Billevesée #277

La rumeur veut que la toute première coupe de champagne a été moulée sur le sein de la marquise de Pompadour.

Est-ce vrai ?

Je m’en fous un peu, en fait. Je n’aime pas le champagne.

Hem… et les flûtes à champagne, elles sont moulées sur quel modèle ? (Faut vraiment que j’arrête avec les blagues douteuses !!!)

Alors, billevesée ?

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Les échos du silence

Texte de Sylvie Germain.

Le monde va mal. Depuis des millénaires, l’homme agonise entre guerres et génocides. Il crie vers le Seigneur, mais rarement, très rarement, ce dernier répond. « Comment pourraient-ils savoir où va la gloire de Dieu quand la pitié de celui-ci ne s’est jamais manifestée à eux aux heures les plus vides et esseulées de leur souffrance ? » (p. 18) De ce silence étourdissant, l’homme tire diverses conclusions. Soit qu’il n’est pas digne d’entendre la parole de Dieu. Soit que Dieu ne se préoccupe pas de lui. Soit que Dieu n’a pas les moyens de lui répondre favorablement. Soit que Dieu n’existe pas. « Ça suffit, ce silence a tant duré qu’il ne peut qu’être la preuve de l’inexistence de Dieu – la signature acide du néant. » (p. 21) Comme Job qui crie au désert, révolté et injuste dans ses adresses au Dieu muet, l’homme exige des réponses et des preuves au lieu de se laisser envahir par le silence qui est le témoignage absolu de l’amour du Seigneur.

Oser le silence, c’est oser la foi la plus pure. Accepter que le silence est à la fois la réponse et le message demande du courage, mais c’est ainsi que l’homme peut vraiment approcher Dieu. « Se risquer dans une voie qui consent au silence sans le sommer de se briser ; sans le clore sous vide définitif. Une voie de pure errance dans le désert en expansion dans ce silence même. » (p. 26) C’est dans un murmure que Dieu est le plus loquace. S’il se tait, c’est qu’il s’est retiré du monde qu’il a créé, qu’il l’a confié aux hommes et n’attend désormais que leur amour. Pas leur reconnaissance ou leur gratitude : seulement leur amour, sans déclaration enflammée, ni hauts faits d’armes. L’amour vrai se niche dans le silence. « C’est pourquoi, alors même que son Verbe s’est incarné et exprimé à voix d’homme vivant temporel, à voix d’homme souffrant, Dieu continue à s’évaser en silence tout autour de ce Verbe fait chair. » (p. 63) Finalement, quand les hommes se désespèrent d’entendre Dieu, c’est Dieu qui les écoute, non pas mutique, mais muet par amour. Et son silence dit beaucoup à celui qui prête l’oreille du cœur et de la foi, sans impatience ni exigence. « C’est pourquoi il faut indéfiniment se remettre à l’écoute du silence de Dieu, envers et malgré tout. » (p. 98)

Moins de cent pages d’une beauté profonde, d’une prose presque poétique et affolante, d’une voix vibrante, d’un message puissant. Moins de cent pages qui appellent au silence, à la méditation, à la contemplation, au voyage intérieur et spirituel. Moins de cent pages légères comme un soupir et fortes comme un coup de tonnerre. Nourrie d’extraits de la Bible, de poésies de Paul Celan, de textes de Simone Weil, d’Etty Hillesum, de William Shakespeare et de Thérèse de Lisieux, cette réflexion n’assène aucune réponse. Elle tente une interprétation du silence millénaire de Dieu. Sylvie Germain ne lit pas entre les lignes, mais entre les non-dits qui ne sont pas un refus de communiquer, mais une invitation à croire, à aimer et à progresser sur le chemin de la foi.

Je suis une nouvelle fois éblouie par la façon dont Sylvie Germain parle de la Bible et par la façon dont elle propose de la vivre aujourd’hui. Déjà, avec Mourir un peu, elle m’avait donné l’impression d’être une nouvelle figure parmi les pères de l’Église. Sentiment renouvelé ici avec cet appel au silence, à l’oraison intérieure et au cri d’amour muet. La dédicace aux sept moines de Notre-Dame de l’Atlas est appropriée et résonne longuement. J’ai récemment vu le film Des dieux et des hommes : la beauté et la valeur du silence ne sauraient être rompues par les cris de haine, seulement renforcées et rehaussées de gloire.

Quelques passages à lire et méditer pour finir.

« La terre, le vent, le ciel, les fleuves et les mers sont de vastes tombeaux où mugit la clameur d’un peuple indénombrable d’Abel inconsolés. Le peuple de Dieu unique. Et ce Dieu fait silence. Comment alors, sur fond d’un tel silence assourdissant les victimes peuvent-elles entendre ces Reproches adressés par Dieu à son peuple ? » (p. 17)

« Le psaume du silence, composé d’une multitude de mots de pourpre : sang et sueur de sang, et larmes de sang des victimes innombrables, ces roses de Rien, de Personne qui sans fin jonchent notre mémoire, écorchent notre conscience. » (p. 52)

« Car si sa toute-puissance le plaçait au premier rang des accusés, sa toute-impuissance ne vaut gère mieux qui le déclasse au dernier rang des incapables. » (p. 57)

« Ainsi font les humains résolument sourds au silence de Dieu et qui n’ont d’ouïe que pour les chants des sirènes, les beuglements des veaux d’or et les vociférations des petits dieux ventriloques. […] Pour tous ceux-là le silence de Dieu est une évidence, nullement une question ; une bonne aubaine, non un tourment. » (p. 64)

« Mais que peut-il bien écouter, Dieu, puisque rien ne se dit ? L’écho de son silence en l’homme, peut-être, l’accueil fait par l’homme à son souffle presque imperceptible. Dieu écoute Dieu du fond sans fond de son propre silence, dans l’obscure rumeur du sang des humains. » (p. 88)

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Rêves et cauchemars – Tome 2

Recueil de nouvelles de Stephen King.

  • Une femme incapable de prendre des décisions se révèle décisive lors d’une invasion zombie.
  • Une pluie de crapauds tombe tous les sept ans.
  • Un vieil homme apprend à son petit-fils à comprendre et à chevaucher le temps.
  • Il y a des coups de téléphone qu’il faudrait vraiment prendre au sérieux.
  • Ne pas arrêter de fumer peut vous ouvrir les yeux, mais pour ce qui est de vous sauver la vie…
  • Des touristes américains vont regretter leur voyage en Europe.
  • Du métal pousse dans une maison qui se transforme en machine.
  • Il y a un magot à récupérer, mais il faut d’abord reconstituer une carte en quatre morceaux.
  • Le Dr Watson résout une énigme avant Sherlock Holmes.
  • Un personnage rencontre son auteur et perd son univers.
  • Les plus petites choses ont plus de valeur que les grandes fortunes, quand on est reconnaissant de ce que l’on a.

La qualité des intrigues est inégale, mais le plaisir est au rendez-vous avec les pastiches de Lovecraft ou de Conan Doyle. Stephen King a un talent immense pour construire des histoires, même les plus anodines. J’ai particulièrement apprécié celle où le grand-père parle du passage du temps. Comme dans le premier volume, on trouve des personnages qui mettent les pieds là où il ne faut pas, qui se fourrent dans des situations inextricables et qui plongent tête la première dans un trou béant d’horreur. « C’est comme un cauchemar qu’on chercherait à oublier à son réveil, mais qui ne veut pas disparaître, comme le font presque tous les rêves ; au contraire, il reste là, il s’accroche… » (p. 272) Pas grand-chose à dire sur ces nouvelles sinon qu’elles m’ont fait passer de bons moments, entre d’autres lectures. C’est tout l’avantage des recueils : on les poursuit quand on veut, sans risque de perdre le fil !

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Une mère

Roman d’Alejandro Palomas.

Pour le réveillon du 31 décembre, Amalia se réjouit de réunir son fils Fernando et ses filles Sylvia et Emma. Il y aura aussi Olga, la compagne d’Emma, et Eduardo, le frère d’Amalia. Et aussi un septième couvert pour tous les absents. Amalia, récemment divorcée, maladroite et handicapée par une mauvaise vue, n’en est pas moins vive, épanouie et étrangement lucide. « J’ai la sensation que nous allons avoir plus d’une surprise, ce soir. » (p. 31) Autour de la table, ils sont tous très différents et ils semblent même irréconciliables. Et pourtant, au cours de la dernière soirée de l’année, bien des choses seront dites pour expliquer, absoudre et comprendre. « Pourquoi, dans cette famille, on ne dit jamais les choses vraiment importantes ? » (p. 37) Ce réveillon mal engagé est finalement l’occasion de faire table rase du passé pour accueillir l’avenir d’un pied plus ferme.

Ils sont tous un peu frappadingues : ni méchants, ni innocents, ils sont tous marqués par la vie et font face de leur mieux. Dans cette famille, il y a peu d’amours heureuses et durables. Chacun fait face à sa solitude et tente de guérir des plaies qu’il porte au cœur, tout en suivant une trajectoire plus ou moins douloureuse. Apprendre à pardonner et à se pardonner, à accepter l’autre tel qu’il est, ça demande une force que seule une mère peut apprendre et transmettre. Amalia est la colonne vertébrale de cette famille d’éclopés du cœur. Comme le dit la première de couverture, il y a du Almodovar là-dedans, entre scènes déjantées et émotions profondes. L’amour est souvent mal dit, en dépit des liens très forts qui unissent les membres de cette famille : chacun sait cependant pouvoir trouver un soutien auprès des siens. Et de l’aide au sauvetage, il n’y a qu’un pas que tous sont prêts à franchir d’un bond. « Je viens chaque année avec le désir secret que vous me demandiez de rester, parce que je n’ose pas vous demander si je vous manque. Par peur de la réponse. » (p. 285) Les chers absents sont toujours là, pour peu qu’on ne leur laisse que la place qu’ils méritent et pas davantage.

La narration se partage entre la soirée du réveillon proprement dite et de nombreux épisodes du passé qui expliquent la trajectoire et les décisions des protagonistes. Les personnages les plus insupportables deviennent alors très attachants et il est impossible de ne pas développer une douce compassion envers cette famille qui, comme toutes les familles du monde, a connu son lot de joies et de malheurs. « Quelques lueurs et beaucoup de zones d’ombre. Une expression qui nous est chère, dans la famille. » (p. 26) Les trois enfants sont adultes, mais ils se posent toujours de nombreuses questions sur leur père et leur mère, tandis que cette dernière s’émancipe sous l’œil un peu réprobateur de ses rejetons. Tous doivent trouver un nouveau mode de relation, une nouvelle façon d’être mère, fils, fille, frère et sœur. Ce n’est pas simple de refonder sa propre famille. « Je te dirai que j’aime m’asseoir ici, à cette table, et constater qu’il reste encore quelqu’un qui m’attend tous les ans malgré les années. Que ça m’aide à vivre, à continuer, parce que depuis la mort de grand-père et de grand-mère, je n’ai jamais pu me faire à l’état d’orphelin et je crains que ce soit un peu tard pour apprendre. » (p. 284)

Ce premier roman est une belle réussite, très touchant et intelligent. Il interroge sur les relations familiales, sans juger ni imposer une vision catégorique. Chaque famille est heureuse à sa façon et il serait vain de vouloir appliquer une unique recette du bonheur.

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Billevesée #276

Étymologie sexy-chelou aujourd’hui.

Vanille et vagin ont la même origine.

Vanille dérive du terme espagnol « vainilla », diminutif de « vaina » signifiant « gousse », issu du terme latin « vagina » signifiant « gaine », « gousse » ou « fourreau ».

Vagin dérive de « vagina » (non, sans rire !) signifiant… OK, la même chose !

Une question de la première importance se pose maintenant : la tarte aux poils a-t-elle le goût de la vanille ? (J’assume trèèèèèès mal cette blague douteuse !!!)

Alors, billevesée ?

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Player one

Roman d’Ernest Cline.

2040. Le monde a connu une terrible crise énergétique : la famine, le chômage, la misère, les guerres et une catastrophe écologique ont ravagé la planète. Les survivants sont pour la plupart entassés dans des bidonvilles sordides. La seule échappatoire est l’OASIS, une plateforme gratuite multijoueur en réseau où tout le monde peut s’immerger dans la réalité virtuelle. « Nous étions à l’aube d’une ère nouvelle : la majeure partie de l’espèce humaine passait désormais tout son temps libre à l’intérieur d’un jeu vidéo. » (p. 75) Quand le créateur de l’OASIS, James Halliday, meurt sans héritier, une gigantesque compétition s’ouvre : le premier qui trouvera l’œuf de Pâques caché dans le système héritera des milliards de dollars d’Halliday et de la gestion de l’OASIS. Pendant 5 ans, les Chassœufs tentent de résoudre la première énigme jusqu’au jour où le narrateur, Wade, trouve la première clé et ouvre le premier portail. Tout s’accélère alors : le trésor d’Halliday semble à portée de main. Tous les Chassœufs veulent trouver l’œuf de Pâques, mais également IOI, société qui voudrait prendre le contrôle de l’OASIS et changer son modèle économique. Qui sera le premier à mettre la main sur l’héritage de James Halliday ?

Dans ce roman bourré jusqu’à la gueule de références à la pop culture des années 1980, l’auteur interroge le rapport au réel, à l’avatar et à la réalité virtuelle. «  C’était devenu une prison dans laquelle l’humanité s’était enfermée de son plein gré. Un endroit agréable où l’on pouvait ignorer la situation tandis que la civilisation s’effondrait lentement, et ce avant tout par négligence. » (p. 145) Wade et les autres Chassœufs sont immergés dans l’OASIS et la quête de l’œuf de Pâques au-delà de toute raison. Le monde réel n’a plus d’importance, car il semble ne rien pouvoir apporter de positif, tandis que l’infini des possibles offert par la simulation offre un sentiment de puissance et d’invincibilité. La relation amoureuse ou amicale en ligne est-elle alors un doux fantasme ou une véritable interaction aussi valable que celle vécue IRL ? « L’OASIS avait toujours fait partie intégrante de nos vies. On avait vu le jour dans un monde de laideur et, du coup, l’OASIS représentait notre seul refuge et notre seule source de joie. » (p. 43) Par ailleurs, l’OASIS est loin d’être un simple jeu vidéo : c’est un monde violent où les avatars s’attaquent et s’affrontent jusqu’à la mort. Mais avoir conscience du danger et de la vanité de l’OASIS ne suffit pas pour inciter à la déconnexion. Il y a quelque chose de l’addiction dans le comportement des joueurs. « J’avais fini par ne voir en ce dispositif que ce qu’il était : un gadget destiné à tromper mes sens pour me permettre de vivre dans un monde qui n’existait pas, chaque composant n’était rien d’autre qu’un barreau de la cellule dans laquelle je m’étais enfermé de mon plein gré. » (p. 229) Alors, de la réalité ou de la réalité virtuelle, laquelle a le plus de charme et de valeur ?

En dépit d’un style parfois médiocre, d’un rythme dodelinant du fait de l’histoire d’amour entre Wade et Art3mis et de quelques incohérences, j’ai beaucoup apprécié ce roman hommage aux années 80 : jeu vidéo, musique, film, émission, publicité, tout y est. On frôle parfois l’overdose de pop culture et on peut être perdu par le langage très geek à base de code et de programmation informatique, mais il suffit de se laisser glisser dans cet univers de pixels et de bornes d’arcade. Les lecteurs les plus attentifs trouveront de nombreux œufs de Pâques (comprendre des surprises cachées dans les jeux vidéo) dans ces pages. Ready, Player One ? Insère ta pièce et commence la partie !

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Mon lapin patate

Album de Christine Rissey.

Pour ses 6 ans, le jeune narrateur espère recevoir un lapin nain. « Moi, je rêve d’un lapin nain rikiki, depuis que je suis tout petit. Un lapin gros comme une pomme, pas plus, que je pourrais cacher dans ma poche pour aller faire du bicloune avec les copains. Un lapin nain mini, pas plus gros qu’un kiwi qui pourrait dormir sous mon oreiller et chanter du blues pour me bercer. Un lapin tellement super que même le père Noël voudrait l’adopter. »

Mais dans la fameuse boîte tant attendue, c’est une autre sorte de lapin qu’il découvre : un lapin patate un peu moins mignon que ce dont il rêvait. Quelle tristesse et quelle colère ! Le petit garçon est tellement furieux ! Son chagrin semble inconsolable. « Pendant que je pleurais, j’ai senti Patate venir se coller contre moi. Il ne faisait rien, il était juste là, il était tout chaud et vraiment doux, ses moustaches m’ont chatouillé le nez, ça m’a aidé à arrêter de pleurer » Ce n’est peut-être pas le lapin le plus mignon du monde, mais après tout, c’est un lapin et il sera un super copain !

Gros coup de cœur pour cet album aux dessins enfantins et aux grands coups de crayon qui apprend au jeune lecteur que l’apparence n’est pas le plus important. Il vaut mieux se laisser la chance d’être surpris par l’autre et l’accepter pour ce qu’il est, et non pour ce qu’il pourrait être ou ce qu’on aurait voulu qu’il soit. La tolérance, ça s’apprend dès le plus jeune âge. Cet album est mignon, drôle et touchant et il parle d’un lapin : je n’en demande pas plus !

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La trilogie Hodges

Mr MercedesCarnets noirsFin de ronde

J’ai récemment lu cette trilogie et je me suis régalée !

Stephen King y déploie des thèmes qui lui sont chers : l’amitié, le sacrifice, le shining, la mort, la souffrance. (Non, ne venez pas si vous cherchez du fun…)

Et je signe ainsi une nouvelle participation au Défi des 1000 : 560 + 370 + 480 = 1410 pages

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Billevesée #275

J’aime les livres. Passionnément. À la folie. (Non, sans blague…)

Depuis un peu plus d’un an, je me suis lancée dans la lecture numérique.

Je ne suis pas une fétichiste du livre papier même si je peux rester 4 heures dans une librairie et y faire un malheur (pour mon compte bancaire) si on ne me retient pas (Ne me retenez pas !!!).

Ce que j’aime, en fait, c’est lire, et peu importe le format. Papier, numérique, ce qui compte, c’est l’ivresse le plaisir de se plonger dans une histoire.

Et depuis que j’ai un petit sac à main tout mignon, je suis bien contente de pouvoir y glisser ma liseuse quand de gros bouquins n’y trouvaient pas leur place. Ceux-là restent sur la table de chevet ou sont tout simplement au format numérique dans ma liseuse.

Cette petite chose à peine plus lourde qu’un livre de poche peut contenir des centaines de bouquins, alors ce serait vraiment con de se luxer l’épaule en trimbalant son pavé du moment !

Il est temps de vous présenter ma liseuse : c’est une Cybook de chez Bookeen. Légère, pratique, facile à utiliser, avec une contenance de dingue (je suis trèèèèès loin d’avoir atteint la moitié du stockage de la bête !)

Bookeen vend plusieurs versions de liseuses et tout plein (correction : pleiiiiiiiiin) d’ebooks, dont certains à tous petits prix !

Voilà, c’était ma déclaration d’amour à ma Cybook que vous voyez ci-dessous, customisée par mes soins à grand renfort de lapins !

Alors, billevesée ?

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Les trois fantômes de Tesla – Tome 1 : Le mystère Chtokavien

Bande dessinée de Guilhem et Marazano.

1942, à Manhattan, le jeune Travis et sa mère s’installent dans un petit appartement miteux. Ébranlés par la mort du père à la guerre, ils sont cependant déterminés à s’en sortir. Travis rencontre une bande de gamins qui le défient de remettre une étrange lettre à son voisin, un vieux bonhomme assez inquiétant. Et il y a d’autres mystères qui se profilent : depuis quelque temps, des personnes disparaissent sur les rives de l’East River alors que des lumières inexpliquées apparaissent au fond de l’eau. La guerre fait rage en Europe et le Japon affirme avoir développé une arme terrible qui lui donnera la victoire. « Aucun savant digne de ce nom ne devrait mettre ses inventions au service de la guerre. » (p. 33)

Avec son esthétique steampunk très réussie, cette bande dessinée a plus d’un atout. Un grand bravo aux faux articles liminaires qui encadrent la bande dessinée et qui parlent en vrac d’Edison, de la disparition de Nikola Tesla, d’énergie infinie, d’armes et de monstres. Au passage, on apprend que les auteurs sont en procès pour leur livre d’images. Quel complot va-t-on découvrir dans cette bande dessinée ? Nikola Tesla a-t-il vraiment disparu ? La mort est-elle vraiment la fin de tout ? La Seconde Guerre mondiale est-elle sur le point de s’achever ? Pour le savoir, il faudra que je lise les tomes 2 et 3. Et c’est le seul reproche que je peux faire à cet ouvrage : j’aurais préféré un album unique plus étoffé que trois volumes distincts. Mais je chipote : maintenant que j’ai l’eau à la bouche, je vais évidemment me resservir, et lire la suite !

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Les animaux fantastiques – Le livre du film

Scénario de J. K. Rowling.

À l’origine, il y a Les animaux fantastiques, par Newt Scamander. De ce manuel scolaire largement gribouillé par Harry Potter et ses compagnons, un film a été tiré. J’étais très curieuse de voir le résultat et les quelques deux heures au cinéma m’ont enchantée ! Selon moi, ce film est la preuve qu’une adaptation peut dépasser et transformer l’œuvre originale.

Quel plaisir de lire le scénario, de retrouver les personnages et les décors de ce film magique ! Le texte est sublimé par le talent de Minalima, groupe d’artistes/designers qui ont donné vie à l’univers unique et merveilleux du film. Rien que la première de couverture est déjà une merveille !

Norbert Dragonneau, Tina Goldstein, Jacob Kowalski, Mary Lou Bellebosse et tous les autres reprennent vie sur le papier, pour notre plus grand plaisir ! Nous retrouvons également l’adorable et insupportable Niffleur, l’intraitable MACUSA (Magical Congress of the United States of America) et tous les animaux fantastiques cachés dans la valise enchantée de Norbert. « Je les sauve, les soigne et les protège. Et j’essaye tout doucement de les faire connaître aux autres sorciers. » (p. 121)

Pour faire vivre encore un peu plus la magie, je vous conseille la lecture de quelques merveilles autour de ce film qui, maintenant qu’il est sorti en DVD, ne va pas tarder à rejoindre ma collection !

Le carnet magique de Norbert Dragonneau

Le monde des sorciers de J.K. Rowling – La magie du cinéma / Volume 1 : Héros extraordinaires et lieux fantastiques

Les animaux fantastiques – Le Niffleur

Les animaux fantastiques – Un film magique

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Fin de ronde

À lire après Mr Mercedes et Carnets noirs.

Roman de Stephen King.

Depuis que Brady Hartsfield, alias Mr Mercedes, a été mis hors d’état de nuire par Bill Hodges et ses comparses, il est dans un état végétatif dans une clinique. Mais ce n’est qu’une apparence : Brady a développé de puissantes capacités psychiques qui lui permettent de prendre le contrôle d’autres personnes. Si vous en doutez, c’est bien une manifestation du shining. « Brady ne voulait pas passer en justice. Pas quand il se pouvait qu’il ait encore des choses à faire. » (p. 122) Profondément déçu par son « score » macabre au City Center et frustré de ne pas avoir pu faire sauter un amphithéâtre plein d’adolescents, il met en œuvre une terrifiante machine de mort qui pousse au suicide. Brady est bien réveillé et il est bien décidé à en découdre avec Hodges, et à gagner la partie. « Hodges devait vivre, respirer l’air toxique dans un sac de culpabilité auquel il ne pouvait pas échapper. Jusqu’à ce qu’il craque ou se tue. » (p. 226) Dans sa vengeance à distance, Brady semble avoir oublié que le flic à la retraite n’a jamais cessé de le surveiller. Hélas, Bill est malade et sa ronde prendra bientôt fin.

Comme dans Cellulaire, Stephen King développe une large mise en garde contre les gadgets électroniques et les réseaux, ici le web qui permet à Brady de s’échapper de la chambre 217. « Un petit don de télékinésie n’est rien comparé au pouvoir d’Internet. » (p. 316) S’il faut se méfier des inconnus qui vous offrent des trucs gratuits, il faut encore plus se méfier des jeux anodins. Brady est un antagoniste fascinant, aussi détestable que Bill Hodges est sympathique. « Hodges lui-même s’est découvert incapable de cesser de monter la garde. » (p. 17) Comme il y a une justice, les vilains sont punis par là où ils ont péché. Et dans ce dernier volume de la trilogie Hodges, Stephen King propose un nouveau point de vue sur la tuerie du City Center. L’horreur de ce drame est telle qu’il serait sans doute possible d’écrire une infinité de variations sur le sujet. À nouveau, et parce qu’il connaît bien le sujet, Stephen King développe le thème du corps en souffrance, du corps diminué et supplicié, mais aussi du corps qui se régénère et de l’esprit qui se débarrasse de la contingence corporelle. « Contre vents et marées il a accompli une incroyable odyssée. Ce qu’en seront les ultimes résultats est impossible à prévoir, mais il y aura des résultats, c’est certain. Et ça rongera le vieux flic comme de l’acide. La vengeance est vraiment un plat qui se mange froid. » (p. 260) Au passage, l’auteur se permet un très satisfaisant (de mon point de vue) coup de griffe contre Daesh. Mais surtout, il porte un message important de prévention contre le suicide. Fin de ronde est une excellente conclusion de la trilogie Hodges, très logique et émouvante.

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Plateau

Roman de Franck Bouysse.

Quatrième de couverture : Plateau de Millevaches. Judith et Virgile tiennent une petite ferme dans un hameau. Le couple a élevé Georges, un neveu dont les parents sont morts dans un accident de la route quand il avait cinq ans. Il vit dans une caravane tout près de chez son oncle et sa tante. Lorsqu’une jeune femme vient s’installer chez lui, lorsque Karl, ancien boxeur tiraillé entre pulsions sexuelles et croyance en Dieu, emménage dans une maison du même village, et lorsqu’un mystérieux chasseur sans visage rôde alentour, les masques s’effritent et des coups de feu résonnent sur le Plateau.

La quatrième de couverture résume parfaitement cette histoire qui n’a, hélas, pas su me convaincre. Nombreux sont les bouleversements qui ébranlent le quotidien monotone de la ferme et du Plateau, lieu qui semble désincarné et froid. « Il n’existe pas de beauté sur le Plateau, au sens où il entend ce mot. Pas d’émotion palpable, rien que le froid déroulement du temps. » (p. 105) La tension monte du fait de relations humaines bancales et d’un vieux secret datant de la guerre qui refait surface. Les émotions sont rudes et rugueuses et les douleurs sont profondes chez tous les personnages. « Il se demande si la condition ultime de tout homme, face à une femme, est d’évoluer dans une forme de déséquilibre. » (p. 322) L’intrigue est bien menée et la menace que représente le Chasseur plane élégamment sur le récit. Mais si tout est très beau, tout est trop froid. Je n’ai développé aucune empathie pour Cory, Georges, Karl, Virgile ou Judith. Dommage, c’est une lecture manquée, mais dont certains passages ont tout de même retenu mon attention. Pour la bonne bouche, voici l’un d’entre eux. « Désormais rassurés, des animaux sauvages et d’autres domestiqués quittent leur abri et reprennent leur place, asservis qu’ils étaient auparavant à quelque besogne atavique, ou contraints par une inquiétude viscérale. De la forme de vie la plus simple à la plus complexe, chacune semblant habitée par la seule ambition de ne jamais froisser l’histoire. L’idée de la mort n’existe pas pour eux et jamais ils ne feront le lien entre elle et la peur qu’ils ont du monde, avant qu’elle ne les prenne. » (p. 223 & 224)

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Billevesée #274

Sur les quatrièmes de couverture des bouquins, il y a de gros code-barres qui commencent par 978 (ou 979, mais c’est plus rare).

Dans le code universel des produits, 978 est le suffixe chiffré qui identifie le produit livre.

Le code-barre en lui-même s’appelle ISBN ou EAN.

Vous me voyez venir ? Ouiiiiii, on va décortiquer des acronymes !

ISBN : International Standard Book Number

EAN : European Article Numbering

Alors, billevesée ?

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Le bouc émissaire

Roman de Daphné du Maurier.

John est un professeur anglais en villégiature en France. Il est profondément solitaire, malheureux et il cherche un sens à sa vie. Le très français comte Jean de Gué lui ressemble traits pour traits et voudrait aussi échapper à son existence au sein d’une famille trop pesante. Le noble voit une occasion de changer de vie et après avoir drogué John et échangé toutes leurs possessions, il disparaît. « Vous savez, […], ça m’amuse énormément de me servir des affaires des autres. C’est un des grands plaisirs de l’existence. » (p. 27) L’anglais se retrouve contraint de prendre la place de Jean, persuadé que la mascarade ne durera pas. Mais il n’y a que les chiens du château qui ne se laissent pas abuser : pour les de Gué, John est Jean, sans aucun doute. « Mon image m’apparut dans la glace, modifiée de façon indéfinissable. Ma propre personne s’était dissoute. » (p. 43) John se trouve alors aux prises avec une famille pleine de rancœurs, de secrets et de problèmes financiers. Personne n’y est heureux. Mais John, face à l’illusion d’avoir trouvé une famille, essaye de sauver ce qui peut l’être. Il ne se doute pas de ce qu’il va mettre au jour et de l’issue tragique de cet échange d’identité. « Jean de Gué avait mal agi. Il avait fui, il esquivait les sentiments qu’il avait lui-même provoqués. » (p. 105)

Pour avoir lu de nombreux romans de Daphné du Maurier, je déplore une production très inégale. Cette sinistre variation du conte Le prince et le pauvre est clairement un des plus mauvais textes  que j’ai lus de cette auteure. Le style est très daté, pesant et sans finesse. Le roman est trop long et il y a trop de personnages dans la triste famille de Gué. Mais le plus gros problème est la crédibilité de cette histoire : être le sosie d’un inconnu, passe encore, mais je refuse de croire que John a la même voix que Jean, sans accent anglais quand il parle français. Ce simple détail, qui peut sembler dérisoire, m’empêche de croire à cette histoire. Par ailleurs, je ne comprends pas pourquoi John reste dans cette famille. Certes, il n’était pas heureux et très seul dans son ancienne vie, mais il n’est pas davantage épanoui dans cette existence usurpée où il ne cesse de tromper et de blesser les autres. « J’aspirais à cette chose impossible : être l’un d’entre eux, élevé, instruit parmi eux, uni à eux par des liens de famille et de sang qu’ils reconnaîtraient, qu’ils comprendraient de façon à pouvoir vivre au milieu d’eux en partageant leurs rires, en ressentant leurs peines, en mangeant un pain qui ne serait plus un pain de l’étranger, mais le mien et le leur. » (p. 13) Si Jean est odieux d’avoir abandonné sa famille, John est tout à fait antipathique et pathétique parce qu’il se prête à cette farce terrible. Le complexe du sauveur, ça se soigne ! « S’il avait vraiment l’intention de s’en aller en faisant de moi son bouc émissaire, cela prouvait clairement qu’il ne se souciait de personne au château. » (p. 82) Enfin, il y a une vieille histoire de règlement de comptes sur fond d’armistice qui est trop diffuse et artificielle, comme ajoutée au forceps dans le récit pour ajouter un pan encore plus sombre à une intrigue déjà suffisamment pesante. Quant à la fin, elle est terriblement décevante et la tension accumulée au fil du récit, seul véritable intérêt de ce mauvais roman, retombe comme un soufflet. J’ai peine à croire que ce texte a été écrit par celle qui m’a régalée avec L’auberge de la Jamaïque ou avec Rebecca.

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Le récital des anges

Roman de Tracy Chevalier.

Les familles Coleman et Waterhouse ont des tombes voisines dans un cimetière de Londres. Leurs filles, Maude et Lavinia, sont devenues les meilleures amies du monde. Les pères se fréquentent de loin en loin et les mères n’ont rien en commun. Les gamines aiment par-dessus tout se promener dans le cimetière et admirer les anges de pierre qui surplombent les tombes, guidées par Simon, le fils du fossoyeur. « Ils sont les messagers de Dieu et ils apportent l’amour. Il me suffit de regarder leur doux visage pour me sentir en paix et à l’abri du mal. » (p. 41) Du haut de leur jeune âge, elles pensent que leur amitié sera éternelle et que rien ne pourra bouleverser leurs vies. C’est compter sans Kitty Coleman par qui, plus ou moins indirectement, le malheur va s’abattre sur les deux familles. La jeune femme n’est pas heureuse et trouve un sens à son existence morne en rejoignant le mouvement des suffragettes, au grand dam de son époux et de sa belle-mère.

Cette lecture m’a moins enchantée que le roman À l’orée du verger, mais je retiens tout de même la construction de la narration en vue subjective, faite de passages de relais entre différents narrateurs qui reprennent l’histoire là où elle est laissée, de leur point de vue. La vue d’ensemble est forcément chamarrée, mais très complète et riche de différents niveaux de langage. On fait un grand écart époustouflant en passant de la domestique Jenny Whitby à la vieille et sévère Edith Coleman ! On se demande parfois à qui parlent les protagonistes : est-ce une pensée intérieure ou une adresse plus ou moins consciente au lecteur ? Peu importe, finalement, ce qui compte, c’est que l’on est emporté dans cette histoire. Hélas, le rythme est parfois dodelinant, même si la dernière partie du roman secoue fortement ! Alors que la mort n’avait fait que flotter sur tout le récit, elle s’abat brutalement et la fin est tragique à plus d’un titre.

Étrange de voir que Maude et Lavinia n’ont finalement pas grand-chose en commun. Lors de leur rencontre, elles rêvaient toutes deux de trouver une amie : pas besoin de chercher plus loin, d’autant plus qu’elles partagent une étrange passion pour les anges. Mais Lavinia est une jeune personne pétrie de considérations morales vieillottes alors que Maude est plus pragmatique et moins sensible. Pour tout dire, j’ai trouvé Lavinia franchement insupportable et Maude se range à mon avis au fil du roman. « Lavinia a déchaîné ce qu’il y a pire en moi, et il beaucoup plus difficile de vivre avec ça qu’avec ses remarques. J’ai appris à m’attendre à ses remarques stupides, et je me suis en général débrouillée pour ne pas tomber à son niveau. » (p. 203)

Comme souvent, je préfère le titre original de l’œuvre. Ici, Falling Angels illustre bien mieux la trajectoire des différents personnages du roman. La traduction française me laissait attendre une harmonie merveilleuse, ce qui est tout à fait absent du texte. Sans être décevante, cette lecture me laisse donc un sentiment ténu de frustration.

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Corky

Roman de Joyce Carol Oates.

Le soir de Noël 1959, Timothy Corcoran est assassiné devant chez lui. Son fils est le seul témoin, mais il n’a aucune certitude sur ce qu’il a vu. Cependant, il n’oubliera jamais le cadavre étendu dans la neige et sa mère qui hurle dans l’entrée de la maison désormais glaciale. « Jerome Corcoran se rappellerait toujours que rien de ce qui est n’a le pouvoir d’évoquer ce qui était. » (p. 27) En 1992, le gamin a bien grandi et il a fait son trou à Union City. À 43 ans, il est un homme qui compte et un homme sur qui et avec qui compter. « Jerome Andrew Corcoran, démocrate, membre du conseil municipal, homme d’affaires, un type populaire ‘Corky’. […] Pèse dans les deux millions de dollars. Peut-être plus ? » (p. 50 & 51), Mais tout semble se détraquer : un contrôle fiscal lui tombe dessus, sa maîtresse lui fait une infidélité impardonnable, une amie de sa belle-fille s’est suicidée et cette dernière est introuvable, il a un sérieux problème avec l’alcool et certains de ses investissements semblent douteux. Mais il en faut plus pour abattre Corky !« Lorsqu’on hait sa vie, on devient haïssable. C’est pour cela que Corky est aussi optimiste. À quoi bon, sinon ? » (p. 55)

Corky, c’est plus qu’un personnage, c’est un être aux multiples visages, aussi fascinant qu’inquiétant. « Il a la réputation d’être le gars le plus sympa d’Union City, quand on ne le contrarie pas. » (p. 68) Il passe de l’extase à la rage en un instant. Il est toujours dans le contrôle, d’autant plus quand il est en situation périlleuse, et toujours dans le mouvement, bien que perpétuellement en retard. Corky court après le temps comme il court après l’argent et le plaisir. « Corky peut accepter qu’on ne lui fasse pas confiance, mais ne pas être aimé… c’est dur. » (p. 447) Jouisseur infatigable, débordant de désir pour les femmes, toutes les femmes, même celles qu’il ne devrait pas regarder, comme sa belle-fille, Corky a un rapport trouble à la féminité et à la séduction, partagé entre l’envie de dominer et celle de se laisser dominer. Mais comme il le dit souvent, la vie, c’est baiser ou être baisé, et Corky n’aime pas qu’on prenne l’avantage sur lui. « Il ne peut être blessé que par les gens qu’il aime alors bien sûr il veille à ne pas en aimer beaucoup maintenant qu’il est adulte et maître de son sort. » (p. 98) Souvent traversé de vieux sentiments d’humiliation et de colère, Corky cherche sans cesse à prouver ou à se prouver qu’il a réussi, qu’il a gagné sa place parmi les élites d’Union City. Généreux à l’extrême, Corky aime autant gagner que dépenser l’argent, mais il choisit auprès de qui. « Quiconque attend quelque chose de Corky Corcoran, Corky n’a pas une minute à lui consacrer. » (p. 161)

Les 700 pages du roman se déploient sur le week-end du Memorial Day : en quatre jours, tout bascule dans la vie de Corky. « Pourquoi Corky Corcoran agit-il sur des coups de tête extravagants comme il le fait, à croire que c’est un autre homme qui prend ces décisions, oui, mais Corky est cet homme… n’est-ce pas ? » (p. 384) Il subit revers sur revers: atteinte à son autorité, à sa virilité, à sa situation sociale et à sa position politique. Rattrapé par le spectre terrifiant de la solitude, de la vieillesse et de la mort, Corky perd pied. « Corky sanglote. Corky a une peur mortelle que personne ne s’occupe de lui. » (p. 531) La tension monte progressivement, implacablement, et l’on sent, l’on sait que ça va mal finir pour Corky. Comment pourrait-il en être autrement ? « On vit et on meurt et on ne comprend jamais d’où on vient sans parler d’où on va, ni pourquoi. » (p. 700) Corky est le point de mire de tous les regards et le centre de toutes les rencontres. Chaque chapitre est consacré à sa relation avec une personne précise. Et chaque rencontre le laisse plus seul et plus affaibli que la précédente.

Dans cet épais et dense roman, il est aussi question des Noirs américains et des Irlandais qui sont les nègres du monde anglo-saxon, de viol, de scandale politique, d’armes à feu et d’adultère. Et de tant d’autres choses. Corky a été une lecture au long cours : il est difficile de lire ce texte d’un coup, sous peine d’étouffer dans l’étreinte puissante de Corky. Aucun doute, ce personnage me restera longtemps à l’esprit. Il y a longtemps que Joyce Carol Oates ne m’avait pas autant enchantée.

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Billevesée #273

Avoir l’œil qui frise signifie avoir un regard coquin, aguicheur, séducteur.

Mais crotte de bique, je n’ai pas trouvé l’origine de cette expression, du moins pas de façon claire et nette.

Cette fois-ci, à vous de bosser : si vous en savez plus, je vous attends dans les commentaires !

Alors, billevesée ?

Je n’ai pas trouvé d’illustration pour cette expression. Je vous ai mis des bichons. C’est mignon, les bichons. C’est frisé, les bichons. Un jour, j’aurai un bichon.

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L’animal et son biographe

Roman de Stéphanie Hochet.

Une jeune auteure est invitée à présenter ses livres lors d’un festival littéraire dans le sud de la France. « Je comprends que je ne suis qu’une curiosité supplémentaire sur un lieu de vacances où les gens prennent du bon temps. » (p. 16) Sa rencontre avec le maire de Marnas bouleverse le tranquille programme de son été. L’édile est fasciné par l’aurochs et pour le célébrer, il demande à l’écrivain d’écrire une biographie de cette bête préhistorique disparue. Loin de la grande ville où elle a ses repères, l’auteure se découvre une nature violente et carnassière. À son tour fascinée par l’aurochs, elle s’investit pleinement dans l’écriture d’un panégyrique de cette créature aux allures de divinité. Au fil de sa plume renaît l’animal qui court fièrement sur les murs des grottes. S’abandonnant totalement à son projet d’écriture, elle se découvre une nouvelle vitalité créatrice. Mais tout cela s’accompagne d’un retrait du réel : sans s’en rendre compte, l’écrivain met les pieds sur un terrain dangereux où elle est davantage proie que chasseur.

Incarnation moderne du Minotaure, le maire de Marnas est un être puissant et inquiétant : son apparition dans le récit fait basculer l’intrigue dans l’irréel, voire dans l’inconscient. Ce qui se joue dans son musée des espèces est un retour à la terreur primitive. Aurochs de Heck, corps plastinés et animaux empaillés constituent une sombre galerie des horreurs. « Il fallait coincer l’auteur. Si ce n’est avec de l’argent, du moins avec un sentiment qui annihilerait ses réactions de défense : l’effroi. » (p. 119) L’atmosphère légère du début du roman vire rapidement à l’angoisse. On n’est pas très loin de Délivrance, mais si l’air devient pesant, le récit n’en reste pas moins follement onirique ! L’aurochs est de ces créatures qui habitent les rêves et l’imagination : l’en faire sortir pour lui faire prendre pied dans la réalité n’est certainement pas une bonne idée. « Même si on ne la voit pas, la bête vit alentour, cachée dans les sous-bois où elle mène sa vie indomptée ; ainsi dissimulée, elle demeure pour l’homme un mystère. Pour certains, l’animal doit être visible, accessible tel un objet. » (p. 52) Et comme Icare s’est brûlé les ailes en voulant échapper au labyrinthe et au Minotaure, la jeune auteure peut bien courir, elle a raté le départ de course. Les sabots du bovin mythique sont déjà sur ses talons !

Une fois encore, Stéphanie Hochet interroge avec intelligence et talent la relation entre l’homme et l’animal. Lisez son Éloge du chat pour vous en convaincre. « Nous sommes réunis ici pour évoquer par le biais de la littérature notre parenté avec l’animal. » (p. 91) L’animal et son biographe flirte avec le réalisme magique et l’épouvante. C’est un récit cosmogonique et une fable écologique. Je l’ai dévoré en quelques heures et je le recommande sans aucune réserve !

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366 histoires de lapins

Album de Francisca Fröhlich. Illustration de Christl Vogl. Adaptation française de Maïca Sanconie.

Dans le Bois Profond vit la famille Grandes-Zoreilles : le père, la mère et les onze enfants. Roberta, Margot, Hip et Hop, Charlie, Tom, Bibi, Gus, Jeannot, Zoé et Riquet ne tiennent pas en place et chacun a sa façon de se démarquer. Zoé a des taches de rousseur. Bibi a les cheveux trop longs. Roberta est un garçon manqué. Margot est très coquette. Charlie dort tout le temps. Tom passe son temps à lire. Gus a les oreilles tombantes. Riquet fait des farces.

Le quotidien de la famille est plein de joies : pique-nique, balade en forêt, visite de l’oncle Siméon, rencontre de Coco le singe, cueillette de légumes dans les potagers et les champs, crêpes de maïs et confitures, etc. Le héros des petits Grandes-Zoreilles, c’est Robin le lapin, bien plus fort que Goupillon le renard ! Les lapereaux apprennent très tôt à se méfier de ce prédateur qui rôde toujours dans la forêt.

Les histoires se suivent d’un soir à l’autre, certaines plus courtes que d’autres, à peine quelques lignes ou comptines. Mais le plaisir est de retrouver les membres de cette joyeuse famille tous les soirs, pour une nouvelle aventure ou mésaventure. Heureusement, tout finit toujours bien dans le terrier des Grandes-Zoreilles. « Est-ce de chagrin que tu pleures, petit lapin de mon cœur ? Ou bien pleures-tu de rire, à force de vouloir me dire : ‘Arrête ! Je suffoque, ton histoire est loufoque !’ Que j’aime te voir content, mon cher enfant. Si tu pleures ainsi, ce sont des larmes de paradis ! » (p. 49)

J’ai reçu ce livre quand j’étais toute jeune et je l’ai lu plusieurs fois en respectant le rythme d’une histoire par soir. Ça ne suffisait évidemment pas à apaiser mon appétit dévorant de lecture, mais c’est un rituel que j’ai pratiqué au moins trois ans. Aujourd’hui encore, avec beaucoup de nostalgie, je parcours avec plaisir ces pages richement illustrées.

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Un enchantement

Bande dessinée de Christian Durieux.

Tout commence par de grandes cases sans paroles. Une soirée au Louvre, sous le tableau du sacre de Napoléon. Rapidement, l’homme que l’on célèbre, ancien ministre, s’éclipse avec deux bouteilles, préférant le musée désert à la société hypocrite. « Je suis à un âge où c’est un devoir de ne plus dîner en aussi piètre compagnie. » (p. 19) Devant un mur de tableaux, il trouve une jeune femme qui l’entraîne dans les couloirs du musée endormi. Déchaussés, ces deux resquilleurs en quête de tranquillité s’amusent à passer sous le nez des gardiens zélés et à échapper au faisceau inquisiteur de leur lampe torche. « Notre paire est assez improbable. / Pour eux, seulement pour eux. / Vous êtes un rêve, ils ne pourraient pas vous voir. » (p. 40) De cette brève et improbable rencontre dans l’un des plus beaux musées du monde naît une douce entente nourrie de confiance et de confidences. Celui qui pensait ne plus rien avoir à dire s’ouvre à celle qui semble sortie d’un tableau. « Je dois vous ennuyer. J’ai lassé un peu de monde, vous savez. / J’ai la patience des statues. » (p. 32)

Avec ces deux personnages esquissés, sans nom, on réapprend à regarder les œuvres et à poser un regard juste sur l’existence. Le cheminement dans le Louvre est un voyage surréaliste avec une passeuse exceptionnelle. Les dernières pages de la bande dessinée présentent la liste des œuvres représentées et reproduites par l’auteur. Cela donne envie de refaire l’itinéraire de ce duo inattendu et attachant, le livre en main comme une boussole pour trouver le chemin entre les tableaux et les sculptures. C’est un enchantement que cette bande dessinée !

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Billevesée #272

Je suis gourmande (NON, SANS BLAGUE ?), mais je suis aussi gourmet (gourmette, ça fait bizarre…)

S’agissant des confiseries, si je me laisse parfois tenter par des bonbons au coca (chimique, bonjour !), je préfère de loin un certain délice bleu et chocolaté.

J’ai nommé le coussin de Lyon, confiserie faite d’une ganache de chocolat parfumé au curaçao, entourée de pâte d’amande candie vert pâle.

Là, je fonds, je bave, je me régale !

Voilà, vous savez quoi m’offrir si vous voulez me faire plaisir !

Alors, billevesée ?

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Seul dans le noir

Roman de Paul Auster.

Depuis un accident de voiture qui l’a laissé très diminué, August Brill vit chez sa fille Myriam qui peine à se remettre de son divorce. Avec eux vit Katya, la fille de Myriam, qui ne se pardonne pas la mort de son ex-copain en Irak. Torturé par des douleurs intenses et par un esprit jamais en repos, August dort peu. « C’est ce que je fais quand le sommeil se refuse à moi. Couché dans mon lit, je me raconte des histoires. » (p. 12) Il invente un personnage, Owen Brick, catapulté dans une Amérique alternative où les tours jumelles n’ont jamais été détruites, où le conflit en Irak n’existe pas, mais où les États-Unis sont ravagés par une guerre civile. Comment et pourquoi la grande nation américaine en est-elle arrivée là ? Mystère. « Personne ne s’engage. Mais c’est comme ça. Tu vis ta vie et, d’une minute à l’autre, te voilà dans la guerre. » (p. 18) À mesure que Brill invente son histoire, Brick découvre que sa mission dans cette Amérique parallèle consiste à tuer le responsable du conflit civil. « L’histoire est celle d’un homme contraint à tuer l’individu qui l’a créé, et à quoi bon prétendre que je ne suis pas cet individu ? Si je me mets dans l’histoire, l’histoire devient réelle. Ou bien c’est moi qui deviens irréel. » (p. 107) Entre monde réel et monde imaginé, la frontière s’affine : les deux univers se rejoindront-ils ?

J’ai vraiment apprécié les deux premiers tiers du roman qui entremêlent les deux récits. J’aime toujours une mise en abyme quand elle est réussie. Ici, c’est le cas et chapeau bas à Paul Auster pour la finesse avec laquelle il entreprend cet exercice d’équilibre souvent casse-gueule. « Ce que vous dites, c’est que c’est une histoire, que quelqu’un écrit une histoire et que nous en faisons partie. » (p. 19) Le dernier tiers m’a moins enchantée : on se concentre sur August Brill et son histoire d’amour avec sa première épouse, Sonia. Déçue de quitter le double monde, je comprends tout de même qu’une partie du sens de ce roman est qu’il ne faut pas négliger la vie ordinaire au profit des fantasmagories.

Je suis rarement déçue par Paul Auster. Ici, cette lecture ne souffre que d’un infime bémol, l’ensemble est très réussi, à la fois divertissant et profond.

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Une panthère dans la cave

Roman d’Amos Oz.

Pendant l’été précédant la fin du protectorat anglais en Israël, Profi, un gamin rêve de vengeance et de gloire guerrière pour son pays. « Quand le libre état hébreu verrait enfin le jour, nul criminel au monde n’oserait plus jamais tuer ou humilier les Juifs. Dans le cas contraire, il se repentirait de ses actes car, un jour, nous aurions le bras très long. » (p. 37 & 38) Avec ses amis, il élabore des plans pour chasser l’occupant anglais et repousser l’assaillant arabe. Quand il rencontre le sergent anglais Dunlop, ses certitudes sont ébranlées. Se pourrait-il que l’ennemi soit bienveillant ? « Je suis un Anglais qui donnerait tous les biens de sa maison pour la langue des prophètes et dont le cœur est l’esclave du peuple élu. » (p. 62) Le gamin enseigne l’hébreu à l’anglais qui, en échange, l’aide à se perfectionner dans la langue de Shakespeare. Mais fréquenter le sergent, est-ce une trahison envers le peuple hébreu et la Résistance ?

Ce récit est-il autobiographique ? Beaucoup de choses le laissent entendre, mais je préfère en rester au niveau fictionnel. Le narrateur raconte un été de son enfance, 45 ans après les faits. Avec tendresse et indulgence envers le gamin qu’il a été, il jette un regard vif sur les grands idéaux qu’il professait et explore certaines hontes jamais oubliées, comme sa passion juvénile pour la grande sœur d’un de ses copains. Il se rappelle la peur qui avait étreint sa maison quand son père avait caché un énigmatique paquet dans la bibliothèque, pour le compte de la Résistance. Enfin, il souligne le tragique destin du peuple juif, brûlé par Hitler et longtemps empêché d’avoir une terre. « Tel est notre destin : les prétextes changent, mais la haine subsiste. Quelle est la conclusion ? » (p. 39)

J’ai récemment découvert Amos Oz avec Scènes de vie villageoise et je me suis promis de lire toute son œuvre. Avec ce texte court, tendre et émouvant, je me réjouis de cette promesse qui me fait rencontrer un auteur majeur et sensible.

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Paris est une fête

Texte d’Ernest Hemingway.

Le jeune Hemingway raconte ses années à Paris, après la Première Guerre mondiale, avec son épouse, Hadley. Le couple vit dans des petits appartements minables et court souvent après l’argent, surtout depuis qu’Hemingway a décidé d’arrêter le journalisme pour se consacrer uniquement à l’écriture. « Pauvres de nous, dit Hadley, dont toute la fortune tient dans un encrier. » (p. 120) Mais Hemingway n’a pas peur : confiant en son talent et optimiste de nature, il voit plus loin que la faim du jour et les périodes maigres. « Le travail guérissait presque tout. C’est ce que je croyais alors, et je le crois toujours. Je pensais que […] je devais me guérir de ma jeunesse et de mon amour de ma femme. » (p. 20) Dans le Paris d’après-guerre, il rencontre des personnes emblématiques : Gertrude Stein, Ezra Pound, Francis Scott Fitzgerald et son épouse Zelda. Il fréquente la librairie-bibliothèque de Sylvia Beach, Shakespeare and Company, et découvre les grands auteurs européens.

Roman ou chronique ? L’auteur répond en préambule : « Si le lecteur le souhaite, ce livre peut être tenu pour une œuvre d’imagination. Mais il est toujours possible qu’une œuvre d’imagination jette quelque lueur sur ce qui a été rapporté comme un fait. » (p. 6) Chacun conclut ce qu’il veut. Le plus important est de profiter de ce très beau texte qui rend hommage à la capitale française et à un certain art de vivre perdu, mais jamais oublié. « Paris est une très vieille ville et nous étions jeunes et rien n’y était simple, ni même la pauvreté, ni la richesse soudaine, ni le clair de lune, ni le bien, ni le mal, ni le souffle d’un être endormi à vos côtés dans le clair de lune. » (p. 43)

Quel plaisir de suivre les déambulations parisiennes du narrateur, mais surtout de reconnaître et de situer les lieux évoqués. L’avantage de fréquenter Paris depuis un certain temps ! L’île Saint-Louis, la Closerie des Lilas, La Tour d’Argent, les bouquinistes des quais de Seine, tout cela compose la carte d’un Paris Mythique immortalisé à jamais sous la plume de l’auteur. « Paris valait toujours la peine et vous receviez toujours quelque chose en retour de ce que vous lui donniez. Mais tel était le Paris de notre jeunesse, au temps où nous étions très pauvres et très heureux. » (p. 144)

Pour en savoir un peu plus sur Hadley, la jeune épouse de l’auteur, je vous conseille Madame Hemingway de Paula McLain, roman qui répond très justement à Paris est une fête, du point de vue de la femme mariée.

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Billevesée #271

Je tombe souvent sur des mots bizarres dans mes lectures. Et je suis sympa, j’aime partager.

Une vénus flexueuse, quoi qu’est-ce ?

C’est une femme qui se laisse facilement séduire. L’étymologie de « flexueux » renvoie à ce qui laisse fléchir.

À placer dans le prochain repas de famille un peu chiant long.

Alors, billevesée ?

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Borderline

Roman de Marie-Sissi Labrèche

« Je suis si jeune pour être triste. Trop jeune. Vingt-six ans. Mais c’est comme si j’en avais cent tellement ma vie est lourde à traîner. » (p. 151) Sissi est une jeune femme atrocement seule. Solitaire. Isolée. Abandonnée. Elle a grandi entre une mère folle et suicidaire et une grand-mère autoritaire et assez peu bienveillante. Son manque d’amour est insondable, alors elle se donne à tout va. « Mais par-dessus tout, ce dont j’ai le plus peur, c’est de ne pas être aimée. Alors j’ouvre mes jambes afin de voir le ciel ou mon petit bout de paradis. […] Je m’aime si peu, alors que m’importe d’ouvrir les jambes pour tous ceux qui semblent m’aimer un peu. » (p. 12) Sissi aime dominer les hommes, prendre le pouvoir à défaut de l’amour. Gare aux hommes – et aux femmes – à qui elle se donne ! « Je suis une castratrice. Une cantatrice de la castration. Je fais un chant de mon corps pour mieux leur couper les bijoux de famille avec mes dents acérées. » (p. 50) Mais derrière cette façade de force et de cruauté se cache une petite fille pleine de peurs qui sont devenues des fantasmes déviants. Sissi attire autant qu’elle effraie. Personne ne peut la sauver et tant pis pour ceux qui s’y risquent. Sissi est borderline. « Je suis une fille de cirque sur un fil d’argent, sans filet, sur le bord de tomber. Les limites sont trop floues, je l’ai déjà dit. Je suis borderline. » (p. 85) Ça n’empêche pas cette belle blonde complètement paumée d’appeler à l’aide, sirène sans promesse, rejetée sur la grève de sa propre existence. « La bouche grande ouverte, j’alerte la terre entière de ma présence. Heille ! Vous autres, je suis là ! Occupez-vous de moi ! Occupez-vous de moi avant que je fasse un malheur. » (p. 117)

J’aurais manifestement dû lire ce roman – premier de l’auteure – avant de lire La brèche. Il permet de comprendre le personnage développé dans ce dernier. Tant pis, tout lecteur a le droit d’être bordélique, borderline. On lit bien ce qu’on veut quand on veut ! Dans Borderline, j’ai retrouvé la même logorrhée, ce même débit infernal : pour ne pas s’entendre, ne pas penser, moins souffrir et moins manquer, Sissi parle encore et encore. Même son silence est tonitruant. Un film a été tiré des deux premiers romans de Marie-Sissi Labrèche, sous le titre de Borderline et produit par Lyne Charlebois. Je vais essayer de mettre les yeux dessus pour renouer avec l’univers si puissant de l’auteure.

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La porte

Roman de Magda Szabo.

La narratrice était une jeune femme quand Emerence est entrée à son service. La femme de ménage, elle, était déjà une vieille bien connue dans le quartier, la tête toujours couverte d’un foulard. Emerence est une travailleuse infatigable qui s’occupe de plusieurs maisons, d’un immeuble et de tous ceux qui ont besoin de son aide. Son inépuisable générosité n’a d’égale que sa solitude, sa rudesse et sa volonté farouche de ne laisser personne entrer chez elle. La porte de son logis est toujours close et personne ne sait ce qu’elle dissimule. La relation d’Emerence avec la narratrice est complexe. « Moi, je n’étais ni madame ni rien, et cela dura tant qu’elle ne put m’assigner de place dans sa vie, tant qu’elle ne découvrit pas ce que j’étais pour elle et comment elle devait m’appeler. » (p. 18) D’abord prudente et méfiante, la domestique nourrit finalement une profonde affection pour la jeune femme. Pourtant, tout oppose la jeune auteure, intellectuelle qui aime les mots et les idées, et la vieille domestique dont la vie intérieure vaut tous les romans. « Emerence était capable de m’inspirer les plus nobles sentiments comme les pires grossièretés, l’idée que je l’aimais me mettait parfois dans un état de fureur qui me prenait au dépourvu. » (p. 187)

Avec ce récit aux allures de confession, la narratrice se blâme d’avoir causé la mort d’Emerence après avoir forcé sa porte. Le passé de la vieille femme est plein de morts et son logis est un mystère fascinant : que dissimule Emerence dans son appartement ? Une fortune ? Des biens volés pendant la guerre ? Ou un trésor plus grand encore ? Ce personnage est de ceux qui marquent pour longtemps : cette vieille domestique aux mains déformée, aux cheveux toujours couverts, n’est jamais en repos, toujours affairée et pleine de mépris pour les intellectuels qui ne font rien de leurs mains. « Je ne lave pas le linge sale de n’importe qui, dit Emerence. » (p. 14) Pour autant, elle s’attache à la narratrice avec la même affection irraisonnée que lui témoigne Viola, le chien recueilli dans la neige.

La porte est un grand roman hongrois qui m’a donné envie de découvrir Budapest, mais aussi de lire d’autres textes de Madga Szabo. J’ai vu qu’un film a été tiré de ce roman : je suis curieuse de voir comment le mystère a été rendu en images.

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Une femme d’imagination et autres contes

Recueil de nouvelles de Thomas Hardy.

Une jeune fille plus ou moins abandonnée par son fiancé s’éprend d’un jeune lieutenant. Une veuve infirme voudrait se remarier, mais se heurte au refus de son fils. Une jeune femme ne sait pas résister aux mélodies jouées par un violoniste sans scrupule. « Les accents suppliants qu’il tirait de son instrument formaient comme un langage capable de déchirer de douleur le cœur d’un montant de porte. » (p. 54) Une épouse s’éprend d’un poète qu’elle n’a jamais vu et fait de naître de cruels soupçons chez son époux. « Elle paraissait destinée à ne pas rencontrer l’homme auquel elle était désormais toute entière attachée et dont elle admirait désespérément le talent rival. » (p. 90)

Il serait vain de vouloir résumer ces histoires : mieux vaut en retenir l’esprit général. Ces quatre nouvelles – ou contes comme l’indique le titre – présentent des personnages aux vies mornes. Les portraits sont d’autant plus poignants que les destins sont tristes. Compassion ou pitié, difficile de faire la différence. Outre les protagonistes éprouvés par l’existence, la société ou la malchance, il y a des personnages secondaires qui sont autant de victimes collatérales sous la plume d’un auteur qui ne cache pas son désespoir.

De Thomas Hardy, je préfère grandement les romans. Je garde un souvenir précieux et précis de Tess d’Urberville, de Loin de la foule déchaînée et de Jude l’obscur, mais ces courtes histoires sont une belle expression du talent infini de ce grand auteur anglais.

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Billevesée #270

Le gentilé est le nom donné aux habitants d’un lieu. Par exemple, les Parisiens habitent Paris (facile), les Malgaches habitent Madagascar (plus dur), les Bellecombaises habitent Bellecombe (hihihi) et les Séquano-Dionysiens habitent la Seine-Saint-Denis (à vos souhaits).

Ce mot vient du latin « gentile », neutre de « gentilis », dont le sens est « qui appartient à une nation ».

Un rapport avec les gentils tels que les définissent les Juifs ? Eh ben oui, même étymologie ! Pour les Juifs, tous les autres peuples non hébraïques sont étrangers. Un gentil est un non-juif.

Alors, billevesée ?

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