Vernon Subutex 1 – Vernon Subutex 2
Roman de Virginie Despentes.
Depuis qu’il a quitté les Buttes-Chaumont pour s’installer dans un camp en pleine nature, le groupe de Vernon organise des convergences, étranges nuits de communion hallucinées autour de la musique et de la danse, au son mixé des harmonies produites par Alex Bleach. Vernon ne comprend pas cet engouement et, comme toujours, préfère se laisser porter sans rien décider. « Je suis DJ, je ne suis pas un putain de prophète. » (p. 22) Tout va changer avec l’annonce d’un héritage inattendu : l’argent, comme souvent, multiplie les dissensions et les désaccords. Mais surtout, il y a des représailles en suspens depuis trop longtemps et des vérités qui ne demandent qu’à éclater. Ajoutez à tout ça les attentats de Paris, la mort de quelques légendes du rock ou encore l’attaque homophobe à Orlando et vous obtenez un marasme terrible, collant comme la poix et pesant comme le plomb. Pas étonnant que l’histoire de Vernon Subutex s’achève sur une note catastrophiste et dystopique.
Ce troisième tome s’ouvre sur des paroles de David Bowie, c’était un bon présage. En fait, non. Davantage que dans les tomes précédents, Virginie Despentes développe un lourd discours sur l’islamisation, le terrorisme, la paupérisation ou encore la misère affective, à tel point qu’on croirait lire du Michel Houellebecq. « Arrêter le racisme, il est contre. […] La haine est un contact. On ne déteste cordialement que ceux qu’on côtoie de près. […] Le fond du problème, c’est que ma valeur de Blanc, c’est ta sous-valeur de bougnoule. Ma valeur ajoutée, c’est ta précarité. Ma blancheur, je n’en jouis que quand vous vous noyez par milliers et que personne n’en a rien à foutre. » (p. 110) Certes, ce sont les propos que l’autrice met dans la bouche d’un de ses personnages et je sais différencier ce qui relève de la fiction et ce qui relève de la propagande. Mais mon angélisme de Bisounours supporte difficilement de lire de telles idées. « C’est le niveau zéro du fun, porter un regard bienveillant sur le monde. » (p. 104) Vous me direz que la bonne littérature est celle qui confronte le lecteur à la vérité nue du monde dans lequel il évolue, qui le fait réfléchir sur son quotidien, ses défauts et ses vices. C’est sans aucun doute vrai, mais cette lecture est vraisemblablement tombée au mauvais moment.
J’avais lu les deux premiers tomes sans interruption. Sans doute ai-je trop attendu pour m’attaquer au tome 3 ou peut-être aurais-je dû relire les précédents, car j’ai perdu l’intérêt exalté que j’avais éprouvé en lisant le tome 1 et le tome 2. Comme une redescente brutale et aigre après un trip génialissime. « Tu as encore écouté France Culture ? Arrête. On te l’a déjà dit. Ça se mélange hyper mal avec la cocaïne. » (p. 22) Et je pense m’éloigner pendant un temps des écrits de Virginie Despentes : je préfère la noirceur de Joyce Carol Oates.