Nous autres

Roman d’Eugène Zamiatine.

Au sein de l’État Unique, la soumission arithmétique apporte le bonheur et le Bienfaiteur sait comment garder son peuple dans « l’obéissance absolue et extatique, dans le manque idéal de liberté. » (p. 18) Au-delà du Mur Vert, tout n’est que confusion et il fait bon vivre dans « la vie mathématiquement parfaite de l’État Unique. » (p. 16) D-503 est le constructeur de l’Intégral, un vaisseau qui apportera la connaissance aux peuples. Chaque soir, il rédige ses notes personnelles et les compile sous le titre de Nous autres, en opposition aux peuples libres, mais malheureux. Dans les premières pages, sa confiance et sa foi dans le système sont inébranlables. Il est parfaitement heureux de son existence et de son organisation.

Et son regard croise celui de I-330. « Cette femme agissait sur moi aussi désagréablement qu’une quantité irrationnelle et irréductible dans une équation. » (p. 22) Quelque chose de fissure chez D-503. Il confie ses premiers questionnements à ses notes. « Que mon journal, tel un sismographe sensible, donne la courbe de mes hésitations cérébrales les plus insignifiantes. Il arrive que ce soit justement ces oscillations qui servent de signes précurseurs. » (p. 34) Inexorablement, I-330 le pousse à la différence et à la remise en question. Il lui vient une âme : est-ce un bienfait ? Est-ce une maladie ?

D-330 voudrait résister, se soumettre à nouveau à la bienveillante contrainte du système.  Mais il ne peut se passer de I-330 : « Elle est plus forte que moi, beaucoup plus forte et je ferai comme elle le désire. » (p. 110) Et que désire-t-elle ? Quels sont ses plans ? L’État Unique doit-il trembler devant cet esprit libre ? Ou n’y a-t-il que l’équilibre de D-503 qui soit en péril ? « Qui suis-je moi-même : « eux » ou « nous » ? » (p. 142)

Quel roman terrifiant ! Ce système qui promeut le bonheur sous la contrainte est parfaitement rationnel, voire acceptable. Et c’est bien ça le pire ! Les Tables régissent tout, même l’art et la musique. L’Indicateur des chemins de fer est considéré comme la littérature la plus aboutie. La morale est arithmétique et tout est soumis à la rationalisation et au calcul. Moi qui suis fâchée avec les nombres, je m’étonne d’avoir été séduite par cet état mathématique, au point de maudire les acteurs de la rébellion.

Eugène Zamiatine offre un roman d’une densité incroyable : chaque fois que je l’ouvrais, j’étais happée et fascinée, complètement bouleversée. L’intrigue qui date de 1920 est résolument moderne et bien inquiétante. Je connaissais le chef-d’œuvre de George Orwell et celui d’Aldous Huxley. Je les ai aimés. Mais Nous autres surpasse tout : il place l’humain au cœur d’une machine terrifiante, déshumanisée, sans espoir de salut.

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Jojo Lapin et la carotte magique

Recueil de textes d’Alain Royer et Emmanuel Baudry. Illustrations de Jeanne Bazin.

S’il y a une chose qui ne change pas dans la forêt, c’est que Maître Renard, Compère Loup et Frère Ours veulent sans cesse attraper Jojo Lapin pour le manger. « Maître Renard ne pouvait pas supporter l’idée de laisser passer l’occasion de manger Jojo. » (p. 69) Qu’il s’agisse de le transformer en pâté ou de le faire cuire dans une montgolfière, les trois gredins ne manquent pas d’idées, mais Jojo Lapin est plus rusé qu’eux. « Ces trois imbéciles me prennent pour plus bête qu’eux ! » (p. 33) Il déjoue toutes les entourloupes et toutes les embuscades qu’on lui tend et il n’est jamais en reste quand il s’agit de jouer un bon tour aux trois vilains compères.

Avec ses souliers vernis, son foulard à pois, sa veste et son pantalon à revers et son gilet à boutons, Jojo Lapin est bien élégant. Il est aussi le justicier de la forêt et il vient en aide à ses amis terrorisés par le loup, le renard et l’ours. Il combat aussi la tyrannie de Sire Lion et n’hésite pas montrer la bêtise des puissants. Les aventures de Jojo Lapin sont une adaptation du Roman de Renart et des fables d’Esope et La Fontaine. Ici, le plus malin, c’est toujours le lapin ! La morale de chaque histoire est très simple et toujours présentée avec humour. Ce coquin lapin me plaît depuis que je suis môme et ça n’est pas près de s’arrêter ! Mention spéciale pour les dessins de Jeanne Bazin qui sont des petits bijoux. C’est elle qui a illustré Félicie la souris d’Enid Blyton, toujours chez la Bibliothèque Rose.

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Ubik

Roman  de Philip K. Dick

Dans sa firme, Glen Runcinter emploie des anti-psys : ils sont capables de contrer les pouvoirs des télépathes et des précogs. Son meilleur élément, c’est Joe Chip, un testeur surdoué continuellement fauché. « Le facteur anti-psy est une restauration naturelle de l’équilibre écologique. » (p. 38) L’arrivée de Patricia Conley, une anti-précog au niveau jamais vu pourrait bien mettre en danger la firme. Peut-être est-elle un agent d’Hollis. Lors d’un voyage sur la Lune, l’équipe de Glen est attaquée. Désormais, c’est l’existence et le temps qui semblent menacés. « Est-ce que le monde entier va se mettre à mourir de faim à cause de l’explosion d’une bombe sur la Lune ? » (p. 156)

Joe Chip doit comprendre pourquoi les choses pourrissent, pourquoi il est le seul à pouvoir entrer en contact avec Glen, comment disparaissent les membres de l’expédition lunaire et pourquoi il passe de 1992 à 1939. « Nous ne sommes allés nulle part. […] Nous sommes là où nous avons toujours été. Mais pour une certaine raison – une parmi plusieurs possibles – la réalité a reculé, elle a perdu son support, son assise et elle reflué vers des formes antérieures. » (p. 205)

Voilà, je ne vous en dis pas plus et je cache délibérément plusieurs éléments fondamentaux de l’intrigue. Sachez seulement qu’Ubik est partout, qu’il a toujours été là et qu’il peut tout. Et les publicités liminaires à chaque chapitre se chargeront de vous rappeler qu’Ubik est un produit universel. Alors, mettez un peu d’Ubik dans vos lectures. Attention, Ubik est à utiliser conformément au mode d’emploi.

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Billevesée du dimanche #44

Après le mariage vient la lune de miel. Ce mois (période lunaire de 28 jours) est censée être la plus heureuse du jeune couple.

Mais pourquoi du miel ? Cela remonte aux pharaons qui buvaient une boisson à base de miel et de propolis (beurk) pendant le mois qui suivait leurs noces. Chez les Babyloniens et les Germains, on fêtait les noces en buvant de l’hydromel (miam).

Moins drôle, la lune de miel désigne également, au début d’un diabète, la période au cours de laquelle le pancréas produit encore un peu d’insuline.

Alors, billevesée ?

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La librairie Tanabe

Recueil de récits policiers de Miyuki Miyabe.

  • De terribles années
  • Mort sans mot dire
  • Le clairon menteur
  • Le chasseur solitaire
  • Un mois de juin peu ordinaire

Monsieur Iwa tient une librairie de livres d’occasion dans la ville de Tanabe. Son petit-fils, le jeune Minoru, lui prête main forte le week-end. Le vieux Iwa est doté d’un gros bon sens et d’un esprit de déduction assez poussé. Il est un peu le justicier des environs et il résout les mystères qui entourent des corps calcinés dans un abri antiatomique, des meurtres qui ressemblent à l’intrigue d’un roman ou le malheur d’un enfant battu.

Au sens étymologique, le policier est celui qui fait appliquer l’ordre et maintient le calme dans la cité. Monsieur Iwa est de cette trempe, même s’il ne sort pas souvent de sa boutique et qu’il passe beaucoup de temps à réprimander son petit-fils. Je n’ai pas vraiment apprécié ce recueil. Une nouvelle doit être concise, c’est-à-dire courte et condensée. Pour moi, ces récits ne sont que courts, voire sans profondeur. Et ce qui m’a surtout gênée, c’est une certaine idée selon laquelle les livres sont coupables. Ils sont au centre de toutes les intrigues et ils provoquent les malheurs. Pour moi, le livre est source de réconfort et d’épanouissement. Je suis donc opposée à l’esprit général de ce recueil.

Et, comme souvent, j’ai bien du mal à entrer dans les textes asiatiques. En premier lieu, je me mélange les yeux avec tous ces noms étrangers. Ensuite, c’est clairement une culture que je ne maîtrise pas : elle m’intéresse, mais je n’arrive pas à la cerner au travers des livres.

C’est donc une lecture ratée. J’espère qu’elle plaira davantage à mes copines du club de lecture. Mais certaines ne sont pas sensibles au genre policier et d’autres apprécient peu le format de la nouvelle.

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Nana

Roman d’Émile Zola.

Le Tout-Paris est en effervescence : une nouvelle actrice monte sur les planches ce soir. On la dit belle, on la dit blonde, on la dit éblouissante. Pour sa première, Nana se fait désirer et ce n’est pas par son talent qu’elle enchante le parterre. « Est-ce qu’une femme a besoin de savoir jouer et chanter ? » (p. 8) Le talent de Nana, c’est bien entre ses cuisses et entre ses bras qu’il se trouve. Échappée, on ne sait comment, du ruisseau et des trottoirs gras de Paris, Nana est maintenant bien loin de la boutique de ses parents, disparus à la fin de L’Assommoir. Alors qu’elle triomphe dans le théâtre de Bordenave, les hommes se pressent dans son salon, impatients de se frotter à ses jupes. Dans son appartement, c’est tout un monde de grues qui se donnent des airs, qui se chamaillent et se disputent les attentions des hommes.

Nana est très demandée, très désirée et bien incapable de se satisfaire d’un seul homme. Si elle laisse le comte Muffat l’entretenir, elle ne peut s’empêcher de tomber dans d’autres bras. Cette belle fille blonde et grasse qui excite tous les appétits bourgeois de Paris a parfois des envies de salissure et serait prête à tout abandonner pour une tocade. « Et tu te ruines pour un oiseau pareil ; oui, tu te ruines, ma chérie, tu tires la langue, lorsqu’il y en a tant et des plus riches et des personnages du gouvernement. » (p. 243) Alors qu’elle est prête à retourner au ruisseau, Nana a des rêves d’honnêteté et de puissance. Elle se voit en grande bourgeoise qui donne le ton, en femme du monde à qui personne ne refuse rien. Elle triomphe au champ de courses, sous les yeux de l’Empereur et des hauts dignitaires français. Pour assurer son train de vie, elle essore ses nombreux amants et les hommes sont bienheureux qu’elle accepte de les ruiner. « Un homme ruiné tombait de ses mains comme un fruit mûr, pour se pourrir à terre, de lui-même. » (p. 405) À Paris, il est du dernier chic de se faire rincer par la belle Nana. Pour elle, les hommes volent, mentent, se suicident, renient leurs principes et piétinent leur vertu.

Enragée de luxe et de splendeur, cette sublime prostituée est folle de désir pour des plaisirs dégoûtants qui lui font croire qu’elle est libre. Aidée de Zoé, sa rusée femme de chambre, Nana fait défiler les hommes et les femmes dans ses salons, orchestrant le plus fabuleux vaudeville de Second Empire. Chez Nana, l’amant n’est pas sous le lit : il fait antichambre pendant qu’une canaille se vautre dans les draps et les dentelles. Les acteurs, les journalistes, les banquiers, les nobles, tout le monde se presse chez la plus grande cocotte de Paris. Pendant ce temps, Madame se donne sans honte dans le lit d’un client, parce qu’il faut bien payer le boulanger. Et quand, finalement, Nana perd tout, la France déclare la guerre à la Prusse. L’entrée de ce nouveau personnage va faire bouger le Second Empire.

Que j’ai aimé cet épisode des Rougon-Maquart ! Cette Nana ne manque pas de panache, ni de ressources. Sous des dehors superbes, ce personnage incarne toute la pourriture de la lignée. Son fils Louis est l’aboutissement d’un sang faible et vicié. Peu à peu, Zola élague l’arbre généalogique et fait tomber les branches pourries. On se demande toujours si le prochain printemps verra fleurir un nouveau Rougon ou un nouveau Macquart. La suite au prochain volume !

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Challenge TOTEM

Pour les Amérindiens, le totem est un être mythique considéré comme l’ancêtre du clan et est représenté par un animal, souvent sous une forme verticale.

Je n’ai pas de clan, mais je crois au pouvoir du lapin et j’en ai fait mon totem. Et vous, quel est votre totem, l’animal qui vous représente et que vous aimez ? Et si je vous disais que nos PAL, c’est un peu le totem des temps modernes ? La littérature est notre clan et les blogs sont nos tipis !

Maintenant, mixons tout ça ! Je vous propose le challenge TOTEM : choisissez votre animal et fouillez votre PAL pour composer votre totem. J’accepte tous les genres de lecture : roman, bande dessinée et manga, littérature jeunesse, essai, album et même recette de cuisine ! Oui, j’accepte le lapin chasseur, mais le premier qui me propose un chat aux câpres, je le dénonce ! L’animal peut être présent dans le titre, mais ce n’est pas obligatoire : du moment qu’il tient une part importante dans le texte, ça suffit.

Je précise que j’accepte les lectures rétroactives, mais il faut quand même participer avec de nouvelles lectures. Ce challenge est illimité : pourquoi devrions-nous cesser d’adorer nos totems palesques et animalesques ? Toutefois, le participant qui aura enregistré le plus de lectures nouvelles d’ici le 31 octobre 2013 se verra attribuer un petit quelque chose en rapport avec son totem…

Inscrivez-vous en commentaire en me précisant votre animal et n’oubliez pas de venir me présenter vos lectures. N’hésitez pas à reprendre mon logo : j’ai bidouillé avec Paint et on voit toute l’étendue de ma médiocrité artistique.

Ça n’étonnera personne, je choisis le lapin ! Je pense que le chat sera l’animal le plus représenté, mais n’hésitez pas à parler d’escargot, de cochon d’Inde et d’hippocampe !

Participants :

Lili Galipette avec le lapin

  • Elles sont toutes ici !

Lydia avec le chat

Lectures passées

Lectures nouvelles

  1. Les autres dieux : Les chats d’Ulthar, H.P. Lovecraft
  2. Les fleurs du mal : les chats, Charles Baudelaire
  3. Le chat, Philippe Geluck
  4. Blacksad, tome 1, Diaz Canales et Guarnido
  5. Pif Poche, José Cabrero Arnal
  6. Blacksad, tome 2, Artic Nation, Diaz Canales et Guardino
  7. Les contes du chat perché, Marcel Aymé
  8. Garfield prend du poids, Jim Davis
  9. Histoire naturelle, Pline l’Ancien
  10. Annales, Tacite
  11. Titi et Grosminet, vacances aux Canaries, album illustré
  12. Tom et Jerry, Bonjour les vacances, album illustré
  13. L’aigle, la laie et la chatte sauvage, in Fables, Phèdre
  14. Blacksad, tome 3, Âme rouge, Diaz Canales et Guardino
  15. La maison du chat-qui-pelote, Honoré de Balzac
  16. Contes glacés, Jacques Sternberg
  17. Le chat maigre, Anatole France
  18. Contes, les frères Grimm
  19. Le chat botté, Charles Perraut
  20. La chatte sur le toit brûlant, Tennessee Williams
  21. Les chats, Yann Arthus-Bertrand et Danièle Laruelle
  22. Le chat qui s’en va tout seul, Rudyard Kipling
  23. Le chat maltais, Rudyard Kipling
  24. Misti, Guy de Maupassant
  25. L’enfant chat, Beatrix Beck
  26. Les colères du chat-tigre, Jeff Clinton
  27. Blacksad, tome 4, L’enfer le silence, Diaz Canales et Guardino
  28. Le mystère du pont Gustave-Flaubert, Pierre Thiry
  29. Félix le chat, album illustré
  30. Le chat (Les névroses), Maurice Rollinat
  31. Le chat brésilien, Sir Arthur Conan Doyle
  32. La chatte, Colette
  33. Le chat du Neptune, Ernest d’Hervilly
  34. La chatte et Aphrodite, Esope
  35. L’oeil-de-chat, Fortuné du Boisgobey
  36. Fables, Jean-Pierre Claris de Florian
  37. Chat en poche, Georges Feydeau
  38. La maison dans l’oeil du chat, Mireille Havet
  39. Le paradis des chats, Émile Zola
  40. Le chat Murr, Ernst Theodor Amadeus Hoffmann
  41. N’éveillez pas le chat qui dortJulien Gloag
  42. Le retour du chat, Philippe Geluck
  43. À chat parlé, Martine Hermant et Patricia Fayat

Lilibook avec le chat

Lectures passées

Lectures nouvelles

  1. Panique à Paris – Les enquêtes de Mirette, Fanny Joly
  2. Chi, une vie de chat, Kanata Konami

Herisson08 avec le hérisson

Lectures passées

Lectures nouvelles

  1. Tout autour de moi, Clotilde Perrin
  2. Princesse Lili, prête pour le bal, Pakita, L. Jammes et M. Clamens
  3. Oh les jolies petites bêtes, Mélanie Combes
  4. Le tamanoir hanté, Alice de Poncheville

Skarn-sha avec le loup

Lectures passées

Lectures nouvelles

Sandrine avec la grenouille

Lectures passées

Lectures nouvelles

Mazel avec…

Lectures passées

Lectures nouvelles

Vincent avec l’ours

Lectures passées

Lectures nouvelles

Nathalie avec l’ours

Lectures passées

Lectures nouvelles

  1. L’ours, Jules Vallès
  2. L’ours, Louis Baude

Syl. avec le chat

Lectures nouvelles

  1.  Mon chat me snobe, Peter Wedderburn
  2. Le chat qui parlait malgré lui, Claude Roy
  3. Toutes griffes dehors, Giorda
  4. Le Noël du chat assassin, Anne Fine
  5. Blacksad, Amarillo, Guarnido et Canales

Catherine avec le chat et le singe

Lectures passées

Lectures nouvelles

  1. La gazette du Chat, n°1, Geluck
  2. Rose et la maison du magicien, Holly Webb
  3. Yin Yin et le signe du dragon, Chu Mi
  4. Le singe de Hartlepool, Wilfrid Lupano et Jérémie Moreau

Edwyn avec le chat

Lectures passées

Lectures nouvelles

  1. Micmac chez les matous, Anna Cerasoli et Annalaura Cantone

Malorie avec le chat

Lectures passées

Lectures nouvelles

Asphodèle avec le chat et l’oiseau

Lectures passées

Lectures nouvelles

Laure avec les oiseaux

Lectures nouvelles

  1. Le lecteur inconstant, suivi de Vie du corbeau blanc, Carlos Liscano
  2. Un envol de pigeons écarlates, Françoise Moreau
  3. Les oiseaux de l’hiver, Jim Grimsley
  4. Un oiseau blanc dans le blizzard, Laura Kasischke
  5. La fiancée des corbeaux, René Frégni
  6. Geai, Christian Bobin

valentyne avec le cheval sous toutes ses formes

Lectures nouvelles

  1. Cheval de guerre, Michael Morpugo
  2. Le ciel des chevaux, Dominique Maynard
  3. Les cavaliers, Joseph Kessel
  4. Ghostopolis, Doug TenNapel
  5. Cheval roi, Gaston Paul Eff
  6. Le poney rouge, John Steinbeck
  7. Pas facile de voler des chevaux, Per Petterson
  8. Chevaux échappés, Mishima
  9. Dark Horse, Craig Johnson
  10. Le sillage de l’oubli, Bruce Machart
  11. De si jolis chevaux,  Cormac McCarthy
  12. Cavalier/Cheval, Franck Venaille

MissG avec la chouette et le chien

Lectures passées

Lectures nouvelles

  1. Snoopy : Chienne de vie, Charles M. Schulz
  2. Earl et Mooch – Tome 1 : La nuit du chasseur, Patrick McDonnell
  3. Earl et Mooch – Tome 2 : Mon maître, ce héros, Patrick McDonnell
  4. Une vie de chien – Tome 1 : Tranquille le chien !, Mark O’Hare
  5. Earl et Mooch – Tome 3 : La peau de l’ours, Patrick McDonnell
  6. L’ABC du chien, Julie Eugene
  7. À pied, à cheval et en fusée, Clifford D. Simak

Bibalice avec le guépard

Lectures nouvelles

Nunzi avec le chat et le chien

Lectures passées

Lectures nouvelles

  1. Quand mon chat était petit, Gilles Bachelet
  2. La guerre des clans, tome 1, Erin Hunter
  3. La guerre des clans, tome 3, Erin Hunter
  4. La guerre des clans, tome 4, Erin Hunter

Virgule avec le singe

Lectures passées

Lectures nouvelles

  1. Un singe en hiver, Antoine Blondin

Lystig avec l’ours

Lectures passées

Lectures nouvelles

  1. Thérapie, Sébastien Fitzek

Nathan avec le chat

Lectures passées

Lectures nouvelles

Opaline avec les oiseaux de proie

Lectures passées

Lectures nouvelles

Mélusine avec les félins

Lectures passées

Lectures nouvelles

  1. L’odyssée d’Homère, Gwen Cooper
  2. Séduction, meutres et chocolat noir, Kyra Davis
  3. Coup de foudre, crimes et rouge à lèvres, Kyra Davis
  4. Histoire d’une mouette et d’un chat qui lui apprit à voler, Luis Sepulveda
  5. Le dernier chat noir, Eugène Trivizas

Belette2911 avec le loup (et le garou) et le dragon

Lectures passées

Lectures nouvelles

  1. L’âge de feu, tome 3 : Dragon banni, E. E Knight
  2. Légende, tome 6 : Le secret des Eïles, Yves Swolfs
  3. Chroniques des temps obscurs, tome 1 : Frère de loup, Paver
  4. Chroniques des temps obscurs, tome 2 : Le fils de l’eau, Paver
  5. Légende, tome 1 : L’enfant loup, Yves Swolfs
  6. Légende, tome 2 : Les forêts profondes, Yves Swolfs
  7. Légende, tome 3 : La grande battue, Yves Swolfs
  8. Légende, tome 4 : Le maître des songes, Yves Swolfs
  9. Le temps des loups, Douriaux
  10. Le meneur de loups, Alexandre Dumas
  11. Mercy Thompson, tome 3 : Le baiser du fer, Patricia Briggs
  12. Mercy Thompson, tome 5 : Le grimoire d’argent, Patricia Briggs
  13. L’appel sauvage, Jack London
  14. Le chevalier noir et la dame blanche, tome 1 : La danse du loups, Queyssac
  15. Croc-Blanc, Jack London
  16. Ric Hochet, tome 15 : Le montstre de Noireville, A.-P. Duchateau et Tibet
  17. Fables – Tome 1 – Légendes en exil, Bill Willingham & Mark Buckingham
  18. Fables – Tome 2 – La ferme des animaux, Bill Willingham & Mark Buckingham
  19. Fables – Tome 3 – Romance, Bill Willingham & Mark Buckingham
  20. Fables – Tome 4 – Le dernier bastion, Bill Willingham & Mark Buckingham
  21. Fables – Tome 5 – La marche des soldats de bois, Bill Willingham & Mark Buckingham
  22. Fables – Tome 6 – Cruelles saisons, Bill Willingham & Mark Buckingham
  23. Fables – Tome 7 – Les royaumes, Bill Willingham & Mark Buckingham
  24. Fables – Tome 8 – Les mille et une nuits (et jours), Bill Willingham & Mark Buckingham
  25. Fables – Tome 9 – Les Loups, Bill Willingham & Mark Buckingham
  26. Fables – Tome 10 – Les fils de l’empire, Bill Willingham & Mark Buckingham
  27. De Cape et de Crocs – Intégrales 1 à 5 – Actes I à X, Alain Ayroles & Jean-Luc Masbou
  28. Ekhö monde miroir – Tome 1 – New York, Christophe Arleston & Alessandro Barbucci
  29. Ekhö Monde miroir – Tome 2 – Paris Empire, Christophe Arleston & Alessandro Barbucci
  30. Ekhö – Tome 3 – Hollywood Boulevard, Christophe Arleston & Alessandro Barbucci

Jeneen avec l’herpétofaune et les dragonosaures

Lectures passées

Lectures nouvelles

Eeguab et les grands félins

Lectures passées

Lectures nouvelles

Soène avec le chat

Lectures passées

Lectures nouvelles

  1. Le chat et les pigeons, Agatha Christie
  2. Langue de chat, Jean-Noël Blanc
  3. Des chats et des hommes, Patricia Hignsmith
  4. Un chat venu du ciel, Dyan Sheldon
  5. Toutes griffes dehors, Giorda
  6. Le chat noir et autres nouvelles, Edgar Allan Poe
  7. Janus, le chat des bois, Anne-Marie Chapouton
  8. Le chat qui aimait la brocante, Lilian Jackson Braun
  9. Demain, j’arrête, Gilles Legardinier
  10. Dewey, Vicki Myron
  11. Chat de bureau, Maurice Rollinat
  12. Allumer le chat, Barbara Constantine

Le Bison avec le bison

Lectures passées

Lectures nouvelles

Liyah et le chat

Lectures passées

Lectures nouvelles

  1. Monsieur Soupochou, Yayo et Bruno Robert

isallysun avec l’aigle et le cheval

Lectures nouvelles

  1. Mission sacrée, tome 1 : Les esprits de l’Amazonie, Claudine Douville (aigle)
  2. Le livre de Noël, Selma Lagerlöf (cheval)
  3. Bilbo le Hobbit, JRR Tolkien (aigle)

Liousha et Tiki avec le chat

Lectures anciennes

Lectures nouvelles

  1. Les chats, Catherine Siguret
  2. Le chat qui venait du ciel, Takashi Hiraide
  3. Monsieur, Marie-Ange Guillaume
  4. Pourquoi le tigre ne grimpe pas aux arbres, He Zhihong
  5. Que tal, Daniel Arsand
  6. Webster le chat, P. G. Wodehouse
  7. Le chat et le tigre, Maïa Varsimashvili-Raphael
  8. M. Goodman rêve de chats, Jacques Roubaud
  9. L’attaque des lasagnes, Arnaud Huber et Jim Davis
  10. Comment faire avaler une pilule à un chat, Isabelle Collin
  11. Cath et son chat, Yrgane Ramon, Christophe Cazenove et Hervé Richez
  12. Le chat de Tigali, Didier Daeninckx
  13. Brèves de chats, Dominique Neubourg
  14. Histoire du chat et de la souris qui devinrent amis, Luis Sepulveda

Natiora avec le chat et le tigre

Lectures passées

Lectures nouvelles

  1. Allumer le chat, Barbara Constantine
  2. Bastards, Ayerdhal

Céline avec le saumon et le cerf

Lectures passées

Lectures nouvelles

Arwen avec le cheval et tous les équidés

Lectures passées

Lectures nouvelles

Alice avec le bouc et la chèvre

Lectures nouvelles

  1. Saba et la plante magique, Yann Dégruel
  2. Les trois boucs, Jean-Louis Le Craver

Purplevelvet avec les serpents et autres bestioles à écailles

Lectures passées

Lectures nouvelles

  1. Harry Potter et la chambre des secrets, J. K. Rowling
  2. Prodigieuses créatures, Tracy Chevalier
  3. Démons, Royce Buckingham
  4. Bilbo le Hobbit, JRR Tolkien

 XL avec le rhinocéros

Lectures nouvelles

  1. La colère du rhinocéros, Christophe Ghislain
  2. Pythagore – Opération Rhino, Derib et Job
  3. Hip Flask, Richard Starkings, Joe Casey et Ladronn

Elodie avec le loup

Lectures passées

Lectures nouvelles

  1. C’est pour mieux te manger, Françoise Rogier
  2. Loup, Olivier Douzou
  3. Le petit chaperon chinois, Marie Sellier
  4. Apprends à t’habiller avec P’tit Loup, Eleonore Thuillier
  5. C’est pas moi, c’est mon loup, Mily Cabrol

Cerna-Gauthier avec le chat

Lectures passées

Lectures nouvelles

Lauraline avec l’âne

Lectures passées

  • Peau d’âne, Charles Perrault
  • Les mémoires d’un âne, Comtesse de Ségur
  • Le livre de l’âne
  • Les six compagnons et l’âne vert, Paul-Jacques Bonzon
  • L’âne d’or ou les métamorphose, Apulée
  • Voyage avec un âne dans les Cévennes, Stevenson
  • Voyage avec mon âne sur les chemins de Compostelle,Guy Du ffroy
  • Il est un beau chemin semé d’épines et d’étoiles, Jacques Clouteau

Lectures nouvelles

  1. Trotro le petit âne, Bénédicte Guettier
  2. Le petit âne blanc, Joseph Kessel.

Eve-Yeshe avec le chien et le loup

Lectures passées

Lectures nouvelles

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Billevesée du dimanche #43

Restons dans les chats, voulez-vous ? Pourquoi l’argot les a-t-il surnommés les greffiers ?

Pour certains la référence aux griffes est évidente. Et j’y souscris pleinement ! Pour d’autres, c’est en raison du poitrail blanc de certains chats qui rappellent le plastron que portaient les greffiers par-dessus leur robe noire.

Mais clairement, mon chat manque de rigueur et d’organisation pour un quelconque travail administratif ! Joli plastron, mais quelle feignasse !

Alors, billevesée ?

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Deux officiers du roi

Roman d’Alexander Kent. Sous-titre : Une aventure de Richard Bolitho.

1774, à Plymouth. Richard Bolitho et Martyn Dancer sont deux aspirants de la marine anglaise. Ils attendent l’examen qui les confrontera à un jury d’officiers. À la clé, le précieux brevet d’officier. Les deux amis s’en tirent avec les honneurs. Richard Bolitho se voit confier la responsabilité de convoyer un nouveau navire, le Hotspur, et de le livrer à son commandant. Bolitho doit aussi surveiller les premiers pas d’Andrew Sewell, jeune aspirant inexpérimenté.

Dans les eaux de la Manche, le Hotspur croise les débris d’une épave sabordée et décide de prendre en chasse le navire naufrageur et contrebandier. La nouvelle frégate fait ses premières armes et Bolitho découvre ce que recouvre la place d’officier. « On finit par s’endurcir… ou par disparaître dans l’eau. » (p. 142)

Comme le dit le sous-titre, il s’agit d’une aventure d’un personnage récurrent. Les premiers chapitres rappellent quelques évènements et personnages passés. Et la fin de ce court roman laisse présager d’autres aventures sur les mers. Voilà un très bon roman pour les jeunes lecteurs : entre officiers et marins, c’est un plaisir de suivre le périple d’un fier navire du roi. Et Bolitho est un héros très sympathique, vertueux et courageux. De quoi faire briller les yeux des jeunes garçons et, pourquoi pas, des jeunes filles.

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Moi, Tituba sorcière…

Roman de Maryse Condé. Sous-titre : Noire de Salem.

Tituba est le fruit d’un vol commis sur un bateau négrier qui faisait voile vers La Barbade. Née de la souffrance, elle grandit dans la souffrance en perdant sa mère très tôt. Et la vieille esclave qui la recueille ne la rassure pas quant à son avenir : « Tu souffriras toute ta vie. Beaucoup. Beaucoup. Mais tu survivras ! » (p. 21) Man Yaya lui apprend les plantes, les forces de la nature et toute une connaissance mystérieuse. Nantie d’un tel pouvoir et accompagnée de ses invisibles, Tituba veut faire le bien et soigner les hommes. Mais ce que l’on attend d’elle, c’est une force qui se déploie dans la haine. « On semblait me craindre. Pourquoi ? Fille d’une pendue, recluse au bord d’une mare, n’aurait-on pas dû plutôt me plaindre ? » (p. 27) Tituba est une sorcière et, pour les hommes, c’est toujours le signe d’un pouvoir malfaisant.

Son destin est scellé quand elle rencontre le beau John Indien, un nègre qui accepte sa condition. « Le devoir de l’esclave, c’est de survivre. » (p. 41) Mais Tituba est fière et elle est prête à défendre sa vie contre ceux qui la menacent. Elle est rachetée par Samuel Parris, le nouveau pasteur de Salem. Il est donc l’heure pour elle de quitter sa chère Barbade et de découvrir le froid et le puritanisme de l’Amérique. « Imaginez une étroite communauté d’hommes et de femmes écrasés par la présence du Malin parmi eux et cherchant à le traquer dans toutes ses manifestations. » (p. 104) Très vite, du fait de sa couleur de peau, on accuse Tituba d’être liée au Diable et d’avoir ensorcelé des enfants. Son nom s’inscrit alors dans la triste histoire des sorcières de Salem.

Au terme du procès, les archives perdent la trace de Tituba. « Je cherche mon histoire dans celle des Sorcières de Salem et ne la trouve pas. » (p. 230) Maryse Condé lui invente une fin en la renvoyant à la Barbade au milieu des révoltes des esclaves. L’auteure fait parler Tituba pour qu’elle se rende justice. Ces mémoires imaginaires, c’est le récit d’un combat perdu contre l’ignorance et la peur de l’inconnu. J’avais lu ce roman à l’université dans le cadre d’un cours sur la francophonie et la créolité. J’en avais gardé un souvenir vague, mais enchanté : cette relecture est donc un plaisir.

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Billevesée du dimanche #42

Aujourd’hui, je vous parle de ma courge préférée, la courge butternut, également appelée Doubeurre. Sous sa forme rigolote, elle cache une chair très ferme et beaucoup plus douce que d’autres courges. Je la cuisine essentiellement en soupe. Voici ma recette.

INGRÉDIENTS :

– une courge butternut, ou plusieurs si vous êtes nombreux ou si, comme moi, vous aimez préparer en grande quantité et stocker ;

– de l’eau ;

– et c’est tout !


Je pèle la bête (faut être costaud) : oubliez l’économe, allez-y au couteau et coupez la peau après avoir débité la courge en morceaux et retiré les graines. Une fois que mes quartiers sont pelés, je les mets dans une marmite et je recouvre d’eau. J’ajoute parfois une patate. Ensuite, cuisson le temps que la chair devient suffisamment molle pour être mixée. Les gourmands peuvent ajouter de la crème fraîche. Mais moi, j’aime cette soupe telle quelle, sans ajout. Elle a un goût divin ! Quelques noisettes concassées pour apporter du croquant et vous avez une soupe qui décoiffe !

Alors, billevesée ?

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Notre agent à La Havane

Roman de Graham Greene.

Jim Wormold est un citoyen anglais installé à La Havane. Son petit commerce d’aspirateurs ne génère pas beaucoup de bénéfices et ne lui permet pas de payer toutes les extravagances et les désirs de Milly, sa fille de 17 ans. Alors, quand l’agent Hawthorne lui propose de rejoindre les services secrets britanniques, Wormold voit la possibilité de gagner rapidement de l’argent. De son côté, Hawthorne est persuadé d’avoir installé un espion de premier ordre dans une zone qui commence à s’agiter, à la veille de la révolution castriste. « Il nous faut notre agent à La Havane, n’est-ce pas ? Les sous-marins ont besoin de fuel. Les dictateurs se rapprochent les uns des autres. Les gros entraînent les petits. » (p. 51)

« La Havane pourrait devenir un endroit clé. Les communistes vont toujours là où il y a des troubles. » (p. 75) Wormold va tirer parti de cette terreur rouge et de cette obsession du renseignement qui marque la Guerre froide. Il envoie à Londres de faux rapports et de fausses informations. Il s’entoure de faux agents et arrive à faire prendre les plans d’un aspirateur pour une formidable machine de destruction. De messages codés en microfilms dissimulés au dos de timbres, Wormold monte une improbable affaire que Londres prend très au sérieux. Ce que le marchand d’aspirateurs n’avait pas prévu, c’est que ses élucubrations prendraient une réelle épaisseur et que de vrais méchants se mettraient à ses trousses et à celles de ses proches.

Voici un roman d’espionnage d’un ton très original : je n’aime pas l’agent 007 parce qu’il se prend trop au sérieux. Avec Graham Greene, c’est plutôt James Bond au pays des barjos ! Les services secrets britanniques sont loin d’être une organisation rodée et ses membres sont bien bouffons parce que trop tatillons. C’est donc un roman burlesque que Graham Greene propose, avec un faux air de vaudeville quand les portes claquent pour dissimuler des agents fantômes. J’ai passé un bon moment avec cet agent secret pas comme les autres, mais je ne suis pas certaine que ce roman me marquera longtemps.

Du même auteur, je vous conseille surtout Le troisième homme.

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Son excellence Eugène Rougon

Roman d’Émile Zola.

Voici Eugène Rougon que l’on avait croisé dans La Curée.  De retour à Paris, on fréquente l’Assemblée nationale et les couloirs de tous les ministères. Eugène Rougon y est tout puissant, mais il vient de donner sa démission du Conseil d’État. « J’étais résolu depuis longtemps à abandonner la haute situation que je devais à la bienveillance de l’empereur. » (p. 43) Patiemment, il attend que l’Empereur lui redonne sa faveur. En attendant, le Tout-Paris se presse chez cet homme colossal qui semble de taille à faire plier la politique impériale. Chacun s’accorde à dire que Rougon ira loin. « Le jour où Rougon quittera le Conseil d’État, ce sera une perte pour tout le monde. » (p. 12) Le seul défaut de Rougon, c’est d’être célibataire, mais l’homme se défie des femmes.

Ce que Rougon n’avait pas prévu, c’est que son plus grand adversaire serait Clorinde, jeune Italienne demi-mondaine qui cherche un mari. Rougon la surnomme Mademoiselle Machiavel et il s’épuise à la conquérir. Finalement, il la marie à un député et épouse une autre femme. Et c’est là que Clorinde a cette phrase prophétique : « Vous vous croyez plus fort que moi… Vous avez tort… Un jour, vous pourrez avoir des regrets. » (p. 147) D’abord, Rougon croit être libéré de l’emprise de la jeune femme, bien à l’aise dans son nouveau fauteuil de ministre. Mais sa chute viendra d’ailleurs, de cette bande d’amis à qui il distribue faveurs et positions. Orgueilleux despote qui voulait régner sur la France, Rougon risque de perdre l’oreille de l’Empereur. « Vous avez trop d’amis, monsieur Rougon. Tous ces gens vous font du tort. Ce serait vous rendre un service que vous fâcher avec eux. » (p. 349) Rougon se relèvera-t-il de la disgrâce qui se profile ?

Après un début un peu longuet – il faut dire que la politique m’ennuie tellement ! –, je me suis régalée avec ce nouveau volume de la saga des Rougon-Macquart. Émile Zola décortique les mœurs politiques et fait la peinture cynique d’un homme dont les ambitions et la rage de pouvoir font la gloire et le malheur. Eugène Rougon est le digne fils de Félicité Rougon qui règne sur Plassans : ils sont tous deux avides de pouvoir et prompts à saisir toutes les occasions qui leur donnent l’ascendant sur le commun des hommes. On navigue, avec plus ou moins de houle, dans un univers d’intérêts, d’affaires en cours, d’alliances, de promesses et de passe-droits. Dans ce monde très parisien, Rougon a des restes de bourgeois monté de la province. Il attend de son mariage qu’il lui donne une situation. « Depuis longtemps, il avait envie d’un intérieur bourgeois qui fût comme une preuve matérielle de sa probité. » (p. 151) Mais Rougon se débat et veut repousser les frontières du pouvoir. Comme son frère Aristide qui se régalait de détenir tout Paris, Eugène ne vit que pour être plus puissant que les puissants.

Je ne peux m’empêcher de penser qu’Émile Zola, sous le portrait féroce qu’il fait du politique, avait une tendresse pour l’homme. Le personnage est effrayant, mais je l’ai trouvé également attendrissant : il a la rage des anciens faibles et des anciens pauvres. Certes, il manœuvre odieusement, mais je l’ai trouvé superbe et d’une franchise inaltérable : il ne cache pas ses ambitions et il ne plie pas. Encore un très bon épisode, même s’il ne fait pas partie de mes préférés.

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Billevesée du dimanche #41

Une expression m’a longtemps intriguée quand j’étais enfant : « dès potron-minet ». J’étais curieusement persuadée qu’il s’agissait de mettre un chat dans un chaudron et de le faire cuire. D’où une certaine hantise quand je voyais cet adverbe de temps dans une phrase !

J’ai fini par ouvrir un dictionnaire et j’ai été bien rassurée. Voilà ce qu’en dit le Wiktionnary, qui hésite entre deux sens.

  • La locution d’origine (1640) était dès le poitron-jacquet (dès l’aube). Elle était composée de l’ancien français poitron, du latin vulgaire posterio (arrière-train, cul), accompagné de jacquet, nom de l’écureuil. Elle signifiait donc littéralement « dès que l’on voit poindre le derrière de l’écureuil ».
  • Du bourguignon, pauitrou-jaiquai, potrou jacquet, de grand matin ; dès le paître jacquet. On a dit que potron signifiait le petit, et que la locution signifiait : le petit du minet (chat) ou du jacquet (nom de l’écureuil en Normandie). Il est vrai que jacquet signifie écureuil ; mais cela n’explique pas le sens de la locution. La vraie leçon est dès le paître au jaquet, au minet, ou dès le paître jacquet, c’est-à-dire dès le moment où le chat, l’écureuil va au paître, c’est-à-dire de grand matin. Patron en est une singulière corruption.

Alors, billevesée ?

Non, ce n’est pas le derrière de mon chat…

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Nouvelles contemporaines – Regards sur le monde

Recueil de nouvelles de Delphine de Vigan, Timothée de Fombelle et Caroline Vermalle.

Delphine de Vigan

Comptes de Noël

C’est l’histoire d’une petite fille très intelligente. « Je donnerais tous les livres pour être comme les autres, dans cette innocence, […] je donnerais tous les livres pour croire encore au Père Noël. » (p. 10) Oui, c’est Noël. Mais papa n’est plus là.

Le style de cette nouvelle peut agacer : c’est une enfant qui parle et le trait est parfois un peu forcé. Mais c’est une jolie histoire sur un petit miracle de Noël.

*****

Timothée de Fombelle

Ces chapitres sont si courts qu’ils passent en un souffle, que ce soit l’auteur qui se raconte ou qu’il raconte les autres. Toujours une émotion à portée de ligne et une sagesse très actuelle. « Le don n’est pas un geste du cœur, c’est l’affirmation d’une dignité. » (p. 32)

J’ai été très émue par ces textes, comme devant des esquisses, des promesses qui laissent l’esprit vagabonder vers des horizons infinis.

*****

Caroline Vermalle

Il y a d’abord un manège sous la pluie et deux hommes qui ont une discussion qui semble infinie, éternelle. Le portrait d’une vieillesse émouvante dissimule souvent l’image d’un enfant avide d’amour.

Il y a ensuite ce déménageur si émouvant dans ses maladresses de père, si avide de bien faire. « Pour connaître les goûts de Cindy Kpop, il fallait être son ami. Hélas, il n’était que son père. » (p. 82) Ce père-là, il prend à bras le corps ce qui lui faisait peur et il se donne à fond pour sa fille.

Deux textes d’une grande finesse et d’une profonde justesse qui parlent de familles simples, puissantes et belles dans leurs douleurs. Ces deux nouvelles ont la douceur et le piquant de L’avant-dernière chance, roman de l’auteure que je vous conseille.

Un grand merci à Caroline Vermalle qui m’a proposé de recevoir cet ouvrage.

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La lettre qui allait changer le destin d’Harold Fry arriva le mardi…

Roman de Rachel Joyce.

Un matin, Harold Fry reçoit une lettre de Queenie Hennessy. Elle lui apprend qu’elle est atteinte d’un cancer incurable et le remercie pour son amitié. Harold n’a pas eu de nouvelles de Queenie depuis des années. Sur un coup de tête, il décide de lui rendre une visite. À pied. Mais Queenie est hospitalisée à plus de 800 km.  « Harold pensait à ce qu’il avait écrit à Queenie. Il n’avait pas trouvé les mots justes et il avait honte. » (p. 19) Le vieil homme espère trouver les mots en marchant. Surtout, il espère que son voyage sauvera sa vieille amie. « Je vais marcher et elle va vivre. Je vais la sauver. » (p. 34) Comme les vœux des enfants, cette promesse emplit le périple d’Harold à travers l’Angleterre.

Restée seule, son épouse Maureen s’inquiète du départ spontané d’Harold. Même si leur couple est fragile et sans épaisseur depuis des années, la présence d’Harold était une évidence. Maureen s’adresse alors à leur fils, David, qui semble soutenir le projet de son père. Tout au long de sa marche interrogative, ce dernier revient sur lui-même et son passé. À mesure qu’il avance, il se souvient et il regrette. « Pendant que je marchais, dit-il, je me suis souvenu de tellement de choses ! Des choses que j’ignorais avoir oubliées. » (p. 352) Harold Fry se sent coupable de bien des choses, notamment d’avoir abandonné Queenie, David et Maureen. La fatigue et les douleurs de la marche sont des mortifications qu’il accepte et qu’il intègre à son curieux pèlerinage à travers le pays.

Harold fait de nombreuses rencontres qui donnent du sens à son voyage. « Il comprenait que dans sa marche pour racheter les fautes qu’il avait commisses, il y avait un autre voyage pour accepter les bizarreries d’autrui. » (p. 108) Son entreprise obstinée devient un fait divers qui le précède dans les villes qu’il projette d’atteindre. Ah, il semble bien loin le vieux retraité discret. « Il avait toujours été trop anglais ; autrement dit, il se trouvait ordinaire. Manquant de relief. » (p. 161) Harold Fry est-il un vieux toqué ? Probablement, mais il est ouvert à la sagesse et il comprend que, bien souvent, on ne peut que se sauver soi-même.

Le titre original du roman est The Unlikely Pilgrimage of Harold Fry. Je le trouve bien plus parlant que le long titre français. Il est surtout plus facile à garder en mémoire. Ce fut une lecture plaisante, divertissante, mais sans grand enthousiasme. Le mystère qui entoure David est assez limpide et la révélation finale est assez maladroite. Harold Fry est un personnage attachant, mais je me suis rapidement lassée de ses ressassements mornes. Le roman m’a rappelé le film de David Lynch, Une histoire vraie. Et j’ai une nette préférence pour le film. Voici une lecture dont je ne garderai pas grand-chose, si ce n’est une envie certaine de découvrir l’Angleterre.

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La femme immortelle

Pierre Alexis du Ponson du Terrail.

À un dîner donné par Philippe d’Orléans, régent du royaume de France, le marquis de la Roche-Maubert fait un curieux récit. « Vous verrez que la femme vampire n’est point une fable. » (p. 12) Étant jeune, il s’était épris d’une femme vampire qui a fini sur le bûcher. Mais voilà que 60 ans plus tard, le chevalier d’Esparron aime la même femme. Cette goule est donc immortelle. Mais son attirance pour le sang ne lui sert pas à assouvir sa faim, mais à mettre en œuvre un des plus grands mystères de l’alchimie. « Quand on est aussi belle que toi, on a du sang tant qu’on veut. » (p. 117)

Apprendre que sa mystérieuse amante est toujours vivante ravive les sentiments amoureux du vieux marquis. Il est déterminé à la retrouver, à la reconquérir et à l’épouser. Pour ce faire, il est prêt à retourner tous les souterrains de la ville. « La curiosité est malsaine par de certaines nuits où il fait clair de nuit. » (p. 157) Mais il n’est pas le seul dont le passé a été marqué par cette belle jeune femme sur qui le temps semble glisser sans mordre. Il s’agit d’un noble allemand, le prince margrave de Lansbourg-Nassau. Il est en visite à Paris et a fait savoir qu’il épousera la plus belle des jeunes filles qu’on lui présentera.

Ce que les deux hommes ne savent pas, c’est que la femme immortelle est de retour pour assouvir une vengeance vieille d’un siècle. « Pour que la vengeance donne des fruits, il faut la semer avec une charrue d’or. » (p. 383) Il faut donc beaucoup d’or à cette femme vampire qui fait frémir tout Paris.

Ce roman de cape et d’épées est saupoudré de fantastique et de surnaturel. Les aventures rocambolesques (notez l’hommage à un autre personnage de l’auteur) mettent en œuvre des souterrains sous la Seine et un suspens de très bon niveau. Ici, les hommes marchent le nez dans leur manteau et les femmes portent des masques. Comme dans tout bon roman de cape et d’épées, il y a un chevalier gascon au verbe haut et des amours contrariées. On évoque aussi certains personnages historiques et on se plonge avec plaisir dans un Paris d’Épinal qui grouille de brigands et d’aventurières. Mais attention, l’épilogue remet tout en question. Croirez-vous cette terrifiante histoire de vampire ? Voilà une lecture parfaite pour frissonner juste ce qu’il faut pour Halloween.

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Le monde infernal de Branwell Brontë

Roman de Daphné du Maurier.

Dans la famille Brontë, je voudrais les sœurs : Charlotte, Emily, Anne. Je voudrais le frère : Patrick Branwell. Pioche… C’est un peu ce que la postérité garde comme souvenir de la fratrie des Brontë. On parle bien peu de Patrick Branwell Brontë, mort à 31 ans. Daphné du Maurier décide de sortir du néant ce garçon si prometteur. Et l’on sent bien tout l’intérêt qu’elle porte à la fratrie et aux œuvres des Brontë.

Élevé avec ses cinq sœurs dans le presbytère de son père, il souffre de la mort de sa mère et de deux de ses sœurs. Son enfance est durablement marquée par la perte et la peur de la séparation. Constamment entouré des soins inquiets de son père et de sa tante, le jeune Branwell grandit en maître absolu sur ses sœurs, même les aînées. Dans leurs jeux d’enfant, ils sont Brannii, Tallii, Emmii et Annii et ils prêtent vie à des soldats de bois qui seront les héros des histoires qu’ils ne cesseront d’inventer. Les quatre enfants font montre d’une précocité intellectuelle étonnante et d’une imagination débordante. Dans le secret de la salle d’étude, ils inventent le monde d’Angria. Tout ce qu’ils entendent ou voient est transformé et déposé dans leur monde imaginaire. Pas un voisin n’échappe à la puissante reconversion de leur plume.

Mais si les trois sœurs sauront mener leur vie en parallèle de cet univers fantasmagorique, Branwell se laissera dévorer par sa création littéraire et par son personnage principal, le superbe Alexander Percy. « Branwell se glissait à volonté dans l’enveloppe de ce personnage romantique qui répondait à ses secrètes aspirations. » (p. 97) Plus faible que ses sœurs, le fils Brontë est incapable d’acquérir et de conserver son indépendance. Ses carrières de portraitiste, de précepteur et même de chef de gare avortent toutes et le jeune homme se complaît dans un monde où il est une éternelle victime. En réalité, Branwell est rongé par un déséquilibre nerveux que ne corrigent pas les excès d’alcool et de laudanum. Lentement, il se détruit et détruit tout son potentiel créateur. Son talent se nécrose sous les effets de la névrose. Finalement, il semble bien que Branwell Brontë soit le seul auteur de sa déchéance et l’acteur de sa propre malédiction. « Il aspirait à savourer dans la réalité les joies de son monde infernal. » (p. 200) Patrick Branwell Brontë est un génie qui s’est sabordé, incapable de supporter le succès de ses sœurs. Son esprit trop vif était prisonnier d’un corps marqué par les vices.

Ce monde est infernal au sens dantesque puisque Branwell est prisonnier de cercles infinis de terreur et de douleur. Mais il l’est aussi au sens des bibliothèques : un enfer, c’est la réserve où sont conservées les œuvres mises à l’index parce que jugées odieuses ou immorales par une société. Les enfants Brontë avaient « le sentiment étrange, à demi conscient, que le produit de leur imagination avait quelque chose de répréhensible, qui encourrait la réprobation, le blâme de tous ; ils baptisèrent leur création “le monde infernal”, comme si Satan lui-même en était le Grand Instigateur. » (p. 47) Les chroniques angrianes sont-elles un enfer littéraire ? Sans aucun doute puisque personne n’est autorisé à les lire, si ce n’est leurs auteurs.

Au-dessus de la fratrie plane la figure du père. Mr Brontë est à la fois Papa, bon et protecteur, mais aussi le Pasteur, sévère et rigoriste. L’amour se mêle de terreur et, plus tard, de rejet quand Branwell rompt ses liens avec la religion. Et dans la solitude de sa chambre à l’étage, le jeune homme maudit les siens et les accuse de ses faiblesses et de ses échecs.

Le monde infernal de Branwell Brontë n’est pas une biographie, ni une fiction. Je le vois comme un roman familial, une chronique historique et littéraire, mais aussi une bibliographie et un palimpseste familial puisque chaque personne réelle dissimule un personnage à venir dans une des œuvres des sœurs Brontë. Le travail de Daphné du Maurier est colossal : elle compare les poèmes du frère et des sœurs, opère de judicieux recoupements entre les textes de chacun. L’influence des uns et des autres est donc palpable, à un moment ou un autre, dans la production finale des sœurs Brontë. Est-il si vain de penser qu’Emily n’a pas écrit seule Les hauts de Hurlevent ? Et les amoureuses malheureuses de Branwell ne sont-elles pas la source d’Agnes Grey ? Si vous ne croyez pas à cette intertextualité familiale, vous apprécierez en tout cas les poèmes présentés en anglais, puis traduits en français, ou la correspondance des Brontë, disséminée dans le texte de Daphné du Maurier. Ce document est rigoureux, très exigeant, très riche également. C’est enfin l’hommage passionné d’une lectrice qui a tenté de repousser les ombres de l’oubli du front froid d’un jeune homme perdu. Et c’est sans aucun doute une de mes meilleures lectures de ces derniers mois.

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Billevesée du dimanche #40

La banane ! Fruit parfaitement délicieux avec du chocolat. Fruit que j’arrive très rarement à manger en entier, ou alors il faut que la banane en question ne soit pas trop grosse (ou bien qu’il y ait beaucoup de chocolat, mais c’est un autre sujet…) J’en ai pourtant mangé un sacré paquet à Mayotte : bouillie, grillée ou frite. D’ailleurs, les Mahorais ne mangent pas la banane crue, mais toujours cuite, comme un légume d’accompagnement. Imaginez un peu la tête des mamas qui ne comprenaient pas que je voulais seulement acheter des bananes mûres pour les manger tout de suite !

La banane, en créole, est désignée sous le nom de « figue » aux Antilles et à la Réunion.  Salade de fruits, jolie, jolie, jolie…

Alors, billevesée ?

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Neige

Premier roman de Maxence Fermine.

Yuko ne sera pas soldat. Il ne sera pas non plus prêtre. Au grand dam de son père, Yuko décide d’être poète. Il n’écrira que des haïkus. « Il décida de n’écrire que pour célébrer la beauté de la neige. » (p. 19) Remarqué par le poète officiel de l’empereur, Yuko demande sept ans pour se perfectionner avant de rejoindre la cour. Il part suivre l’enseignement du vieux maître Soseki pour apprendre l’art des couleurs. Le poète est un ancien samouraï, mais il est surtout musicien, calligraphe, danseur et peintre. Et aveugle. Entre l’élève et le maître, il y a une femme blonde qui marchait dans les airs et l’obsession de la blancheur. « La neige est un poème. » (p. 13)

Le roman de Maxence Fermine est court, presque lapidaire. Mais il aurait été de très mauvais goût d’écrire un pavé pour parler de haïkus et de neige. L’auteur mêle poèmes de neige et légende japonaise avec beaucoup de finesse et de légèreté. « C’est cela, un haïku. Quelque chose de limpide. De spontané. De familier. Et d’une subtile ou prosaïque beauté. » (p. 30) Mais cette légèreté tourne finalement à l’évanescence, voire à l’inconsistance. La poésie est superbe, ciselée, aérienne. Mais finalement, tout cela manque de corps, c’est trop impalpable. Je ne sais pas ce que je retiendrai de cette lecture. Peut-être un des haïkus liminaires, cités comme des hommages aux maîtres du genre : « La peau des femmes / La peau qu’elles cachent / Qu’elle est chaude ! » (p. 30 – haïku de Sutejo) Maxence Fermine célèbre la neige et il le fait avec talent. Mais il y a toujours un rayon de soleil pour faire disparaître la froide mollesse des flocons de l’hiver. En sera-t-il ainsi du souvenir de cette lecture ? À moins qu’il ne faille justement conserver qu’une impression, toute fugace, comme le donnent les meilleurs haïkus.

Cette lecture est en fait une relecture. Si j’ai laissé de côté mon premier souvenir qui était assez négatif, je ne peux pas dire que je suis follement emballée à la deuxième lecture. Certes, tout est très beau, mais il y a un je-ne-sais-quoi d’ennui qui tient pour beaucoup au rythme dodelinant de la narration. La plume de Maxence Fermine manque de vigueur à mon goût.

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La conquête de Plassans

Roman d’Émile Zola.

Marthe et François Mouret mènent une paisible vie de négociants retraités à Plassans. Ils habitent une belle maison de village avec leurs trois enfants, Octave, Serge et Désirée. Vient le jour où Mouret décide de louer le deuxième étage à l’abbé Faujas et à sa mère. Chez les Mouret, on n’est pas vraiment religieux, plutôt athée, voire révolutionnaire. Les premiers temps de la cohabitation sont tendus : Mouret voit d’un mauvais œil la discrétion de son locataire et « la volonté bien nette prise par l’abbé de se tenir barricadé chez lui. » (p. 39) Et partout en ville, on se demande qui est cet abbé et quelles sont ses intentions. « L’abbé Faujas tendit les bras d’un air de défi ironique, comme s’il voulait prendre Plassans pour l’étouffer d’un effort contre sa poitrine robuste. » (p. 30)

C’est dans le fameux salon vert de Félicité Rougon, la mère de Marthe, que l’abbé Faujas révèle ses ambitions. Ce salon, objet des convoitises des Rougon dans La fortune des Rougon, est un panier de crabes où tout Plassans se retrouve. « Les Rougon vous font oublier Paris. On ne se croirait jamais à Plassans, ici, c’est le seul salon où l’on s’amuse, parce c’est le seul où toutes les opinions se coudoient. » (p. 85) Dans le salon vert, les ragots et les médisances vont bon train, mais une conversation peut compromettre une situation. Alors, si tout le monde y est reçu, il faut surveiller ceux qui s’asseyent à côté de vous. Et même si l’on méprise les Rougon pour leur fortune de parvenus, on enrage de ne pas avoir ses entrées dans ce salon.

Après des débuts déplorables dans la bourgeoisie provinciale de Plassans, l’abbé Faujas se rachète doucement une conduite en incitant Marthe à créer une maison pieuse pour les jeunes filles. « Les Mouret, d’ailleurs, étaient devenus l’honorabilité de l’abbé Faujas. » (p. 129) L’épouse Mouret entraîne dans son sillage toutes les matrones de la ville qui se réjouissent d’afficher leurs largesses dans une œuvre sociale. Désormais, c’est à qui s’attirera les bonnes grâces de l’abbé et s’en fera remarquer. En réalité, l’abbé Faujas tisse une toile patiente : il passe par les femmes pour atteindre les maris et amadouer l’évêché. Ses ambitions religieuses n’ont rien à envier aux manigances politiques qui ont agité la ville quelques années plus tôt.

Le changement le plus important est celui de Marthe. L’épouse placide, toute dévouée à sa famille et à la tenue de sa maison, devient soudain enragée de religion, totalement acquise à Faujas qui ne sait comment tempérer les ferventes ardeurs de la ménagère. Impuissant, Mouret voit peu à peu son épouse, sa famille et même sa maison lui échapper, pour passer aux mains de l’abbé, de sa mère et de sa sœur. Et il n’y a pas jusqu’à son précieux jardin, son havre de paix et de bonheur, qui lui est retiré. L’emprise des locataires sur la maison des Mouret semble sans limites et représente la miniature de ce qui se passe à Plassans. Au terme du roman, la ville est complètement acquise à l’Empire, les dernières poches de résistance ont été vaincues. L’abbé Faujas a réussi la conquête de Plassans.

Ce roman peut se lire directement après La fortune des Rougon. On y retrouve Félicité, toujours ambitieuse et accrochée à sa richesse toute neuve. La brouille entre les Rougon, les Macquart et les Mouret, de proches cousins, ne cesse de grossir. Même loin de Paris, la bourgeoisie s’accroche à ses privilèges. Après tout, Plassans aussi offre à ceux qui savent les saisir des opportunités grandioses de faire fortune. « Plassans est une petite ville où l’on s’accommode un trou à la longue. » (p. 83)

Comment expliquer ce grand bonheur qui me saisit chaque fois que j’ouvre un roman d’Émile Zola ? Je retrouve sa plume avec un plaisir fou et la certitude de ne pas être déçue. La conquête de Plassans a tenu toutes ses promesses. Le temps d’un roman, l’auteur m’a entraînée loin du Paris des autres volumes de la saga Rougon-Macquart. Et je reviens enchantée de mon voyage et de la lecture de cette étude acerbe de la société bourgeoise qui sévit en province.

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Opium

Roman de Maxence Fermine.

Pour honorer une promesse faite à son père et pour poursuivre l’héritage familial, Charles Stowe quitte l’Angleterre pour la Chine afin de percer les secrets du thé. De ce « voyage vers l’impossible » (p. 29), il espère rapporter des pieds de thé blanc, ce breuvage si rare, si précieux, si parfumé et si mystérieux, traditionnellement réservé à la seule consommation de l’Empereur. Mais au 19° siècle, la Chine est un pays fermé aux étrangers et la production du thé est contrôlée par Lu Chen, un homme dont personne n’a jamais vu le visage, sauf au prix de la vie. « Au-delà de ces montagnes, il y a de quoi étancher la soif du monde entier. […] C’est là-bas que vit Lu Chen, le véritable maître du thé. Mais il est absolument impossible de le rencontrer. » (p. 65)

Mais Charles Stowe décide de braver l’impossible. Le thé n’est plus sa seule motivation. Il y a Loan, superbe femme tatouée d’une fleur d’opium. Pour elle, Charles est résolu à défier Lu Chen. Auprès d’elle, il découvre l’amour et l’autre secret du thé, un secret politique : l’opium. « L’opium, c’est très doux et terrible à la fois. Un peu comme l’amour. […] L’opium, c’est un amour qu’on ne choisit pas. » (p. 88 & 89) Indifférent au danger, l’Anglais s’enfonce dans les profondeurs du pays et remonte jusqu’aux sources du fleuve vert, désireux de percer tous les secrets du thé. « Toute la Chine est un danger lorsqu’on est un étranger. » (p. 77)

Opium se compose de chapitres très courts, si courts qu’ils ne sont souvent que des pages. Ce découpage et l’histoire m’ont souvent rappelé Soie d’Alessandra Baricco, la subtilité en moins. Le thé est un breuvage d’excellence et un élixir mystérieux. Il aurait mérité d’être le seul sujet de ce roman et non d’être détrôné par l’opium qui a déjà fait couler des fleuves d’encre. Avec ses mille parfums et ses innombrables subtilités, le thé offre une palette gustative et sensuelle que j’aurais aimé voir mise en valeur. Comme Charles, j’aurais aimé comprendre que le goût du thé, c’est « le goût des ennuis » (p. 11), parce qu’avec l’opium, c’est bien trop évident. Finalement, la conclusion est trop facile et le dénouement vraiment attendu. Cela gâche une belle histoire et fait sonner faux et creux une philosophie très banale et sans profondeur.

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Billevesée du dimanche #39

Depuis que Bowie est entrée dans ma vie, dans mon lit, dans mes pulls, dans mon armoire, dans mon sac à main, dans mon frigo (véridique), dans ma douche et à peu près partout où elle a l’idée de se fourrer, elle a mis de l’animation dans mon quotidien. Mais il y a des moments de grâce entre elle et moi, quand la demoiselle monte sur moi et qu’elle pose sa petite tête sous mon cou et ses deux petites pattes sur mes épaules. Et c’est parti pour un bon gros ronron !

Le ronronnement est une vocalisation émise par certains félins, mais les scientifiques sont aujourd’hui encore incapables de définir exactement la provenance de ce son. Pour ma part, quand j’entends celui de Bowie, je me demande comment un si gros son peut sortir d’un si petit minou !

Alors, billevesée ?

Vous avez vu comment je vous glisse une nouvelle photo de Bowie ? Trop forte !

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Tendre Violette

Roman graphique de Jean-Claude Servais (scénario) et Gérard Dewamme (dessins).

Violette est une sauvageonne qui se cache au fond des bois. Elle vit de ce qu’elle cueille et revend au village. Elle gagne juste assez pour acheter du vin et parfois un petit caprice. La jeune femme est libre, sensuelle, gourmande, un peu sorcière. Sous sa folle tignasse blonde, elle a la descente facile, la cuisse légère, la langue bien pendue, mais elle n’est pas méchante. Elle aime vite, elle aime fort, elle aime beaucoup. Elle aime surtout le plaisir et refuse la contrainte. Elle ne se laissera pas enfermer. Il y a bien le baron Julien des Croisettes qui voudrait l’épouser, mais Violette ne supporte pas l’étroitesse des maisons et des esprits bourgeois. « Les oiseaux de la forêt chantent peut-être mieux que les oiseaux du château. » (p. 18)

Forcément, une nature aussi rebelle suscite les ragots et les médisances. « Curieux ! Dans ce pays perdu, il ne se passe jamais rien ! Mais au moindre évènement, il faut que cette chère Violette y soit mêlée ! » (p. 190) Les femmes sont jalouses, les hommes sont fous de désir, mais Violette s’échappe sans cesse. « Un joli coquillage, mais l’intérieur semble pourri. […] Une paysanne ! Elle vit d’herbes sauvages comme une chèvre ! » (p. 49) Violette n’est fidèle qu’à sa liberté et à son chat sauvage, Percevent. Tant qu’elle peut courir pieds nus dans les bois et les champs, et tant qu’elle a une bouteille de vin dans sa besace, elle n’en demande pas beaucoup plus.

Ce roman graphique offre un charmant portrait de femme. Violette est un personnage complexe, pétri d’égoïsme salvateur et de générosité hors norme. J’ai trouvé la fin un peu abrupte, de même que la disparition de son bébé au bout de quelques pages. Toutefois, c’est une œuvre très réussie d’un point de vue graphique : les corps sont très travaillés, entre sensualité et liberté. Le noir et blanc concentre le regard sur le trait et évite une dispersion. La ligne va à l’essentiel, mais elle n’oublie aucun détail. Si la peinture et la critique d’un microcosme campagnard vous intéressent, n’hésitez pas !

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Tess d’Urberville

Roman de Thomas Hardy.

Pour avoir découvert qu’il est le descendant de l’illustre lignée des chevaliers d’Urberville, John Durbeyfield se pique de noblesse et envoie sa fille Tess entre les griffes d’un lointain cousin et véritable séducteur. La jeune fille a plus d’éducation et d’honnêteté que ses parents et se réclamer d’une lointaine parente lui fait horreur. « L’orgueil de Tess lui rendait le rôle de parente pauvre particulièrement antipathique. » (p. 45) Mais pour offrir son aide à sa famille, elle accepte la place que lui propose Alec d’Urberville et subit son odieuse séduction.

Plusieurs années plus tard, pensant avoir expié sa faute et pouvoir mener une vie nouvelle, elle prend une place d’aide dans une laiterie et y rencontre Angel Clare, fils de pasteur qui apprend le métier de fermier. En dépit de l’affection réciproque qui la lie au jeune homme, Tess s’estime inférieure et déclassée et elle met longtemps à accepter la demande en mariage de son amoureux. « Je ne veux pas me donner le grand bonheur de vous promettre d’être à vous parce que je suis sûre que je ne dois pas le faire. » (p. 227) Quand elle se rend enfin aux tendres arguments d’Angel et que le mariage approche, Tess craint que sa faute passée nuise à son bonheur futur. « Je ne me sens pas tranquille. […] Je puis être châtiée plus tard de toute cette chance par un tas de malheurs. » (p. 267) Foncièrement honnête, Tess ne peut s’empêcher d’avouer son ancienne souillure à Angel. Répondant ainsi aux mauvais présages qui ont entouré les noces des deux jeunes gens, l’aveu est un cataclysme. Angel sera long à pardonner la faute et la confession tardive. De son côté, Tess se désole une nouvelle fois de ses errances passées et attend sans espoir le pardon de son époux. « Elle pleura sur l’homme aimé, dont le jugement soumis aux conventions sociales avait causé tous ces derniers chagrins. » (p. 387)

Tess est d’autant plus vertueuse qu’elle a péché et s’est repentie. Elle est une victime expiatoire à plusieurs degrés : elle expie d’abord pour avoir été séduite dans sa jeunesse, mais elle expie également pour toute la lignée des d’Urberville dont elle est pourtant la digne héritière au vu de sa noblesse de cœur. John Durbeyfield et son épouse Joan se piquent de grandeur et échafaudent des projets imbéciles sur des ambitions avinées, grossières et paresseuses qui causent la perte de Tess. « C’est bon d’être parent à un carrosse, même si vous roulez pas dedans. » (p. 33) Contrairement à son père qui se donne du Sir John, Tess mérite cette ascendance glorieuse à qui elle redonne un lustre et une fraîcheur toute naturelle. Le roman célèbre d’ailleurs la nature et la pureté d’avant le progrès et critique fortement les machines agricoles qui dénaturent le travail et dévoient les hommes.

Je voulais lire ce roman depuis longtemps et je ne suis pas déçue. Voilà un très bon roman anglais du 19° siècle sans rapport avec ceux de Jane Austen que j’apprécie beaucoup par ailleurs. La critique de la société y est moins ironique, plus franche et plus sinistre. Tess d’Urberville est une héroïne sacrifiée pour laquelle – c’est très palpable – son auteur a beaucoup d’affection. Impossible de ne pas compatir aux nombreux malheurs de la jeune fille. La plume de Thomas Hardy est solide et puissante. Si la morale distillée tout au long du texte a de quoi agacer par son côté définitif, il faut souligner qu’elle était parfaitement novatrice pour l’époque et c’est bien ce qui a valu à Tess d’Urberville d’être si largement censuré lors de sa publication.

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Gog

Roman de Giovanni Papini. Illustrations de Rémi.

La quatrième de couverture nous met en garde : « N’achetez pas ce livre, vous le regretteriez. » Et si nous ne le regrettons pas, nous pouvons sans aucun doute douter de la bonté humaine.

Gog est un milliardaire excentrique convaincu de la médiocrité des hommes dans tous les domaines. Art, pensée, sentiment, idée, artisanat, tout lui est sujet de dégoût. Gogo voyage beaucoup et rencontre tout ce que le monde compte d’hommes illustres : Gandhi, Henry Ford, Lénine, H. G. Wells, Freud, Einstein et bien d’autres, en dépit de leurs mérites et de leur talent, aucun d’eux ne trouve grâce aux yeux du richissime misanthrope qui se pique de mécénat, mais à qui rien ne convient. « Je ne veux vraiment pas jeter mes dollars par la fenêtre. » (p. 25)

Gog est un atrabilaire amoureux de sa personne exclusive. Le reste du monde l’ennuie et l’agace. Gog honnit tout ce qui n’est pas lui et son égo le pousse à haïr l’humanité tout entière. « Pour moi qui déteste les hommes en général, le simple aspect d’un anthropophage est réconfortant. » (p. 60) Cynique, sadique, machiavélique et mégalomaniaque, le milliardaire est également puissamment convaincu de ses droits et de sa supériorité. « Il y a trois semaines, avec ma Packard, j’ai embouti une vieille femme, et comme sa famille réclamait une indemnité effrontément disproportionnée à la perte – on sait bien quel est le prix moyen des femmes –, j’ai dû faire appel à un bon avocat pour me défendre contre ces exploiteurs de cadavres. » (p. 77) Charmant personnage, n’est-ce pas ? Bien qu’il rencontre des hommes aussi excentriques, aussi marginaux et aussi fous que lui, Gog ne reconnaît en aucun d’eux un égal et se mûre dans une solitude farouche et haineuse. « L’instinct de l’assassinat m’a toujours hanté puissamment depuis ma prime adolescence. » (p. 266)

Mais Gog n’est pas heureux. « Il est incroyable qu’un homme comme moi, pourvu de milliards et dépourvu de scrupules, puisse s’ennuyer. » (p. 103) Blaise Pascal disait qu’un roi sans divertissement est un homme plein de misères. Et Gog mesure l’atroce limite de sa richesse puisque celle-ci ne peut lui offrir d’amusement suffisant pour le sortir de sa torpeur, de son ennui et de son dégoût de la vie. Par certains aspects, cet insupportable héros m’a rappelé Des Esseintes, le personnage de Huysmans dans À rebours.  Il accumule les collections les plus grotesques et tente les expériences les plus loufoques, mais rien ne le distrait jamais.

Les chapitres sont très courts, illustrés d’une miniature liminaire. Les pages sont encadrées d’un liseré noir qui leur donne un air de chronique. Le lieu et la date de chaque chapitre sont clairs, mais le journal n’est pas chronologique. Ce labyrinthe de récits est assez déconcertant et impossible à situer. Je conseille ce texte à ceux que le monde navre sans cesse et qui ne croient pas en l’existence des qualités humaines. Les utopistes et les bienveillants feraient bien de se tenir loin de cet ouvrage à l’humour ravageur. Pour ma part, si j’ai apprécié le cynisme, j’ai fini par être lassée par l’accumulation. Et la dernière page m’a vraiment déçue. Envie de dire « Tout ça pour ça ? » Mais j’en connais à qui ce roman plairait !

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Le labyrinthe du temps

Roman de Maxence Fermine.

L’archimandrite Vassili Evangelisto quitte la Russie en 1803. Il a pour objectif de convertir les peuples d’Arabie. Lors d’une escale à Gibraltar, il fait l’acquisition d’un coffret en bois d’olivier doté de sept serrures, ayant appartenu à Tahar le Sage. Son voyage vers l’Arabie tourne court après un naufrage qui le jette sur une île inconnue où tous les habitants sont endormis. « Un sortilège avait figé et transformé ce lieu en un champ de silence et de stupeur. » (p. 36) L’archimandrite rompt le charme et devient gouverneur de l’île qui répond au nom de Labyrinthe. « L’île, régie par des lois relevant du monde des esprits, semblait vivre dans un enchantement permanent réservant à chacun la part de merveilleux qui le délivrait de la banalité du quotidien. » (p. 61)

De nombreux naufrages rejettent sur l’île des personnages dont la destinée est intimement liée à celle de Labyrinthe. Parmi eux, le général Mendoza et le capitaine Parga qui détiennent les deux autres coffrets de Tahar le Sage. Ainsi réunis, les coffrets permettront d’accéder au trésor de vérité qui libérera l’île de sa malédiction. « Il n’y a aucune issue à Labyrinthe. Tout revient irrémédiablement à son point de départ, tandis que le temps parfois se fige et parfois file vers l’avenir comme une comète. » (p. 159) Labyrinthe est comme une nouvelle Pompéi recouverte des cendres du temps.

La narration rappelle un conte, avec son rythme lénifiant, voire dodelinant. L’histoire est plaisante et bien écrite. Certains de ses traits rappellent la légende de l’Atlantide ou certains textes de Gabriel Garcia Marquez. Mais la morale finale m’a désagréablement rappelé L’alchimiste de Paulo Coehlo et son ton cucul la praline. La philosophie de bazar prend toujours très mal avec moi. Il est dommage que les dernières pages gâchent la teneur de ce court roman.

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Billevesée du dimanche #38

Il y a des expressions qui me font toujours rire. Il faut dire que je suis un public facile et que je suis friande de ce que la langue française peut avoir de fleuri et de cocasse.

L’une des expressions que j’apprécie particulièrement est « avoir le gosier en pente ». Avis aux gens sobres, cela concerne les êtres qui aiment boire, beaucoup boire !

Rien d’autre aujourd’hui, juste un petit rien qui me fait pleurer de rire !

Alors, billevesée ?

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Le glacis

Roman de Monique Rivet. Lu dans le cadre du Prix Océans.

Laure est une jeune professeure de lettres. À 25 ans et alors que la guerre d’Algérie fait rage, elle est envoyée à El-Djond, petit village de l’Oranais. Mais en fait, non, ce n’est pas la guerre. « Ici, on dit les évènements, au cas où vous n’auriez pas remarqué. » (p. 14) Les Arabes battus à mort dans la rue, les fermiers suppliciés, les rafles abusives, la suspicion partout, non, ce n’est pas la guerre, mais ça y ressemble tellement. Partout et sans cesse plane une menace. D’abord diffuse, puis épaisse, elle obstrue l’avenir et étouffe l’espoir. « Et voilà que je suis gagnée par le même sentiment, la même intuition inquiète : je ne verrai pas fleurir les amandiers d’El-Djond. » (p. 46) Rien de tout cela ne finira bien, même si Laure se défend d’être concernée par la guerre qui se joue sous ses fenêtres ou dans la chambre voisine.

À El-Djound, le glacis est une frontière invisible, mais dont le franchissement n’est jamais anodin. « Le glacis, au nord de la ville, c’était une grande avenue plantée d’acacias qui séparent la ville européenne de la ville indigène. » (p. 129) C’est ainsi que le village nègre s’oppose sourdement au village occidental. Personne n’ose dire la ségrégation ou reconnaître les communautarismes, mais les évènements se chargent de faire la répartition. « Quand les loups se déclarent la guerre entre eux, chacun hurle avec sa horde. » (p. 18) Alors le glacis cristallise les haines et les peurs. Loin d’être un vernis précieux, c’est une gangue de rancœur qui ne demande qu’à voler en éclat au premier impact.

Laure s’est liée d’amitié avec Elena, femme médecin, et entretient une relation plus ou moins tendre avec Felipe, un Espagnol qui a fui la guerre civile. Perdue dans ce village et dans ce pays qu’elle déteste, Laure se sent bien loin de Paris et de son cher Quartier Latin. Habituée à la liberté d’un pays libre, elle commet des impairs en voulant conjuguer les peuples et favoriser les rencontres. Alors qu’elle refuse obstinément de prendre parti et de s’intégrer dans cette société scindée, Laure est rattrapée par l’Histoire. Elle ne peut plus rester spectatrice et elle est précipitée dans les rouages pervers d’un pays qui se révolte et qui se referme sur les oppresseurs. Alors que la désinvolture devient coupable et que l’insouciance est victime, Laure comprend qu’elle aurait dû surveiller ses fréquentations et retenir ses paroles. Mais la jeune enseignante était trop pétrie d’idéaux cosmopolites et, surtout, elle était trop lâche pour reconnaître les problèmes qu’elle avait devant les yeux.

Monique Rivet a écrit ce texte dans les années 1950 et ne l’avait jamais publié. J’ai été touchée par son héroïne, jeune femme secouée par un conflit dont elle ne voulait pas, mais qui était celui de tous les Français. Un petit bémol sur l’enchaînement des chapitres : j’ai trouvé le texte assez décousu. Certains personnages apparaissent à peine, mais font les ouvertures de chapitres et on ne les retrouve ensuite que mentionnés. Il y a peut-être trop de personnages : à vouloir présenter un individu de chaque groupe, il me semble que l’auteure a frôlé la caricature. Mais je tiens à souligner la pudeur avec laquelle Monique Rivet a évoqué les crimes des deux camps : elle évoque les tortures et les maltraitances, mais elle maintient un voile nécessaire sur des horreurs dont tout le monde connaît largement les images.

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Le Jourde et Naulleau – Précis de littérature du XXI° siècle

Ouvrage humoristique caustique de Pierre Jourde et d’Éric Naulleau.

Pour me guérir de ma panne de lecture et de mes déceptions de ces dernières semaines, rien de tel qu’un ouvrage peau de vache et langue de vipère. Le sous-titre de cet ouvrage est Le petit livre noir du roman contemporain, mais ses auteurs le présentent comme le volume manquant de la collection des Lagarde & Michard. Ils se posent en archéologues de la littérature, à une époque où celle-ci serait morte depuis des décennies. Leur ouvrage est donc un hommage essentiel : « Les textes qui figurent dans ce recueil, aussi incroyable que cela puisse paraître aujourd’hui, ont bel et bien été écrits, relus, publiés et vendus. C’étaient d’autres mœurs. » (p. 8)

Vous l’aurez compris, le second degré est de rigueur. Si vous en êtes dépourvus, euh… tant pis ! En portant ironiquement aux nues des écrivains controversés, Pierre Jourde et Éric Naulleau pointent ce qui les exaspère dans la littérature contemporaine. Et pour que le lecteur saisisse pleinement ces (nombreux défauts), les deux auteurs trublions proposent à la fin de chaque chapitre des exercices de réécritures ou d’argumentation. « Rétablissez la syntaxe normale. Profitez-en pour réviser les règles de l’indirect libre. » (p. 20)

Devant le succès commercial de Marc Levy, ils estiment qu’« il n’est pas imaginable que tant de millions de gens puissent avoir un goût déplorable. L’histoire le prouve. » (p. 9) Passons à l’autofiction : « Quant à la vacuité, le lecteur de Christine Angot ne perd en effet rien pour attendre. » (p. 27) Pour ce qui est d’Anna Gavalda, les auteurs portent un jugement définitif sur son écriture : « Encore une expression toute faite. Très important pour donner à un texte cette allure sympa, simple et franche qui attire toute de suite la sympathie. Surtout pas la moindre difficulté. Il faut que ça coule tout seul. » (p. 47 & 48) Finissons avec Alexandre Jardin : « Comme beaucoup de grands écrivains, Alexandre Jardin n’a pas de biographie : sa vie est dans son œuvre. » (p. 133)

Et ils en ont autant pour Madeleine Chapsal, Philippe Labro, Philippe Sollers, Bernard-Henri Lévy, Marie Darriessecq, Camille Laurens, Patrick Besson, Florian Zeller, Emmanuelle Bernheim et Dominique de Villepin. Il paraît que c’est snob de dire du mal de Musso et consorts. Mais en quoi est-ce snob de dire qu’on préfère un rumsteck à l’échalote plutôt qu’une tranche de jambon blanc allégé et pauvre en sel ? Pierre Jourde et Éric Naulleau n’ont pas de tels complexes et ils nous rappellent que la littérature doit avoir du corps et qu’il est de bon goût d’être fine bouche.

Voilà un ouvrage très drôle et particulièrement féroce qui rappelle au lecteur qu’il ne doit pas se fier aux sirènes corrompues de la grande distribution éditoriale. Pour ma part, je sais que je peux toujours revenir vers mes chers classiques du 19° siècle. La littérature y est bien vivante.

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