationale, une construction étonnante est mise au jour : un gigantesque œuf en or qui abrite un homme et une femme endormis depuis des millénaires. Les deux êtres sont d’une beauté presque parfaite et sont entourés d’objets qui attestent d’une technologie largement supérieure à celle que les explorateurs connaissent. Hélas, la décision de réveiller le couple ne sera pas sans entraîner de terribles conséquences. Chaque pays voudrait s’approprier les merveilles promises par cette civilisation perdue. « Devant l’énormité de l’enjeu, personne, bien que ne doutant de personne, ne sait faire confiance à personne – même pas à soi. » (p. 168) Mais le plus grand drame naîtra d’une douleur d’amour restée vivace pendant près d’un million d’années.

Achevé en 1968, ce roman n’est pas daté et la SF reste tout à fait convaincante, voire parfaitement pertinente dans ses mises en garde. Elle s’accompagne d’un pessimisme assez fort à l’encontre de l’évolution et du progrès. « Il ne faut pas trop demander à un cerveau automatique. » (p. 82) En opposant les pays imaginaires du Gondawa et d’Enisoraï, René Barjavel fustige évidemment la Guerre froide et dénonce l’ineptie de la course à l’armement qui débouche inévitablement sur des conflits. Il prône également le respect de toute vie, animale et végétale, dans une démarche antispéciste poussée à l’extrême et qui ne manque pas de me convaincre. L’auteur célèbre surtout l’amour absolu, supérieur à tout, même au temps.

J’ai découvert ce roman quand j’avais 10 ou 11 ans. De là était née ma grande admiration pour René Barjavel : en quelques années, j’ai tout lu de lui. Ma relecture n’a pas amoindri mon souvenir, et c’est heureux. René Barjavel est incontestablement un incontournable et un pilier de la science-fiction française. Je pense continuer à redécouvrir ses romans.

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Fières d’être sorcières ! – Les filles qui ont marqué l’histoire du Monde des Sorciers

Ouvrage de Laurie Calkhoven. Illustrations de Violet Tobacco. À paraître le 24 octobre 2019.

Si vous avez lu les sept tomes de la saga Harry Potter et vu les films de la franchise Les animaux fantastiques, vous avez forcément constaté que les sorcières ne comptent pas pour des prunes. « Sans ces jeunes filles et femmes d’action, le monde magique ne serait pas ce qu’il est. » Comme Ron Weasley le fait remarquer, sans Hermione Granger, lui et Harry Potter n’aurait pas tenu deux jours.

Laurie Calkhoven présente un panorama de ces femmes magiques. Chaque portrait commence par les qualités de la sorcière, avec une citation tirée d’un des livres/films. Suit une description détaillée des exploits (ou méfaits) de la femme présentée, avec une très belle illustration inspirée des actrices qui ont incarné ces personnages féminins inoubliables. Nos sorcières bien-aimées (bon, pas toutes…) sont courageuses, intelligentes, sportives, combatives, dévouées, aimantes, imprévisibles, aventurières ou encore déterminées.

Je n’en cite que quelques-unes : vous retrouverez évidemment Hermione Granger, Ginny Weasley, Minerva McGonagall et Tina Goldstein, mais aussi Bellatrix Lestrange, Dolores Ombrage ou encore Helga Pousoufle. « Les sorcières de J. K Rowling sont des mentors, des fondatrices, des résistantes, des mères, des inventrices, des criminelles, des professeures et des meneuses qui marquent ou ont marqué le monde magique de leur empreinte. »

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C’est avec plaisir que j’ai replongé dans les deux sagas au travers de leurs personnages féminins. Si l’œuvre de J. K. Rowling souffre de quelques défauts, on peut lui accorder sans chicaner que les femmes n’y sont pas de simples faire-valoir ou de pauvres love interests pour les protagonistes masculins. Elles sont des personnages forts, des éléments centraux des différentes intrigues, voire des icônes modernes pour plusieurs générations de jeunes lecteurs devenus grands.

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