Le jour des corneilles

Roman de Jean-François Beauchemin.

Un père et son fils vivent en ermites dans une cabane, quelque part dans une forêt. Le premier est souvent pris d’atroces crises de folie dans lesquelles il entraîne le second, totalement plié à sa volonté cruelle et irrationnelle. L’enfant voit les défunt·es qui arpentent le monde et, comme son père, ne s’approche pas du village. Mais la réclusion forestière pèse au garçon. « Souventes fois, nous nous concevons reclus entre nous-mêmes comme en accoutre étanche. Puis, un jour, le commerce aimable des autres nous pénètre et abolit cette solitude de captif. » (p. 41) Orphelin de mère, le fils cherche inlassablement ce qu’est le sentiment d’attachement, comment le reconnaître et si son père l’éprouve pour lui.

En quelle époque et en quel lieu se déroule cette histoire, nous ne le savons pas vraiment, les indices étant maigres pour se situer : ils sont suffisants pour que ce qui nous est raconté passe de la fantaisie au réel, mais si élusifs que la fantaisie reprend le dessus. Le fils se raconte lors de son procès. De quel crime immonde est-il accusé et comment l’explique-t-il ? Tout se dévoile à mesure du récit de l’accusé, dans une langue unique, très proche de la nôtre, mais avec un lexique différent qui illustre la pensée simple, l’enfance rude, la trivialité des choses communes et l’émerveillement de l’acte de parler. « Je pressentis que parole donne vie à toutes choses en les baptisant d’un nom. » (p. 42) Cette langue parfois alambiquée et artificielle a un avantage certain pour le·a lecteur·rice, c’est de mettre de la distance par rapport aux choses terribles qui sont racontées : notre compréhension étant happée par les mots, elle l’est moins par les descriptions. C’est tout à fait salutaire tant ce roman est noir : sous des dehors de réalisme magique, le texte parle avant tout, avec émotion et talent, de la pire des conditions humaines, la solitude.

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2 réponses à Le jour des corneilles

  1. LydiaB dit :

    J’avais adoré ce bouquin !

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