Charles Baudelaire est mort. Son amante et sa muse, Jeanne, réclame sa part d’héritage. « Quelle jeune femme n’aurait pas été séduite par ce jeune homme raffiné qui prétendait ne pouvoir écrire qu’entouré de luxe, de calme, de volupté et de ma sombre beauté ? » (p. 57) Dans une longue lettre qu’elle adresse à la mère du poète maudit, la Vénus noire raconte tout : la passion, l’alcool, la drogue, l’inspiration au cœur de la nuit, la syphilis, la bohème, le manque d’argent, la violence, la jalousie et ce Paris artistique qui voulait réinventer la façon de peindre et d’écrire. Cette lettre est un testament, celui qu’Yslaire invente pour la beauté métisse qui partagea la vie du poète aux ailes trop longues. Aussi flamboyante qu’elle fût de son vivant et aux côtés de Baudelaire, Jeanne aux multiples patronymes a presque disparu des mémoires et des archives. Ne reste d’elle que ce que l’écrivain a couché dans ses vers torturés et superbes.
Le dessin d’Yslaire est sombre, foisonnant, dense, profond et torturé. Il s’accorde parfaitement avec la poésie de Baudelaire, invitant la folie dans la veille et titillant le désir d’un simple trait. Cette œuvre lourde et épaisse est une réussite graphique et un très bel hommage rendu au poète sublime dont le talent a été reconnu trop tard.