Les particules élémentaires

Roman de Michel Houellebecq.

Michel est un scientifique entièrement dévoué à son travail et étranger aux mouvements du cœur et de l’existence. Bruno est un fonctionnaire obsédé par l’assouvissement de ses passions et déprimé par la fuite du temps. Ces demi-frères que tout oppose depuis l’enfance traversent différemment les années 70 à 2000, entre révolution sexuelle et explosion technologique. Mais cela n’est rien face à la troisième mutation métaphysique dont Michel est responsable et qui transforme à jamais le visage de l’humanité. « On est quand même surpris de voir avec quelle douceur, quelle résignation et peut-être quel secret soulagement les humains ont consenti à leur propre disparition. » (p. 298)

Quand j’ouvre un roman de Michel Houellebecq, je me doute que la lecture ne sera pas enjouée ni le sujet léger. Ici, la frustration et la misère sexuelle de l’homo erectus au 20e siècle sont dépeintes avec cynisme. La masturbation et les éjaculations hâtives sont moquées, ridiculisées. Désir, amour, plaisir, reproduction, tout cela semble dérisoire, inutile, et d’autant plus au regard de l’importance que cela revêt aux yeux des masses populaires. « Adolescent, Michel croyait que la souffrance donnait à l’homme une dignité supplémentaire. Il devait maintenant en convenir : il s’était trompé. Ce qui donnait à l’homme une dignité supplémentaire, c’était la télévision. » (p. 111) J’ai déjà lu La carte et le territoire et Soumission : dans ce roman qui est antérieur aux deux ci-dessus, Michel Houellebecq propose une démonstration brillante, mais comme toujours parfaitement déprimante.

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Potins #33

Jack London est un auteur américain né en 1876 et décédé en 1916.

POTIN – Son nom de naissance est John Griffith Chaney.

Lisez : Martin Eden, Croc-Blanc, L’appel de la forêt ou encore Construire un feu.

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Replay

Roman de Ken Grimwood.

Quatrième de couverture – En ce 18 octobre 1988, Jeff Winston se trouve dans son bureau new-yorkais, et écoute sa femme lui répéter au téléphone : « Il nous faut, il nous faut… » Il leur faudrait, bien sûr, un enfant, une maison plus confortable. Mais surtout parler. À cœur ouvert. Sur ce, Jeff meurt d’une crise cardiaque. Il se réveille en 1963, à l’âge de dix-huit ans, dans son ancienne chambre d’université. Va-t-il connaître le même avenir ? Non, car ses souvenirs sont intacts. Il sait qui va gagner le prochain Derby, et ce qu’il en sera d’IBM et d’Apple… De quoi devenir l’homme le plus puissant du monde, jusqu’à… sa deuxième mort, et qu’une troisième, puis une quatrième vie commencent…

La quatrième de couverture étant extrêmement bien faite, je m’en contente avec bonheur. Et je suis en vacances, donc j’ai un peu la flemme. Et puis zut, je fais ce que je veux. Je vous laisse découvrir l’étrange mécanique qui renvoie sans cesse Jeff dans le passé pour recommencer sa vie, riche de l’expérience de toutes les existences qu’il a déjà vécues. J’ai commencé ce roman en pensant que ce serait un simple divertissant, probablement un peu léger et creux. Et j’adore qu’un texte me fasse un pied de nez et me rappelle que les préjugés, c’est pas bien ! L’intrigue est plus complexe que ce que j’attendais, sans théorie farfelue ou explication approximative. Et l’air de ne pas y toucher, ce roman propose une belle réflexion sur le destin, le déterminisme, la fatalité, le libre-arbitre, etc. Bref, une vraie bonne lecture et une vraie bonne surprise.

Si vous n’êtes pas fan des histoires de voyage dans le temps ou des histoires fantastiques, n’ayez pas peur, il n’est pas vraiment question de ça. Replay est surtout le portrait d’un homme à différents âges de différentes vies, et de son rapport à l’Histoire, à l’amour et à la mort. Pas loin d’être métaphysique et spirituel ! Je vous laisse avec quelques extraits pour vous mettre l’eau à la bouche.

« En un sens, il semblait revivre sa vie, la rejouer comme on repasse une cassette vidéo ; pourtant, il n’était apparemment pas soumis à ce qui avait eu lieu auparavant, du moins pas de façon rigide. » (p. 30)

« Cela signifiait que toute l’Histoire humaine, passée et à venir, ne serait qu’un coup d’esbroufe : de faux souvenirs, de faux documents mis en place dans l’intention de tromper l’espoir illusoire d’un monde futur. » (p. 194)

« Jeff mourrait, lui aussi, sans savoir pourquoi il avait vécu. » (p. 296)

« Sa vie dépendait de lui, et de lui seul. Les possibilités étaient infinies et il le savait. » (p. 315)

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Les vies de papier

Roman de Rabih Alameddine.

Aaliya a 72 ans. Depuis 50 ans, cette ancienne libraire de Beyrouth a un rituel : chaque 1er janvier, elle entame la traduction d’un nouveau roman étranger. Elle utilise pour cela les traductions françaises et anglaises – puisqu’elle maîtrise les deux langues – pour produire une traduction en arabe classique. Mais elle ne fait cela que pour elle : c’est un hobby ritualisé très privé. « La littérature dans le monde arabe, en soi, n’est pas une denrée très prisée. La littérature traduite ? La traduction dérivée de traduction ? Pourquoi se donner cette peine ? » (p. 89) Aaliya est la narratrice de ce récit et on ne sait pas vraiment à qui elle s’adresse. Peut-être simplement à qui voudra la lire. Elle raconte un peu de sa jeunesse, son mariage raté, sa belle amitié avec Hannah, et Beyrouth. Surtout Beyrouth, théâtre de son existence et lieu de tant de tragédies. « Beyrouth est l’Elizabeth Taylor des villes : démente, magnifique, vulgaire, croulante, vieillissante et toujours en plein drame. » (p. 75) À grand renfort de citations, elle appuie son propos et illustre le récit fragmenté et décousu de sa vie où le texte, toujours et depuis toujours, est un principe fondateur. « Je me suis depuis bien longtemps abandonnée au plaisir aveugle de l’écrit. La littérature est mon bac à sable. J’y joue, j’y construis mes forts et mes châteaux, j’y passe un temps merveilleux. C’est le monde à l’extérieur de mon bac à sable qui me pose problème. […] Si la littérature est mon bac à sable, alors le monde réel est mon sablier – un sablier qui s’écoule grain par grain. La littérature m’apporte la vie, et la vie me tue. » (p. 10) Outre les livres, il est aussi question de musique classique, de films et de peintures. D’art, en somme, et de curiosité pour le beau. « Je pensais que l’art ferait de moi une personne meilleure, mais je pensais aussi que l’art ferait de moi un être supérieur à vous. » (p. 94) Le roman s’achève sur des livres sauvés de la noyade, en quelque sorte, et par le début d’une nouvelle traduction.

Les vies de papier est un roman charmant, enchanteur à bien des égards, mais qui frôle par moment la mièvrerie, voire le maniérisme. Effet de la traduction ? Peut-être… Le titre français est charmant, mais souffre du même défaut que je reproche au texte en général. Le titre original, An Unnecessary Woman, met mieux l’accent sur le personnage principal et sa complexité, voire ses contradictions. Je retiens surtout de cette lecture le beau portrait d’une vieille dame aux cheveux bleus qui déguste du vin rouge. Et je pense que les lecteurs sont nombreux à s’identifier à Aaliya et à son rapport à la lecture. « Quand je lis un livre, je fais de mon mieux, pas toujours avec succès, pour laisser le mur s’effriter un peu, la barricade qui me sépare du livre. J’essaye d’être impliquée. Je suis Raskolnikov. Je suis K. Je suis Humbert et Lolita. Je suis vous. » (p. 84) Je sors de ce livre avec une longue liste d’envies (à découvrir sur Babelio !), car le roman regorge de références et de titres. C’est là toute la magie de la littérature : ouvrir le champ des possibles et des désirs !

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Le fléau

Roman de Stephen King.

Au cœur de l’été 1990, une procédure tourne mal dans une base militaire américaine et voilà que se répand un virus mortel qui s’adapte à toute vitesse et décime 99,4 % de la population. « Puis il se mit à tousser, une série d’explosions qui catapultèrent hors de sa bouche de longs filets glaireux. » Les rares survivants, d’abord hagards, savent qu’ils doivent se regrouper et aller vers l’est, à la rencontre de Mère Abigaël, une vieille femme qui leur apparaît en songe et qui semble la seule capable de s’opposer à Randall Flagg dont le visage hante les cauchemars de chacun, « le visage d’un homme heureux dans la haine, un visage où rayonnait une chaleur horrible et belle. » Le terrible homme en noir recrute à l’ouest. Rapidement, il devient évident que deux principes vont s’opposer, le bien et le mal. « Des jours terribles attendent, des jours de mort et de terreur, de trahison et de larmes. Et nous ne serons pas tous là pour en voir la fin. »

C’est tout à fait volontairement que je ne donne pas plus de noms de personnages. En quelque 1475 pages, vous vous doutez qu’ils sont une flopée et surtout qu’ils sont nombreux à crever : inutile donc de trop s’y attacher ! Parmi eux, des fous de dieu, fous de feu, fous de peur, fous de pouvoir. « Parfois, j’ai l’impression que la super-grippe nous a peut-être épargnés, mais qu’elle nous a tous rendus dingues. » Dans cet énorme roman, Stephen King propose des portraits très touchants où le manichéisme n’a pas sa place. Les survivants sont des êtres abîmés, déjà marqués par leur passé et encore plus malmenés par le nouvel ordre qui s’installe. Tout est à rebâtir, car l’espoir ne meurt jamais, mais plus rien ne sera comme avant. « Je n’ai plus besoin de faire des cauchemars pour avoir peur. »

C’est avec Le fléau que Stephen King introduit Randall Flagg dans son œuvre, son antagoniste le plus puissant et le plus terrible, le plus terrifiant aussi. Il prend de l’ampleur dans le cycle de La tour sombre et on le retrouve dans Les yeux du dragon. « L’homme noir voyait des choses invisibles pour les yeux humains. Pour lui, tout était lent et rouge, comme si le monde entier était plongé dans un bain de sang. » Comme quoi, il faut toujours prendre au sérieux un nez qui coule et une gorge qui gratte.

Nouvelle participation au défi des 1000 de Fattorius avec les 1475 pages de l’édition numérique de cette lecture !

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Potins #32

Catherine Poulain est une autrice française née en 1960.

POTIN – Pendant 10 ans, elle a exercé le métier de marin pêcheur en Alaska, mais a fini par être expulsée par l’administration américaine pour travail illégal.

Lisez : Le grand marin (qui est largement autobiographique).

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Les hirondelles de Kaboul

Roman de Yasmina Khadra.

« Les terres afghanes ne sont que champs de bataille, arènes et cimetières. Les prières s’émiettent dans la furie des mitrailles, les loups hurlent chaque soir à la mort, et le vent, lorsqu’il se lève, livre la complainte des mendiants au croassement des corbeaux. » (p. 6) Le roman s’ouvre sur la lapidation d’une prostituée et finit par le lynchage d’un homme rendu fou par la beauté d’une femme. Entre les deux, il y a un époux qui tente d’être juste envers la compagne qui l’a sauvé, même si elle n’est plus que l’ombre d’elle-même. Et il y a un autre époux qui perd toute dignité aux yeux de sa femme. Et tout autour, il y a Kaboul et l’Afghanistan, ravagés par la haine et la folie religieuse. « Kaboul est devenue l’antichambre de l’au-delà. Une antichambre obscure où les repères sont falsifiés ; un calvaire pudibond ; une insoutenable latence observée dans la plus stricte intimité. » (p. 12)

Dans ce roman bref, ramassé et dur comme un poing, on croise des hommes au cœur asséché et des femmes effacées sous des kilos de toile. « Hormis celui de son épouse, Atiq n’a pas vu un seul visage de femme depuis plusieurs années. Il a même appris à vivre sans. » (p. 101) Les rares velléités d’opposition résistent mal aux cravaches, à la charia aveugle et à l’injustice établie en système. Comme dans L’attentat et dans La dernière nuit du Raïs, Yasmina Khadra sait donner à voir un pays supplicié et faire entendre les voix de ses victimes.

Je vous laisse avec quelques extraits remarquables.

« Quand on passe ses nuits à veiller des condamnés à mort et ses jours à les livrer au bourreau, on n’attend plus grand-chose du temps vacant. » (p. 17)

« Le seul moyen de lutte qui nous reste, pour refuser l’arbitraire et la barbarie, est de ne pas renoncer à notre éducation. » (p. 57)

« Il n’est pire amour que le regard de l’on échange dans une gare lorsque les deux trains vont chacun de son côté. » (p. 84)

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11 histoires de séduction

Hors-série de l’été 2018 du magazine Le 1, recueil de nouvelles, collectif. Illustrations de Julie Guillem.

Je ne lis pas de magazine. Je suis incapable de me plier à leur fréquence, et mes quelques abonnements se sont accumulés sur une étagère sans que je les ouvre. Et j’ai tellement de livres à lire que j’ai l’impression de les trahir si j’ouvre autre chose. Ne cherchez pas à comprendre, c’est dans ma tête, tout est sous contrôle. Mais la première de couverture a su m’allécher : Philippe Claudel, Carole Martinez, Léonor de Récondo ou encore Lola Lafon. Impossible de résister.

Dans ce livre, vous trouverez :

  • Un procès pour agression dans le métro,
  • Une personne ressurgie d’un passé qui reste obscur,
  • Une séduction méthodique et frénétique grâce à un livre,
  • Un rouge-gorge empaillé offert en menace d’amour,
  • Frida Kahlo, Diego Rivera et André Breton,
  • Un jeune pianiste timoré qui devient un séducteur de haut vol,
  • Une histoire d’amour pas comme dans les films ou les romans,
  • Une violoniste prisonnière de Versailles,
  • L’odieux engrenage judiciaire qui suit un viol conjugal,
  • Un couple adultère qui rêve d’échapper au mari brutal,
  • Un couple interdit entre Alger, Oran et Paris.

Les 11 textes sont ciselés et d’une qualité presque égale, mais tous ne m’ont pas séduite. « Mon objectif est de toucher à la séduction absolue. Je voudrais inventer la phrase qui m’ouvrirait toutes les femmes. Le sésame. » (p. 66) Je n’y peux rien, le style de David Foenkinos me tape sur les nerfs optiques… La nouvelle de Philippe Claudel, qui ouvre ce recueil, m’a beaucoup rappelé l’absurde inexorable qui se met en branle dans son roman L’enquête. « Il est tout de même plus sain de contractualiser le désir et l’amour avant leur émergence. » (p. 15) Se plaçant du point de vue du séduit ou du séducteur, chaque texte parle d’amour, de désir, mais aussi de peur. Car séduire ou être séduit, ça cache bien des angoisses. « Jeu cruel ou hasard miraculeux, la séduction tient ainsi à l’approche du mystère de l’autre, à cette volonté de le dénuder pour en apprécier la vérité. » (p. 7) Et la séduction prend bien des formes : on peut séduire honnêtement, par hasard, en groupe, en traître, sans le vouloir, en le regrettant. « Où se niche la frontière entre le charme et la provocation ? Doit-on défendre, au nom du droit à séduire, la liberté d’importuner ? » (p. 5) Où commence la fiction ? Où s’arrête la réalité, voire l’actualité ? Ce recueil n’est pas un vade-mecum de la séduction, mais en quelque sorte un inventaire à la Prévert que l’on pourrait intituler « Quel séducteur êtes-vous ? »

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Trois jours et une vie

Roman de Pierre Lemaitre.

Deux jours avant Noël 1999, un chien meurt et, conséquence complexe, un petit garçon disparaît. Cela suffit à mettre la petite ville de Beauval sens dessus dessous pour longtemps, et les ravages de la terrible tempête hivernale ne sont presque rien au regard des dégâts causés dans les cœurs et dans les relations de bon voisinage. « On ne pouvait pas continuer de chercher cet enfant, on acceptait sa disparition. S’il s’était perdu et avait été vivant au cours des dernières heures, il ne l’était plus. On en était réduit à espérer qu’il avait été enlevé. » (p. 106) Il y a des rumeurs terribles, des accusations infâmes et des amours de jeunesse qui pourrissent pour longtemps, voire pour toujours, l’existence plate de provinciaux que rien ne destinait à de tels remous. « La ville entière était prise d’un mouvement continu qui la faisait ployer, fléchir, elle menaçait d’être arrachée à elle-même. » (p. 92) Douze ans plus tard, le coupable dont on connaît l’identité dès les premières pages est toujours tourmenté par son crime et le silence qu’il garde depuis si longtemps. « Ce qui épuisait […], ce n’était plus culpabilité, ni la peur d’être confondu, c’était l’attente, l’incertitude. » (p. 139) Pour ceux qui se posent la question, mes […] masquent le nom du coupable : même si l’intrigue ne laisse aucun doute sur son identité, il ne m’appartient pas de vous la donner.  

Après Au revoir là-haut et Couleurs de l’incendie, j’ai retrouvé l’extraordinaire talent de Pierre Lemaitre pour les portraits : avec des détails de rien du tout, il donne une profondeur remarquable à des personnages anodins et crée ainsi un microcosme complet et complexe. « Beauval, c’était un peu ça, une ville où les enfants ressemblaient à leurs parents et attendaient de prendre leur place. » (p. 119) La fin du roman est magistrale : en quelque sorte, elle est tonitruante dans un silence ouaté. C’est une montagne qui s’écroule sans que personne ne l’entende. Bref, c’est un sacré bon bouquin et je suis ravie d’avoir surmonté ma réticence face à Pierre Lemaitre l’auteur de polar pour découvrir son œuvre moins genrée. Mais dans un sens, Trois jours et une vie est un thriller où tout se joue dans l’âme agitée du criminel : le cœur du lecteur manque autant de battements que celui du coupable quand les gendarmes frappent à la porte, tant il est facile de s’attacher à ce personnage.

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Potins #31

Gustave Flaubert est un auteur français né en 1821 et décédé en 1880.

POTIN – Il a été dispensé du service militaire grâce à un tirage au sort favorable.

Lisez : Salammbô, Madame Bovary, La tentation de Saint-Antoine, Trois contes, Dictionnaire des idées reçues.

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Putain de chat – 3

Bande dessinée de Lapuss’.

Moustique est de retour et il a une petite sœur, Grisbi, dont il apprécie plus ou moins la présence : plus s’il peut en faire une machine à dézinguer de l’humain, moins si la demie portion essaie d’empiéter sur son territoire. « Le but, c’est de le rendre cinglé ! Regarde-moi puis ça sera ton tour. » (p. 48) Grisbi prête ses grands beaux yeux à la première de couverture, mais il ne faut pas se méfier de cette innocence qui n’est que de façade… De toute façon, l’important est de toujours connaître son ennemi et d’anticiper son prochain coup !

Le schéma du comic strip fonctionne toujours autant (voir le tome 2) et l’humour reste potache et vachard. Ça me rappelle la façon dont Bowie me parle sur Twitter : une vraie teigne obnubilée par les croquettes ! « Je t’ai fait installer une chatière, alors apprends à l’utiliser, bon sang ! / Tu me prends pour un singe savant ? Ouvre-moi cette putain de porte ! Tout de suite ! » (p. 4) Il y a quelques pages très tristes devant lesquelles tout humain attaché à son animal de compagnie versera une larme ou deux, mais qu’on se le dise, la relève est assurée !

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Acceptation

Roman de Jeff VanderMeer.

Après Annihilation et Autorité, il est temps d’achever la trilogie du Rempart Sud et de tenter une fois pour toutes d’élucider le mystère de la Zone X. « À quoi ressemble la frontière ? Une question puérile. Une question dont la réponse n’a aucune signification. Il n’y a rien à part la frontière. Il n’y a pas de frontière. » (p. 7) Il semble que chaque réponse soulève plus de questions et trouble encore plus la perception. En suivant les pas de Saul Evans, gardien du phare, de Control, dernier directeur du Rempart Sud, d’Oiseau Fantôme, de la biologiste et de la psychologue de la 12e expédition, de Grace, directrice adjointe du Rempart Sud, le lecteur est invité à pénétrer plus avant dans les méandres de l’île, dans les profondeurs de la tour ou vers les hauteurs des phares, et à se plonger dans la luminosité qui émane de la Zone X. Reste à savoir s’il est possible de quitter l’anomalie topographique. « Et s’il n’y avait pas de monde, dehors ? De monde tel que nous le connaissons ? Ou pas de sortie pour aller dans le monde ? » (p. 279)

Je ne peux pas vous promettre que vous trouverez toutes les réponses que vous attendez dans ce tome final. Moi-même, j’ai lu Acceptation avec l’attitude que suggère le titre : paisiblement résignée à ne pas tout comprendre, mais heureuse d’entrapercevoir les merveilles mystérieuses d’un univers complexe et chiffré. Agréablement bercée par les passages entre trois temporalités narratives, j’ai pioché quelques explications dans l’époque qui a tout précédé, d’autres dans les instants qui ont précédé la préparation de la 12e expédition et d’autres encore ailleurs dans le temps. « Elle examina aussi la sensation que ses souvenirs ne lui appartenaient pas, qu’ils lui venaient en seconde main et qu’elle ne pouvait pas trop savoir si c’était le résultat d’une expérience du Rempart Sud ou un effet provoqué par la Zone X. » (p. 27) La trilogie du Rempart Sud est clairement une œuvre qui mérite des relectures attentives et patientes : face à elle, le lecteur doit accepter que sa compréhension soit annihilée, soumise à une autorité omnipotente, jusqu’à accepter que le sens n’est pas le but ultime. « Êtes-vous réel ? / Je ne sais pas ce que ça veut dire. » (p. 118) Il me semble aussi que cette œuvre doit être lue à plusieurs, discutée, partagée, pour que chacun se nourrisse de la compréhension de l’autre et surtout de ses interrogations. Mais attention à ne pas se laisser consumer… « D’autres gens vous donnaient leur lumière, et peut-être avaient-ils l’air d’en perdre, de ne plus être qu’à peine visibles, si personne ne prenait soin d’eux. Parce qu’ils vous en avaient trop donné et qu’il ne leur en restait aucune pour eux. » (p. 51)

Vous trouvez que j’en dis bien peu sur le roman lui-même ? Sachez que vous croiserez à nouveau d’innombrables lapins blancs, mais aussi un hibou majestueux et une petite souris. Et que toujours, toujours, le Rampeur continue d’écrire des mots vivants sur les murs profonds de la tour. « Il y a d’autres frontières à l’intérieur de la Zone X, d’autres épreuves, et tu en as traversé une pour arriver à l’anomalie topographique. » (p. 46) N’hésitez pas, traversez la frontière et osez ne pas tout comprendre !

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Potins #30

Herbjørg Wassmo est une autrice norvégienne née en 1942.

POTIN – Elle vit dans une petite île au nord du Cercle polaire.

Lisez : Le livre de Dina, Fils de la Providence, L’héritage de Karna, Le testament de Dina, Ces instants-là, Mon autre, La trilogie de Tora, Un long chemin, La fugitive, Un verre de lait, s’il vous plaît.

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Le prince des marées

Roman de Pat Conroy.

Tom, Savannah et Luke Wingo ont grandi sur l’île Melrose, dans le comté de Colleton en Caroline du Sud. Entre un père autoritaire et brutal et une mère manipulatrice et amère, les gamins sont devenus adultes et ont gardé au cœur de nombreuses blessures qui saignent encore des années plus tard. Tom est le narrateur de cette triste histoire. Alors que son mariage bat de l’aile, il part passer un été à New York pour aider Savannah qui a une nouvelle fois tenté de mourir. « Je crois aux liens des jumeaux, à l’attache parfaite, surhumaine, entre les jumeaux. » (p. 43) Tom raconte au Dr Lowenstein, qui tente de soigner Savannah, ce qu’a été l’enfance des Wingo, les grands évènements familiaux, entre drame et folie. « Nous sommes une famille aux secrets bien gardés, mais tous finissent presque par nous tuer. » (p. 101) En aidant sa jumelle, c’est lui-même que Tom tente de sauver et de retrouver, pour faire la paix avec l’homme qu’il est devenu, voire devenir celui qui survivra au passé. « J’essaye de comprendre comment je m’y suis pris pour gâcher ma vie. […] Je veux connaître le moment exact où il fut entendu que je mènerai une vie de malheur absolu dans lequel j’engloutirai tous ceux que j’aime. » (p. 27)

Dans le récit de Tom et dans les poèmes de Savannah, l’histoire des Wingo devient mythologie : il y a le père caché par un prêtre allemand dans un clocher pendant la Seconde Guerre mondiale, il y a les enfants nés par une nuit de tempête où la rivière menaçait de tout emporter, il y a le géant assassin obsédé par la beauté de la mère, il y a la grand-mère globe-trotter et libérée. Et il y a tout un bestiaire étrange : des veuves noires en bocal, un marsouin blanc solitaire, un tigre du Bengale antisudiste, une tortue coiffée d’un bonnet de nuit. Mais derrière ces éléments quasi magiques, il y a une réalité dure et étouffante, celles de parents qui n’ont pas su aimer leurs enfants sans les détruire durablement. « Ma vie ne commença réellement qu’à dater du jour où je trouvais en moi la force de pardonner à mon père d’avoir fait de mon enfance une longue marche de la terreur. Passer l’éponge sur un simple larcin est chose aisée, tant que l’objet du délit n’est pas votre enfance. » (p. 293) Mais c’est bien à leur mère que les enfants Wingo en veulent le plus, non pas parce qu’elle n’a pas su les protéger de la tyrannie paternelle, mais parce qu’à sa façon, elle a durablement perverti la vision du monde de trois gamins qui n’aspiraient qu’à une vie simple. « Enfant, je n’eus jamais d’elle une perception limpide ; devenu homme, je ne reçus jamais d’elle un message clair. » (p. 258)

Le prince des marées est un roman monumental durant lequel j’ai plusieurs fois dû reprendre mon souffle. L’histoire est pleine d’une grâce qui est sans cesse entachée par des regains de cruauté. « À l’enfance, il n’y a pas de verdict, seulement des conséquences, le feu brillant de la mémoire. » (p. 79) Sous la plume de Pat Conroy, la phrase d’André Gide prend tout son sens : Famille, je vous hais. Ou ici, je vous haime. (Non, ce n’est pas une faute de frappe) Superbe roman où chaque personnage s’appuie sur les autres pour tenter de sortir la tête de l’eau. Et heureusement, certains y parviennent. Il ne me reste qu’à voir l’adaptation produite par Barbra Streisand en 1991.

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Eova Luciole

Roman de Clara Dupont-Monod.

La belle Théodora élève seule sa fille, Eova Luciole, dans une petite île dans les eaux du Venezuela. L’enfant est exceptionnelle, dotée d’une nature profonde et sensible. « Eova Luciole avait en elle une sorte d’instinct qui lui permettait de distinguer le bien du mal. » (p.28) Mais ce qui stupéfie sa mère et tout le village, c’est que la petite est dotée d’ailes blanches comme celles des anges.

Voilà, je n’en dis pas plus de cette sublime histoire et de ses autres personnages. Avec Gabriel Garcia Marquez en exergue, lui le fondateur du réalisme magique, on sait d’emblée qu’on va plonger dans un univers onirique où il ne faut pas vouloir raisonner. Il faut simplement se laisser porter par une histoire où un rosier peut pousser dans la chevelure d’une femme, où des pluies aux allures de déluge peuvent cerner un village pendant des jours et où une enfant peut s’envoler. Face à la beauté étrange d’une réalité très légèrement dissonante, il ne s’agit pas de croire ou de comprendre, mais seulement d’entendre la poésie qui est tellement nécessaire pour affronter la laideur du monde ou survivre aux douleurs profondes des grandes amours perdues. « C’est cela, le désespoir. […] Quand on a décidé que crier, ce n’était plus nécessaire. » (p. 21 & 22)

Il était temps que je lise enfin le premier roman de cette autrice dont j’apprécie tant l’œuvre. Ce texte est lumineux et mélancoliquement mélodieux, comme la légende qu’une vieille grand-mère raconterait à des mômes aux yeux lourds de sommeil avant de tirer sur eux une couverture douce comme une plume. Une fois encore, je vous recommande les autres textes de Clara Dupont-Monod : Le roi disait que j’étais diable, La folie du roi Marc, Nestor rend les armes, La passion selon Juette. Et je vous conseille vivement de lire son prochain roman, La révolte, à paraître en août et que j’ai eu la chance de lire en avant-première.

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Potins #29

Charles Masson est un dessinateur français né en 1968.

POTIN – Avant de se consacrer à la bande dessinée, il était ORL.

Lisez : Droit du sol.

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Questions de caractère

Recueil de nouvelles de Tom Hanks.

Dans ce livre, vous trouverez :

  • Un couple mal assorti,
  • Un beau réveillon de Noël et des souvenirs de la guerre,
  • Un acteur anonyme en goguette à Paris,
  • Un père et un fils qui se retrouvent pour surfer,
  • De grandes désillusions qui mettent fin à l’enfance,
  • Un voisin peut-être trop envahissant,
  • Un voyage autour de la Lune et des voyages dans le temps,
  • Une jeune actrice qui refait son CV et qui se cherche un nom,
  • Des anniversaires inoubliables à bien des titres,
  • Des articles de gazettes et un scénario,
  • La détermination d’un immigrant à réussir en Amérique,
  • Une partie de bowling miraculeuse.

Des photos de machines à écrire séparent chaque texte. À la fois relique et totem de l’écrivain, ce symbole de plusieurs générations d’auteurs est un monstre sacré et un dieu déchu. L’outil détonne un peu dans notre quotidien ultra moderne, mais il est increvable et, bien que désuet, pas si anachronique que ça. « Je crois qu’elle marche, mais plus personne n’utilise de machines à écrire. » (p. 159) Finalement, la machine à écrire incarne tout un fantasme, comme si posséder l’objet conférait déjà un certain talent et une certaine propension à la création. « Je ne suis pas du genre à taper à la machine en enchaînant whiskys et cigarettes. J’ai juste envie de coucher sur le papier quelques vérités que j’ai apprises. » (p. 164)

D’une nouvelle à l’autre, on oscille sans cesse entre le terrible et le très beau, plongés que nous sommes dans un monde doux-amer et confrontés à des catastrophes minuscules et aux inévitables bouleversements de l’existence. Tom Hanks injecte beaucoup d’humour et de joliesse dans ses textes finement ciselés, sans chute fracassante, mais pleins d’un mouvement qui donne simplement envie de continuer à vivre. Dans l’auteur, je retrouve ce que j’apprécie tellement chez l’acteur : une humanité débordante, une bienveillance évidente, une beauté qui n’a pas besoin des canons pour séduire.

Je vous laisse avec quelques extraits qui vous donneront un aperçu de l’humour tendre que pratique l’auteur.

« Soit j’étais l’homme le plus chanceux du monde, soit on me prenait pour une poire. Après qu’Anna m’eut laissé plonger moi aussi la main dans son pantalon, je n’étais toujours sûr de rien. » (p. 13)

« Il est venu nous offrir un jambon en tongs. C’est lui qui était en tongs, pas le jambon. » (p. 89)

« Décevoir ses parents, c’est la première chose à faire quand on arrive à New York. » (p. 130)

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L’ordre du jour

Roman d’Éric Vuillard.

Un 20 février du siècle dernier, ils étaient 24 industriels et autres magnats de la finance à se rendre au Reichstag pour rencontrer le jeune et dynamique chancelier Adolf Hitler. « Le fond du propos se résumait à ceci : il fallait en finir avec un régime faible, éloigner la menace communiste, supprimer les syndicats et permettre à chaque patron d’être un Führer dans son entreprise. » (p. 15) Après la rencontre, les patrons d’Opel, Krupp, Allianz, Siemens ou encore Bayer ont tous mis la main au portefeuille pour soutenir le parti nazi et ses ambitions, martiales dans la forme si ce n’est de nom. Pendant ce temps, le reste de l’Europe refuse de prendre au sérieux la menace. Alors, on sourit dans les ambassades, on sourit dans les dîners et on sourit dans les journaux. La guerre semble inévitable, mais dans un sens, le monde ferme les yeux. Et Hitler en profite : il impose ses exigences délirantes à l’Autriche, puis aux Sudètes. « Les plus grandes catastrophes s’annoncent souvent à petits pas. » (p.50)

80 ans plus tard, qu’en retient l’Histoire ? Que de grandes entreprises ont employé, plus ou moins sans le savoir, des prisonniers des camps de concentration. « La guerre avait été rentable. » (p. 88) Que les Juifs, même longtemps après, sont encore et toujours accusés d’avoir coûté trop cher. Que la mémoire est oublieuse, en dépit des injonctions à se souvenir. « L’Histoire est là, déesse raisonnable, statue figée au milieu de la place des Fêtes, avec pour tribut, une fois l’an, des gerbes séchées de pivoines, et, en guise de pourboire, chaque jour, du pain pour les oiseaux. » (p. 91) C’est avec cynisme et amertume que le narrateur revient sur les évènements administratifs et mondains qui ont précédé la Deuxième Guerre mondiale, et sur l’alarme vociférante qu’ils lançaient et auxquels la vieille Europe est restée sourde. « Ne croyons pas que tout cela appartienne à un lointain passé. » (p. 89)

On sent chez Éric Vuillard une profonde compréhension du langage cinématographique – normal puisqu’il est cinéaste et scénariste – et chaque description a la précision d’un plan séquence. Comme dans les tragédies antiques, l’engrenage est parfaitement huilé et inexorable. Fatal à tous les titres. Bien que l’on connaisse l’issue, on voudrait que quelqu’un intervienne, qu’une voix s’élève et que tout soit évité. Mais la fatalité gagne à tous les coups.

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Potins #28

Clara Dupont-Monod est un autrice et journaliste française née en 1973.

POTIN – Passionnée par le Moyen Âge, elle ne supporte pas que l’adjectif « moyennageux » soit utilisé en synonyme de « barbare » ou « réactionnaire ». Et je partage cette position !

Lisez : La passion selon Juette, La folie du roi Marc, Le roi disait que j’étais diable, La révolte, Eova Luciole, Nestor rend les armes, S’adapter, La confrontation.

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Dark Matter

Roman de Blake Crouch.

« J’ai fait quelque chose qui a provoqué cette situation. » (p. 15) Ancien physicien atomiste prometteur, Jason est devenu professeur de physique dans une faculté de seconde zone. Marié et père, il est heureux, mais ne peut pas s’empêcher de se demander comment aurait tourné sa vie s’il avait pris d’autres décisions. D’étranges et violents évènements lui apportent des réponses à ce questionnement : le voilà dans un monde où il n’est pas marié à Daniela et où leur fils Charlie n’existe pas, mais où il est un scientifique reconnu qui a concrétisé une des énigmes de la physique quantique. « Je sais que vous me prenez pour un dingue, mais je n’ai pas de tumeur au cerveau, ce n’est pas un canular, et je ne suis pas fou. » (p. 74) Pour retrouver son monde, Jason est prêt à tout. Si vous connaissez la (vieille) série Sliders, vous connaissez la suite. « S’il existe une infinité de mondes, comment retrouver celui qui m’appartient à moi seul ? » (p. 155)

Blake Crouch est l’auteur de Wayward Pines, trilogie adaptée en série dont j’avais beaucoup apprécié les premiers épisodes, mais pas du tout les derniers. Même constat avec ce roman : il y a une idée de départ géniale, vraiment exceptionnelle, mais elle perd rapidement en intensité et tout devient convenu et prévisible. Ajoutez à cela un style plat et médiocre, ça n’aide pas à achever la lecture. « Les huit dernières heures de ma vie n’ont aucun sens. Tout paraît réel, mais… ce n’est pas possible. » (p. 50) Cependant, je suis allée jusqu’au bout parce que, 60 pages avant la fin, il y a un nouvel élément intriguant qui relance un peu l’intérêt. La conclusion est plutôt bonne, mais assez mièvre. Le livre fait l’objet d’un projet de film : reste à savoir si j’ai envie de m’infliger l’adaptation passée à la moulinette d’Hollywood d’un roman à la qualité assez moyenne.

« La théorie du multivers en mécanique quantique part du principe que toutes les réalités possibles existent. Que tout ce qui a une probabilité de se produire se produit. Tout ce qui aurait pu arriver dans notre passé est arrivé, mais dans un autre univers. » (p. 101) Si la théorie des cordes, la superposition quantique et la matière noire ne vous passionnent pas, passez votre chemin. Le roman n’en donne qu’une approche très sommaire, et le pauvre chat de Schrödinger en prend une nouvelle fois plein la tronche. Néanmoins, il y a un point intéressant dans le roman, c’est la réflexion sur l’identité et le fil de l’existence. « Je peux maintenant oublier la piqûre permanente des regrets dans mon existence. Les chemins dont je me suis détourné ne sont pas l’inverse de ce que je suis devenu. » (p. 163) Ça fait un peu réfléchir sur les choix et les renoncements, mais aussi sur le libre arbitre, l’autodétermination, la destinée, etc. Mais surtout, ça interroge sur le fait d’être ou non le maître d’une histoire dont nous sommes le héros. « Nous valons plus que la somme de nos parties. Les voies dont nous nous sommes détournés constituent elles aussi notre identité. » (p. 231) Sauf que – sans doute aurais-je dû commencer par ça –, toute l’intrigue du roman repose selon sur une incohérence majeure que je m’abstiens de détailler pour préserver l’intérêt du livre à ceux qui voudraient l’ouvrir. Je suis peut-être trop cartésienne (en fait, non, pas du tout), mais je sais que comme les voyages dans le temps, les voyages entre des réalités superposées/simultanées/parallèles sont un sujet vraiment casse-gueule. Et quand l’auteur se prend les pieds dans le tapis en page 40, les 190 pages restantes sont bien difficiles à avaler.

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Pastorale américaine

Roman de Philip Roth.

Quatrième de couverture : Après trente-six ans, Zuckerman l’écrivain retrouve Seymour Levov, dit « le Suédois », l’athlète fétiche de son lycée de Newark. Toujours aussi splendide, Levov l’invincible, le généreux, l’idole des années de guerre, le petit-fils d’immigrés juifs devenu un Américain plus vrai que nature. Le Suédois a réussi sa vie, faisant prospérer la ganterie paternelle, épousant la très irlandaise Miss New Jersey 1949, régnant loin de la ville sur une vieille demeure de pierre encadrée d’érables centenaires : la pastorale américaine. Mais la photo est incomplète, car, hors champ, il y a Merry, la fille rebelle. Et avec elle surgit dans cet enclos idyllique le spectre d’une autre Amérique, en pleine convulsion, celle des années soixante, de sainte Angela Davis, des rues de Newark à feu et à sang…

J’ai abandonné page 170/450, lassée par les répétitions et les ressassements. On comprend très vite que le bonheur idéal que s’était construit Seymour Levov a été pulvérisé par l’acte impardonnable de sa fille. C’est répété jusqu’à la nausée et j’avais le sentiment que le roman ne progressait pas. Dommage, car j’avais vraiment envie de pousser plus avant la découverte d’une Amérique en proie à une schizophrénie inévitable et quasi fondatrice. « Voilà sa fille qui l’exile de sa pastorale américaine tant désirée pour le précipiter dans un univers hostile qui en est le parfait contraire, dans la fureur, la violence, le désespoir d’un chaos infernal qui n’appartient qu’à l’Amérique. » (p. 89)

En cours de lecture, j’ai compris que Nathan Zuckerman est un héros récurrent de l’œuvre de Philip Roth : pas très malin de ma part de commencer avec le sixième volume où il est question de lui. J’ai cependant éprouvé plus d’empathie pour ce narrateur que pour le Suédois, agaçant de perfection. « Son naturel était un talent. Incarnation d’une force étrange, irrésistible, il avait pourtant conservé une voix et un sourire exempts du moindre soupçon de condescendance. » (p. 23) Au travers de Nathan, l’auteur s’interroge sur le vieillissement et la possibilité de se connaître vraiment. Le long épisode consacré à la réunion d’anciens élèves, 45 ans après leur diplomation, est un mélange d’humour amer et de désillusion. Chacun relit ses souvenirs, les confronte à ceux des autres, les corrige et tente de les réintégrer à sa propre histoire. « Même à moitié inconscient, j’étais une biographie en mouvement, une mémoire jusqu’à la moelle des os. » (p. 49)

Bref, ma première rencontre avec Philip Roth est ratée. À tout hasard, je regarderai la récente adaptation cinématographique de ce livre.

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Potins #27

Stephen King est un auteur américain né en 1947.

POTIN – Il a une petite chienne adorable, Molly, qu’il surnomme « The Thing of Evil » (La chose du mal).

Lisez : TOUS SES LIVRES !!! (Mêmes les moins bons !)

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Frappe-toi le cœur

Roman d’Amélie Nothomb.

« Quelle sottise de mettre des mots sur son espérance, à plus forte raison des mots aussi mesquins ? Marie ne nommait pas son attente, elle en savourait l’infini. » (p. 4) Malheureusement pour elle, Marie tombe enceinte alors qu’elle aurait encore voulu savourer sa jeunesse. Conséquence terrible : elle n’aime pas sa fille, l’adorable Diane. Et c’est d’autant plus douloureux pour l’enfant qui voit que sa mère aime son petit frère et sa petite sœur. Sans se l’avouer vraiment, Marie blâme son aînée pour tout ce dont elle l’a privée. « Elle est maladivement jalouse de sa fille. C’est ça qui l’empoisonne. » (p. 14) Pour se protéger, Diane multiplie les mécanismes de défense et d’évitement, jusqu’à s’éloigner durablement de sa famille et surtout de sa mère.

Comment grandir quand on est privé de l’amour de celle qui compte le plus au monde ? Amélie Nothomb interroge les relations mères/filles toxiques, soit par manque d’amour, soit par excès de sentiment. Face à deux exemples de familles dysfonctionnelles, Diane tente de sauver l’enfant qu’elle était et de surmonter la trahison des femmes qu’elle aime et en qui elle place tant d’espoir et d’attente. Aiguisé comme une lame, ce roman va fouiller loin dans le cœur et dans les souvenirs d’enfance. Un peu honteusement (même si je n’y peux rien), je peux me rengorger d’avoir eu une enfance normale, entre des parents qui ont su aimer également et profondément leurs quatre enfants. Et j’ai beau avoir autour de moi des exemples d’enfants mal aimés ou détestés par leur mère, cet échec de l’affection reste pour moi un mystère. Un grand bravo à Amélie Nothomb d’avoir réussi à me faire soulever un coin de ce triste rideau.

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Alex

Roman de Pierre Lemaitre.

Alex est jeune et jolie. Elle attire les regards et suscite le désir. Mais elle ne s’attendait pas à être enlevée par un homme qui lui parle à peine et l’enferme dans une petite cage en hauteur. « Quand on traite une femme de sale pute, c’est qu’on veut la tuer, non ? »  (p. 55) Combien de temps faut-il pour mourir dans de telles conditions ? L’enquête pour la retrouver piétine, mais quand elle aboutit, il est trop tard : Alex a disparu. S’ouvre alors une nouvelle enquête d’une autre ampleur : Alex est-elle vraiment une victime ? Est-ce un monstre ou un innocent qui était suspendu dans la cage ?

Le sens du récit, le talent de raconter une histoire, Pierre Lemaitre les maîtrise. Ici, il développe une horreur croissante où le sordide rivalise avec l’indicible. Et les rats, putaing, les rats… JE HAIS LES RATS ! Cependant, le thriller n’est pas et ne sera jamais ma tasse de thé. Le sensationnalisme de ce genre m’agace beaucoup. Je préfère de loin les romans plus classiques de l’auteur, Au revoir là-haut et Couleurs de l’incendie, que je vous recommande sans hésiter.

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Harry Potter – À la découverte de l’histoire de la magie

Ouvrage collectif.

À l’occasion des 20 ans de la parution du premier tome des aventures du jeune sorcier à lunettes rondes, la British Library a organisé une exposition autour de l’œuvre de J. K. Rowling et de la magie en général. En examinant et en croisant de très nombreux documents historiques de toutes les époques et de toutes les civilisations, on découvre les sources d’inspiration de la créatrice du monde d’Harry Potter. Saviez-vous que Nicolas Flamel a vraiment existé ? Qu’on trouve vraiment des bézoards dans les estomacs des chèvres ? Ce livre est aussi une invitation à pratiquer la magie : recettes de potion, tours et incantations, lecture des lignes de la main ou des cartes, tout est là pour vous donner les bases de l’éducation du sorcier. Mais je ne vous garantis pas que vous obtiendrez votre BUSE avec ces quelques activités bien innocentes.

L’ouvrage est clairement ce que j’appelle un beau livre : couverture richement colorée et lumineuse, format atypique, pages épaisses, contenu iconographique passionnant et références bibliographiques et muséographiques à ne plus savoir où donner de la tête. Les chapitres correspondent chacun aux matières enseignées à Poudlard : lutte contre les forces du mal, divination, botanique, etc. C’est avec un plaisir immense que j’ai retrouvé de très nombreuses illustrations de Jim Kay qui met en image les 7 tomes des aventures d’Harry Potter dans des ouvrages grand format absolument superbes.

En revanche, j’ai découvert avec surprise que J. K. Rowling utilise avec talent le crayon pour autre chose que pour écrire : en témoignent tous les croquis, plans et portraits qu’elle a dessinés. Preuve qu’elle a su décrire ce qu’elle avait en tête, c’est que les traits qu’elle donne à ses héros sont ceux que j’imaginais grosso modo avant que les acteurs des films superposent leur bobine à celle des personnages de papier. « Quand je planifie une histoire, plein d’idées me viennent en même temps : j’essaye de retenir les meilleures et de les noter. Mes carnets sont remplis de flèches et de triples astérisques qui signifient que je dois sauter quatre pages pour dépasser les idées griffonnées à la hâte vingt minutes plus tôt et reprendre le fil de l’histoire. » (p. 113)

Ce livre magnifique me permet de patienter un peu jusqu’à la sortie au cinéma de la suite des aventures de Newt Scamander et des Animaux fantastiques 2. Il est évidemment question des films, de la pièce de théâtre et des autres livres tirés du premier arc narratif. Je doute de me lasser un jour de cet univers magique. Sans être une Potterhead capable de citer les noms de tous les personnages alphabétiquement, je me plais à découvrir sans cesse de nouveaux détails dans les textes que j’ai lus et les films que je commence à bien connaître.

Si vous voulez poursuivre votre découverte du monde exceptionnel imaginé par J. K. Rowling, je vous conseille ces quelques lectures.

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Potins #26

J. K. Rowling est une autrice britannique née en 1965.

POTIN – Les aventures du petit sorcier qu’elle a inventé ont été traduites en plus de 80 langues.

Lisez : Le cycle d’Harry Potter, évidemment.

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Nous rêvions juste de liberté

Roman d’Henri Loevenbruck.

Hugo a grandi dans une misère affective profonde, au sein d’une famille peu aimante, et marqué par la mort de sa petite sœur. Quand il rencontre Freddy, Oscar et Alex, il se découvre une vraie famille où les amis sont des frères. « T’es un des nôtres, maintenant. On sera toujours là pour amortir la chute, mon pote. / On ne m’avait jamais rien dit d’aussi doux. » (p. 32) Les quatre gamins sont tous révoltés et bouillonnants d’énergie et glissent lentement vers la délinquance juvénile, jusqu’à devenir de vrais voyous. À mesure qu’ils franchissent les limites de la loi, qu’ils fument et boivent plus que de raison et qu’ils bouffent des kilomètres de bitume sur leurs bécanes, ils forment un groupe férocement soudé répondant à un code d’honneur très particulier. « C’était chouette d’être tous les quatre, de traverser la ville ensemble comme une armée qui partait au combat pour rendre justice. » (p. 79) Hélas, tout dérape : un des gamins frôle la mort, tous sont envoyés en maison de correction et quand ils en sortent, tout a changé. Les rêves de liberté s’effilochent et il faut grandir. Mais Hugo s’y refuse et fonde le club de moto de Providence, suivi d’anciens amis et rejoint par de nouveaux frères. La liberté semble alors si proche, si réelle. « Mon petit bonheur simple, c’était de vivre et de rouler avec cette belle bande de voyous dont personne d’autre voulait. » (p. 216) Hélas, dès l’incipit, on sait que quelque chose a mal tourné puisque la justice s’en est mêlée.

Ce récit d’écorché vif m’a terriblement rappelé la géniale série Sons of Anarchy (surtout combien elle me manque et combien j’ai hâte que paraisse le spin-off Mayans MC) : j’y ai retrouvé l’ambiance des motorclubs telle que dépeinte dans la série et le caractère follement séduisant des bikers paumés (KIM COATES FOREVER !!!). « La vie, les gens, tous essaient de t’empêcher d’être libre. La liberté, c’est un boulot de tous les jours. Un boulot à temps plein. » (p. 243) Malheureusement, gros bémol tout au long de ma lecture : selon moi, la forme orale du récit d’Hugo sonne faux, comme si l’auteur imaginait la façon dont un jeune voyou pourrait s’exprimer, sans avoir vraiment discuté avec l’un d’eux. Ce langage qui mélange style courant, vulgarité et quelques envolées lyriques ne m’a pas convaincue, et ça a grandement freiné mon enthousiasme pour ce roman dont l’intrigue est cependant très belle, poignante et bouleversante. « J’ai pas envie de tourner la page, j’ai envie de la déchirer. » (p. 292)

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Le journal de Gurty – Vacances en Provence

Roman de Bertrand Santini.

Gurty est aussi heureuse qu’un petit chien peut l’être : c’est enfin l’heure des vacances en Provence avec son humain Gaspard. Elle retrouve son amie Fleur et son ennemi juré, le chat Jean-Jacques, aussi appelé Tête de Fesses. Mais de toute façon, tout le monde le sait, « les chats ne sont pas des gens normaux. » (p. 31) Gurty court après les écureuils, respire les bonnes odeurs de crotte de la nature, voire se roule dedans, et chipe le poulet rôti du dimanche.

Le petit héros poilu de ce roman jeunesse est drôle, touchant et attachant. Il se moque un peu des humains qui donnent parfois des surnoms vraiment couillons à leurs compagnons et il énonce avec sagesse une vérité lucide contre les animaleries. « Il faut se méfier des marchands d’animaux. Ce sont des menteurs. Par exemple, ils prétendent aimer les bêtes, mais c’est pas vrai car on ne vend jamais quelque chose qu’on aime pour de vrai. » (p. 23) Le roman se découpe comme un vrai journal intime, avec des chapitres correspondant à la succession des jours, mais il faut savoir que le calendrier canin a une drôle façon de mesurer le temps qui passe et qu’il rend hommage à des saints qui ont du chien ! Le texte s’achève sur quelques pages de jeux aux allures de cahier de vacances pour inviter l’enfant à repenser à sa lecture et à continuer à s’amuser. À mettre entre toutes les jeunes mains qui aiment les chiens et/ou qui rêvent de vacances !

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Potins #25

Jasper Fforde est un auteur britannique né en 1961.

POTIN – Il a longtemps travaillé dans le cinéma.

Lisez : Les aventures de Thursday Next.

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Le mystérieux Mr Kidder

Roman de Joyce Carol Oates.

L’été de ses 16 ans, Katya garde les enfants de la riche famille Engelhardt à Bayhead Harbor. Sa rencontre avec le vieux et élégant Mr Kidder marque un tournant dans sa jeune existence. Elle trouve auprès du mystérieux vieillard de quoi étancher son besoin d’être vue et reconnue, son désir de susciter l’intérêt et de plaire. « Car Katya avait cette faiblesse : elle voulait désespérément être aimée, même par les personnes qui lui déplaisaient. » (p. 119) Tout cela la change furieusement de son quotidien entre un père absent et une mère alcoolique et accro au jeu. L’attention que lui porte Mr Kidder est délicieuse, également gênante et souvent dérangeante, mais Katya ne peut plus s’en passer. « Ce fut alors qu’elle commença à penser souvent à lui. D’abord avec amusement, même avec dérision, puis avec une intensité de sentiment inexplicable. » (p. 77) Pour plaire au vieil homme, Katya accepte de poser pour qu’il fasse son portrait. Au fil des séances et des échanges, elle comprend enfin ce que Mr Kidder attend d’elle, en quoi consiste la fameuse mission qu’il veut lui confier. « Aucun baiser ne s’oublie ; il demeure dans le souvenir comme dans la chair. » (p. 111)

Il serait réducteur de comparer Katya a Lolita, même si les similitudes sont nombreuses. L’adolescente sait qu’elle détient un pouvoir considérable sur Mr Kidder, mais elle n’en abuse pas, sans cesse effrayée par ce qu’il pourrait entraîner. Son besoin profond n’est pas vénal, mais sentimental. « Elle éprouvait le désir d’être embrassée, enlacée et embrassée, d’être aimée et protégée. Car il n’y a aucune peur aussi primitive que celle de ne pas être aimée, de ne pas être protégée. » (p. 132) Elle est finalement telle qu’elle est décrite dans le titre original : A Fair Maiden. En anglais, l’adjectif fair a plusieurs sens : blonde, belle, honnête. Tout cela, Katya l’est et le reste, en dépit de quelques écarts de conduite. De la relation trouble et troublante qui unit cette très jeune fille et ce vieil homme naît une conclusion sublimée et purifiée de tout vice. Le mystérieux Mr Kidder se situe au croisement du conte de fées, du conte macabre et du conte initiatique. Plus court que d’autres romans très denses de l’autrice, il offre les portraits délicats de deux personnes isolées qui unissent leur solitude en un mélange de tendresse et de soumission/domination où le pouvoir change sans cesse de main.

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