Wilhelm Rosenheck est jeune et heureux. Le début des années 30 en Autriche est une période fabuleuse pour ce journaliste. « J’aimais éperdument cette Vienne qui m’avait vu naître. J’étais fier d’appartenir à cette ville de culture, d’art, de musique et d’érudition. » (p. 20) Wil épouse la belle Almah et tous deux pensent que leur bonheur sera éternel. Mais l’Histoire suit son cours en se moquant des tourtereaux : l’Allemagne nazie projette son ombre sur Vienne et les Juifs sont en danger. « Nous dansons sur un volcan qui va exploser d’un jour à l’autre. » (p. 92) La famille Rosenheck choisit de quitter l’Autriche pour les États-Unis, mais le chemin à travers l’Europe est long et semé de tracas administratifs. C’est finalement en République dominicaine que Wil et les siens trouveront refuge, profitant des milliers de visas que le dictateur Trujillo offre aux Juifs du Reich. Avec d’autres exilés, Wil et Almah participent à la construction d’une colonie agricole. Ils suivent de loin la guerre qui ravage l’Europe, tout en continuant à rêver d’Amérique et, plus tard, peut-être d’Israël.
Le style de l’autrice m’a semblé à première vue simple et scolaire. Au fil des pages, il s’est révélé lourd, parfois ampoulé et souvent encombré d’expressions toutes faites déjà lues mille fois ailleurs. Sérieusement, il faut arrêter avec la cascade de cheveux des protagonistes féminines !!! Quant à la manie feuilletonnesque qui consiste à finir un chapitre sur une prétérition et un effet d’annonce qui se veut retentissant, elle passe quand on doit attendre une semaine pour lire l’épisode suivant, pas quand on n’a qu’à tourner la page pour savoir la suite. Et c’est un artifice plutôt paresseux pour retenir l’attention du lecteur. Autre bizarrerie, la plupart des chapitres sont racontés par Wil, mais certains passent à la 3e personne du pluriel. Pourquoi ? Peut-être pour montrer à quel point l’Histoire l’entraîne et le malmène, mais c’est fait tellement maladroitement que l’effet est manqué. Enfin, les ruptures de niveaux de langue sont fréquentes, agaçantes et parfaitement injustifiées. Bref, le style est si mauvais qu’il m’a sorti de ma lecture à plusieurs reprises, ce qui n’est jamais bon signe.
J’ai eu le sentiment de lire une frise chronologique de l’histoire juive des années 1930 à 1960, illustrée par le cas particulier des Rosenheck. Rien ne manque, pas une mesure antijuive, pas un événement depuis l’Anschluss au procès Eichmann. L’histoire de Wil et des siens n’a pas su m’intéresser et m’a à plusieurs reprises fait pousser de longs soupirs d’agacement. Elle séduira sans doute les lecteurs qui aiment les longues histoires familiales sur fond historique. Je suis de ceux-là d’habitude, mais la pauvreté de la forme m’a laissée sur le carreau.