Le garçon venu de la mer

Roman de Garrett Carr.

En 1973, un bébé est trouvé dans un tonneau, flottant près de la rive d’un village du Donegal. « Cet enfant, c’est la marée qui l’a apporté […]. C’est un don de la mer. » (p. 8) Que faire de cet être surgi des eaux ? Pour Ambrose Bonnar, c’est simple : le garçon qu’il nomme Brendan sera le frère de son fils Declan, le deuxième petit qu’il offre à son épouse. « Sauver un enfant de l’orphelinat était une bien petite trace à laisser en ce monde, mais il serait très heureux si c’était la plus grande qu’il arrivait à inscrire dans sa vie. » (p. 47) Pendant deux décennies, la famille Bonnar traverse les vicissitudes de l’existence, entre quotidien laborieux, brouilles familiales, précarité inquiétante et bonheurs simples. Declan voit d’un très mauvais œil l’arrivée de cet intrus qu’on veut lui imposer comme cadet. De son côté, Brendan suscite toujours des commentaires : le garçon n’est pas comme les autres gamins, toujours solitaire, mais prompt à visiter les malades et à distribuer d’étranges bénédictions. « Quelques-uns […] affirmaient que le garçon avait une sorte de pouvoir qui forçait les gens à s’interroger sur leur manière de se comporter. » (p. 60) Trouver sa place dans une famille, dans une ville et dans le monde n’est pas chose aisée quand on vient de nulle part.

Ce roman, c’est aussi le récit d’une économie européenne qui dévore les humbles travailleurs. Face aux immenses chalutiers, les petits pêcheurs du Donegal ne font pas le poids, et les jeunes ne veulent plus d’un travail éreintant qui rapporte si peu. « Les années 1980 ne traitaient pas bien la majorité d’entre nous. Tout l’argent disponible s’échangeait entre de moins en moins de personnes alors que d’autres vivaient dans le manque. » (p. 101) Le point fort de ce livre, c’est son narrateur. Ici, c’est le village qui parle, qui commente les banals événements qui se succèdent dans les familles. Tout en se défendant de se mêler des affaires des autres, cette voix surplombante scrute celles et ceux qui tentent de sortir du lot. La communauté est autant une protection qu’une enclave étouffante, surtout à l’ère de l’individualisme et des générations qui repoussent les carcans hérités. Le roman est dense, souvent triste, mais riche des émotions qui construisent les existences.

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