Joyeux Noël !

Il est né le divin lapin… Mon beau lapin, roi des terriers… Petit Lapin de Noël, quand tu descendras du ciel…

JOYEUX NOËL MES LAPINS !

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Les contes de Noël de Pierre Lapin

Recueil de textes rédigés et illustrés par Beatrix Potter.

Quel bel album que voilà ! J’ai une tendresse particulière pour Noël et pour les lapins, et aussi pour les histoires si joliment illustrées de Beatrix Potter. J’ai retrouvé Pierre Lapin, Jeannot Lapin, la famille Flopsaut et les souris du tailleur de Gloucester. Et j’ai découvert des textes charmants.

Agrémenté d’illustrations rares ou inédites et de reproductions des cartes de vœux que Beatrix Potter envoyait à ses proches, cet ouvrage est un trésor de Noël. C’est un plaisir de retrouver des contes bien connus et d’en lire des nouveaux.

Aucun doute, ce livre a toute sa place au pied du sapin ! « Les lapins aiment aussi les cadeaux, surtout les friandises et le tabac-de-lapin (ou lavande comme disent les humains). »

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Ma bohème

Poème d’Arthur Rimbaud.

Sous-titre : Poème à planter ou petit exercice de soin littéraire : poétisez vos peines, fleurissez vos solutions.

Pour ceux qui ne le connaissent pas, voilà le très beau texte de ce poète météore, si tôt disparu du monde littéraire.

Je m’en allais, les poings dans mes poches crevées ;

Mon paletot aussi devenait idéal ;

J’allais sous le ciel, Muse ! et j’étais ton féal ;

Oh ! là ! là ! que d’amours splendides j’ai rêvées !

Mon unique culotte avait un large trou.

Petit-Poucet rêveur, j’égrenais dans ma course

Des rimes. Mon auberge était à la Grande-Ourse.

Mes étoiles au ciel avaient un doux frou-frou

Et je les écoutais, assis au bord des routes,

Ces bons soirs de septembre où je sentais des gouttes

De rosée à mon front, comme un vin de vigueur ;

Où, rimant au milieu des ombres fantastiques

Comme des lyres, je tirais les élastiques

De mes souliers blessés, un pied près de mon cœur !

Si je vous présente ce poème, c’est surtout pour sa publication par les éditions Le Ver à Soie. Dans les fibres des pages sont intégrées des graines. Ce que l’éditeur vous propose, c’est de détacher les feuilles et de les planter, tout simplement. Ou comment créer du vivant à partir du beau ! La démarche m’émeut beaucoup, mais je doute d’être capable de détruire ce livre, même si ce n’est qu’un produit manufacturé qui ne porte nullement atteinte à l’œuvre éternelle d’Arthur Rimbaud.

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David Bowie en BD

Bande dessinée collective.

L’ouvrage se présente comme un docu-BD. Dans un ordre chronologique, les chapitres parcourent sur la carrière de David Bowie, de ses débuts à sa mort. « D’où vient Ziggy ? De très loin sans doute […] Ziggy est une incarnation directe du goût immodéré de David pour l’étrange, le fantastique, la science-fiction. » (p. 53 & 54) Chaque chapitre est dessiné par un illustrateur différent, et cela sied à merveille au transformisme de l’artiste. Je ne vais évidemment pas vous raconter la vie de David Bowie, Jérôme Soligny l’a fait bien mieux que moi avec sa première biographie, puis dans son récent ouvrage David Bowie Rainbow Man 1967-1980(Tellement hâte de lire le deuxième volume de cette biographie monumentale !!!)

Le livre évoque les étapes et les rencontres de la vie de Bowie, mineures et majeures, toutes indispensables dans la construction de son œuvre aux multiples facettes. « Peut-être que je me suis perdu et que je ne sais toujours pas ce que je suis. Une superstar ? Un clown ? Un monstre de foire effrayant ? » (p. 105) Terry, Angie, Haddon Hall, Ziggy, Lou Reed, Iggy Pop, Tony Visconty, Furyo, et bien d’autres jalons sont mis en images et en couleurs par le collectif qui s’est emparé de l’histoire du grand David Bowie.

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Joli sommaire en images, un artiste par case.

Comment ne pas bondir face à l’illustration de la première de couverture qui laisse penser que David Bowie avait les yeux vairons ! Screugneugneu, non, non, non !!! « Les deux yeux du jeune Bowie sont bien restés bleus, mais son iris gauche perpétuellement dilaté donne l’impression d’être noir. » (p. 19) Mais pour le reste, l’ouvrage est d’une grande qualité, agrémenté d’éléments biographiques précis et de documents entre les chapitres. Je replonge toujours avec énormément de plaisir et de fascination dans la vie de cet artiste que j’ai découvert tardivement et dont je ne cesse d’explorer l’œuvre qui semble inépuisable.

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Le paradoxe des jumeaux

Essai de René Zazzo.

Cet ouvrage commence par un entretien avec Georges et Laurence Pernoud et un autre avec Michel Tournier, notamment sur son roman Les météores, très inspiré des théories de René Zazzo. Suivent des chapitres plus scientifiques, largement agrémentés de chiffres et de graphiques. L’auteur transcrit également des témoignages de jumeaux, lui qui en a tant interrogés, sur le langage secret ou la sexualité. Il explore des exemples bibliques, mythologiques et littéraires, prouvant – si cela était nécessaire – que le sujet fascine les arts et les sciences. « Mais ce qu’il nous importe de souligner, c’est que jamais et nulle part la gémellité fut chose indifférente. » (p. 84) René Zazzo déconstruit l’illusion du double et démontre que les jumeaux sont un couple et non une paire, des individus et non des répliques. Il revient sur les fantasmes, les croyances et les craintes pour rassurer les futurs parents et apaiser les jumeaux adultes qui s’interrogent sur leur identité et leur singularité.

Ce livre a sans aucun doute vieilli, les données datant au mieux des années 1980, mais les propos restent très intéressants. Moi qui suis jumelle et n’ai connu que cela dans ma fratrie (vive les paires !), je réfléchis beaucoup aux implications que la gémellité a eues dans mon existence et la construction de mon moi adulte. Je retiens une phrase de René Zazzo au sujet des jumeaux bisexués: « Dans la majorité des cas, c’est la fille qui domine le garçon. » (p. 15) Pas tout à fait certaine que ce fut le cas pour moi et mon jumeau !

Je vous laisse avec quelques extraits tout à fait pertinents pour se faire une idée de la pensée de René Zazzo.

« Le paradoxe des jumeaux, c’est celui qui éclipse ou englobe tous les autres : les jumeaux identiques ne sont pas identiques psychologiquement. » (p. 8)

« Tout être humain […] est un être singulier, une personne, et les jumeaux ne font pas, ne peuvent pas faire, exception à la règle. Alors chaque enfant, même jumeau, porte en lui les signes d’une singularité imprescriptible. En somme, pour lui, le mérite des jumeaux est d’illustrer envers et contre tout, contre les puissances de l’hérédité, contre les pouvoirs du milieu, le principe de singularité. » (p. 20)

« Deux idées sont fondamentales dans ma contribution à la psychologie des jumeaux : les jumeaux sont des couples excessifs et non d’exception, l’individuation des jumeaux est un paradoxe puisqu’elle s’affirme en dépit des pouvoirs de l’hérédité et du milieu. » (p. 43)

« L’adjectif faux sonne de façon désobligeante – les « faux » jumeaux sont de vrais enfants, mais aussi de vrais jumeaux, puisque engendrés et nés en même temps. » (p. 85)

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La chair des rêves – Tome 2 : Lucyloo et les maraudeurs du rêve

Bande dessinée de Chris Debien (scénario) et Ysha (dessins).

Lord Absenthe et Lady Mare sont de mèche ! Ils manigancent les pires projets pour détruire le monde réel et ouvrir le Nowhere. «  La vérité est un leurre… tout comme les apparences. » Pour cela, ils ont besoin que Lucyloo révèle ce qui s’est passé lors de sa rencontre avec le Haut-Rêvant. Mais puisque la violence ne peut rien contre elle, Lord Absenthe décide d’utiliser l’amour… et il manipule Meetoo, le Maraudeur de Rêve, pour connaître le secret que la doll dissimule.

Ce deuxième volume reste magnifiquement dessiné et mis en page, mais il m’a semblé que l’intrigue progressait peu, en tout cas bien moins rapidement que dans le tome 1. Le besoin d’un tome 3 est évident tant l’histoire se suspend brutalement. J’ai beaucoup apprécié la petite histoire finale qui explique la naissance de Voodoo Boy.

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Nickel Boys

Roman de Colson Whitehead.

« Vous êtes ici parce que vous êtes incapables de vivre avec des gens respectables. Bon. Nickel est une école, et nous sommes des professeurs. Nous allons vous apprendre à faire les choses comme tout le monde. » (p. 47 & 48) Maltraitances. Cadavres de jeunes garçons criblés de chevrotine. Cimetière secret. Sévices corporels. Punitions disproportionnées. Abus de pouvoir. Trafics. Racisme. Injustice. Nourriture immonde. Fouet. Meurtres. C’est surtout cela qui compose l’histoire sordide de l’école disciplinaire de Nickel. « Les garçons arrivaient diversement abîmés à Nickel, où ils écopaient de nouvelles meurtrissures. » (p. 130) Elwood Curtis, jugé pour un vol qu’il n’a pas commis, a été condamné parce qu’il était noir. Tout simplement. Il continue à rêver de l’université, même s’il sait que Nickel ne peut rien lui apprendre. Entre baisser la tête et subir les coups d’une part, et refuser et se révolter d’autre part, Elwood et son ami Turner ont choisi. « Fuir était une folie, ne pas fuir aussi. » (p. 131) Dès le début du roman, le lecteur s’attache à Elwood, adulte, qui décide de revenir à Nickel pour confronter les cauchemars de son passé. « Ce n’était pas si loin. Ça ne le serait jamais. » (p. 11)

Cette histoire très inspirée d’un réel établissement de correction est insoutenable. L’auteur a trouvé un équilibre subtil entre les descriptions des horreurs infligées aux garçons et les ellipses, les secondes étant les plus horribles, car laissant le champ libre à l’imagination. Impossible de lâcher ce livre, notamment parce que les prétéritions construisent une attente impatiente du dénouement. Et quel dénouement !

J’avais tièdement apprécié le précédent roman encensé de Colson Whitehead, Underground Railroad, mais celui-ci est incontournable. J’ai trouvé dans ce texte quelque chose de Toni Morrison, une façon de parler de l’abjecte histoire raciste et ségrégationniste des États-Unis sans fard, mais sans accusation à charge. Les faits sont là, et ils sont terribles, et c’est tout le talent de l’auteur d’en faire œuvre littéraire et humaniste.

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La dormition des amants

Roman de Jacqueline Harpman.

« Je reprends la tâche dont je voudrais qu’elle ne soit jamais terminée comme si, me souvenant, j’étais toujours avec elle, vivante, radieuse, rieuse, jeune, et nous avons encore devant nous une éternité de cet étrange bonheur qui fut le nôtre. » (p. 218) Maria Concepcion, reine de France et d’Espagne, vient de s’éteindre. Son amant de toujours, Girolamo de los Lloros, prend la plume pour raconter ce que les chroniques ne savent pas. « Je ne suis point le héros de cette histoire, seulement l’historien. » (p. 14) Infante d’Espagne, Maria a été élevée par son père pour devenir reine. Mariée à Édouard, roi de France, elle prouve à l’Europe qu’une femme dument instruite a les épaules pour régner et s’imposer dans la politique des hommes. Si Maria Concepcion a aimé son époux, elle a aimé encore plus Girolamo, garçon châtré qu’elle a sauvé de la mort quand elle n’était elle-même qu’une enfant. Ces deux-là ont grandi comme des âmes sœurs, inséparables et fusionnels, si ce n’est dans leur chair. « Tu ne sauras jamais combien tu m’aimes et combien je t’aime. » (p. 222) Ces amants innocents et toujours purs ont vécu un amour impossible et parfait, car jamais entaché par les jeux de la chair. « Nous fûmes toujours chastes. Peut-être en a-t-elle souffert plus que moi. » (p. 292 & 293)

Que cette uchronie est belle ! L’autrice nous plonge dans un 17e siècle imaginaire. La Saint-Barthélemy a bien eu lieu, Henri IV a promulgué l’Édit de Nantes et les tensions entre communautés religieuses perdurent. Mais les monarques ne sont pas ceux de nos livres d’histoire. La Cour vit à Vaux-le-Roy, palais royal aux allures de dédale, avec des pièces murées et des portes secrètes. De guerres européennes en intrigues de cour, Maria Concepcion forge son destin de femme régnante et émancipée, inconditionnellement soutenue par Girolamo, son eunuque résolument fidèle et éperdu d’amour.

J’ai découvert Jacqueline Harpman avec Moi qui n’ai pas connu les hommes, roman qui m’a durablement marquée. Avec ce nouveau roman au titre magnifique, j’ai retrouvé la belle langue de l’autrice, soutenue mais jamais maniérée, et j’ai apprécié sa parfaite maîtrise de la conjugaison. Oui, la conjugaison et la concordance des temps, c’est une passion chez moi.

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Johnny Hallyday et ses anges gardiens – La vérité enfin révélée

Ouvrage de Laurent Lavige, Sacha Rhoul et Jean Basselin.  Avec plus de 100 photos et documents rares ou inédits.

Quatrième de couvertureOn pensait que tout avait été dit ou écrit sur celui qui restera, dans nos mémoires, le plus grand rockeur français. Les « anges gardiens » de Johnny Hallyday, Sacha Rhoul et Jean Basselin, se sont replongés dans leurs souvenirs pour que la vérité soit enfin révélée. Sacha Rhoul a accompagné, nuit et jour l’idole des jeunes, de 1966 à 1983. Aux côtés du chanteur, il a tout vu, tout entendu et tout vécu de l’intérieur. Il a endossé tous les rôles pour protéger son patron, mais aussi et avant tout, son ami. Jean Basselin, quant à lui, a accompagné l’idole à partir de la fin des années 80. Le monde a changé, les mesures ont évolué, mais Johnny est resté fidèle à lui-même. Jean raconte avec sincérité tous ces moments extraordinaires passés à ses côtés. Les femmes de sa vie, les vrais et faux amis, la musique, les bolides, les accidents, les trahisons, les rencontres incroyables, les doutes et les fantômes, la vie rocambolesque qui a fait de Johnny Hallyday la légende qu’il est aujourd’hui est enfin dévoilée par ses anges gardiens. Cet ouvrage est une succession d’anecdotes toutes plus incroyables les unes que les autres. Le tout agrémenté de photos et de documents rares et inédits issus des collections privées de Sacha Rhoul, de Jean Basselin et de Claude Pierre-Bloch.

Ce livre tient autant de l’album photo que de la revue de presse ou encore de la biographie. On y trouve des unes de magazine sur la vie de l’artiste, des couvertures de disques, des images privées de la famille du rockeur, des paroles de chansons, et des milliers d’informations qui remettent en perspective la carrière du grand Johnny dans la vie musicale et culturelle de son époque. L’ouvrage laisse la part belle aux documents d’archives, car l’histoire du chanteur, on la sait déjà… Ou on croit la savoir !

« Johnny a fait de ma vie une merveille ! Même en rêve, je n’aurais jamais pu imaginer vivre le dixième de ce que j’ai vécu grâce à lui. […] Johnny, c’était un tsunami à lui tout seul. Il fallait gérer l’artiste, mais aussi, et surtout l’homme. Un mec très complexe tout en étant tellement humain. » (p. 4) Ainsi commence le témoignage de Sacha Rhoul, secrétaire particulier de Johnny Hallyday pendant plusieurs décennies. Entre eux, la relation professionnelle, sans disparaître, a laissé une part de plus en plus importante à la relation amicale, voire fraternelle. Ce que dont Sacha Rhoul peut s’enorgueillir, c’est de sa fidélité à toute épreuve pour l’artiste, et de la confiance réciproque qui s’est nouée entre eux deux.

« Lorsque tu as eu la chance de côtoyer un mec de cette envergure, la vie te semble un peu fade après. C’est un homme que j’aimais vraiment. » (p. 6) Avec ces deux phrases, c’est la pudeur de Jean Basselin qui marque le plus, celle qui habille les relations fortes, celles dont on ne peut pas traduire la profondeur.

Sacha Rhoul, Claude Pierre-Bloch et Jean Basselin discutent tout au long du livre. Ils racontent l’insouciance, les colères, les difficultés et les bonheurs. À les lire, on croit les entendre et surtout voir toute la fougue d’un artiste hors-norme. Décomposé par décennies, l’ouvrage donne à voir clairement qui était ce Johnny que l’on pense si bien connaître. En entrant dans l’intimité des souvenirs des hommes qui l’ont côtoyé de si près, on discerne bien mieux l’homme, entier, derrière le rockeur. Les auteurs racontent la carrière multicarte et les relations de Johnny Hallyday avec d’autres artistes : Édith Piaf, Raymond Devos, Bob Dylan, Michel Polnareff, Eddie Vartan, Charles Aznavour, Robert Hossein, Eddy Mitchell, Michel Sardou, etc. On revoit aussi, évidemment, la vie personnelle du chanteur : ses épouses, ses enfants, ses amis et ses adversaires. Les auteurs ne se privent pas de régler quelques comptes et de remettre les pendules à l’heure : fidèles à Johnny même après la mort !

Aucun doute à avoir : ce livre richement illustré et superbement mis en page ravira les fans de Johnny Hallyday et tous ceux qui apprécient les textes magnifiques d’un chanteur qui a marqué plusieurs générations. Parce qu’on a tous au moins une chanson de Johnny dans le cœur…

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Guide du lapin

Ouvrage de David Taylor.

« En Grande-Bretagne, une coutume porte-bonheur consiste à prononcer, de une à trois fois, le premier jour du mois, le mot ‘lapin’ ou l’expression ‘lapin blanc’. » (p. 44)

Je n’ai plus de lapin et je ne prévois pas d’en avoir pour le moment. Mais comment résister à un livre qui parle de l’animal que je chéris tant ? J’ai trouvé cet ouvrage dans une bouquinerie où je flânais, et hop, directement dans le papier !

Saviez-vous qu’il existe 44 espèces de lapins, dont certaines hélas en voie de disparition, plus de 200 races et d’innombrables variétés ? David Taylor nous dit tout du métabolisme de cet adorable animal, dont certains représentants peuvent atteindre plus de 10 kilos ! « Doux, attentif, docile et intelligent, doté d’un pelage soyeux, c’est le compagnon idéal des personnes de tout âge. En outre, d’un entretien facile et peu coûteux, il ne réclame pas de promenade, et ne risque ni de mordre le facteur ni d’improviser une sérénade nocturne sur le toit de la maison. » (p. 8)

Alimentation, santé, sécurité, hygiène et vie quotidienne, tout est présenté pour aider les futurs ou actuels propriétaires de lapin. Les informations sont simples et précises, idéales pour accompagner un jeune lecteur à appréhender la vie avec un lagomorphe.

De nombreux petits encarts présentent des anecdotes étonnantes, voire hilarantes. Il est notamment question d’un lapin mordeur et d’un reproducteur exceptionnel. « Le lapin mentionné dans la Bible est, en fait, le Hyrax syrien, ressemblant à une marmotte, dont le parent le plus proche encore vivant est l’éléphant. » (p. 12)

Moi, me lasser des lapinous ? Jamais ! Dernière information indispensable : le toponyme Coney Island a un lien direct avec les lapins ! Je vous laisse chercher pour en savoir plus…

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Héritage

Roman de Miguel Bonnefoy

Lazare Lonsonier est un le fils d’un colon français qui a troqué le Jura pour le Chili après l’épidémie de phylloxéra. Il est Chilien, sans aucun doute, mais quand la guerre éclate en France, il s’engage pour défendre une terre inconnue. « Personne dans la maison ne comprit comment on pouvait se battre pour une région où l’on n’habitait pas. » (p. 19) Il ne meurt pas dans la Marne, mais revient avec un poumon en moins et des terreurs insondables. Son épouse fait entrer des centaines d’oiseaux dans leur demeure. Plus tard, c’est leur fille Margot qui part en Europe pour combattre le nazisme, aux manettes d’un avion. Enfin, Ilario, le dernier des Lonsonier, souffre dans sa chair de la dictature chilienne. Chaque génération est confrontée à un dilemme déchirant qui fait écho aux précédents, dans une forme d’héritage aux accents d’ironie tragique.

Une famille, l’Amérique du Sud, une certaine dose de sorcellerie, et il est impossible de ne pas penser aux Cent ans de solitude de Gabriel Garcia Marquez. Cependant, Miguel Bonnefoy dose savamment le réalisme magique dans son récit : il y a certes des morts qui marchent parmi les vivants et le mirage troublant d’un ancêtre perdu, mais les générations ne se confondent pas et les conflits sont concrets. Un siècle passant, c’est Santiago qui change, quittant ses modestes atours de village poussiéreux pour devenir la capitale d’un pays fait d’expatriés et de révoltés.

Miguel Bonnefoy manie avec un talent rare les prétéritions, artifice littéraire qui ménage parfois très mal un suspense bancal. Sous sa plume, elles sont la preuve d’un destin implacable et d’une mécanique littéraire parfaitement rodée. Comme avec son premier roman, Sucre noir, l’auteur m’a tout entière conquise dès les premières lignes.

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Fantaisie allemande

Recueil de textes de Philippe Claudel.

Dans ces nouvelles, dont certaines sont inédites, vous trouverez :

  • Un homme épuisé qui fuit une guerre et des camps ;
  • Le souvenir d’une première fois dans l’odeur des tilleuls ;
  • Une jeune fille un peu idiote et un peu cruelle pour qui la vieillesse n’a pas de sens ;
  • Un artiste fou face aux lois nazies d’épuration de la société ;
  • Une petite orpheline qui garde un mouchoir dans sa tête.

Cela transparaissait déjà puissamment dans Le rapport de Brodeck : Philippe Claudel est fasciné par l’Allemagne, ses spectres et les scories fascistes qui polluent encore la société d’aujourd’hui. Avec ses 5 textes qui jouent sur la chronologie et l’Histoire, l’auteur présente à notre pays voisin un miroir dont les reflets juste assez déformés ne suffisent pas à tromper. Oui, il est bien question de la plaie douloureuse laissée par le nazisme. Mais surtout, il est question de la place de l’homme face à l’horreur, qu’il en soit la victime ou l’instrument. « Était-il coupable ? Coupable d’avoir obéi ? Ou coupable de ne pas avoir désobéi ? Lui n’avait fait que suivre. » (p. 25) Il n’y a aucune réponse définitive, aucune certitude, aucune promesse : qui sait comment il réagirait en pareille situation, quand le pouvoir est si simple à prendre et qu’il est si facile d’en abuser ?

Les liens entre les nouvelles sont-ils volontaires ? Sont-ce des coïncidences, formes heureuses du hasard ? Philippe Claudel ne répond pas et laisse toute latitude au lecteur de tisser d’autres histoires avec sa matière. « Il m’est apparu ainsi qu’ils formaient un livre véritable, une sorte de roman que j’ai laissé volontairement lacunaire, et au sein duquel le lecteur est appelé à combler les vides, en devenant lui-même alors écrivain. » (p. 168 & 169)

Comme toujours, je suis touchée au cœur par l’écriture de Philippe Claudel, même si certains textes m’ont moins convaincue. Je retiens surtout que l’auteur, généreux dans son œuvre et dans sa vie, offre les droits d’auteurs de ce livre à une association d’aide aux libraires. Aide si précieuse en ces temps où nos dealers de livres favoris ont volet baissé.

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Ciao dans les bois

Album de Sarah Khoury.

Ciao est un lapin en peluche un peu curieux et tout à fait aventureux. À la poursuite d’un papillon, il s’enfonce dans la forêt. Au milieu des belles couleurs de l’automne, il rencontre bien des animaux et passe une nuit magique. « Mais ensuite je me retrouve emmêlé dans les bois » Et finalement, quel plaisir de retrouver la tendresse des bras de sa petite propriétaire !

Avec son petit bidon tout rond et ses longues oreilles, Ciao ne pouvait que me plaire et faire fondre mon cœur de grande gamine. Cet album fait la part belle aux illustrations, et le texte sait rester à sa place, discrète et délicate. Sur le papier, très épais et agréable au toucher, se déploient de superbes dessins d’animaux. Je pourrais encadrer chaque page tant chacune est un bijou de délicatesse et de poésie. Et ce qui est certain, c’est que je ne vais pas beaucoup tarder à me procurer l’autre album des aventures de ce doudou, Ciao et la mer.

Lecture pour les enfants, dites-vous ? Oui, et alors ?

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Dames du XIIe siècle

Essai de Georges Duby.

« Résignons-nous : rien n’apparaît du féminin qu’à travers le regard des hommes. » (p. 14) C’est au terme d’un long travail de recherche et d’études de sources diverses que l’auteur présente une importante analyse de la place des femmes dans la société du Moyen-Âge. Les épouses, les aïeules, les maîtresses, les religieuses et les recluses, les veuves ou encore les sorcières, toutes fascinent leurs contemporains qui, bien que torturés de désir, sont contraints par les lois de la société et de l’Église. Les figures d’Aliénor, Marie-Madeleine, Héloïse, Ève, Juette et Iseut nourrissent les récits et les imaginations.

Georges Duby décrit la façon dont l’amour courtois a été inventé, ainsi que l’art de la séduction par et pour les chevaliers. Il dépeint toutes les méthodes de l’Église pour régir les relations entre les sexes et séparer les descendances officielles des bâtardes. Mais surtout, tout est fait pour garder le contrôle sur les femmes jugées licencieuses, insoumises et pécheresses par nature.

La démonstration est claire, facile et plaisante à suivre. Je découvre le travail de Georges Duby avec cette lecture et j’apprécie vraiment la simplicité de son écriture, au service d’une pensée pourtant riche et bien menée. Je vous laisse avec quelques extraits de ce très bon texte.

« De la Résurrection, la Madeleine dut le premier témoin, donc l’apôtre des Apôtres. » (p. 39)

« Tous les dirigeants de l’Église, en tout cas, étaient d’accord pour juger nécessaire d’empêcher la femme de nuire. Par conséquent de l’encadrer. En la mariant. » (p. 58)

« La littérature chevaleresque fut toute entière composée par des hommes et principalement pour les hommes. Tous ses héros sont masculins. Les femmes, indispensables au déplacement de l’intrigue, n’y tiennent cependant que des rôles secondaires. » (p. 98)

« Comme le corps des nouveau-nés, le corps des défunts appartient aux femmes. Leur tâche est de le laver, de la parer. » (p. 161)

« La paix sociale reposait sur le mariage. » (p. 211)

« Évitons de tomber dans le travers inverse, de concevoir une histoire des femmes qui ne se soucierait pas des mâles. Au XIIe siècle comme aujourd’hui, masculin et féminin ne vont pas l’un sans l’autre. » (p. 246)

« Toute dynastie procède en effet d’un accouplement. » (p. 284)

« L’une des vertus des dames est la clémence, l’une des fonctions des dames est d’introduire un peu de mansuétude dans l’exercice de la puissance. »(p. 299)

« Le mariage, garant de l’ordre social, subordonne la femme au robuste pouvoir masculin. Bien soumise, prosternée, docile, l’épouse devient ‘l’ornement’ de son maître. » (p. 353)

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Lait et miel

Recueil poétique de Rupi Kaur, avec ses illustrations. Traduction de Sabine Rolland.

Décomposé en quatre chapitres – souffrir, aimer, rompre, guérir –, ce recueil de poèmes en prose s’affranchit de la ponctuation et des majuscules pour se concentrer sur les mots bruts. Les mots immédiats. Les mots sans filtre et sans fard. Ceux qu’il ne faut plus retenir.

La poétesse parle de viol et de résilience, du manque d’amour paternel, d’amour et de désir, de la force qu’il faut pour s’aimer soi-même et s’imposer face au monde et aux exigences injustes des hommes, et du grand pouvoir de la sororité. Pour avoir grandi dans le silence, elle refuse désormais de se taire, même quand il faut parler de ce qui fait mal, surtout quand c’est douloureux. La narratrice évoque l’amour qui naît et qui meurt, le deuil qu’il faut faire des relations achevées.

En bas de certains textes, sous le dernier vers se trouve le titre du poème. Et il donne un sens tout différent à ce que l’on vient de lire, il faut refaire le chemin à l’envers, reprendre le travail de lecture et de compréhension pour lire au-delà des mots.

Il n’y a parfois que 3 ou 4 lignes sur la page, mais l’immensité blanche qui s’ouvre en dessous n’est pas vide : elle est ouverte à tout ce que les quelques mots font naître chez les lecteurs, et dans mon cas, ce n’était pas loin de faire déborder la page…

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J’aurais adoré lire ce texte en édition bilingue, autant pour goûter les mots de la poétesse que pour apprécier le travail de la traductrice. Je vous laisse avec quelques extraits superbes.

« c’est ton sang dans mes veines dis-moi comment je suis censée t’oublier » (p. 16)

« l’idée que nous sommes si capables d’amour mais choisissons pourtant d’être toxiques » (p. 25)

« une fille ne devrait pas mendier une relation à son père » (p. 30)

« il n’a pas commencé par me dire que j’étais belle mais que j’étais exquise » (p. 56)

« c’est là que tu dois comprendre la différence entre vouloir et avoir besoin de / tu peux vouloir ce garçon mais tu n’en as pas besoin » (p. 90)

« je suis un musée rempli d’œuvres d’art mais tu avais les yeux fermés » (p. 104)

« les gens s’en vont mais la façon dont ils sont partis reste » (p.130)

« nous sommes tous nés si beaux / la plus grande tragédie est d’être convaincus que nous ne le sommes pas » (p. 187)

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La retraite de Monsieur Bougran

Nouvelle de Joris-Karl Huysmans.

« Être déclaré gâteux ! c’est un peu fort ! » (p. 32) Son directeur ayant décidé qu’il souffrait d’invalidité morale – motif commode pour l’évincer au profit d’un autre –, Monsieur Bougran est mis à la retraite à 50 ans. Lui qui vouait son existence entière à son travail au Ministère, le voilà oisif et humilié. Il ressasse sa passion de l’administration et de son langage d’initiés, sans voir l’inutilité crasse et imbécile de son ancienne tâche. « L’on prenait un texte de droit administratif dont le sens était limpide, net, et aussitôt, à l’aide de circulaires troubles, à l’aide de précédents sans analogie […], l’on faisait de ce texte un embrouillamini, une littérature de Magot, aux phrases grimaçantes, rendant les arrêts les plus opposés à ceux que l’on pouvait prévoir. » (p. 42 & 43) Monsieur Bougran traîne son ennui lors de déambulations vaines dans Paris, pour s’occuper le corps et l’esprit. Obsédé par le souvenir de son bureau au Ministère, il est prêt à tout pour retrouver un peu de son bonheur perdu de fonctionnaire.

Courte et parfaitement menée, cette nouvelle est évidemment brillamment écrite. Et c’est un plaisir de voir comment Huysmans se moque un peu de lui-même et de ses propres angoisses, lui qui fût un fonctionnaire ponctuel et rigoureux. La situation absurde du retraité est traitée sur un mode tragi-comique rehaussé par l’antagonisme des deux personnages secondaires. Ce que l’on observe dans ce texte, c’est la folie croissante d’un homme et sa conclusion inéluctablement fatale.

Cette nouvelle inédite n’était pas inconnue. Elle a été refusée par une revue et Huysmans l’a ensuite oubliée dans un tiroir. Dans son avant-propos, Maurice Garçon raconte l’histoire de ce texte qui a manqué de peu d’être détruit. Il fait le parallèle entre Huysmans et son personnage, Monsieur Bougran. « Très tôt, il fut préoccupé par la crainte de l’oisiveté qu’apporte la retraite et par la transition de l’activité au désœuvrement : la retraite met un espace, souvent difficile à supporter, entre la vie et la mort. » (p. 9)

L’objet livre est superbe, servi par une mise en page soignée et originale (une reliure en fil rouge !) et un travail éditorial remarquable. Il offre des reproductions d’œuvres, dont une en couleurs ! Joris-Karl Huysmans cessera-t-il un jour de me surprendre et de m’émerveiller ? J’en doute, d’autant plus si des éditeurs aussi talentueux et orfèvres que les Éditions Cent pages s’en mêlent !

Un grand merci à Fabienne, ma chère libraire de Place Ronde, pour si bien connaître ses clients. Je ne savais pas que ce livre existait, mais elle l’a commandé et l’a simplement mis sur sa table centrale. Sans me forcer la main, s’en m’en parler. Mais c’était une évidence : dès que j’ai vu le petit ouvrage noir, j’ai compris que je voulais sans même le connaître. Voilà pourquoi je défendrai toujours les librairies de proximité et la qualité de leur service.

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Bowie

Comics de Michael Allred.

Dans son avant-propos, Neil Gaiman résume parfaitement l’ouvrage. « C’est la vie de Bowie sous forme de paraboles et d’histoires imaginaires, une reconstitution magnifiquement documentée, sans doute meilleure que d’authentiques reportages d’époque. C’est la rétrospective fantasmée de la vie d’une personnalité fantasmatique, inspirée par la vie de son interprète, un certain David Jones, qui vécut jadis à Bromley et naquit à Brixton. »

J’ai lu plusieurs biographies de David Bowie, notamment celles de Jérôme Soligny qui a connu intimement l’artiste et sait parfaitement parler de lui. Je vous conseille donc vivement David Bowie et Rainbow Man 1967-1980.

Pour en revenir à ce comics, il ne m’a rien appris de nouveau, mais il a une façon très originale de présenter la vie de l’artiste caméléon, sous forme de reportage ou revue de presse. Et pour me faire lire un comics, il fallait vraiment David Bowie, car je ne suis vraiment pas à l’aise avec ces pages saturées d’images et de couleurs, qui ne laissent à l’œil aucun espace vierge pour se reposer un instant. Mais ce format colle plutôt bien à l’artiste protéiforme et extravagant qu’était Bowie. « À chaque étape, il ne considère rien comme requis, et sème les graines d’une future carrière florissante, tout en se gavant de culture pop américaine. »

Toujours en bande dessinée, j’avais beaucoup aimé Haddon Hall de Nejib, dans un style radicalement différent ! De toute façon, toute production littéraire ou artistique qui parle de Bowie a droit à mon attention la plus soutenue.

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La chair des rêves – Tome 1 : Lucyloo et les arpenteurs de songe

Bande dessinée de Chris Debien (scénario) et Ysha (dessins).

Lucyloo est une doll, machine qui arpente les songes pour collecter les perles d’Œniria, indispensable à la production de l’Absenthe qui lutte contre les terreurs qui pourraient détruire le monde. « Oubliez vos cauchemars, vos rêves pollués par Lady Mare et ses armées immondes. » Entre chaque mission, Lucyloo reste enfermée dans le laboratoire où elle a été créée, avec ses compagnes Lou-Ann et Adell-Ash, mais elle rêve de Grand-Extérieur et de cet homme qui lui laisse des messages. Dans le confort aseptisé de sa prison, elle ignore tout de la vraie menace qui approche. À moins que le danger soit plus proche d’elle qu’elle ne le pense…

Après des passages très dynamiques et chargés de détails, le dessinateur a l’intelligence de laisser la page respirer pour que son propos se déploie plus clairement. Je découvre le travail d’Ysha avec cette bande dessinée et je suis conquise par le mélange entre manga et Art Nouveau ! Mais surtout, je viens de trouver une nouvelle passion dans le genre dreampunk, qui interroge la réalité et le sens des choses. La fin suspensive de ce premier tome est des plus alléchantes et des plus frustrantes, et j’ai hâte de me replonger dans l’univers des arpenteurs et des maraudeurs !

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L’homme qui n’est jamais mort

Roman d’Olivier Margot.

Quatrième de couverture – Matthias Sindelar fut l’avant-centre génial de la Wunderteam, la grande équipe historique de l’Autriche. Il fut surnommé l’« homme de papier », pour son physique chétif et son art de franchir les murs de défenseurs, là où ne pouvait passer qu’un bout de papier. La Vienne du début du XXe siècle est la métropole intellectuelle du monde. Sindelar côtoie les cercles ouvriers et les cafés peuplés d’intellectuels. Il joue au football dans un pays qu’écrase la montée des organisations fascistes, les grognements d’une guerre civile à venir et les tensions avec l’Allemagne. Sa popularité a fait de lui le représentant adulé du football, cet art collectif qui se crée et s’abolit dans l’instant. Il personnifie le jeu et chacun comprend que dorénavant la beauté a une durée : une heure trente, le temps d’un match. Après l’invasion allemande, pour un match de gala auquel assiste Hitler, Sindelar porte la Wunderteam qui domine la Mannschaft, l’équipe nationale allemande, 2-0. C’est une humiliation et un acte de résistance. Le 23 janvier 1939, on retrouve son corps inanimé avec celui de sa compagne, juive, apparemment asphyxiés par une cheminée défectueuse.

« Matthias Sindelar ne peut pas savoir qu’il inventera un autre vocabulaire, celui du football, ce jeu universel, mais qu’il n’apprendra jamais la syntaxe de l’amour. » (p. 12) Je n’avais jamais entendu parler de Matthias Sindelar. Olivier Margot raconte joliment l’histoire de cet artiste du football, au jeu novateur et élégant. De sa jeunesse à sa mort très suspecte, le sportif a mené une vie simple auprès des siens, toujours fidèle à sa famille et à ses amis, même juifs. Surtout juifs. « Cet enfant du Lumpenprolétariat a fasciné l’élite viennoise, les écrivains, les acteurs, les architectes par sa prestance, son charisme, sa curiosité, sa créativité, au point d’entrer malgré lui dans cette aristocratie intellectuelle. Et il a résisté aux nazis. Et son refus de l’exil l’a conduit à la mort. » (p. 277)

J’aurais voulu apprécier autant cette biographie que celle de Takeichi Nishi, Briller pour les vivants. Hélas, la plume d’Olivier Margot m’a moins séduite que celle de Jérôme Hallier. Des répétitions étranges, parfois au mot près, brisent le rythme de lecture et donnent l’impression d’un texte qui ne progresse pas, qui revient sur ses pas sans raison valable. Dommage !

Lu dans le cadre du prix Sport Scriptum 2020.

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Deux pieds sur terre

Ouvrage de Basile de Bure.

« Pour les quelques génies que nous connaissons, combien de sacrifiés ? Qu’est-ce qui peut bien faire la différence ? Le talent ? Le travail ? La chance ? Probablement un peu des trois. » (p. 26) Pour répondre à cette question, le journaliste décide de suivre pendant un an l’équipe des moins de 15 ans d’un club de football en région parisienne, le Red Star de Saint-Ouen. De vestiaires en entraînements en passant par tous les week-ends de matches, Basile de Bure s’attache à Jhon, Nadir, Esaïe, Mahamadou, Sean, Anis et à tous ces gamins qui vivent pour le football. Leur scolarité est rarement réussie et leur vie familiale rarement simple, mais avec pudeur et acharnement, ces petits prodiges du ballon rond donnent tout sur le terrain. Ils écoutent leur entraîneur, Foued, et acceptent ses règles, sa discipline et sa rigueur. « Je commence à comprendre l’exigence de Foued : à ses yeux, son équipe est la meilleure d’Île-de-France, et c’est avec les meilleurs qu’il faut être le plus dur. » (p. 127)

Ces jeunes s’accrochent à leur objectif et à leurs crampons : les deux pieds sur terre, oui, mais la tête déjà dans les nuages. Pourquoi ne seraient-ils pas le nouveau Zidane ou le nouveau Mbappé ? Ils donnent le meilleur face aux recruteurs des grands clubs qui écument les matches pour alimenter leurs centres de formation et composer leurs futures équipes. « Grâce à la densité des populations, à la diversité de ses origines et à un tissu de clubs amateurs sans équivalents, l’Île-de-France a la réputation d’être le plus grand vivier de jeunes joueurs au monde, au même titre que la mégalopole Rio – Sao Paulo. » (p. 35) Les jeunes du Red Star sont en compétition, mais ils sont amis, soudés et comprennent les sacrifices qu’ils font au nom du ballon rond. Pour eux, le football, c’est au-delà du jeu et du sport. « Je veux en faire mon métier. Jamais je ne pourrai jouer pour le simple plaisir. » (p. 260)

C’est avec beaucoup d’émotion et de tendresse que j’ai lu ce reportage au long cours. Basile de Bure offre un ouvrage très humain et très touchant. Comme lui, on s’attache à ces petits gars, à cette génération 2004 qui, comme d’autres avant et après elle, espère une meilleure vie grâce au football et au stade. « En fait, si je ne signe pas, je pense que j’arrêterai le foot. » (p. 203)

Lu dans le cadre du prix Sport Scriptum 2020.

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Les Tragiques

Ouvrage de Christian Montaignac. Illustrations de Bertrand Vivès.

L’auteur présente des portraits de sportifs, illustres ou obscurs, fauchés en pleine gloire, en plein effort ou dans la plus totale des ignorances. Qu’ils soient morts sur le stade, la route et le ring ou loin des podiums, ils ont marqué la pratique sportive de leur fulgurance. Ils sont partis sur un score ou un échec définitif. « Les sportifs, destinés à mourir de leur vivant, sont appelés à faire de leur jeunesse l’œuvre d’une vie, leur chef-d’œuvre aussi. » (p. 7) Petites figures, anonymes ou héros installés, ce n’est pas leur renommée qui compte, mais leur dévouement sans faille au sport. Ils sont morts pour lui ou par lui. « On estime à plus de cinq cents le nombre de boxeurs morts à la suite de combats depuis les règles fixées en 1884. » (p. 61)

Christian Montaignac explore les rubriques nécrologiques du cyclisme, du rugby, des courses automobiles, du fleuret, de l’athlétisme et d’autres sports que l’on n’aurait pas imaginé meurtriers. Parce que parfois, ce sont la politique ou la pègre qui se mêlent d’écourter les carrières de certains sportifs. Dans cette galerie, seuls 4 portraits de femmes, alors je ne peux m’empêcher de citer leurs noms : Georgette Gagneux, Lillian Board, Régine Cavagnoud et Thaïs Meheust.

Voilà une lecture belle, mais triste. Très triste. Le titre donne une dimension presque mythologique à ces athlètes disparus trop tôt, et la certitude têtue qu’ils ne seront pas oubliés.

Lu dans le cadre du prix Sport Scriptum 2020.

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J’aime le sport de petit niveau

Entretien de Boris Cyrulnik et François L’Yvonnet.

« Le jeu est apparu dès que les êtres vivants ont pu échapper aux contraintes de l’immédiat. » (p. 13) C’est une évidence : pour se livrer à l’effort supplémentaire librement consenti que demande le sport, il faut jouir d’une totale disponibilité de corps et d’esprit.

« C’est pour cela que j’aime le sport de petit niveau, parce que, lui, il socialise. Lui, il moralise. Cela n’empêche pas la compétition, mais, après la compétition, même si on a perdu, on ira au restaurant ensemble. » (p. 87 & 88) Psychanalyste et éthologue, Boris Cyrulnik professe son amour pour le sport pratiqué pour le bien-être et le plaisir, notamment celui de se retrouver en petit comité, loin des ors hurlants des compétitions mondiales. « On a quitté la dimension relationnelle pour entrer dans le monde de la réussite financière. Le prix humain n’a plus grande importance. » (p. 17) Il rappelle la valeur adaptative du jeu, son importance dans les mécanismes d’apprentissage sociaux et sexuels des animaux et, par extension, des hommes au travers du sport.

Boris Cyrulnik répond aux questions avec une parole claire et bien construite. C’est un plaisir de suivre ses raisonnements. Il semble surtout valoriser le sport/jeu collectif, celui qui rassemble dans l’affrontement. Le sport individuel isole, place le sportif seul face à soi-même, chaque compétiteur n’affrontant ses adversaires que dans le tableau des scores.

Étudiante, j’ai lu plusieurs ouvrages de cet auteur et j’avais déjà apprécié la clarté de ses propos. Le sujet ici discuté avec François L’Yvonnet est moins anodin qu’il y paraît. Il y a bien des choses à décoder dans la pratique sportive.

Lu dans le cadre du prix Sport Scriptum 2020.

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Éloge de la défaite

Dialogue entre Laurent-David Samama et Jérémie Peltier.

« Ne nous voilons pas la face : perdre fait mal, fâche et abîme. C’est une claque. Le surgissement du réel dans un scénario que l’on imaginait idéal. » (p. 12) En sport comme en politique, la défaite interroge tout un parcours, un processus finalement non payant. Entraînement et campagne électorale sont revus et commentés selon que le challenger/candidat remporte ou perd le titre. Si le sport permet une certaine résilience et un retour sur les podiums, la politique des dernières années a prouvé qu’elle n’aime pas les perdants. Celui qui n’est pas élu ou réélu est désormais un loser, tandis que son adversaire plus chanceux n’a que peu de temps pour imposer sa réussite. « La victoire, en politique, constitue de plus en plus une fin en soi. L’alpha et l’oméga, c’est gagner, pas tant de construire l’avenir. Car après la victoire, on ne pense pas à l’après. On gère le courant. À l’inverse, la défaite nous oblige à voir plus loin, à établir une nouvelle stratégie, à penser au ‘rebond’ du lendemain. » (p. 21)

La mémoire commune se souvient des victoires, notamment celles que personne n’attendait : les Bleus en 1998 ou François Hollande en 2012. Mais elle épingle tout aussi durablement les défaites, car elles en disent souvent plus long que les succès. « La défaite m’intéresse particulièrement, car tout le monde perd dans la vie. Dès lors, la question est de savoir ce que l’on fait de ses déconvenues, faillites et autres drames personnels. Comment on les convertit en expérience. Car même s’il y a souvent de la souffrance dans l’affaire, il y a aussi du positif : échouer nous complexifie… » (p. 8 & 9) Les deux interlocuteurs discutent de l’humilité dans la défaite et de la crainte du non-retour. Terreau de futures victoires ou immédiate mise à pied, la défaite n’en finit pas de questionner l’injonction de la performance dans laquelle le monde libéral oppose tous les individus.

Il est bien facile d’inviter le perdant à l’élégance quand on n’est pas soi-même arrêté à quelques mètres de la ligne d’arrivée, mâchant et crachant la poussière que le premier nous envoie dans les narines. « Parfois, la défaite n’apporte rien, elle fait juste beaucoup de dégâts. L’enjeu, c’est donc de savoir perdre, d’apprendre à perdre avec élégance. C’est perdre mieux. Perdre avec autorité. Perdre avec dignité. » (p. 74)

De cet entretien mené à bâtons rompus, je retiens surtout le fameux exemple de Raymond Poulidor, si souvent cité par un de mes grands-pères. Je n’ai jamais vu courir ce cycliste, mais je me souviens du chagrin que j’ai eu pour cet inconnu quand j’ai appris qu’il n’avait jamais gagné. « C’est aussi cela, Poulidor ! Un perdant magnifique, un sempiternel vaincu qui n’abandonne jamais. Peut-être un surhomme, quelque part… En tout cas, un héros du quotidien ! Voilà l’origine de la ‘poupoularité’ de l’Éternel Second sur les routes du Tour de France. Il ne survole jamais. Rien ne lui est acquis. Il n’a pas de don. Son expérience quotidienne est celle du travail. C’est la France qui se lève tôt, celle qui va au turbin. C’est le pays qui, par l’effort, tire un bénéfice de son labeur. » (p. 39) La défaite, d’accord, mais pas sans s’être battu jusqu’au bout !

Cet échange est intéressant par de nombreux aspects, mais j’y ai parfois trouvé la lourdeur d’une discussion de comptoir. Dommage, car le sujet mérite d’être exploité plus précisément, au-delà des seuls exemples sportifs et politiques.

Lu dans le cadre du prix Sport Scriptum 2020.

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Briller pour les vivants

Roman historique de Jérôme Hallier.

Héritier de la noblesse nippone, le baron Takeichi Nishi a toujours eu des difficultés à prendre patience. Enfant illégitime, peu aimé et élevé dans une éducation stricte, ce jeune noble turbulent, impétueux et parfois violent canalise sa fougue auprès des chevaux. « À partir d’aujourd’hui, tu es un cavalier. Tu dois donc te comporter comme tel. Celui qui monte sur un cheval s’élève au-dessus des hommes. Il se distingue par sa haute stature. Sa conduite et sa tenue doivent être irréprochables. » (p. 53) Cavalier émérite de l’armée de l’Empire, il se consacre entièrement à la préparation des Jeux olympiques de 1932, selon un programme très personnel : entraînement harassant la journée, boisson et fête la nuit. Sur son cher cheval Uranus, il arrache une médaille d’or dont l’Empire s’empare pour sa propre gloire. Ami d’Harry Chamberlain et de Douglas Fairbanks, Takeichi Nishi reste cependant fidèle à son pays quand vient le moment de prendre les armes. C’est dans l’enfer brûlant d’Iwo Jima que finit la course du fier baron.

Avec ce vibrant portrait d’un homme toujours impatient, Jérôme Hallier fait plus que rendre hommage à un cavalier émérite : il fait revivre un peu du Japon des années 1930 et il dépeint les tristes heures vécues par la communauté japonaise en Amérique avant et pendant la guerre. Ce que nous rappelle la biographie un brin romancée de Takeichi Nishi, c’est qu’il y a des existences parfois trop étroites pour que la discipline ait prise sur elles. Et qu’il serait bien vain de vouloir s’opposer à certains destins. « Cher baron, je plains celui qui se retrouvera face à toi sur un champ de bataille. » (p. 86)

Lu dans le cadre du prix Sport Scriptum 2020.

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Borne

Roman de Jeff Vandermeer.

Rachel est récupératrice. Dans les décombres d’une ville ravagée, secouée d’une violence de chaque instant et surplombée par les ruines de la Compagnie, elle cherche tout ce qui se mange, tout ce qui peut être utile. « La ville gisait grande ouverte telle un trésor pour psychopathes. Des gens disparaissaient tout le temps. Des gens mouraient assez fréquemment. » (p. 292) C’est en accomplissant une tournée banale de récupération que Rachel trouve Borne, accroché à la fourrure nauséabonde de Mord, ours haut de trois étages et qui vole. Borne est-il une plante ? Un crustacé ? Ou un assemblage inédit de biotech doué de pensée ? « Rachel, Rachel… qu’est-ce que je suis ? » (p. 130) Être mouvant dont les capacités grandissent chaque jour, Borne est loin d’être inoffensif. Et sans tenir compte de l’amour qu’elle lui porte, Rachel devra accepter la véritable nature de son ami. « Borne m’apprenait continuellement comment le « lire », mais que voulait dire cette forme, à part que j’étais censée accepter l’impossible ? » (p. 137)

Vous qui ouvrez ce roman, ne cherchez pas à tout comprendre ou à comparer avec d’autres textes. Une fois encore, après Annihilation, Autorité et Acceptation, Jeff Vandermeer propose une science-fiction qui bouscule tous les codes et refuse toutes les facilités. Tout est étrangement beau dans son monde cruel, et même poétiquement dégoûtant. Il faut sans aucun doute saluer le travail de traduction de Gilles Goulet, car la lecture est fluide en dépit des curieux concepts développés par l’auteur. Magie ou ultra-technologie, à vous de voir par quoi est animé Borne. Moi, j’ai plongé avec délectation dans le récit a posteriori du désastre personnel de Rachel. Jeff Vandermeer excelle dans la construction d’univers où rien n’est certain, où tout est ouvert à l’interprétation. Ainsi, il offre à ses lecteurs la chance d’exercer leur imagination, et c’est un don aussi beau que le texte lui-même.

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Les graciées

Roman de Kiran Millwood Hargrave.

En 1617, une tempête ravage les abords de l’île de Vardø, au nord du cercle polaire. Elle emporte presque tous les hommes, partis en mer pour refaire les réserves de poissons. Privées de leurs fils, époux, père ou fiancés, les femmes s’organisent et apprennent à pêcher. « Ce n’est pas la première catastrophe que nous essuyons […]. Nous avons déjà perdu des hommes et nous avons survécu. » (p. 24) Mais cette indépendance n’est pas du goût d’Absalom Cornet, délégué du roi, bien décidé à imposer un christianisme aussi brutal qu’intolérant. La chasse aux sorcières commence sur l’île, contre ces femmes seules et contre les Samis qui vivent à proximité. Maren noue une amitié profonde avec Ursa, l’épouse du délégué, mais cela ne suffira pas à protéger ses amies et sa famille de la folie religieuse d’Absalom et de quelques villageoises bien trop heureuses de trouver un allié pour régler de vieilles querelles. « Les femmes vivent un seul et même moment, comme des hommes aux rames d’un bateau. » (p. 38)

Ce roman me tentait depuis sa sortie et j’étais ravie de le recevoir grâce à Babelio. Mais j’ai déchanté dès les premières pages face au style de l’autrice. Avec ses 390 pages, voilà un livre que j’aurais dû lire en 2 jours : il m’en a fallu 10 tant j’y revenais à reculons. J’ai achevé ma lecture cependant : l’histoire est bien menée, avec quelques retournements de situation bien amenés. Néanmoins, cela n’a pas suffi à me faire oublier la pauvreté de la plume de l’autrice et ses réflexes narratifs assez scolaires. Je ne sais pas dans quelle mesure la traduction de Sarah Tardy a amoindri ou amplifié les défauts d’écriture. Je doute donc de garder grand souvenir de ce roman historique et cela m’attriste assez.

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Le lapin de neige

Album de Camille Garoche.

Cet album sans paroles s’ouvre sur un charmant chalet sous la neige. Deux jeunes blondinettes sont à la fenêtre. L’une d’elles, plus mobile que sa sœur, s’aventure dans l’étendue blanche et façonne un lapin en neige. Pour que le petit animal ne fonde pas dans la maison, les enfants le rendent à la nature. Et la magie fait son œuvre : la forme de neige s’anime et sait montrer sa reconnaissance aux fillettes piégées dans la forêt froide.

Ce conte adorable réunit deux sujets si chers à mon cœur : les lapins et la neige. Au fil des pages, j’ai senti le froid piquant, la légèreté des cristaux et presque les odeurs glacées de la forêt prise dans l’hiver. J’ai trouvé quelque chose de scandinave dans l’ambiance, avec quelque chose d’exotique, mais aussi de très familier.

Pas besoin de texte pour se raconter cette histoire, que l’on soit petit ou grand. L’imagination fonctionne à plein devant les objets de papier découpés, superposés et photographiés dans des décors en trois dimensions, comme un paysage dont on observe les différents plans. La délicatesse du découpage et les douceurs conjuguées des couleurs nourrissent la poésie exquise de cet ouvrage, couronné par la fierté noble du blanc animal.

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Je suis le fils de Beethoven

Roman de Stéphane Malandrin.

D’ascendance russe et hongroise, Italo Zadouroff est un vieil homme qui veut que le monde reconnaisse enfin son lien avec Ludwig van Beethoven. « Beethoven a existé, voyez-vous, et moi aussi j’ai existé, sauf que moi, perdu dans le grand labyrinthe de mes souvenirs, personne ne me connaît et maintenant que les voix laissent sortir la grande explication des faits historiques, tout le monde va me connaître ; alors que lui, tout le monde le connaît, et maintenant qu’on me lit, chacun va le méconnaître ; c’est ainsi que se vident et se remplissent les lavabos : Beethoven est mort, moi je suis vivant, dans le secret de nos tombes se trouve la vérité que je m’apprête à dévoiler. » (p. 48) Ainsi, le compositeur de génie aurait vécu des amours contrariées avec une servante du château de Martonvásár. L’enfant né de cette courte relation, Italo, grandit sans son père, ce qui laisse forcément des traces. « La haine me coulait si bien dans les veines que j’ai passé toute ma vie à m’en défaire. » (p. 87) Les années passant, Italo devient un virtuose du piano, mais il est tout à fait incapable de composer. Après une vie entière à tenter, symboliquement et littéralement, de tuer le père, il livre son histoire dans ses mémoires, plus ou moins empêché par son trop fidèle valet.

L’Histoire a retenu de Beethoven qu’il est mort seul et sans descendance, alors que faire des élucubrations d’Italo Zadouroff, deuxième du nom ? Eh bien, les prendre ce qu’elles sont, de merveilleuses créations de l’imagination. À moins qu’elles soient tout à fait véridiques ? Qui peut savoir… Le fils fait face à un père trop imposant, écrasant, et sa vie entière est une démonstration de sa propre existence, un cri lancé à la multitude pour être enfin entendu. « S’il n’a pas manqué d’ambition, il a manqué de génie pour faire descendre le sublime dans une forme nouvelle et c’est la confusion dans les idées qui a fini par dominer chez lui. » (p. 237) Avec ce deuxième roman, Stéphane Malandrin explore à nouveau la puissance créatrice de l’esprit et les méandres infinis du réalisme magique, pour mon plus grand plaisir. Et bonus non négligeable, on retrouve Lisbonne et l’étrange codex à la source des malheurs du héros du Mangeur de livres, dont je ne peux que vous conseiller la lecture !

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La vie silencieuse de la guerre

Roman de Denis Drummond.

Enguerrand, journaliste de guerre, est porté disparu. Il avait prévu cette dramatique éventualité et a fait transmettre à son ancienne compagne son journal, ses lettres et quatre négatifs inédits. Jeanne travaille pour le Haut Commissariat aux réfugiés et elle connaît ce qu’Enguerrand a observé, le terrible visage de la guerre. « Il n’eut le temps que d’un seul cliché, celui de tous ces regards tendus dans la même direction, exprimant le même saisissement, la même terreur, au point d’effacer toute singularité, exprimant une attraction et un effroi comme s’ils percevaient ensemble, au même moment, avec la même intensité, que la guerre invente des horreurs. » (p. 5) Jeanne partage ces documents avec Gilles, propriétaire d’une galerie photo à Paris. Ensemble, ils lisent le journal d’Enguerrand et le suivent dans les conflits du Rwanda, de Bosnie, d’Afghanistan et d’Irak. Et ils développent les photos que personne n’a vues avant eux. Avec ces quatre clichés, Enguerrand propose une vision nouvelle – terriblement dérangeante – de la guerre. Une évidence s’impose à Gilles et Jeanne (?) : il faut exposer ces photos, les replacer dans le travail photographique d’Enguerrand et montrer ce qu’il a inventé. « Il s’agit bien de la guerre en ce qu’elle échappe à nos regards. » (p. 22)

L’auteur fait explorer à ses personnages quatre conflits que personne n’ignore, pour les avoir traversés ou les avoir vus sur papier glacé, ou papier glaçant peut-être… Car les plaies du monde ne se referment jamais. « La guerre nous apprend des choses qu’on ne sait pas retenir. » (p. 33) Au-delà du journalisme de guerre et de la photographie, c’est presque un art nouveau qu’Enguerrand invente. Et tout le talent de Denis Drummond est de décrire les photos sans les montrer, en les nourrissant de références universelles. Notre imagination fait tout le travail et ce qu’elle produit est aussi sublime qu’atroce. Nous aurions envie de voir ces photos majeures, mais pourrions-nous vraiment le supporter ? Alors que Paris est sous la neige, l’ampoule rouge du studio de développement révèle la dimension mythologique et religieuse de la composition photographique, puissamment symbolique. « Gilles repensait à ce qu’écrivait Enguerrand dans sa lettre sur le silence visuel de la photographie, ce coup d’arrêt donné par la fixité de l’image, comme une musique énigmatique qui s’adresse à l’œil et lui permet d’entendre le mutisme des choses. » (p. 192)

Je découvre Denis Drummond avec ce roman et c’est un uppercut ! La délicatesse avec laquelle il dépeint la fragilité des enfants démultipliée par la violence et la mort est remarquable. Me voilà pour longtemps sonnée par ce très beau texte.

Ouvrage lu dans le cadre du Prix Écrire la photographie, organisé par Place Ronde.

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Jane Campion par Jane Campion

Recueil de textes et interviews de Michel Ciment.

J’ai découvert le travail de Jane Campion en 2003, 10 ans après qu’elle ait obtenu la Palme d’Or pour La leçon de piano, et précisément en regardant ce film. Je ne compte plus le nombre de fois où j’ai visionné cette œuvre et écouté la magnifique bande originale composée par Michael Nyman. Si je devais choisir mon film préféré, ce serait celui-là. Et le réalisateur dont j’admire le plus le travail, ce serait évidemment Jane Campion. Toute son œuvre m’émeut, films et séries. « Elle sait aussi montrer comme nulle autre le corps désirant d’une femme pour l’autre sexe. » (p. 8)

Cette femme produit des œuvres avec des femmes – devant et derrière la caméra –, mais pas des films de femmes ou pour les femmes. Il n’y a pas de guerre des sexes sur ses pellicules, mais des recherches profondes et existentielles. « La femme est au centre de la vie et de l’œuvre de Jane Campion. Chacun de ses films a en son centre une protagoniste qui lutte pour son autonomie psychique et sensuelle et qui est en quête de sa subjectivité. » (p. 8)

Ce très beau livre rassemble des analyses détaillées de Michel Ciment sur chacun des courts-métrages, films et séries de Jane Campion. Suivent des interviews avec la réalisatrice, riches d’anecdotes sur sa réflexion et ses motivations. « Un homme aurait pu mettre en scène cette histoire, parce qu’il aurait pu imaginer ce qu’une femme ressent, mais moi, je le sais. » (p. 154) Le tout agrément de clichés pris pendant les tournages ou d’images extraites des films. Je garde cette somme cinématographique à portée de canapé, pour la sortir quand je rerereregarderai un film de Jane Campion. Et il est prévu que la réalisatrice adapte prochainement Le pouvoir du chien, nouvelle qui me réjouit au plus haut point.

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