
Roman d’Arto Paasilinna.
Gunnar Huttunen rachète le moulin de la Bouche et remet en marche les meules et la scierie. Dans les années 50, cela peut être une activité lucrative pour un travailleur courageux, au cœur de la Finlande. Mais Gunnar a une habitude qui irrite les villageois : le soir venu, souvent, il hurle, libérant une énergie et une tension qu’il ne parvient pas à contenir. Il est aussi très habile pour imiter les animaux et ses concitoyens, manie qui finit de lui attirer l’inimitié de tous et toutes. « Quelqu’un devrait aller lui dire de ne pas hurler, un homme de son âge. C’est pas possible, qu’un être humain crie comme le dernier des loups. « (p. 18) C’en est trop, le meunier a hurlé une nuit de trop et perturbé pour la dernière fois le sommeil des honnêtes gens : sa place est à l’asile, à Oulu. Gunnar refuse de se laisser enfermer et, avec l’aide de Sanelma Käyrämö, conseillère horticole, il tente une vie de reclus dans les montagnes.
Ah, l’idiote vindicte populaire contre quiconque refuse de se plier à la norme ! Mais qui fixe cette norme ? Et en quoi la transgresser rend-elle coupable ? « Il savait bien qu’il n’était pas tout à fait normal, et il le reconnaissait. Il l’avait toujours su. Mais au diable si ça concernait les autres. » (p. 73) Avec ce roman, Arto Paasilinna questionne le vrai sens de la folie et le traitement que l’on fait des personnes qui en sont déclarées atteintes. L’enfermement est la seule solution, comme si être fou ou folle était un crime : point de traitement ou de soutien, zou, il faut faire place nette pour les gens sains d’esprit. « Huttunen, au nom de la loi, avait été mis en état d’infériorité, transformé en ermite à qui tout bien matériel était interdit, même la nourriture et jusqu’à l’amour. » (p. 172) L’étroitesse d’esprit et la méchanceté crasse des villageois·es sont insupportables : oui, Huttunen a une araignée au plafond, mais le confiner parce qu’il s’est moqué d’untel ou d’unetelle, c’est de l’orgueil mal placé ! « Il éprouvait une rage impuissante contre les fermiers du canton. Ils étaient devenus ses persécuteurs, ses poursuivants, ses geôliers. » (p. 171) Au lieu de faire profil bas et de rentrer dans le rang, Gunnar Huttunen revendique son droit à la différence, et puisqu’on ne veut plus de lui, il ne veut plus des autres. Plutôt vivre seul qu’entouré de pisse-froid procéduriers ! « Il n’était plus qu’un meunier sans moulin, un homme sans logis. Les humains l’avaient exclu et il s’était exclu de leur société. » (p. 137) La fin de ce conte sylvestre flirte avec un réalisme magique qui fait mes délices !
Du même auteur, je vous recommande évidemment Le lièvre de Vatanen.
Intéressant !
Je pense que ça te plairait !