La demoiselle à cœur ouvert

Roman de Lise Charles.

« Nous aurions préféré ne pas avoir à publier cette correspondance. Nous avons jugé que c’était notre devoir. » (p. 2) C’est sur cet avertissement que s’ouvre la correspondance entre Octave Milton, auteur en manque d’inspiration, et Livia Colangeli, son ancienne compagne, mais proche amie. Octave passe une année à la Villa Médicis pour écrire un texte sur son ancêtre, sous forme de correspondance électronique. Mais il passe l’essentiel de son temps à se moquer de ses co-pensionnaires et à dépeindre son quotidien romain. Observateur blasé et détaché, vite ennuyé, il est aussi méchant, inconstant dans ses relations amoureuses et très opportuniste, n’hésitant pas à reprendre à son compte les idées et écrits des autres.

Ce roman de Lise Charles, c’est une réécriture très nette des Liaisons dangereuses. Le texte lui-même ne s’en cache pas puisqu’Octave surnomme souvent Livia « marquise ». « Tu inventes donc les réponses que tu aurais voulu qu’elle te fît ? Ah, Octave, tu es plus avancé sur le chemin de l’amour que je ne le pensais. / Ne te moque pas. Tu sais bien qu’après avoir renoncé à t’aimer, je ne pourrai aimer personne. » (p. 88) Mais si l’ancienne amante et désormais conseillère rouée fait montre d’une cruauté froide et manipulatrice, Octave manifeste une cruauté bête et incarne un piètre Valmont, sans panache ni sentiment véritable. Il suit aveuglément les directives de Livia, sans sembler y prendre grand plaisir. « Toutes les prunes sont bonnes à cueillir et toutes les flatteries sont bonnes à prendre. Vois-là, ça fera plaisir à tout le monde, et surtout ça me distraira : je n’ai rien à lire en ce moment. » (p. 17)

Que je le dise franchement : Octave Milton m’a été antipathique de la première à la dernière page. Ce personnage est tout simplement odieux. Dans les courriels qu’il adresse à sa mère, il se fait léger et attentionné pour mieux se montrer infect avec d’autres correspondants et se moquer de ce qui l’entoure. Le texte se compose des différents échanges de lettres entre Octave et divers épistoliers, mais aussi d’autres formes littéraires : nouvelle de l’auteur, article universitaire, publication de presse ou encore journal d’une enfant. Toutes ces productions parallèles ne soulignent que davantage la production absente d’Octave et l’échec du projet qui lui a ouvert les portes de la Villa Médicis.

L’autrice a donné ses initiales à l’une de ses protagonistes et son nom de plume à une autre. La créatrice se fait matériau de sa création et ce n’est jamais inintéressant. Peut-être le journal intime qu’elle rédige était le sien, mais peu importe. Elle se dédouble dans le texte, étant à la fois la bourrelle et la victime, mais surtout en portant toutes les voix à la fois. La déclaration liminaire est à mon sens la meilleure partie du livre : elle m’a donné de grandes attentes. La suite m’a ennuyée et agacée, notamment la dévotion quasi fanatique que l’autrice, via son personnage Octave, manifeste pour l’éditeur qui publie son livre.

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